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AccueilL’Atelier du CRH27TémoignagesEntretien avec Jean-Claude Schmitt

Notes de l’auteur

Entretien mené par Solal Abélès le 23 septembre 2021 au domicile de Jean-Claude Schmitt à Paris, transcrit par Marion Abélès et édité par Solal Abélès.

Texte intégral

1Comment a commencé l’aventure de la Société d’étude du féodalisme ?

  • 1 Historien médiéviste allemand, spécialiste d’histoire politique et culturelle. Assistant de recherc (...)

Cela a commencé, je pense, en raison de l’intérêt d’un certain nombre de membres fondateurs pour la théorie marxiste, tout simplement. On est dans les années 1970, pas longtemps après Mai 68 et le marxisme est alors très explicitement sinon une source d’inspiration, ce ne serait pas le bon terme, du moins l’un des cadres théoriques dans lesquels penser le devenir historique. Beaucoup plus qu’aujourd’hui, c’est évident. Il y a une tradition, évidemment ancienne, mais qui dans ces années-là reste très importante, et, en même temps, on a le sentiment que les choses s’étiolent et qu’il faudrait ranimer cette pensée marxiste chez les historiens, mais sur des bases nouvelles. Et c’est en cela que les années 1970 sont importantes, après 68 et avec tout ce qui s’est passé à propos du communisme, du point de vue politique et des relations avec le bloc de l’Est. Évidemment, on a du mal aujourd’hui à imaginer que ces cadres théoriques aient été à ce point dépendants de la situation politique de l’époque, mais il est évident qu’on vivait dans une Europe scindée en deux, que le marxisme était important, que l’historiographie marxiste ou dite marxiste, peu importe comment on la juge, était importante, notamment en Allemagne de l’Est et en Pologne et que, là aussi, se trouvaient des ferments de renouveau qui s’émancipaient de la pensée marxiste traditionnelle. C’était par exemple Bernhard Töpfer [1926-2012]1, que j’ai invité à venir à l’École des hautes études, ce qui a permis à des collègues, comme Alain Guerreau, de le rencontrer. Töpfer faisait partie, en Allemagne de l’Est, de ceux qui prônaient une autre histoire marxiste, qui ne soit pas de type soviétique. Ce débat était très présent.

  • 2 Le Centre d’études et de recherches marxistes (CERM) est un institut de recherches créé dans à l’in (...)
  • 3 Anthropologue, philosophe et militant politique français, spécialiste de l’Afrique occidentale, maî (...)

D’autre part, le renouvellement de la pensée théorique dans les sciences sociales et humaines en termes marxistes venait aussi d’une partie de la branche intellectuelle du parti communiste lui-même, au sein du Centre d’études et de recherches marxistes2. Cela se passait dans une maison qui, je pense, n’appartient plus aujourd’hui au parti communiste mais qui était fort jolie, près de la station de métro Corvisart, sur le boulevard Blanqui. C’est là que pour la première fois j’ai rencontré [Maurice] Godelier [né en 1934], peut-être [Emmanuel] Terray [né en 1935]3 aussi ; eux avaient été, contrairement à moi, encartés jusqu’à une certaine date, mais ils étaient extrêmement critiques. C’est de cette volonté de renouveau de la pensée marxiste, au sein même du parti communiste et de ses élites intellectuelles, qu’il faut tenir compte pour situer la création de la Société d’étude du féodalisme, dont l’initiative revient très largement à Guy Bois, à Alain Guerreau et à quelques autres.

2Vous avez mentionné spontanément le Centre d’études et de recherches marxistes : vous y alliez régulièrement avant les débuts de la Société d’étude du féodalisme ?

Régulièrement non, mais j’y suis allé plusieurs fois.

3C’était dans un cadre militant à ce moment-là ?

  • 4 Le congrès d’Épinay, tenu du 11 au 13 avril 1971 entérina l’union de la gauche socialiste, à l’exce (...)

Ce n’était pas militant, c’était un centre intellectuel. Pour ma part, je n’ai jamais appartenu au parti communiste – j’ai milité à ce moment-là, mais j’étais au parti socialiste au moment d’Épinay4, au moment de l’union de la gauche.

4À l’époque des débuts de la Société d’étude du féodalisme, en 1975-1976, dans quelle situation professionnelle étiez-vous ?

Je suis devenu maître-assistant, c’était le titre à l’époque, à l’École des hautes études en 1976. J’étais chartiste, mais agrégé aussi puisque j’avais passé l’agrégation en 1971, quand j’étais en dernière année de l’École des chartes. Avec Alain Guerreau j’avais suivi dès novembre 1968 le séminaire de [Jacques] Le Goff [1924-2014]. Après avoir passé l’agrégation, comme je ne voulais pas devenir archiviste, j’ai demandé à Jacques Le Goff s’il y avait une possibilité de poste. À l’époque, c’était relativement facile, et il m’a proposé d’entrer à l’École des hautes études, qui était encore la VIe section, sur un poste de chef de travaux agrégé. Donc j’ai été de 1972 à 1976 sur ce poste, puis, lors d’une élection, je suis devenu maître-assistant et en 1983 directeur d’études.

5Vous avez évoqué spontanément Godelier et Terray : vous aviez déjà une formation en anthropologie à ce moment-là, au début de la Société ?

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  • 6 Anthropologue française, directrice d’études à l’EHESS (1980-1999), professeure au Collège de Franc (...)
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  • 9 Anthropologue français, chargé de recherches au CNRS jusqu’en 2014. Auteur notamment de (avec Jacqu (...)

Oui, je peux le dire parce que je pense que c’est en 1976 justement : avec Alain Guerreau et d’autres historiens, dont ma femme [Pauline Schmitt Pantel] qui a terminé sa carrière à Paris I en histoire ancienne, nous étions plusieurs jeunes historiens à être passionnés par l’anthropologie et nous avons suivi ce qui s’appelait la Formation à la recherche en anthropologie, la FRA, à l’École des hautes études (la VIe section étant devenue en 1975 l’École des hautes études en sciences sociales). C’est là que j’ai rencontré Maurice Godelier, Marc Augé [né en 1935]5, Françoise Héritier [1933-2017]6, Françoise Zonabend [née en 1935]7, Martine Segalen [1940-2021]8, Claude Macherel [né en 1943]9, etc. C’est-à-dire tout le gratin de l’anthropologie générale et de l’ethnologie européenne et française. Emmanuel Terray aussi bien sûr. Toutes ces personnes, je les ai connues à ce moment-là, très tôt donc, et je dois dire que le virus ne m’a pas quitté depuis, puisque l’anthropologie a largement orienté dès lors ma démarche d’historien.

6Si je ne me trompe pas, c’était Chiva qui était le formateur principal ?

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  • 12 Anthropologue français, spécialiste d’ethnologie urbaine, chargé de recherches puis directeur de re (...)

Isac Chiva [1925-2012]10, oui, il administrait cela comme beaucoup d’autres choses – vous connaissez sans doute sa biographie qui est extraordinaire. Il a été longtemps sous-directeur d’études à l’École, Marc Augé aussi, d’ailleurs – sous-directeur était un grade qui n’existe plus aujourd’hui. Il faisait beaucoup d’administration ; il s’occupait également de la Société d’ethnologie française qui, elle, existe toujours et qui publie Ethnologie française. Et très tôt j’ai été aspiré par la revue et j’ai fait partie du comité de rédaction. J’ai organisé un numéro de la revue sur le thème « Ethnologie et racisme »11 avec l’ethnologue Jacques Gutwirth [1926-2012]12. J’ai participé assez activement à la vie de la revue et de la société, qui avaient leur siège au Musée des arts et traditions populaires (MATP), où il y avait des laboratoires du CNRS. Martine Segalen, par exemple, qui est décédée récemment, y était rattachée. Les « ATP », comme on disait, étaient un bouillon de culture que je trouvais extrêmement important et intéressant.

7Et ça, c’est donc exactement à l’époque de la Société d’étude du féodalisme ?

Oui, mais il n’y avait aucune contradiction, c’était pour moi tout à fait dans la continuité. L’anthropologie, l’anthropologie générale au-delà de l’ethnologie ou de l’ethnographie de la France ou de l’Europe, c’était vraiment le cadre théorique qui permettait, en somme, de repenser la leçon marxiste. De ne pas seulement penser en termes d’infrastructure et de superstructure, mais de repenser en termes de structure globale les questions de la domination et du poids respectif des conditions matérielles et idéelles. C’est pour cela qu’on était très indépendants par rapport à la pensée marxiste classique. Et je me souviens justement d’une séance de la Société d’étude du féodalisme où j’avais longuement discuté avec Pierre Vilar13. Pierre Vilar [1906-2003]14 – évidemment ce n’était pas le même âge, la même génération – avait une pensée classique. C’était quelqu’un d’extraordinaire, de très impressionnant, mais j’ai essayé de défendre l’idée, en lien avec l’anthropologie, avec ce que disaient déjà à l’époque Godelier ou d’autres – qui parlaient de domination symbolique, du poids de la religion, du poids de l’Église dans la société féodale – que le féodalisme, ce n’était pas simplement une question de droits seigneuriaux mais autre chose, une domination symbolique extrêmement puissante doublée d’une domination matérielle tout aussi pesante. Il me disait « mais comment est-ce que vous voyez cela ? », enfin il n’était pas convaincu du tout. Il avait son propre terrain, il avait sa recherche et son œuvre déjà accomplie qui est tout à fait convaincante et admirable, mais moi j’essayais avec d’autres de penser un peu autrement la société féodale, et, depuis, il y a beaucoup de travaux qui valident l’hypothèse que le symbolique aussi c’est très important. Godelier, évidemment, a été de plus en plus fondamental pour aller dans ce sens, il y a eu aussi beaucoup à prendre chez Marc Augé. Enfin bon, j’ai passé mon temps à lire ce genre de travaux.

8Si l’on revient sur la Société d’étude du féodalisme, cela vous paraît, au moins rétrospectivement, avoir été une expérience de lieu d’échange un peu originale à l’époque? Ou pensez-vous au contraire qu’il y avait de nombreux lieux comme celui-ci et que ce n’en était donc qu’un parmi d’autres ?

Je pense que c’était original, justement par l’inscription volontairement marxiste. Parce que c’était le moment où le marxisme commençait à passer un peu de mode. Il y a eu une réaction positive, en ce sens qu’il s’agissait de renouveler notre réflexion en termes marxistes. Ça, c’était très original et je ne crois pas qu’il y ait eu d’autres lieux, hormis le Centre d’études marxistes dont on parlait et qui allait dans le même sens. Sinon, il y avait beaucoup de sociétés savantes, de sociétés érudites, mais la Société d’étude du féodalisme était la seule dans son genre. Alors évidemment le problème c’est que ça a duré… combien de temps cela a-t-il duré ? Cinq ou six ans ?

9On reviendra là-dessus mais la fin est justement difficile à déterminer. Dans le dernier fascicule dont nous disposons, la dernière séance transcrite date de mars 198215. Il semble toutefois, par recoupement, que la séance avec Töpfer16, dont nous n’avons récupéré qu’un enregistrement audio sans date, a eu lieu en 1983, ce qui en ferait l’ultime séance de la Société. Mais je reviens à ma question. Vous m’avez dit que c’était un lieu original et spécifique en tant que lieu de réflexion marxiste, cependant ma question ne portait pas seulement là-dessus. Si l’on regarde les documents d’archives en cherchant la trace d’influences, on trouve une transcription des discussions entre membres sur les statuts17, avec des références explicites à d’autres sociétés. Et c’est intéressant car en sus de la Société d’histoire moderne et contemporaine (SHMC) et de la Société d’études robespierriste (SER), il est également fait mention de la Société d’histoire ecclésiastique de France (SHEF), à laquelle on ne penserait pas spontanément. En revanche, pas de référence au CERM, ni à un autre groupe auquel on aurait pu penser pour le côté para-institutionnel ou informel, le Groupe de La Bussière : il n’y avait par conséquent aucun lien ?

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  • 20 Historien moderniste français, spécialiste d’histoire religieuse, maître-assistant puis professeur (...)

Je peux vous dire que j’étais aussi au Groupe de La Bussière. En ce qui concerne la discussion sur les statuts, c’était une question juridique, il s’agissait de savoir quel modèle prendre. On fait toujours ça. En France, on a cette magnifique loi de 1901. Mais il faut une assemblée générale, il faut des statuts, alors on cherche des modèles, quelle que soit la société quand on la fonde, on cherche un modèle, on essaie de voir ce qui est le plus proche. La Bussière – je ne sais pas s’il y avait une association, c’est possible – je n’étais pas du tout dans les instances dirigeantes, mais j’y ai participé. Il y avait des colloques, au début de l’été si je me souviens bien ou à la fin de l’été. Enfin, cela durait un certain nombre de jours, loin de tout, c’était très informel, une sorte de « colloque aux champs », si vous voulez, très amical. Il y avait des gens vraiment très bien. Je crois que c’est là que j’ai rencontré Philippe Joutard [né en 1935]18, et il y avait principalement des historiens du catholicisme. La « religion », encore une fois avec des guillemets, m’a toujours beaucoup intéressé, mais en même temps j’ai toujours dit que je ne faisais pas d’histoire religieuse. Mais ces rencontres m’étaient utiles. Il y avait les deux Lebrun, qui sont morts l’un et l’autre aujourd’hui : Jacques Lebrun [1931-2020]19, qui était à l’EPHE et travaillait sur la mystique, un homme chaleureux et très sympathique, et [François] Lebrun [1923-2013]20, qui était à Rennes. Il y avait des spécialistes d’histoire religieuse, comme elle se faisait à l’époque, souvent à l’intérieur d’un diocèse, d’une province, etc. C’était très sympathique, mais ça n’avait rien à voir avec l’histoire du féodalisme.

10Ne peut-on pas néanmoins établir un parallèle, puisque dans le cas de la Société d’étude du féodalisme comme dans celui du Groupe de La Bussière il semble qu’il s’agit d’une pratique para-institutionnelle d’échanges moins corsetés, plus libres ?

Les deux expériences n’ont rien à voir entre elles, mais je pense que je ne suis pas le seul à avoir été des deux côtés… mais je ne vois pas Guy Bois à La Bussière, ça sûrement pas ! Pour répondre vraiment à votre question, je dirais que la période se prêtait à ce genre de choses, c’est-à-dire qu’il y avait une vraie émulation, une vraie effervescence intellectuelle, qui n’existe peut-être plus aujourd’hui. Vous allez me dire que je suis un vieux schnock, que c’est une question d’âge, qu’on est plus sensible à ça quand on est jeune, quand on commence, et qu’après on a l’impression qu’il n’y a plus rien de nouveau sous le soleil. Mais je pense quand même qu’il y a eu des débats extraordinaires, indépendamment de ces deux expériences dont vous parlez. Par exemple, quand Paris VII s’est créé, à Jussieu, il y avait une vraie volonté de renouvellement : l’histoire des femmes, elle est née là – ma femme était à ce moment-là à Paris VII et en a été un bon témoin – et de même il se passait un tas de choses au sujet du Tiers Monde… Tout cela se passait juste après 1970, avec la réforme des universités, l’éclatement des universités, qui a permis que se libèrent ou se créent des lieux entièrement nouveaux, dans l’Université elle-même et aussi en dehors de celle-ci, bien qu’en rapport avec elle, comme c’était le cas à La Bussière pour ceux qui étaient plutôt intéressés par l’histoire religieuse, et puis finalement à propos du féodalisme quelques années après. En tout cas, il y avait dans ces années-là un sentiment de liberté, le désir de faire des choses nouvelles, et j’ai l’impression que ce n’est plus le cas aujourd’hui, du moins de la même manière.

11Pour finir avec la question des influences éventuelles d’autres sociétés, un autre groupe auquel j’ai pensé par rapport à la Société d’étude du féodalisme, ce sont les fameuses réunions du samedi à l’Université de Strasbourg. Ça vous dit peut-être quelque chose, on considère souvent que ça a été le premier lieu des Annales dans les années 1920 : il y avait des réunions de plusieurs groupes interdisciplinaires en sciences humaines et sociales à l’université de Strasbourg tous les samedis. Bloch et Febvre avaient leur propre groupe, qui s’appelait à l’époque le Groupe d’histoire sociale, et ils accueillaient des chercheurs d’autres disciplines. Il se trouve que c’était le samedi, comme la Société d’étude du féodalisme, qu’il y avait un petit bulletin, comme les fascicules de la Société d’étude du féodalisme. Ce n’était pas quelque chose auquel vous pensiez à l’époque ?

Non je ne crois pas, en tout cas je n’en ai jamais entendu parler. Je ne crois pas qu’il y ait eu cette référence. Peut-être que je me trompe, peut-être que certains avaient cela en tête. Est-ce que c’est tellement resté dans les mémoires ?

  • 21 Voir notamment Charles-Olivier Carbonell, Georges Livet (dir.), Au berceau des Annales : le milieu (...)

12C’est en tout cas une mémoire qui a été réactivée à partir du début des années 198021. Dans cette reconstruction rétrospective, ces réunions ont peut-être été un peu mythifiées mais elles témoignaient en tout cas d’une réelle volonté d’échanges interdisciplinaires, ce qui est également quelque chose de très net avec la Société d’étude du féodalisme…

  • 22 Jean-Claude Schmitt, Le saint lévrier : Guinefort, guérisseur d’enfants depuis le xiiie siècle, Par (...)

Oui, mais on n’avait pas le mérite qu’avaient Bloch et Febvre parce que, à notre époque, avec les Annales, avec l’École des hautes études, l’unité des sciences sociales était bien entrée dans les têtes, ou alors il fallait vraiment être totalement rétrograde. Pour les jeunes historiens que nous étions, c’était évident qu’on devait penser dans le cadre des sciences sociales – simplement, après, se posait la question de la pratique : comment fait-on ? Ce peut être un cadre très théorique, on peut se contenter de quelques lectures ; pour ma part, j’ai beaucoup appris de cette FRA dont je vous parlais, parce que le travail y était soutenu, scolaire, avec l’obligation de lectures à faire… Il y avait aussi la possibilité d’un vrai terrain – je l’ai fait par ailleurs pour mon Saint Guinefort22 –, c’était vraiment du concret. De manière générale, l’interdisciplinarité n’était plus mise en cause à ce moment-là, alors qu’au temps de Bloch il fallait l’imposer, c’était une vraie conquête.

13Vous avez l’impression que déjà à cette époque-là, c’est-à-dire dans la deuxième moitié des années 1970, au-delà des déclarations d’intention, il y avait vraiment tant de lieux dans lesquels on pratiquait cette interdisciplinarité ?

  • 23 Historien médiéviste français, archiviste en chef de Meurthe-et-Moselle (1927-1941), conservateur d (...)

Je suis mauvais juge parce que j’ai toujours été dans le berceau des Hautes Études. D’abord mon maître, si on veut parler ainsi [rires], c’était Jacques Le Goff… Je suis aussi passé par l’École des chartes, c’est absolument incroyable la distance qu’il y avait alors entre ces deux institutions ! Vraiment, quand j’y pense… À l’époque, c’était Pierre Marot [1900-1990]23 le directeur : quand je le voyais je pensais voir Michelet. C’était un autre monde à ce moment-là ; après les Chartes ont évolué, beaucoup, et aujourd’hui l’École n’est plus du tout comme ça. C’est difficile d’imaginer à quel point elle pouvait être rétrograde. Pour moi, c’était un bol d’air incroyable d’aller au séminaire de Le Goff et de me dire « c’est évidemment là que j’irai ».

14Est-ce que vous vous souvenez du fonctionnement, au sens matériel, de la Société d’étude du féodalisme ? Les réunions avaient donc lieu le samedi ; vous vous rappelez où ?

À la Sorbonne. N’était-ce pas dans la salle Marc Bloch, au premier étage ? Il me semble que c’était là, mais il se peut que je confonde avec d’autres réunions. Je crois que c’était là, où est-ce que ça aurait pu être ? Vous avez mentionné [Daniel] Tollet [né en 1948], qui s’occupait du domaine slave : il y avait des salles aussi en face de la Sorbonne, de l’autre côté de la rue de la Sorbonne, où se trouvait le Centre d’études slaves. Peut-être qu’on a eu des réunions là, c’est possible. Il faudrait le demander à [Jean-Philippe] Genet [né en 1944] … Le lieu n’est-il jamais mentionné dans les comptes rendus ?

15Le lieu, non. C’est intéressant en soi que ce ne soit pas mentionné…

Je vous dis la salle Marc Bloch parce qu’il y a eu tellement de réunions là avec la Société des historiens médiévistes (SHMESP). En général, les grands-messes des médiévistes, c’est là. Alors je pense que ça devait être là aussi, mais je ne sais pas…

16Il y a une séance très intéressante où vous introduisez la question de l’articulation entre religion, et féodalisme, et dans laquelle se tient un débat sur la place à accorder à la religion24. Il me semble que votre introduction n’était pas une communication orale, mais un rapport que vous aviez remis aux autres participants et qui a servi de base à la discussion. Vous vous souvenez du fonctionnement ? C’était toujours des papiers remis à l’avance qui étaient lus par tout le monde puis discutés ou plutôt un mode mixte, avec parfois quelqu’un qui venait présenter une communication que l’on discutait ensuite ?

  • 25 Jean-Claude Schmitt, « Problèmes religieux de la genèse de l’État moderne », dans Jean-Philippe Gen (...)
  • 26 Jean-Philippe Genet (dir.), Vecteurs de l’idéel et mutation des sociétés politiques, Paris, Publica (...)
  • 27 Jean-Claude Schmitt, « Quelques remarques sur Vecteurs de l’idéel et mutations des sociétés politi (...)

Je pense qu’il y a dû y avoir les deux mais effectivement la pratique du rapport était présente et je crois que Genet a continué cela avec sa vaste enquête sur la genèse de l’État moderne, indépendamment de la Société d’étude du féodalisme, avec des colloques et les volumes qui en sont issus. L’un d’eux concerne d’ailleurs les questions religieuses, où j’ai donné un article dans la ligne de ce que j’avais pu présenter – dont je n’ai aucun souvenir (rires) – à la Société d’étude du féodalisme : essayer de penser le religieux et en même temps l’Église dans le système « féodal »25. Cette pratique, Genet l’a poursuivie effectivement. Il demandait des rapports et ensuite on discutait. Récemment encore, dans le dernier volume, qui date de 202126, il avait donné un texte, un questionnaire, et il a publié les réactions. J’ai fait une réponse assez longue à ce qu’il avait proposé27. Cela dit, il y a dû avoir aussi des interventions orales non précédées d’un rapport écrit préalable.

17Vous vous rappelez qui prenait les notes, qui enregistrait, qui retranscrivait ?

  • 28 Jean-Claude Schmitt a versé une partie de ses archives en 2013 au service des archives de l’EHESS : (...)

Enregistrait, je crois que c’était Guerreau. Qui retapait ? Ce n’était pas moi (rires). Je ne sais pas… Oui, les fameux bulletins. Je regrette de ne plus les avoir ici, je les ai déposés dans mes archives parce que je n’avais plus de place28.

18Oui, mais jusque-là, ces fascicules, vous les aviez gardés…

  • 29 L’ensemble des fascicules de la Société d’étude du féodalisme se trouvent en effet dans ibid., cart (...)

Ah oui, peut-être pas tout, mais ils sont dans mes archives29.

19Vous êtes très présent au début. Sur les dix-huit premières séances, vous êtes là onze fois au moins – puisqu’il y a des traces qui se sont perdues, donc peut-être plus en réalité, et puis, plus du tout. La dernière séance à laquelle vous assistez, en tout cas la dernière séance où il y a des traces de vous, date du 11 octobre 1980, c’est une séance avec Harbans Mukhia [né en 1939]30 sur l’Inde31. Et ensuite vous disparaissez…

Pour la simple raison que j’ai passé l’année 1981 aux États-Unis, à Princeton. Et quand je suis revenu, je pense qu’il n’y avait plus grand-chose.

20Justement, on va maintenant revenir sur la fin. Selon vous, que s’est-il passé ? Vu des archives et des traces dont on dispose quarante ans après, c’est assez surprenant : ça a l’air très dynamique, de rouler très bien, c’est très productif, très stimulant, et puis, très brutalement, ça s’arrête…

  • 32 Alain Guerreau, « Lournand au xe siècle. Histoire et fiction », Le Moyen Âge, 96, 1990, p. 519-531 (...)

Je ne m’étais jamais vraiment posé la question… Encore que si, plus ou moins, parce que souvent je me suis demandé : « Mais dans le fond pourquoi est-ce que ça n’a pas continué ? » D’abord, peut-être, en raison d’une certaine lassitude. Ça faisait quand même plusieurs années déjà qu’on se réunissait, peut-être y avait-il le sentiment à la fois qu’on avait dit ce qu’on voulait dire et puis que ça devait déboucher ensuite sur des travaux personnels... Je pense qu’il y a eu aussi des tensions personnelles assez fortes, notamment entre Bois et Guerreau. Lorsque Guy Bois a publié son livre sur le village de Lournand, Alain Guerreau a écrit un compte-rendu incendiaire, qui proposait une conception autre de la société féodale32. Disons, un côté marxiste plus traditionnel du côté de Bois, très axé sur la question des salaires et des prix, comme dans sa thèse, et puis une réflexion plus globale et anthropologique de la part de Guerreau. Qui a raison, ce n’est pas la question ici, mais pour le ton il est sûr que Guerreau n’a pas été tendre. Bois l’a très mal pris. Il faudrait voir exactement l’année, parce que c’est un peu postérieur à la disparition de la Société d’étude du féodalisme, mais c’est quand même le signe qu’il y avait des tensions et que, dans le fond, le meilleur moyen de ne pas s’étriper, c’était de se séparer à l’amiable, ou en silence, comme ça arrive dans les couples (rires). Voilà, j’ai eu ce sentiment-là. Quelque chose qui s’effilochait, mais qui n’est pas perdu pour autant. Je crois que de toutes les expériences de ce genre – comme celle de La Bussière, qui m’a marqué aussi – il reste toujours quelque chose.

21C’est intéressant : vous m’avez spontanément parlé de la situation géopolitique au début de notre entretien, mais vous ne parlez pas de l’élection de Mitterrand, peut-être parce que vous n’étiez pas en France à ce moment-là. Or, lorsque j’ai posé la même question à Daniel Tollet, à Jean-Philippe Genet et à Alain Guerreau, ils l’ont tous spontanément évoquée comme un tournant : de fait, cela correspond sur le plan chronologique puisque c’est précisément après 1981 que ça se délite, « ça s’effiloche », comme vous dites. Vous seriez d’accord avec cette idée que l’élection de Mitterrand a eu un effet ?

Oui, mais pas directement, pas seulement l’élection de François Mitterand, il y a ensuite la fin de l’union de la gauche, la séparation des communistes et des socialistes. Évidemment, sur le plan des pratiques militantes et sur celui des repères idéologiques, cela a étouffé la force contestataire des communistes, qui se sont fait avaler par les socialistes. Mais les questions d’appartenance politique, entre nous, ne jouaient pas. Je pense que tout le monde était plus ou moins d’accord. L’appartenance politique a peut-être joué pour certains, pour moi certainement pas. En 1981, je n’étais plus au PS. Pour moi, ce n’était pas un enjeu. L’enjeu politique au sens étroit du terme n’a pas pu jouer, dans un contexte où les étiquettes, les appartenances devenaient assez floues. Quand la gauche est arrivée au pouvoir, on s’est dit qu’il y avait autre chose à faire. C’était peut-être ça le sentiment général. On n’était plus dans une période de conquête.

22Et est-ce que ça, justement, ça s’est ressenti sur le plan vraiment intellectuel ? Est-ce que la victoire de la gauche et par conséquent le fait de ne « plus être dans la conquête » a entraîné, au niveau de la réflexion marxiste, un relâchement, avec l’idée que c’était moins important, que l’enjeu était moins fort ?

C’est une question vraiment difficile que vous posez-là, parce que les choses ne sont jamais claires, il n’y jamais un rapport de cause à effet direct. Il faut passer vraiment par le contexte tout entier, on ne peut pas se fixer seulement sur la rupture de 1982-1983, l’année fatidique. Entre ce moment et 1982-1989, où le communisme politique est extrêmement critiqué, et pour cause, c’est l’époque Brejnev, et ça se termine très mal pour le système soviétique. Est-ce que du coup, rétroactivement, on peut dire qu’on était déjà sur cette trajectoire-là ? Et que déjà cela avait des effets alors que ce n’était pas encore abouti ? C’est un peu compliqué d’expliquer rétrospectivement cela en historien… C’est possible, c’est possible, oui.

23En tout cas, c’est tentant, quand on observe ce qu’il se passe à ces dates-là et qu’on voit qu’à partir de 1981-1982, ça se délite et ça finit par disparaître, on fait un peu le lien avec ça. Mais peut-être que c’est un lien un peu forcé, rétrospectif et exagéré…

  • 33 Guy Bois a cependant été recruté à l’Université Paris VII en 1988 seulement.
  • 34 Historien contemporanéiste et militant politique, spécialiste de l’Asie orientale, cofondateur avec (...)

C’est à dire que toute reconstitution durcit les choses et sans doute les fausse. Mais on pourrait dire que de 1968 à 1971 il y a eu, intellectuellement, une phase A. Voilà. Parce que c’est là, avec la question structurelle de l’université, la création des nouvelles universités, la transformation de la VIe section en EHESS – c’est en 1975 donc vous voyez, tout de suite, la cohérence de la chronologie. Cette transformation a été extrêmement importante, je ne parle pas que pour les acteurs qui étaient dedans, également pour l’ensemble de la réflexion en sciences humaines et sociales, c’est un renouvellement énorme. Il y a dans ces années une croissance considérable, une montée en puissance des sciences sociales, qui s’appuie sur des transformations institutionnelles. Donc tout cela a favorisé une expérience comme celle de la Société d’étude du féodalisme. L’éclatement de l’université a fait aussi qu’on était dans des institutions différentes, pas forcément concurrentes, mais où on avait conscience d’interagir d’une institution à l’autre. Nous n’étions pas tous dans la seule université de Paris, comme avant 68. Paris VII a été l’un de ces moteurs, Guy Bois y a été à un moment33. Le milieu des historiens n’était pas du tout homogène à Paris VII, il y avait des gens comme [Jean] Chesneaux [1922-2007]34, qui était mao, qui ne pouvait évidemment pas s’entendre avec un Guy Bois, qui n’avait pas évolué de la même manière. C’était une guerre à couteaux tirés. Ma femme me raconte toujours que, lorsqu’elle a été recrutée à Paris VII [en 1971], grâce à Pierre Vidal-Naquet [1930-2006], qui était à l’École des hautes études et qui y donnait des cours – moi-même j’en ai donné, j’ai été une année chargé de cours à Paris VII, ils n’avaient pratiquement pas de titulaire – la semaine suivante, Chesneaux la rencontre dans un couloir et lui dit « mais je ne t’ai pas vue samedi dernier », elle dit « comment ça ? Où ça ? », et lui : « Mais sur le marché, à vendre La cause du peuple » ; elle lui répond : « Mais moi j’ai été recrutée pour faire de l’histoire ancienne, pas pour vendre La cause du peuple ». C’était comme ça en permanence entre les tiers-mondistes qui étaient très mao et d’autres qui étaient au PC ou d’autres encore qui étaient plutôt du genre PSU.

24Ce que vous avez appelé la phase A, vous la limitez à la période 1968-1971 voire 1975, mais vous n’iriez pas jusqu’en 1981 ?

Il est difficile de donner une date aussi précise. 1981 a été très important politiquement, mais en même temps les cartes commencent tout de suite à être rebattues.

25Certes, mais la période, disons, 1975-1980, vous ne la mettez pas aussi dans la phase A ?

Le temps n’est jamais une seule chose. Il y a une stratification de durées, des rythmes différents. Je n’ai jamais réfléchi vraiment comme cela, simplement à partir d’une date comme celle que vous me donnez. 1982, pourquoi 1982 ? C’est évident qu’il faut penser les évolutions suivant un arc très important, très long. 68 a été pour moi comme pour beaucoup d’autres une vraie rupture, c’est vrai pour toute ma génération et pour moi, les barricades ce n’était pas rien, cela a été une expérience de prise de conscience politique inégalée. Mai 68 a précipité les choses de façon extraordinaire. En 1967-1968 j’étais en première année de l’École des chartes, je faisais en même temps une licence d’histoire-géographie à la Sorbonne, et à partir de l’automne 1968 je suis allé au séminaire de Le Goff. C’était le moment de ma formation et je parle en termes de génération, je n’étais pas le seul. Bois était plus âgé, Genet un petit peu plus, avec Guerreau on avait le même âge… On était tous là-dedans à ce moment-là, un moment essentiel du point de vue de la carrière et aussi de la formation intellectuelle, un moment qui s’inscrit dans une durée personnelle et une durée collective tout à la fois. Par conséquent, c’est très difficile de fixer des barrières chronologiques, mais je crois que ça a été une grande chance de pouvoir se former entre 1968 et 1981, dans cette décennie où tout était à faire sur le plan institutionnel – la réforme des universités et puis la création de l’École des hautes études – sur le plan personnel bien sûr, sur le plan général aussi parce que le contexte politique, avec notamment la question du bloc soviétique, avait bien évidemment des répercussions sur notre pensée critique.

26Dans la façon dont vous présentez ça maintenant, il y a quelque chose de très générationnel – d’ailleurs vous avez employé le terme. Et, justement, vous donnez l’impression que la Société d’étude du féodalisme était à la fois le lieu de rencontre d’une génération en particulier et un lieu de rencontre intergénérationnel, c’est à dire un lieu où on pouvait rencontrer de manière plus libre d’autres générations, un lieu de passage…

  • 35 Le « coup de Prague » désigne la prise de contrôle en février 1948 du gouvernement tchécoslovaque p (...)

Oui, vous avez raison. On voulait absolument poser nos principes, de l’anthropologie, du marxisme rénové, etc. mais aussi les soumettre à la génération antérieure et écouter celle-ci. C’est comme ça que Pierre Vilar est venu. Pierre Vilar, c’était l’historien communiste, l’historien marxiste par excellence. Il a été au PC évidemment mais tout le monde ou presque avait été au PC dans la génération d’après-guerre. Le seul à ne pas y avoir été, c’était Jacques Le Goff, parce qu’en 1948 il était à Prague quand il y a eu le « coup de Prague »35. Il l’a toujours dit et expliqué, quand il a vu ce qu’il se passait, la manière dont les communistes étouffaient la démocratie tchèque, il a compris pour toujours. Mais les autres, dont certains ont ensuite viré à droite, comme Emmanuel Le Roy Ladurie [né en 1929], étaient tous au PC. Mona Ozouf [née en 1931] était au PC, François Furet [1927-1997], aussi bien sûr. Toute cette génération-là était marquée par le marxisme, par le communisme, mais aussi par le marxisme. Et pour beaucoup, comme Pierre Vilar, c’était explicitement une grille de lecture historiographique. Guy Bois fut en quelque sorte le dernier né de cette portée d’historiens marxistes patentés. Nous, on n’était pas des historiens marxistes patentés. Enfin, je parle pour moi ; pour Guerreau, c’était autre chose. La génération précédente, sauf exception rarissime, avait commencé au PC.

  • 36 Sociologue et historien américain, spécialiste de la question des origines du capitalisme. Disciple (...)
  • 37 Il n’a pas été possible de trouver le verbatim de la séance du 20 octobre 1979 où est intervenu Imm (...)
  • 38 Séance du 21/02/1981, soit l’époque où Jean-Claude Schmitt était aux États-Unis. Il n’a pas été pos (...)
  • 39 Historien moderniste français, spécialiste d’histoire urbaine et d’histoire de l’économie politique (...)
  • 40 Historien moderniste polonais, spécialiste d’histoire économique. Professeur à l’Université de Vars (...)

J’étais très proche aussi, en partie par l’intermédiaire de ma femme, des historiens de l’Antiquité, extrêmement proche de Jean-Pierre Vernant [1914-2007], qui lui aussi est resté fidèle au PC jusqu’en 1968, mais par fidélité à la mémoire de la Résistance et toujours sur des bases très critiques. Pierre Vidal-Naquet [1930-2006], au contraire, n’a jamais été au PC, d’ailleurs il aurait été incapable d’entrer et de rester dans aucun parti ! Il a milité pour de grandes causes, pour la justice et contre la torture, avec beaucoup de générosité et de courage, mais pas dans le cadre d’un parti. Cette génération-là, on avait la volonté, le désir même de la faire parler, c’est pour ça qu’il y a tous ces noms sur la liste des intervenants [il reprend une liste de noms d’intervenants à la Société d’étude du féodalisme fournie en préalable à l’entretien] … Alors, [Fernand] Braudel [1902-1985] ce n’était pas du tout sa tendance mais [Immanuel] Wallerstein [1930-2019]36 oui, je me souviens très bien37. Pour moi, la Société d’étude du féodalisme c’est plutôt Wallerstein que Braudel. Vous me dites que Braudel est venu38, mais je n’en ai aucun souvenir. C’est possible, mais vraiment cela aurait dû me marquer, je n’arrive pas à comprendre comment j’ai pu oublier. Lui, je le rencontrais parfois, mais pas souvent. Ses relations étaient devenues difficiles avec Le Goff à partir de 1968 et en 1975. Je le rencontrais dans l’ascenseur de la Maison des Sciences de l’Homme, je lui disais bonjour poliment, je pense qu’il ne savait pas qui j’étais. En tout cas ce n’est pas moi qui l’ai invité et je ne vois pas comment il est venu là. Le nom de Jean-Claude Perrot [1928-2021]39, j’avais oublié, mais ça m’a touché effectivement. Je le connaissais bien. J’ai été très heureux de retrouver ces noms et puis je me suis dit : « Mon Dieu, mais la moitié sont morts aujourd’hui… » [Witold] Kula [1916-1988]40 serait venu lui aussi ? Je connaissais bien ses livres.

27En fait, Kula est venu à une séance. Ça commence d’ailleurs avec une discussion sur l’œuvre de Kula41, et lors la deuxième séance42, en 1976, il est invité et il vient discuter…

  • 43 Historien médiéviste juif polonais, spécialiste d’histoire sociale. Rescapé du ghetto de Varsovie, (...)

Kula, pour moi, c’était un personnage très proche en tout cas intellectuellement parce que je l’avais lu et parce que Le Goff était très ami avec lui et qu’il m’en parlait beaucoup. J’étais très lié aux Polonais, en premier lieu à [Bronislaw] Geremek [1932-2008]43 et à d’autres qui ont joué ensuite un rôle dans Solidarność.

  • 44 Historien moderniste polonais, spécialiste d’histoire économique et d’épistémologie. Docteur (1951) (...)

28Quand vous dites les « Polonais », vous vous référez aux mêmes groupes que ceux qui étaient invités notamment par Daniel Tollet, qui a joué un rôle important de pont, par exemple auprès de Jerzy Topolski [1928-1988]44 ?

  • 45 Historien médiéviste polonais, chercheur à l’Institut d’Histoire de la culture matérielle de l’Acad (...)
  • 46 Jean-Claude Schmitt, « Karol Modzelewski : l’historien, le citoyen », Intervention, 4, 1983, p. 77- (...)
  • 47 Historienne médiéviste française, spécialiste de Byzance, professeure à l’Université Paris X (1975- (...)
  • 48 Philosophe et historien polonais, dissident politique émigré en France en 1973, chargé de recherche (...)

Oui, enfin ils se connaissaient tous, ils étaient tous très liés. Des éminences grises du régime, il n’y en avait pas, ça c’est clair. Ceux qui venaient, c’était ceux qui avaient une pensée critique, plus ou moins, bien sûr. Moi j’étais très lié avec Geremek – y compris en Pologne, je suis beaucoup allé en Pologne avant l’« état de guerre » puis après 1989 – et avec [Karol] Modzelewski [1937-2019]45, jusqu’à sa mort il y a deux ans. J’avais écrit dans la revue Intervention, qui était la revue de [Jacques] Julliard [né en 1933] et qui a disparu depuis, un long article sur Modzelewski46, que je connaissais, que j’avais rencontré en Pologne chez lui (la première fois à la fin des années 1970 quand il était encore assigné à résidence à Wroclaw), et qui a été un grand conseiller de Solidarność avant d’être sénateur. Mais ensuite, comme il était très radical, beaucoup plus à gauche que Wałęsa et même que Geremek – ils étaient très amis mais ils avaient un vrai différend politique – il a cessé son activité publique et est revenu à l’histoire, c’est comme ça qu’il a publié ses derniers livres, parmi lesquels j’ai fait traduire chez Aubier L’Europe des barbares en 2006. Donc ça, c’était les historiens médiévistes polonais, il y avait aussi les archéologues, qui venaient beaucoup à l’École. L’École a été un grand foyer d’attraction, dès 1956, à cause de Braudel puis de Le Goff bien sûr puisque sa femme était polonaise ; il allait en Pologne tous les ans durant l’été. Puis il y a eu Solidarność. Dès qu’on a appris la proclamation de l’« état de guerre » par le général Jaruzelski et l’arrestation des leaders de Solidarność, dont nos amis Geremek et Modzelwski, Jacques le Goff nous a proposé de lancer une action de soutien des universitaires français à leurs collègues polonais et à travers eux à tous les militants emprisonnés. Le Goff a rédigé un texte qu’il nous a soumis : il y avait là notamment Evelyne Patlagean [1932-2008]47, Krisztof Pomian [né en 1934]48, Alain Touraine [né en 1925], dont je me souviens des propos extrêmement pessimistes qu’il tenait dans le couloir de la Maison des sciences de l’homme où nous étions voisins, au sujet du sort de nos amis emprisonnés – heureusement, ses prédictions, fondées sur son expérience de l’Amérique latine, ne se sont pas révélées exactes. Environ cinq mille enseignants et chercheurs universitaires, français et étrangers, ont signé la protestation envoyée aux autorités polonaises. Le soutien du gouvernement français et notamment du ministère des Affaires étrangères et du ministère des Universités nous a permis ensuite d’accueillir les collègues réfugiés, souvent des jeunes, et de leur offrir des postes en France, de manière transitoire ou définitive. Ça, c’était encore la phase A si je puis dire : avec le gouvernement socialiste et le ministère socialiste des Universités, on a obtenu un bon nombre de postes pour des Polonais réfugiés.

29C’est au milieu des années 1980 ?

  • 49 En particulier lors de la séance du 22/05/1976 (Jean-Claude Perrot, « Note sur les différents conce (...)
  • 50 Historienne moderniste et contemporanéiste française, spécialiste de l’histoire du Maghreb et de l’ (...)
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Le début du premier mandat de Mitterrand à partir de 1981 coïncide avec « l’état de guerre » en Pologne, qui dure de 1981 à 1983. Mais revenons à la Société d’étude du féodalisme : je vois dans les noms Jean-Claude Perrot, bien sûr, il a dû faire des exposés sur l’histoire économique49 ; Lucette Valensi [née en 1936]50, qui nous parlait beaucoup du Maghreb ; Hartmut Atsma [1971-2009]51, qui a fait toute sa carrière à l’Institut historique allemand et qui prêtait une grande attention à l’historiographie française ; [Claude] Mazauric [né en 1932]52, alors lui, c’était la Révolution française dans le style Soboul, il était tout à fait dans le cadre du PC ; Guy Bois, pareil ; Jacques Revel [né en 1942]53, pas du tout, mais il était là ; Claude Cahen [1909-1991]54, je me souviens aussi de lui, même si je le connaissais moins. Daniela Romagnoli [née en 1934]55, c’est une très bonne amie italienne de Milan, très proche de Le Goff, elle est beaucoup venue à Paris à cette époque. Et Marc Venard [1929-2014]56, alors voilà, ça c’est quelqu’un de La Bussière !

30C’est lui qui fait référence à la Société d’histoire de l’Église de France, dans la discussion autour des statuts57...

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  • 59 En particulier un rapport sur la Sardaigne discuté lors de la séance du 31/01/1976 (« Les rapports (...)
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Oui, oui, c’était son modèle, c’est ça. Parmi les autres, John Day [1924-2003]58 était à Paris VII, il était américain et vivait en France depuis très longtemps, spécialiste d’histoire économique et monétaire, il travaillait sur la Sardaigne. Il a fait des exposés effectivement59. [Hélène] Antoniadis-Bibicou [1923-2017]60, elle aussi très PC, sur Byzance bien sûr. Jean Piel [1936-2017]61, je ne me souviens pas, je crois qu’il était aussi à Paris VII. Henri Bresc [né en 1939]62, il travaille sur la Sicile, médiéviste. Il n’était pas du tout PC, c’est un esprit curieux et très fin. Et Bernard Guenée [1927-2010]63, il était là ?

  • 64 Historienne médiéviste française, spécialiste d’histoire économique des campagnes et d’anthroponymi (...)

31Il n’apparaît que sur une liste des cotisants dressée avant 1979, où l’on trouve 78 noms, dont ceux d’un certain nombre de gens qui n’ont pas laissé d’autres traces dans les archives de la Société, comme Monique Bourin [née en 1944]64 par exemple…

Je pense qu’il y avait chez tout le monde un grand intérêt, c’était manifeste que le marxisme était important et que du moment qu’il y avait cette initiative, il fallait s’y intéresser. Pour Monique Bourin, je ne sais pas si elle habitait Paris à ce moment-là, elle habite Nantes, elle ne devait pas être là le samedi…

32Il y a quelque chose de frappant : on rencontre quasiment autant d’historiens modernistes que d’historiens médiévistes. On a par conséquent l’impression qu’il s’agit d’un lieu où la volonté de faire disparaître la frontière artificielle entre Moyen Âge et époque moderne a vraiment fonctionné…

Tout à fait. Notre référence, c’était le féodalisme au sens marxiste du terme, c’est-à-dire jusqu’à la révolution industrielle et au capitalisme, ça c’est clair ! Donc la césure 1500, enfin ce type de date qui n’a aucun sens, ne jouait absolument aucun rôle. On réfléchissait en termes de système féodal dans la longue durée, c’était évident.

  • 65 Historien français, spécialiste d’histoire sociale et de démographie de l’Extrême-Orient, directeur (...)

33À propos de cette volonté de comparatisme, il y a un nom qui revient très souvent, c’est Michel Cartier [1934-2019]65, sur la Chine : ça vous dit quelque chose ? Il est là tout le temps, en tout cas dans les quinze premières séances parce qu’après on ne le retrouve plus…

Oui, sur la Chine. Je ne sais plus comment il se situait idéologiquement ou politiquement. Et puis il y a Maurice Godelier. Je ne sais pas à combien de séances il est venu mais j’ai l’impression que je ne l’ai jamais quitté, jusqu’à aujourd’hui. C’est vraiment quelqu’un de passionnant. En plus, à l’École des hautes études, je le voyais souvent, depuis l’expérience de la FRA dont je vous ai parlé.

  • 66 Le nom de Robert Fossier a en fait laissé une trace parmi les archives déposées par Jean-Claude Sch (...)

34Alors là, on parle des présents mais en partant uniquement de la liste des noms qu’on retrouve dans les fascicules où les interventions ont été retranscrites. En réalité cependant la liste est beaucoup plus longue, puisque si on ajoute les noms de liste des cotisants ainsi que ceux inscrits sur les listes des présents que nous a transmis Jean-Philippe Genet, il y a en tout 242 personnes. Et il y a deux grands absents, il y a deux noms qui n’apparaissent pas – ce qui est très frappant quand on connaît un peu le milieu des médiévistes – c’est Jacques Le Goff et Robert Fossier [1927-2012]66. On ne peut pas s’empêcher de se demander pourquoi. Pour être précis, il y a une feuille de présence où est indiqué en haut à gauche « excusé, Jacques Le Goff ». C’est sa seule apparition dans les archives de la Société d’étude du féodalisme…

Je pense qu’intellectuellement il aurait été tout à fait en phase avec tout ça. Moi je le voyais beaucoup, on en discutait à coup sûr… Mais il était très occupé : à cette époque il était président de l’École, c’est lui qui a fait la transformation de la VIe section en École des hautes études en sciences sociales, cela l’occupait en permanence, il était là-dedans continuellement. Donc je crois que c’est tout simplement une question de temps, sinon on l’aurait fait parler.

35Vous savez s’il se tenait au courant ? On lui transmettait les fascicules ?

  • 67 Jacques Le Goff, La Naissance du purgatoire, Paris, Gallimard, 1981.
  • 68 Historien médiéviste français, spécialiste d’histoire culturelle, directeur d’études à l’EPHE depui (...)
  • 69 Historien de l’art français, directeur d’études à l’EHESS. Auteur notamment de L’Art roman de face (...)
  • 70 Jean-Claude Bonne, Marie-Noëlle Collette, Jacques Le Goff, Éric Palazzo, Le Sacre royal, op. cit.

Je pense, certainement. C’était une période où il a toujours continué de travailler, d’avoir un séminaire, mais il se reposait quand même beaucoup sur les autres, y compris sur moi (rires). Ce qui est sorti de cette période, c’est le Purgatoire67, mais ça lui a pris beaucoup de temps, tout simplement parce qu’il n’avait pas le loisir de faire les recherches qu’il voulait. Après, avec la réforme de l’École, il y a eu un deuxième séminaire qui a été tout de suite un séminaire collectif. C’est comme ça qu’est né l’intérêt pour les images, que j’ai développé après 1983 dans mon propre séminaire et dans un groupe de travail avec les étudiants. À partir de 1975 et de la réforme de l’École, les directeurs d’études avaient un séminaire principal et un deuxième séminaire qu’ils faisaient souvent en collaboration, et Le Goff m’avait demandé, comme aussi à [Michel] Pastoureau [né en 1947]68 et à Jean-Claude Bonne [né en 1937]69 – puis d’autres collègues nous ont rejoints –, de faire avec lui ce deuxième séminaire ; ce qui en sorti, c’est le livre sur l’ordo du sacre de saint Louis70. Ça a pris pas mal d’années, et pour la publication encore plus parce que précisément Le Goff ne rendait pas son texte, mais le séminaire nous a lancés sur les images et pour commencer les images du roi parce qu’il s’y intéressait – il pensait déjà à saint Louis –. On a beaucoup travaillé sur Alphonse le Sage et les Cantigas de Santa María, une vaste compilation illustrée de miracles de la Vierge et de louanges chantées en son honneur, et sur l’ordo du sacre du roi de France au milieu du xiiie siècle. Tout ça pour vous dire simplement qu’il était très pris et qu’il ne pouvait pas vraiment se consacrer à ce genre de choses. Le samedi, je pense qu’il voulait souffler un peu en famille. Quant à Robert Fossier, dont j’étais proche aussi, c’est en effet un peu étonnant qu’il ne soit jamais intervenu.

36Non seulement il n’intervient pas mais apparemment il n’est jamais présent, ni cotisant : il n’y a pas son nom sur les 17 listes de présents dont on dispose, ni sur la liste des cotisants d’avant 1979. Il est donc, pour ainsi dire, nettement absent dans les archives…

  • 71 Jean-Claude Schmitt, « Robert Fossier (1927-2012) », Bibliothèque de l’École des chartes, 170/2, p. (...)
  • 72 Ancienne élève de l'École des chartes, elle rejoint l’Institut de recherche et d'histoire des texte (...)

Oui, c’est curieux, je ne vois pas très bien pourquoi. Parce que, dans ce qu’il faisait il n’y avait pas de contradiction du tout avec la pratique et les idées de la Société. Alors, est-ce qu’il y avait une position un peu antithéorie chez lui ? C’est possible, alors qu’une théorie est bien présente dans ses livres, mais peut-être de façon implicite – j’ai beaucoup d’admiration pour son travail, que j’ai beaucoup utilisé. C’était peut-être, comment pourrait-on dire ça, quelqu’un qui gardait sa théorie pour lui et affichait son empirisme. Il était un peu comme ça, vous savez. Après sa mort, j’ai écrit sa notice nécrologique dans la Bibliothèque de l’École des chartes71. J’ai pas mal travaillé à ce moment-là sur son travail et j’ai été en rapport avec Lucie Fossier [née en 1924]72 qui était à l’Institut de recherche et d’histoire des textes (IRHT), une collègue pionnière des usages de l’informatique dans les études médiévales. Je lui avais dit « votre mari me faisait toujours penser à un instituteur de la IIIe République », alors elle m’avait répondu « c’est dommage, vous auriez dû lui dire, ça lui aurait fait immensément plaisir ». Vous savez qu’il a été vice-président de la Société des historiens et géographes de l’enseignement secondaire (SPHG [devenue en 1975 l’Association des professeurs d’histoire et de géographie, APHG]), qui joue un rôle très important de médiation entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur, et il y tenait beaucoup. Il avait, je pense, une certaine méfiance à l’égard des élucubrations trop spéculatives.

37Et une méfiance peut-être aussi à l’égard des séminaires en général et notamment des lieux comme la Société d’étude du féodalisme ?

C’est possible, en tout cas moi je n’étais pas son étudiant mais je crois qu’avec ses étudiants, il travaillait aussi très concrètement, sous la forme du séminaire. C’était un être brillant, il n’avait jamais de notes quand il parlait, c’était extraordinaire de l’entendre. Il arrivait, il faisait pendant une heure un exposé sans notes, qu’on aurait pu publier tel quel. Je n’ai jamais compris comment il arrivait à faire ça. Moi j’aime bien parler, mais pas à partir d’un texte rédigé, plutôt avec l’aide de quelques notes. Maintenant, parmi les présents, vous avez Georges Duby [1919-1996], mais vraiment, il était souvent là ?

  • 73 Des interventions de Georges Duby sont ainsi retranscrites dans le cadre des séances du 11/12/1976 (...)

38On en a la trace pour deux séances mais, encore une fois, ce sont les traces a minima, et il est possible qu’il ait été présent plus souvent73. Mais on a la trace d’au moins deux séances, et il intervient beaucoup en particulier lors de la discussion autour de votre rapport « Religion, économie et société féodale » du 11 décembre 1976…

  • 74 Georges Duby, Guerriers et paysans (viie-xiie siècles). Premier essor de l’économie européenne, Par (...)
  • 75 Georges Duby, La Société aux xie et xiie siècles dans la région mâconnaise, Paris, Armand Colin, 19 (...)
  • 76 Georges Duby, Le Dimanche de Bouvines, Paris, Gallimard, 1973.
  • 77 Georges Duby, Dames du xiie siècle, 3 vol., Paris, Gallimard, 1995-1996.
  • 78 Georges Duby, Saint Bernard, l’art cistercien, Paris, Flammarion, 1979.

C’est sûr qu’il avait quelque chose à dire. Son livre Guerriers et paysans74 est très explicitement un livre marxiste, new-look mais d’inspiration marxiste, seulement c’est un peu un hapax dans son œuvre. C’est à dire que ce qu’il dit là, il ne le dit pas dans sa thèse sur Cluny75, et ensuite, que ce soit Bouvines76, que ce soit les femmes77, que ce soit saint Bernard78, il sort complètement de ça. Tandis que Guerriers et paysans, c’est véritablement une œuvre consciemment et explicitement théorique, qui propose un modèle du féodalisme. Donc, il faudrait voir la date à laquelle il est venu et ce qu’il a dit. Je n’ai aucun souvenir de ce qu’il a dit quand j’ai présenté ce rapport, était-il très critique ?

39Non, il manifeste plutôt de la curiosité et de l’intérêt. Il s’engage peu mais il semble vous appuyer, notamment face à Guy Bois et à Claude Mazauric, qui doutent du rôle, disons, « économique » de la « religion »… Si l’on revient maintenant à la question de la fin, je vous ai posé des questions sur 1981 mais vous n’avez pas du tout évoqué Trèves. Or, le jour même de l’élection de Mitterrand, beaucoup de membres de la Société d’étude du féodalisme mais – sauf erreur de ma part – pas vous, se trouvent à Trèves pour une grande rencontre organisée avec des Allemands ainsi que beaucoup d’historiens d’Europe de l’Est. C’est une rencontre qui a l’air importante parce que c’est une ouverture à l’Europe de l’Est justement. Vous avez des souvenirs de ce colloque ?

  • 79 Historien médiéviste allemand, spécialiste d’histoire sociale de la fin du Moyen Âge et du début de (...)
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  • 84 Jean-Claude Schmitt, « Otto Gerhard Oexle (1939-2016) », Cahiers de civilisation médiévale, 59, 201 (...)
  • 85 Otto Gerhard Oexle, Jean-Claude Schmitt, Les Tendances actuelles, op. cit.

Non, comme vous dites, je n’y étais pas. Je me souviens de son existence, oui, maintenant que vous en parlez, vaguement, mais sinon je n’y aurais pas pensé. Personnellement j’ai eu beaucoup de rapport avec les Allemands mais ce n’était pas dans ce cadre. C’étaient des échanges personnels avec les gens de Bielefeld, comme [Neithard] Bulst [né en 1941]79, et de Göttingen, comme Hans Medick [né en 1939]80 et Alf Lüdtke [1943-2019]81. À Bielefeld se trouvait également [Reinhart] Koselleck [1923-2006]82, que j’ai rencontré lors d’un séjour dans cette université dès 1976, au Zentrum für Interdiziplinäre Forschung. C’est comme ça que je l’ai connu, j’ai beaucoup discuté avec lui à l’époque. Bielefeld était une université nouvelle – les Allemands ont fait comme nous, ils ont créé des universités dans les années 1960-1970 –, qui était à cette époque – elle garde encore un peu aujourd’hui cette réputation même si elle s’est normalisée – marquée par la nouvelle pensée des sciences sociales, interdisciplinaire, très axée sur les Annales, sur l’anthropologie aussi, avec la revue Historische Anthropologie, fondée en 1993. Medick et Lüdtke comptaient parmi les fondateurs de cette revue, sur un programme combinant la micro-histoire et l’histoire des Annales. Et ça, c’était totalement révolutionnaire parce que la distance en Allemagne était beaucoup plus grande qu’en France entre l’histoire traditionnelle et l’histoire nouvelle qu’on essayait de faire à ce moment-là. Le chemin à regagner était vraiment très long. Medick, Lüdtke et d’autres sont venus au Max-Planck -Institut für Geschichte (MPIG) à Göttingen, dont, assez rapidement, le directeur a été Otto Gerhard Oexle [1939-2016]83 – c’était, un ami, j’ai souvent été à Göttingen, j’ai séjourné plusieurs mois à l’Institut et à la Mission historique française en Allemagne, que l’Institut hébergeait. Sous l’impulsion d’Oexle, l’Institut Max-Planck est devenu un foyer international de réflexion historiographique de première importance. Oexle avait une très grande fascination pour la France, d’autant plus – j’en parle dans la nécrologie que j’ai rédigée à sa mémoire dans les Cahiers de civilisation médiévale84 – qu’il était le fils d’un officier allemand tué à la fin de la Seconde Guerre mondiale en France. Découvrir que son père avait été nazi fut le traumatisme de sa vie. Et, après la guerre, pendant ses études, il est venu en France, il a passé une année à Poitiers. Il parlait magnifiquement français et était très francophile : Marc Bloch était son idole. Pour vous expliquer un peu l’ambiance – on s’éloigne mais pour moi il y a des fils qui se raccordent –, je suis parti de Trèves et de ce colloque où je n’étais pas pour vous dire qu’ensuite je me suis rattrapé, en quelque sorte, à Bielefeld, à Göttingen, et aussi à Constance et à Berlin où j’ai enseigné à différents moments. Quand j’étais au comité national du CNRS – j’étais nommé et il y avait deux élus qui étaient Claude Gauvard [née en 1942] et Monique Bourin, nous étions les trois médiévistes – le CNRS m’a demandé d’organiser quelque chose avec les Allemands ; donc je suis allé voir Oexle et je lui ai demandé de m’aider à faire une grande rencontre franco-allemande et ça a donné les actes publiés par les presses de la Sorbonne85. Malheureusement, il devait y avoir l’équivalent en allemand, et ça n’a jamais été publié parce que Oexle était débordé, et jusqu’à la fin de sa vie, il l’avait encore dit à sa femme qui me l’a rapporté, il se sentait coupable à mon égard, sans raison bien sûr. Cette rencontre a été un grand moment, j’en suis assez fier. Un grand moment de collaboration pour faire le point sur nos intérêts scientifiques. Chaque équipe avait le choix des questions et des réponses. C’était un peu postérieur à la Société d’étude du féodalisme, mais je ne vois pas de solution de continuité entre toutes ces expériences.

40Est-ce que vous vous souvenez pourquoi vous n’avez pas participé à Trèves en mai 1981 ?

J’étais aux États-Unis. C’est cette année « trou » dans ma carrière marxiste, si je puis dire (rires).

  • 86 Historien médiéviste allemand, spécialiste d’histoire économique de la fin du Moyen Âge et du début (...)
  • 87 Historien médiéviste allemand, spécialiste d’histoire politique et sociale de l’Empire carolingien. (...)
  • 88 Historien médiéviste allemand, spécialiste d’histoire économique et sociale de la fin du Moyen Âge (...)

41Il semble qu’à Trèves, il y avait plutôt des Allemands de l’Est, comme Töpfer, dont on a déjà parlé, ainsi qu’Adolf Laube [né en 1934]86 ou Eckhard Müller-Mertens [1923-2015]87, donc pas du tout la même branche par rapport à Oexle, Lüdtke ou Medick… Paradoxalement, la rencontre a beau avoir lieu à Trèves et être organisée par un local, Franz Irsigler [né en 1941]88, elle rassemble surtout des Allemands de l’Est…

  • 89 Historien médiéviste allemand, maître-assistant (1953-1957) puis professeur (1957-1996) à l’Univers (...)
  • 90 Historien médiéviste allemand, maître-assistant (1967-1972) puis professeur (1975-1992) à l’Univers (...)
  • 91 Ils ont notamment publié ensemble « Sozial-religiöse Bewegungen im Mittelalter », Wissenschaftliche (...)
  • 92 Historien médiéviste allemand, spécialiste du Haut Moyen Âge et d’histoire globale. Assistant à l’U (...)

Irsigler enseignait à Trèves. Je le connaissais depuis longtemps déjà. Beaucoup d’historiens comme lui, à l’Ouest, avaient des contacts avec leurs collègues de l’autre côté du Mur, dont la situation était, sur tous les plans, difficile. Parmi eux, il y avait effectivement Bernhard Töpfer, qui travaillait sur l’eschatologie et les mouvements millénaristes, et aussi Müller-Mertens, qui donnait plus dans l’histoire sociale classique, mais de façon très ouverte. C’étaient des gens critiques, même s’ils ne pouvaient pas tout dire ouvertement. Le problème, ce fut l’après-1989 : ils auraient pu intellectuellement et politiquement rester à leurs postes dans l’Allemagne réunifiée. Ils auraient eu leur place dans la nouvelle Allemagne fédérale qui avait absorbé par une sorte d’Anschluss les Länder de l’ancienne RDA et leurs universités. Mais ils avaient atteint l’âge de la retraite, comme Bernhard Töpfer, qui m’avait bien expliqué la situation. J’étais allé le voir à Berlin-Est quand il y avait encore le Mur. Je me souviens du passage, c’était toute une aventure, j’étais allé le voir chez lui. Müller-Mertens je ne le connaissais pas directement. Laube, ça ne me dit plus rien en revanche. Müller-Mertens passait pour un de ceux qui étaient critiques en RDA, contrairement à Ernst Werner [1920-1993] 89et Martin Erbstösser [1929-2011]90, qui travaillaient sur les mouvements millénaristes d’une manière plus conforme à la vulgate de Friedrich Engels91. Ces historiens n’ont en fait pas eu de disciples, ils n’avaient pas d’élèves et quand le Mur est tombé, l’université de l’Allemagne de l’Est a été complètement avalée par l’Allemagne de l’Ouest et de jeunes professeurs de l’Ouest ont été envoyés à l’Est pour les remplacer. Il y a eu plein de postes à ce moment-là, pour eux, c’était pain bénit. Je pense par exemple à [Michael] Borgolte [né en 1948]92. Il a eu une chaire à la Humboldt Universität de Berlin. A-t-il participé à la rencontre de Trèves ?

42Je ne crois pas le retrouver à Trèves…

  • 93 Historien médiéviste allemand, spécialiste des villes allemandes à la fin du Moyen Âge, professeur (...)

En tout cas, j’ai passé toute l’année universitaire 1994-1995 à Berlin comme professeur invité à la Humboldt Universität, où j’ai enseigné avec lui et aussi avec Hartmut Boockmann [1934-1998]93, qui était un homme savant et délicieux, détaché de l’Université de Göttingen. L’un et l’autre venaient de l’Ouest, comme la plupart de leurs collègues, parce que les professeurs de RDA n’avaient pas formé de jeunes – ils n’avaient pas de poste tout simplement – et ils sont partis à la retraite. Pour les spécialistes d’histoire médiévale, il n’y a pas eu d’enjeu politique. Il en alla autrement en philosophie, en sociologie, etc., dans les disciplines les plus politisées, les plus marqués par l’idéologie de la RDA. Ces collègues-là ont été écartés sans ménagement et remplacés par des Allemands de l’Ouest.

43Je vous propose pour finir de revenir sur la suite. Dans les archives de la Société d’étude du féodalisme, vous apparaissez nettement comme un pilier, au même titre que Guy Bois, Jean-Philippe Genet, Alain Guerreau et Daniel Tollet. Mais quand on regarde le parcours de ces derniers, on repère bien l’articulation entre leur participation à la Société et leurs travaux ultérieurs, qui s’inscrivent clairement dans la continuité, puisque la question de la transition vers le capitalisme y reste centrale. Dans votre cas, cela semble moins évident …

  • 94 Jean-Claude Schmitt, Les Rythmes au Moyen Âge, Paris, Gallimard, 2016.
  • 95 Jean-Claude Schmitt, Le Cloître des ombres, Paris, Gallimard, 2021.

Oui, je conçois très bien le sens de la remarque. Mais je peux vous dire que ces problématiques-là m’habitent toujours. Je n’ai pas besoin de l’afficher, mais ce que je garde en moi, c’est toujours la référence, au moins implicite, à l’intelligence des structures d’un système social de très grande ampleur et de très longue durée, qu’on peut appeler « féodalisme » si on en a envie. C’est toujours dans ce cadre-là que je réfléchis : si vous prenez par exemple mon livre sur les rythmes94, un thème qui peut vous sembler très loin de la Société d’étude du féodalisme, ce dont il est question, c’est bien des rythmes fondamentaux de cette société-là, du système « féodal » entendu en ce sens-là. Et si je m’intéresse beaucoup dans mes travaux à la question du religieux et de l’Église, c’est parce que je situe ces problèmes et cette institution au cœur de ce système social. Pour moi, il n’y a aucune contradiction avec les réflexions que nous avons eues au sein de la Société d’étude du féodalisme. Mon dernier livre, où il est beaucoup question de démons dans un monastère95, donne peut-être le sentiment d’être loin du féodalisme, et pourtant je le termine en essayant de définir en anthropologue et en historien l’ontologie propre à cette société et à cette époque. Pourquoi les démons – organisés du reste suivant des principes hiérarchiques analogues à ceux des humains – n’auraient-ils pas leur place dans le féodalisme ? Voilà… Je n’ai pas besoin de faire allégeance au féodalisme chaque fois que je parle ou que j’écris. Mais je crois n’avoir jamais perdu de vue la nécessité de réfléchir dans le cadre d’une telle structure sociale et dans la longue durée ; c’est évident que pour moi cette structure se poursuit en évoluant jusqu’à la révolution industrielle et politique du xviiie siècle, jusqu’au triomphe du capitalisme, qui a son tour n’en a pas fini de se transformer. Il faut beaucoup de souplesse dans la chronologie : parfois j’ai l’impression de vivre encore au Moyen Âge... Est-ce que je vous convaincs ou pas ?

44Ce n’était pas une critique du tout. Et je ne voulais pas dire qu’il y avait une contradiction. Il est vrai d’ailleurs que ce que vous dites dans la fameuse séance sur la religion, on le retrouve très bien dans vos travaux par la suite. Mais le lien me paraissait cependant moins évident, ou disons moins explicite…

Ça, je le conçois très bien et je peux vous dire pourquoi : quand je m’attaque à un sujet, ou à un problème plus exactement, c’est parce que j’en ai envie, c’est tout. C’est une chose qui me tente personnellement, c’est de l’ordre de la pulsion, ce n’est pas parce que je suis inspiré par mon souvenir de la Société d’étude du féodalisme. C’est parce que j’ai envie de travailler sur les démons, ou sur un saint chien ou sur les rêves, ou sur des choses comme ça. Mais je n’ai jamais dit que les rêves étaient indépendants du système social dans lequel ils se produisaient.

45Il y a quand même peut-être quelque chose qui a disparu dans vos travaux, au niveau de la phraséologie. Si l’on reste sur la séance sur la religion, vous employez plusieurs fois les expressions « rapports de production », « exploitation », « consentement », « aliénation », « domination »… J’ai l’impression que ces expressions-là, vous ne les employez plus, et plus généralement que la question même des rapports de production semble un peu périmée, ou du moins que ce n’est plus un outil d’analyse vraiment valable…

Ce n’est pas ça, mais c’est très connoté évidemment. Quand on parle de « rapports sociaux de production », c’est vraiment de l’ordre de la vulgate marxiste. C’est moins vrai pour « domination ». Mais cela renvoie au même concept d’exploitation. L’exploitation de la force de travail, mais pas seulement : il faut tenir compte aussi des structures idéologiques – qui ne sont pas des « superstructures » –, des formes conscientes et inconscientes de domination, du consentement à cette domination. On a bien affiné les analyses, ce qui fait qu’à un moment, les expressions les plus orthodoxes semblent affadies ou inadéquates, et deviennent impossibles à utiliser. Mon vocabulaire a sans doute évolué, mais je n’avais pas le même âge ni la même expérience. Et puis, chaque époque a ses tics de langage – dans quarante ans, quand on entendra la façon dont on parle aujourd’hui, peut-être qu’on se dira : « quand même, ils parlaient bizarrement… » Heureusement, on évolue, on fait du chemin… Mais, en même temps, il y a des choses qu’on ne renie pas et puis de toutes ces expériences-là, il reste toujours quelque chose. J’y pensais tout à l’heure quand on parlait des archives. Je n’ai plus à portée de main mes archives de la Société d’étude du féodalisme pour vérifier tel ou tel point, mais d’une certaine façon je les ai intériorisées et je n’en ai plus besoin parce qu’en moi, il en reste quelque chose. Je sais que de tout ce que j’ai fait, il y a des strates qui se sont accumulées, celle de la Société d’étude du féodalisme est l’une d’elles, mais il y a aussi les expériences enrichissantes à l’étranger, en Allemagne et aux États-Unis, et, avant tout, le travail d’enseignant et de chercheur. J’ai aussi milité pour plusieurs causes, et tout cela s’accumule et se combine, ce qui fait qu’un beau jour vous vous dites : « Faut-il vraiment que je parle encore de “rapports sociaux de production” ? » Je suis bien persuadé que la religion est l’opium du peuple, mais je n’ai pas besoin de l’écrire tous les jours. Je ne sais pas ce que je vais faire maintenant, je vais me lancer dans une nouvelle recherche, où ces questions resteront présentes à mon esprit.

En fait, j’aimerais faire quelque chose qui touche d’une manière ou d’une autre à la question du sang dans la religion chrétienne aux époques médiévale et moderne. Parce qu’elle est pire encore à l’époque baroque, cette religion du sang, cette religion sanglante, sanguinaire, sanguinolente. La mythologie du sang, l’appétence, y compris buccale, des mystiques pour le sang, c’est absolument terrifiant quand on y pense, je ne connais pas d’autre religion comme celle-ci. Et personne ne fait attention au fait que ça saigne partout, à commencer par le Christ, puis les martyrs. Mais ce n’est pas un phénomène exclusivement « religieux », c’est un fait social, un fait politique. Qu’est-ce que ça veut dire ? Cela veut dire que cette exposition du sang, qui vous prend aux tripes, fait partie du système de domination : domination des clercs sur les laïcs (les premiers se réservant le sang eucharistique), domination des hommes sur les femmes (on connaît la force du tabou du sang menstruel), c’est cela aussi que dit le langage chrétien du sang. Tout cela pour vous dire que je n’ai pas perdu du tout l’idée très marxiste de l’opium du peuple et des rapports de domination, mais j’observe le « féodalisme » plus volontiers du point de vue de l’idéologie chrétienne, telle qu’elle a été socialement vécue, diffusée et utilisée, que du point de vue des prélèvements sociaux, qui m’intéressent beaucoup, mais ne me passionnent pas autant que l’histoire d’un saint lévrier ou que l’histoire des rêves ou des démons.

46Vous avez employé à de nombreuses reprises le terme de « marxisme » – pour vous, la théorie marxiste reste par conséquent opératoire ?

Absolument, je reste persuadé que Marx a dit l’essentiel, mais qu’il n’y a aucune raison de s’arrêter là. Il faut sans cesse faire évoluer la pensée marxiste, ce qui veut dire notamment la nourrir d’anthropologie et de comparatisme. Je ne vois pas bien quelle théorie aurait pu supplanter le marxisme comme cadre de réflexion globale sur le fonctionnement des sociétés. Ou alors on dit qu’on ne fait pas de théorie, mais à ce moment-là, c’est de l’empirisme, ce n’est plus de la science. Il faut un cadre de pensée pour comprendre la complexité du fonctionnement et de la transformation progressive du monde « féodal » sur lequel nous travaillons en tant que médiévistes.

  • 96 Historienne moderniste, spécialiste de l’histoire urbaine de l’Europe centrale et septentrionale. A (...)

47Si l’articulation de vos travaux ultérieurs avec votre participation à la Société d’étude du féodalisme apparaît peut-être moins nettement que pour d’autres membres, il y a à l’inverse dans votre approche de la recherche une similitude qui mérite d’être relevé. Jean-Philippe Genet, Daniel Tollet ou Marie-Louise Pelus [née en 1945]96 ont tous souligné dans leurs témoignages que la Société avait été une tentative importante de pratique collective de la recherche, qu’ils avaient ensuite cherché à mettre systématiquement en œuvre. C’est aussi votre cas : y voyez-vous précisément un héritage de la Société ?

Non, je suis tombé dans la marmite très jeune je crois. L’exemple de Jacques Le Goff a été déterminant : il me disait souvent « plus on est de fous, plus on rit » ! C’est la pratique du séminaire, et c’est une question personnelle aussi : on aime ça ou on n’aime pas ça. Moi, je n’ai jamais conçu de travailler tout seul. J’ai toujours eu des étudiants, j’ai toujours fait travailler les étudiants avec moi, le séminaire a toujours été un dialogue collectif, et puis j’ai organisé beaucoup d’enquêtes et de colloques, comme avec les collègues allemands, on en a déjà parlé. D’autres l’ont fait aussi, je ne suis évidemment pas le seul.

48Pour le dire autrement, on a l’impression qu’il y a une matrice commune…

Mais je ne pense pas que la source de tout ça, ce soit la Société d’étude du féodalisme. En revanche, c’était dans l’air du temps, en raison de tout ce qu’on a dit de 68, des transformations de l’Université, des changements institutionnels, etc. Jouer collectif, c’est devenu important. L’idée du prof dans sa chaire – d’abord il n’y a plus de chaire – tout seul et plus ou moins rival de ses collègues, c’est fini. Mais cela suppose de bonnes relations personnelles, des affinités et ça, c’est une question personnelle. Ça marche ou ça ne marche pas, il y a des gens avec qui ça marche et d’autres avec qui je n’ai pas envie de travailler, c’est tout. Par exemple, Monique Bourin que l’on évoquait et qui est une très bonne amie, que j’ai vraiment découverte au CNRS grâce à nos responsabilités communes au comité national, je travaille avec elle encore actuellement depuis plus de dix ans. Je viens de la voir pour une grosse enquête internationale sur les plafonds peints, qu’elle a initiée et dont je suis membre depuis le début. C’est un travail avec de jeunes chercheurs et des collègues italiens et espagnols, c’est du collectif à haut régime. Après, j’aime bien travailler seul aussi, réfléchir, écrire, mais c’est fou ce qu’on peut gagner à discuter et à penser avec les autres : d’ailleurs, on en a ici même l’illustration, j’étais un peu paniqué avant votre arrivée en me disant : « Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui raconter ? » Bon, apparemment, j’ai trouvé quand même des choses à vous dire, j’espère que ce n’était pas trop hors sujet…

49Pas du tout. Vous diriez donc que c’est moins la Société d’étude du féodalisme que le contexte général qui a constitué une matrice pour la pratique collective de la recherche ?

Oui, je le crois. Mais que la Société d’étude du féodalisme ait laissé des traces en nous, ça sûrement. Quel en était le but ? Le but n’était pas de transformer l’historiographie française et que tout le monde se mette à faire du petit Marx, ce n’était pas ça, mais que ça ait amené à élargir les horizons, les cadres de pensée et l’utilisation critique des concepts marxistes, je pense que oui. Sans doute en étions-nous déjà convaincus quand nous nous sommes réunis, mais cela nous a confortés dans cette idée. Ça n’a rien révolutionné, mais ça a joué son rôle et il en reste des traces, sûrement. Parfois des traces plus visibles, comme chez Genet, dites-vous, parfois moins visibles, comme chez moi, mais je peux vous assurer que cette expérience, parmi d’autres, m’a marqué et que je ne la renie pas.

50Vous avez gardé une « mémoire d’amitié » liée à la Société d’étude du féodalisme ?

Pas liée spécifiquement à ça, parce que je connaissais déjà beaucoup de monde : Alain Guerreau, je le connaissais depuis nos études communes ; Guy Bois depuis un peu moins longtemps ; après, nous sommes restés liés pour d’autres raisons. Ce n’était pas une chapelle, ce n’était pas un groupuscule, c’était une société qui nous amenait à nous réunir avec une certaine périodicité et pour apprendre ensemble et les uns des autres, c’est tout.

51Ça ne se prolongeait pas par des repas ensemble, ça ne débordait pas ?

Non, en tout cas je n’en ai pas le souvenir. Si, j’ai des souvenirs des pots place de la Sorbonne mais enfin ça faisait partie des réunions, c’était avant ou après, c’est tout. Je me souviens d’une chose, je prenais justement un pot avec Guy Bois, place de la Sorbonne, on parlait de la Société et voilà que passe un collègue. Je dis à celui-ci : « Tu ne sais pas ce qu’on est en train de faire ? », avec l’idée que ça pourrait l’intéresser, et Guy Bois m’attrape la main : « Ah non, pas lui ! » J’étais un peu naïf... C’est pour vous dire, il y avait quand même l’idée, chez Bois, qu’il fallait des gens sûrs. Il se comptait évidemment parmi les purs.

52C’est la première fois, que ce soit dans les archives ou dans les entretiens, qu’émerge cette idée qu’il y avait des gens qui ont refusé ou qu’on ne voulait pas. Parce que, quand on voit la liste des participants au sens large, il y a des gens qu’on n’associe pas du tout au marxisme, donc on a rétrospectivement l’impression que c’était très ouvert et qu’il n’y avait pas besoin d’être « pur » ou de montrer patte blanche…

Certains avaient un passé stalinien bien ancré. Ce n’était pas du tout mon cas. Je pense néanmoins que si les collègues venaient là, ce n’était pas parce qu’ils étaient des marxistes patentés, mais parce qu’ils étaient curieux, cela faisait partie du contexte, de l’ambiance de l’époque. C’est ce que je vous disais au début, c’était une époque où on pensait vraiment pouvoir changer les choses ; aujourd’hui, mais c’est aux gens de votre génération de le dire, est-ce que ce n’est pas un peu plus difficile de se dire qu’on va changer les choses ? En même temps, ce que vous faites là, c’est un travail vraiment important pour montrer qu’on peut au moins essayer de changer les choses.

53Voulez-vous ajouter quelque chose ?

Vous m’avez fait dire beaucoup de choses déjà. La vie, comme c’est curieux ! C’est une accumulation extraordinaire d’expériences, de pensées, de rencontres, qui ne sont jamais éteintes mais qui sont enfouies, dont il faut tirer les fils un à un et tout le reste vient. Je ne sais pas comment on écrit ses Mémoires, à supposer que cela me tente, je crois que je n’en serais pas capable, parce que ce serait un travail solitaire, alors que c’est en discutant que les souvenirs remontent, qu’on entrevoit entre eux des ramifications, des liaisons : je ne pensais pas du tout être amené à vous parler de Göttingen ou des Polonais, mais je crois que c’était cohérent avec la Société d’étude du féodalisme – et j’en suis intimement convaincu, ce que celle-ci m’a appris n’est pas en contradiction avec ce que j’ai pu faire au sujet du saint lévrier, des revenants, des gestes, des rythmes, des démons, des images ou des plafonds peints…

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Notes

1 Historien médiéviste allemand, spécialiste d’histoire politique et culturelle. Assistant de recherches (1952-1961), maître de conférences (1961-1969) puis professeur à l’Université Humboldt de Berlin (1969-1991). Auteur notamment de Volk und Kirche zur Zeit der beginnenden Gottesfriedensbewegung in Frankreich, Berlin, Rütten & Loening, 1957 ; (dir.), Städte und Ständestaat : zur Rolle der Städte bei der Entwicklung der Ständeverfassung in europäischen Staaten vom 13. bis zum 15. Jahrhundert, Berlin, Akademie-Verlag, 1980; Urzustand und Sündenfall in der mittelalterlichen Gesellschafts- und Staatstheorie, Stuttgart, Hiersemann, 1999. Voir aussi la séance de la Société d’Étude du Féodalisme de 1983 (?) (Bernhard Töpfer, « Les critères caractéristiques du féodalisme et la position de la société féodale dans le contexte des formations précapitalistes »).

2 Le Centre d’études et de recherches marxistes (CERM) est un institut de recherches créé dans à l’instigation du PCF en 1960 afin de favoriser un travail de recherche interne, à travers des rencontres régulières, l’édition d’ouvrages scientifiques et la prise en charge de la publication de la revue La Pensée, fondée en 1939. Il fit l’objet en 1979 d’une fusion avec l’Institut Maurice Thorez pour donner lieu à l’Institut de recherches marxistes (IRM) puis fut remplacé par Espaces Marx, toujours actif actuellement.

3 Anthropologue, philosophe et militant politique français, spécialiste de l’Afrique occidentale, maître-assistant à l’Université Paris VIII (1969-1984), directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) (1984-2005). Auteur notamment de Le Marxisme devant les sociétés « primitives ». Deux études, Paris, Maspéro, 1969 ; La Politique dans la caverne, Paris, Seuil, 1990 ; Une histoire du royaume Abron du Gyaman, des origines à la conquête coloniale, Paris, Éditions Karthala, 1995.

4 Le congrès d’Épinay, tenu du 11 au 13 avril 1971 entérina l’union de la gauche socialiste, à l’exception du PSU, sous l’égide du Parti socialiste, et la nomination à la tête de celui-ci de François Mitterrand.

5 Anthropologue français, directeur de recherches à l’Orstom (Office de la recherche scientifique et technique outre-mer) de 1964 à 1970 puis directeur d’études à l’École pratique des hautes études (EPHE) puis à l’EHESS (1970-2005), dont il fut également le président entre 1985 et 1995. Auteur notamment de Théorie des pouvoirs et idéologie. Étude de cas en Côte-d’Ivoire, Paris, Hermann, 1975 ; Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Le Seuil, 1992 ; Pour une anthropologie des mondes contemporains, Paris, Aubier, 1994.

6 Anthropologue française, directrice d’études à l’EHESS (1980-1999), professeure au Collège de France (1982-1999), directrice du Laboratoire d’anthropologie sociale (LAS, 1982-1999). Auteure notamment de L’Exercice de la parenté, Paris, Gallimard, 1981 ; Les deux sœurs et leur mère : anthropologie de l’inceste, Paris, Odile Jacob, 1994 ; Masculin-Féminin, 2 vol., Paris, Odile Jacob, 1996-2002.

7 Anthropologue française, chargée de travaux à l’EPHE à partir de 1962 puis directrice d’études à l’EHESS. Auteure notamment de La Mémoire longue, Paris, PUF, 1986 ; La presqu’île au nucléaire, Paris, Éditions Odile Jacob, 1989 ; (avec Chantal Collard), La Parenté, Paris, PUF, 2015.

8 Ethnologue française, chargée de recherches au CNRS (1971-1996), professeure à l’Université Paris x (1996-2010), directrice du Centre d’ethnologie française (CEF, 1986-1996). Auteure notamment de Sociologie de la famille, Paris, Armand Colin, 1981 ; Quinze générations de bas bretons : parenté et société dans le pays bigouden sud (1720-1980), Paris, PUF, 1985 ; (avec Jean Cuisenier), Ethnologie de la France, Paris, PUF, 1986.

9 Anthropologue français, chargé de recherches au CNRS jusqu’en 2014. Auteur notamment de (avec Jacques Le Querrec), Léry, village normand. Un croquis ethnologique, Nanterre, Société d’Ethnologie, 1974 ; (avec Jean Steinauer), L’État de ciel. Portrait de ville avec rite. La Fête-Dieu de Fribourg (Suisse), Fribourg, Méandre éditions, 1989 ; (avec Michèle Coquet, dir.), Enfances. Pratiques, croyances et inventions, Paris, CNRS Éditions, 2013

10 Anthropologue franco-roumain, spécialiste d’ethnologie rurale, cofondateur avec Georges Duby et Daniel Faucher de la revue Études rurales en 1961. Chargé de recherches au CNRS (1951-1960), chef de travaux (1960-1970) puis directeur d’études (1970-1995) à l’EPHE puis l’EHESS, directeur adjoint du LAS (1960-1982).

11 Jean-Claude Schmitt, Jacques Gutwirth (dir.), « Ethnologie et racisme », dossier dans Ethnologie française, 18/3, 1988.

12 Anthropologue français, spécialiste d’ethnologie urbaine, chargé de recherches puis directeur de recherches au CNRS (1968-2004), cofondateur du Laboratoire d’anthropologie urbaine en 1985. Auteur notamment de (dir.) Études d’anthropologie urbaine, dossier dans L’Homme, 22/4, 1982 ; Les Judéo-chrétiens d’aujourd’hui, Paris, Cerf, 1987 ; La Renaissance du hassidisme de 1945 à nos jours, Paris, Odile Jacob, 2004.

13 Sans doute la séance du 5/03/1977 (Jerzy Topolski, « Les causes de l’apparition du deuxième servage en Europe centrale et orientale »  ; Michel Cartier sur « Le féodalisme vu par les historiens chinois ») puisque c’est la seule séance dont la retranscription comprend des interventions aussi bien de Pierre Vilar que de Jean-Claude Schmitt.

14 Historien moderniste français, spécialiste d’histoire économique et sociale de la Catalogne et de l’Espagne très influencé par le marxisme. Directeur d’études à l’EPHE (1951-1965) puis Professeur à la Sorbonne puis à l’Université Paris I (1965-1976), auteur notamment de La Catalogne dans l’Espagne moderne : recherches sur les fondements économiques des structures nationales, Paris, Éditions de l’EHESS, 3 vol., 1982 [1962] ; Or et monnaie dans l’histoire : 1450-1920, Paris, Flammarion, 1974 ; Une histoire en construction : approche marxiste et problématiques conjoncturelles, Paris, Seuil, 1982.

15 Séance du 15/03/1982 (Michel Morineau « Andante largo »).

16 Séance de 1983 (?) (Bernhard Töpfer, « Les critères caractéristiques du féodalisme et la position de la société féodale dans le contexte des formations précapitalistes »).

17 [Fascicule 1, p. 34].

18 Historien moderniste français, spécialiste d’histoire religieuse et des rapports entre histoire et mémoire, maître-assistant (1969-1975) puis professeur (1975-2007) à l’Université de Provence Aix-Marseille I. Auteur notamment de La Légende des camisards : une sensibilité au passé, Paris, Gallimard, 1977 ; L’Invention du Mont Blanc, Paris, Gallimard, 1986 ; Histoire et mémoires, conflits et alliance, Paris, La Découverte, 2013.

19 Historien moderniste français, spécialiste d’histoire religieuse, maître-assistant à l’Université de Poitiers (1959-1978) puis directeur d’études à l’EPHE (1978-2000). Auteur notamment de La Spiritualité de Bossuet, Paris, Klincksieck, 1972 ; Le pur amour de Platon à Lacan, Paris, Le Seuil, 2002 ; Le Pouvoir d’abdiquer : essai sur la déchéance volontaire, Paris, Gallimard, 2009.

20 Historien moderniste français, spécialiste d’histoire religieuse, maître-assistant puis professeur à l’Université de Rennes (1962-1995). Auteur notamment de Les Hommes et la mort en Anjou aux xviie et xviiie siècles, Paris-La Haye, Mouton, 1971 ; La Vie conjugale sous l’Ancien Régime, Armand Colin, 1975 ; Croyances et cultures dans la France d’Ancien Régime, Le Seuil, 2001.

21 Voir notamment Charles-Olivier Carbonell, Georges Livet (dir.), Au berceau des Annales : le milieu strasbourgeois : l’histoire en France au début du xxe siècle : actes du Colloque de Strasbourg, 11-13 octobre 1979, Toulouse, Presses de l’Institut d’études politiques de Toulouse, 1983 ; Yisheng Zhang, « Les réunions du samedi à Strasbourg et la genèse à l’origine des Annales », Raison présente, 113, 1995, p. 93-112 ; Bertrand Müller, « L’université de Strasbourg dans l’immédiat après-guerre (1919-1925) », Revue d’histoire des sciences humaines, 33, 2018, p. 211-240.

22 Jean-Claude Schmitt, Le saint lévrier : Guinefort, guérisseur d’enfants depuis le xiiie siècle, Paris, Flammarion, 1979.

23 Historien médiéviste français, archiviste en chef de Meurthe-et-Moselle (1927-1941), conservateur du Musée lorrain de Nancy (1934-1952), professeur (1941-1974) et directeur (1954-1970) de l’École des chartes, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres à partir de 1958, conservateur du musée Jacquemart-André et de l’abbaye de Chaalis (1974-1990).

24 Séance du 11/12/1976 (Jean-Claude Schmitt, « Religion, économie et société féodale »).

25 Jean-Claude Schmitt, « Problèmes religieux de la genèse de l’État moderne », dans Jean-Philippe Genet, Bernard Vincent (dir.), État et Église dans la genèse de l’état moderne : actes du colloque organisé par le Centre National de la Rechereche Scientifique et la Casa de Velázquez ; Madrid, 30 novembre et 1er décembre 1984, Madrid, Casa de Velázquez, 1986, p. 55-62.

26 Jean-Philippe Genet (dir.), Vecteurs de l’idéel et mutation des sociétés politiques, Paris, Publications de la Sorbonne, 2021

27 Jean-Claude Schmitt, « Quelques remarques sur Vecteurs de l’idéel et mutations des sociétés politiques », dans ibid., p. 41-44.

28 Jean-Claude Schmitt a versé une partie de ses archives en 2013 au service des archives de l’EHESS : Grand équipement documentaire du Campus Condorcet, Fonds Jean-Claude Schmitt (EHESS 260 EHE).

29 L’ensemble des fascicules de la Société d’étude du féodalisme se trouvent en effet dans ibid., carton 28, « Documents sur la Société d’étude du féodalisme (1976-1982) ».

30 Historien indien, spécialiste de l’Inde médiévale, professeur à la Jawaharlal Nehru University de New Delhi (1969-2004) dont il fut recteur entre 1999 et 2002, directeur d’études associé à l’EHESS (1980-2003). Auteur notamment de (avec Terence J. Byres, dir.), Feudalism and non-European societies, dossier dans Journal of Peasant Studies, 12, 1985 ; (dir.) The feudalism debate, New Delhi, Manohar, 2000 ; Exploring India’s medieval centuries. Essays in history, society, culture, and technology, New Delhi, Aakar Book, 2010.

31 Séance du 11/10/1980 (Harbans Mukhia, « Le cas de l’Inde et le mode de production asiatique »).

32 Alain Guerreau, « Lournand au xe siècle. Histoire et fiction », Le Moyen Âge, 96, 1990, p. 519-531 (compte rendu de Guy Bois, La Mutation de l’an Mil. Lournand, village mâconnais, de l’Antiquité au féodalisme, Paris, Fayard, 1989).

33 Guy Bois a cependant été recruté à l’Université Paris VII en 1988 seulement.

34 Historien contemporanéiste et militant politique, spécialiste de l’Asie orientale, cofondateur avec Guy Dhoquois (1937-2019) du Forum histoire, lieu d’échanges et de réflexions ouvert aux historiens aussi bien professionnels qu’amateurs et actif de 1975 à 1978 (cf. Vincent Chambarlhac, « Du passé faisons table rase ?, un vandalisme épistémologique ? », Histoire@Politique, 23/2, 2014, p. 191-203). Attaché de recherches au CNRS (1953-1955), directeur d’études à la VIe section de l’EPHE (1955-1968), professeur à la Sorbonne puis à l’Université Paris VII (1968-1978) dont il fut l’un des cofondateurs en 1970. Auteur notamment de L’Asie orientale aux xixe et xxe siècles, Paris, PUF, 1966 ; Du passé, faisons table rase ? À propos de l’histoire et des historiens, Paris, Maspero, 1976 ; Habiter le temps : passé, présent, futur : esquisse d’un dialogue politique, Paris, Bayard, 1996.

35 Le « coup de Prague » désigne la prise de contrôle en février 1948 du gouvernement tchécoslovaque par le parti communiste local avec le soutien de l’Union soviétique, et l’instauration subséquente d’un régime communiste.

36 Sociologue et historien américain, spécialiste de la question des origines du capitalisme. Disciple de Fernand Braudel, professeur à l’Université McGill de Montréal (1971-1976) puis à l’Université de Binghamton (1976-1999), président de l’Association internationale de sociologie (1994-1998), auteur notamment de The Modern World-System, 4 vol., New York/Londres/San Diego, Academic Press-University of California Press, 1974-2011.

37 Il n’a pas été possible de trouver le verbatim de la séance du 20 octobre 1979 où est intervenu Immanuel Wallerstein, dont l’existence est seulement attestée par la note suivante imprimée sur la couverture du Compte-rendu des séances de la Société d’Étude du féodalisme. III-IV Années 1979-1980, Paris, 1982 : « Pour des raisons techniques, le compte-rendu des séances du 14 juin (Nurul ASAN) et du 20 novembre (Immanuel Wallerstein) de l’année 1979 sera publié ultérieurement. Nous avons cependant retenu la date du 20 octobre et non du 20 novembre pour la deuxième séance car il subsiste une « liste des présents » datée du 20 octobre 1979, qui tombait par ailleurs bien un samedi, alors que le 20 novembre 1979 tombait un mardi.

38 Séance du 21/02/1981, soit l’époque où Jean-Claude Schmitt était aux États-Unis. Il n’a pas été possible de trouver le verbatim de cette séance, dont l’existence est cependant attestée à la fois par plusieurs témoins et par une liste de présents datée du 21 février 1981 sur laquelle le nom de Braudel est encadré en haut à gauche.

39 Historien moderniste français, spécialiste d’histoire urbaine et d’histoire de l’économie politique. Après avoir soutenu en 1973 une thèse sur la ville de Caen à l’époque moderne sous la direction de Pierre Vilar (Genèse d’une ville moderne, Caen au xviiie siècle, Paris/La Haye, Mouton, 1975), il fut maître de conférences (1975-1979) puis professeur (1979-1992) à l’Université Paris I, et présida entre 1988 et 1992 le Conseil Scientifique de l’Institut National d’Études Démographiques (INED). Auteur notamment de (avec Stuart Joseph Woolf) State and statistics in France : 1789-1815, Chur-London-Paris, Harwood, 1984 ; Une histoire intellectuelle de l’économie politique, xviie-xviiie siècle, Paris, éditions de l’EHESS, 1992.

40 Historien moderniste polonais, spécialiste d’histoire économique. Professeur à l’Université de Varsovie à partir de 1950, auteur notamment de Théorie économique du système féodal. Pour un modèle de l’économie polonaise, xvie-xviiie siècles, Paris Mouton, 1970 [éd. or. 1962] ; Les Mesures et les hommes, Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1984 [éd. or. 1970].

41 Séance du 13/12/1975 (« Discussion collective sur l’œuvre de Witold Kula »).

42 Séance du 31/01/1976.

43 Historien médiéviste juif polonais, spécialiste d’histoire sociale. Rescapé du ghetto de Varsovie, il est diplômé d’histoire de l’Université de Varsovie en 1954 puis étudie en France à l’EPHE en 1956 et 1957. Directeur du centre de civilisation polonaise de la Sorbonne (1962-1965), professeur à l’Université de Varsovie (1965-1980), il rejoint le mouvement Solidarność, ce qui lui vaut d’être interné durant deux ans et demi à la suite du coup d’État du général Jaruzelski en 1981. Continuant ses activités militantes après sa sortie de prison, il est élu député à la chute du régime communiste en 1989 et le reste jusqu’en 2001, devient ministre des Affaires étrangères entre 1997 et 2000, puis devient député européen de 2004 à sa mort en 2008. Auteur notamment de Les Marginaux parisiens aux xive et xve siècles, Paris, Flammarion, 1976 ; La Potence et la pitié. L’Europe des pauvres, du Moyen Âge à nos jours, Paris, Gallimard, 1987.

44 Historien moderniste polonais, spécialiste d’histoire économique et d’épistémologie. Docteur (1951) à l’Université de Toruń. Professeur assistant (1956) à l’Institut d’histoire de l’Académie polonaise des sciences puis professeur assistant (1959), associé (1961) puis titulaire (1968) à l’Université de Poznań ; membre (1977) puis président (1984) du Comité des sciences historiques de l’Académie polonaise des sciences. Son rejet du marxisme dogmatique l’a conduit à être parfois considéré comme « révisionniste » en URSS et en RDA, entravant dans ces pays la publication de ses travaux. Auteur notamment de Marksizm i historia [Marxisme et histoire], Varsovie, Państwowy Instytut Wydawniczy, 1977 ; The manorial economy in early-modern East-Central Europe : origins, development and consequences, Aldeshot, Variorum, 1994. Voir également les séances du 05/03/1977 (Jerzy Topolski, « Les causes de l’apparition du deuxième servage en Europe centrale et orientale ») et du 11/02/1978 (Jean [sic] Topolski, « À propos de la conception d’un modèle de l’économie féodale en Pologne (xe-xviiie siècle) »).

45 Historien médiéviste polonais, chercheur à l’Institut d’Histoire de la culture matérielle de l’Académie des sciences de Wrocław (1972-1992), puis professeur à l’université de Wrocław (1992-1994) et à l’université de Varsovie (1994-2019). Après plusieurs séjours en prison pour activités de dissidence politique entre 1965 et 1971, il fait partie des premiers membres de Solidarność dont il devient rapidement le porte-parole, ce qui lui vaut d’être de nouveau emprisonné entre 1981 et 1984. Élu sénateur à la chute du régime communiste en 1989, il le reste jusqu’en 1991. Auteur notamment de Organizacja gospodarcza państwa piastowskiego x-xiii wiek [L’organisation économique de l’État Piast xe-xiiie siècles], Wrocław, PAN, 1975 ; L’Europe des barbares : Germains et Slaves face aux héritiers de Rome, Paris, Aubier-Flammarion, 2006 [éd. or. 2004] ; Nous avons fait galoper l’histoire : confessions d’un cavalier usé, Éditions de la MSH, 2018.

46 Jean-Claude Schmitt, « Karol Modzelewski : l’historien, le citoyen », Intervention, 4, 1983, p. 77-82.

47 Historienne médiéviste française, spécialiste de Byzance, professeure à l’Université Paris X (1975-2002). Auteure notamment de Pauvreté économique et pauvreté sociale à Byzance (ive-viie siècle), Paris, Mouton, 1977 ; Figures du pouvoir à Byzance (ixe-xiie siècle), Spolète, Centro italiano di studi sull’alto Medioevo, 2001 ; Un Moyen Âge grec. Byzance (ixe-xve siècle), Paris, Albin Michel, 2007.

48 Philosophe et historien polonais, dissident politique émigré en France en 1973, chargé de recherches puis directeur de recherches au CNRS (1973-2004). Auteur notamment de L’Ordre du temps, Paris, Gallimard, 1984 ; Sur l’histoire, Paris, Gallimard, 1999 ; Le Musée, une histoire mondiale, 2 vol., Paris, Gallimard, 2020-2021.

49 En particulier lors de la séance du 22/05/1976 (Jean-Claude Perrot, « Note sur les différents concepts de prix chez les économistes français du xviiie siècle »).

50 Historienne moderniste et contemporanéiste française, spécialiste de l’histoire du Maghreb et de l’Islam, militante politique anticolonialiste. Assistante à l’Université de Tunis (1961-1964), maitre de conférences à l’Université Paris viii (1969-1978), directrice d’études à l’EHESS à partir de 1980. Auteur notamment de Fellahs tunisiens : l’économie rurale et la vie des campagnes aux xviiie et xixe siècles, Paris, Mouton, 1977 ; L’Islam en dissidence, genèse d’un affrontement, Paris, Seuil, 2004.

51 Historien médiéviste allemand, chercheur (1971-2002) et directeur-adjoint (1983-2002) de l’Institut historique allemand de Paris. Fondateur de la collection des Monumenta Palaeographica Medii Aevi et auteur notamment de Die christlichen Inschriften Galliens als Quelle für Klöster und Klosterbewohner bis zum Ende des 6. Jahrhunderts, Artemis, Zürich 1977 ; (dir.), La Neustrie. Les pays au nord de la Loire de 650 à 850. Colloque historique international, Rouen, 2 vol., Thorbecke, Sigmaringen 1989 ; (avec André Burguière), Marc Bloch aujourd’hui. Histoire comparée & sciences sociales, Éditions de l’EHESS, Paris, 1990.

52 Historien moderniste français, spécialiste de la Révolution française, et membre du PC, dont il fit partie du comité central de 1979 à 1987. Maître-assistant puis professeur à l’Université de Rouen (1965-1996) où il dirigea le département d’histoire entre 1977 et 1978 puis entre 1985 et 1993. Auteur notamment de Babeuf et la conspiration pour l’égalité, Paris, Éditions sociales, 1962 ; Un historien en son temps, Albert Soboul (1914-1982). Essai de biographie intellectuelle et morale, Nérac, Éditions d’Albret, 2004 ; L’histoire de la Révolution française et la pensée marxiste, Paris, PUF, 2009.

53 Historien moderniste français, spécialiste d’histoire sociale et culturelle, assistant à la Sorbonne (1965-1970), membre de l’École française de Rome (EfR, 1970-1973), chargé de recherches au CNRS (1973-1978), maître-assistant (1978-1983) puis directeur d’études (à partir de 1983) à l’EHESS dont il fut président entre 1995 et 2004. Auteur notamment de (avec Michel de Certeau et Dominique Julia), Une politique de la langue. La Révolution française et les patois. L’enquête de Grégoire (1790-1794), Paris, Gallimard, 1975 ; (éd.), Jeux d’échelles : la micro-analyse à l’expérience, Paris, Le Seuil, 1996 ; Un parcours critique. Douze essais d’histoire sociale, Paris, Galaade, 2006.

54 Historien médiéviste français, spécialiste de l’Islam, militant au PC (1939-1960), maître-assistant (1945-1948) puis professeur (1948-1959) à l’Université de Strasbourg puis professeur à la Sorbonne puis à Paris I (1959-1979), élu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres en 1973. Auteur notamment de L’Islam : des origines au début de l’Empire ottoman, Paris, Bordas, 1968 ; Orient et Occident au temps des croisades, Paris, Aubier-Montaigne, 1983 ; La Turquie pré-ottomane, Istanbul, Divit Matbaacilik Ve Yayincilik, 1988.

55 Historienne médiéviste italienne, spécialiste d’histoire urbaine, chercheuse à l’Université de Milan (1959-1977), professeure associée à l’Université de Parme (1977-2004), directrice d’études associée à l’EHESS (1987). Auteure notamment de (dir.), La città e la corte. Buone e cattive maniere tra Medioevo ed età moderna, Milan, Guerini, 1991 ; (dir.), Medioevo e oltre. Georges Duby e la storiografia del nostro tempo, Bologne, CLUEB, 1999 ; (dir.), Il Medioevo europeo di Jacques Le Goff, Milan, Silvana, 2003. Voir aussi la séance du 31/01/1976 (Daniela Romagnoli, « Discussion sur l’œuvre de Witold Kula en Italie ». 

56 Historien moderniste français, spécialiste d’histoire religieuse, professeur à l’Université de Rouen (1978-1988) puis à l’Université Paris X (1988-1994). Auteur notamment de Bourgeois et paysans au xviie siècle. Recherche sur le rôle des bourgeois parisiens dans la vie agricole au sud de Paris au xviie siècle, Paris, SEVPEN ; Réforme protestante, Réforme catholique dans la province d’Avignon, xvie siècle, Paris, Cerf, 1993 ; Le Catholicisme à l’épreuve dans la France du xvie siècle, Paris, 2000.

57 Fascicule 1, p. 34.

58 Historien médiéviste américain, spécialiste d’histoire économique de la Sardaigne, professeur à l’Université Paris VII. Auteur notamment de (dir.), Études d’histoire monétaire, xiie-xixe siècles, Lille, Presses universitaires de Lille, 1984 ; La Sardegna sotto la dominazione pisano-genovese dal xi al secolo xiv, Turin, UTET, 1987 ; The Medieval Market Economy, Oxford, Blackwell, 1987.

59 En particulier un rapport sur la Sardaigne discuté lors de la séance du 31/01/1976 (« Les rapports entre la grande exploitation et la petite exploitation dans les sociétés féodales ou susceptibles d’être considérées comme telles »).

60 Historienne médiéviste franco-grecque, spécialiste de Byzance, militante au PC, attachée de recherches au CNRS (1951-1964), directrice d’études à la VIe section de l’EPHE puis à l’EHESS à partir de 1964. Auteure notamment de Recherches sur les douanes de Byzance, Paris, Armand Colin, 1963 ; Études d’histoire maritime de Byzance, Paris, SEVPEN, 1966 ; Προβλήματα Ιστορίας. Βυζαντινά, Μεταβυζαντινά [Problèmes d’histoire. Byzantins, post-byzantins], Athènes, Éditions Lettres Grecques, 1996.

61 Historien contemporanéiste français, spécialiste de l’Amérique latine, attaché de recherches au CNRS (1968-1984), professeur à l’Université Paris VII (1984-2004). Auteur notamment de Contribution à l’étude du développement du capitalisme agraire dans un pays en situation néo-coloniale, Paris, Anthropos, 1975 ; Capitalisme agraire au Pérou, 2 vol., Paris, Anthropos, 1975-1983 ; Esquisse d’une histoire comparée des développements dans le monde jusque vers 1850, Nanterre, Erasme, 1989.

62 Historien médiéviste français, spécialiste de la Sicile, maître-assistant à l’Université Paris X (1974-1982), professeur à l’Université de Nice (1982-1990) puis à l’Université Paris X (1990-2008). Auteur notamment de Un monde méditerranéen : Économie et société en Sicile, 1300-1450, Rome, BEFAR, 1986 ; Politique et société en Sicile, xiie-xve siècles, Londres, Variorum Reprints, 1991 ; Arabes de langue, juifs de religion : l’évolution du judaïsme sicilien dans l’environnement latin, xiie-xve siècles, Paris, Bouchène, 2001.

63 Historien médiéviste français, spécialiste d’histoire politique et culturelle. Assistant à la Sorbonne (1956-1963), maître de conférences à l’Université de Strasbourg (1963-1965), professeur à la Sorbonne puis à l’Université Paris I (1965-1995). Auteur notamment de Tribunaux et gens de justice dans le bailliage de Senlis à la fin du Moyen Âge (vers 1380-vers 1550), Paris, Les Belles lettres, 1963 ; L’Occident aux xive et xve siècles : les États, Paris, PUF, 1998 [1971] ; Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier-Flammarion, 2011 [1980].

64 Historienne médiéviste française, spécialiste d’histoire économique des campagnes et d’anthroponymie, assistante puis maître-assistante à l’Université de Tours (1967-1985), professeure à l’Université Paris I (1985-2004). Auteure notamment de Villages médiévaux en Bas-Languedoc, genèse d’une sociabilité : xe-xive siècle, 2 vol., Paris, L’Harmattan, 1987 ; (avec Pascal Martìnez Sopena, dir.), Pour une anthropologie du prélévement seigneural dans les campagnes médiévales, xie-xive siècles, 2 vol., Paris, Publications de la Sorbonne, 2004-2007 ; (avec Pascal Chareille), Noms, prénoms, surnoms au Moyen Âge, Paris, Picard, 2014.

65 Historien français, spécialiste d’histoire sociale et de démographie de l’Extrême-Orient, directeur d’études à l’EHESS à partir de 1988, directeur du Centre d’études comparatives du monde chinois (1985-1996), auteur notamment de L’Éducation dans la Chine ancienne et médiévale, Paris, PUF, 1981 ; La Chine et l’Occident. Cinq siècles d’histoire, Paris, Odile Jacob, 2015

66 Le nom de Robert Fossier a en fait laissé une trace parmi les archives déposées par Jean-Claude Schmitt auprès de l’EHESS, que nous avons consultées après l’entretien. On y trouve en effet des bandes magnétiques dont le boitier porte la mention suivante : « Société d’études du féodalisme. Séance du 27-xi-1982. Présentation du livre de Robert Fossier. Bande n° 1 ». Faute d’appareil adéquat nous n’avons pu écouter ces bandes et ne pouvons donc savoir si Robert Fossier était présent lors de cette séance.

67 Jacques Le Goff, La Naissance du purgatoire, Paris, Gallimard, 1981.

68 Historien médiéviste français, spécialiste d’histoire culturelle, directeur d’études à l’EPHE depuis 1983. Auteur notamment de Couleurs, images, symboles. Études d’histoire et d’anthropologie, Paris, Le Léopard d’Or, 1989 ; Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental, Paris, Seuil, 2004 ; Les Couleurs de nos souvenirs, Paris, Seuil, 2010.

69 Historien de l’art français, directeur d’études à l’EHESS. Auteur notamment de L’Art roman de face et de profil. Le tympan de Conques, Paris, Le Sycomore, 1984 ; (avec Marie-Noëlle Collette, Jacques Le Goff et Éric Palazzo), Le sacre royal à l’époque de saint Louis d’après le manuscrit latin 1246 de la BNF, Paris, Gallimard, 2001 ; (avec Jérôme Baschet et Pierre-Olivier Dittmar), Le Monde roman : par delà le bien et le mal, Paris, Arkhê, 2012.

70 Jean-Claude Bonne, Marie-Noëlle Collette, Jacques Le Goff, Éric Palazzo, Le Sacre royal, op. cit.

71 Jean-Claude Schmitt, « Robert Fossier (1927-2012) », Bibliothèque de l’École des chartes, 170/2, p. 621-625.

72 Ancienne élève de l'École des chartes, elle rejoint l’Institut de recherche et d'histoire des textes (IRHT) dès 1950 et prend sa retraite en 1991, en qualité de directrice adjointe de l'Institut. Après avoir édité de nombreuses sources diplomatiques (en particulier les chartes de l'abbaye de Saint-Magloire, et les chartes en langue française antérieures à 1271), elle développe dès les années 1960 un goût authentique pour l'informatique documentaire (balbutiante à l'époque), et s'attelle à la publication (informatisée) des actes pontificaux avignonnais. Elle a également fondé Le médiéviste et l'ordinateur, bulletin à faible tirage, certes, mais pionnier dans le domaine.

73 Des interventions de Georges Duby sont ainsi retranscrites dans le cadre des séances du 11/12/1976 (Jean-Claude Schmitt, « Religion, économie et société féodale ») et du 1/12/1979 (Pierre Dockès, « À propos de la libération médiévale »).

74 Georges Duby, Guerriers et paysans (viie-xiie siècles). Premier essor de l’économie européenne, Paris, Gallimard, 1973.

75 Georges Duby, La Société aux xie et xiie siècles dans la région mâconnaise, Paris, Armand Colin, 1953.

76 Georges Duby, Le Dimanche de Bouvines, Paris, Gallimard, 1973.

77 Georges Duby, Dames du xiie siècle, 3 vol., Paris, Gallimard, 1995-1996.

78 Georges Duby, Saint Bernard, l’art cistercien, Paris, Flammarion, 1979.

79 Historien médiéviste allemand, spécialiste d’histoire sociale de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne. Assistant de recherches puis professeur à l’Université de Bielefeld (1978-2008), plusieurs fois directeur d’études associé au Centre de recherches historiques de l’EHESS entre 1981 et 2003, professeur invité à l’Université Paris VII (1994, 2003, 2005), cofondateur avec Jochen Hoock d’un cursus intégré franco-allemand d’histoire en partenariat avec l’Université de Bielefeld et l’Université Paris VII. Auteur notamment de Die französischen Generalstände von 1468 und 1484: prosopographische Untersuchungen zu den Delegierten, Sigmaringen, Thorbecke, 1992 ; (avec Robert Descimon et Alain Guerreau, dir.), L’État ou le roi. Les fondations de la modernité monarchique en France (xivexviie siècles), Paris, Éditions de la MSH, 1996 ; Recht, Raum und Politik. Von der spätmittelalterlichen Stadt zur Europäischen, Göttingen, Wallstein, 2015.

80 Historien moderniste allemand, spécialiste d’histoire culturelle, cofondateur du courant de l’Alltagsgeschichte, chargé de recherches au Max-Planck-Institut für Geschichte de Göttingen (1973-2004), professeur à l’Université d’Erfurt (1999-2004). Auteur notamment de (avec Peter Kriedte et Jürgen Schlumbohm), Industrialisierung vor der Industrialisierung. Gewerbliche Warenproduktion auf dem Land in der Formationsperiode des Kapitalismus, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 1977 ; Weben und Überleben in Laichingen 1650–1900. Lokalgeschichte als allgemeine Geschichte, Vandenhoeck & Ruprecht, Göttingen, 1996 ; Der Dreißigjährige Krieg. Zeugnisse vom Leben mit Gewalt, Wallstein, Göttingen 2018.

81 Historien contemporanéiste allemand, spécialiste d’histoire ouvrière, cofondateur de l’Alltagsgeschichte, chargé de recherches au Max-Planck-Institut für Geschichte de Göttingen (1975-2008), professeur à l’Université d’Hanovre (1995-1999) puis d’Erfurt (1999-2008). Auteur notamment de „Gemeinwohl“, Polizei und „Festungspraxis“. Innere Verwaltung und staatliche Gewaltsamkeit in Preußen, 1815-1850, Göttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1982 ; (dir.) Histoire du quotidien, Paris, Édition de la MSH, 1994 ; Des ouvriers dans l’Allemagne du xxe siècle : le quotidien des dictatures, Paris, L’Harmattan, 2000

82 Historien moderniste allemand, spécialiste d’histoire sociale et d’épistémologie de l’histoire, professeur à l’Université de Bochum (1966-1968), à l’Université d’Heidelberg (1968-1974) et à l’Université de Bielefeld (1974-2006). Auteur notamment de Preußen zwischen Reform und Revolution. Allgemeines Landrecht, Verwaltung und soziale Bewegung von 1791 bis 1848, Klett, Stuttgart, 1967 ; Le Futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques, Éditions de l’EHESS, Paris, 1990 ; L’Expérience de l’histoire, Paris, Seuil, 1997.

83 Historien médiéviste allemand, spécialiste d’histoire sociale et d’épistémologie de l’histoire, assistant (1965-1975) puis professeur (1975-1980) à l’Université de Münster et à l’Université de Hanovre (1980-1987), directeur du Max-Planck-Institut für Geschichte (MPIG) de Göttingen (1987-2004). Auteur notamment de Forschungen zu monastischen und geistlichen Gemeinschaften im westfränkischen Bereich, Munich, Fink, 1978 ; L’Historisme en débat. De Nietzsche à Kantorowicz, Paris, Aubier, 2001 ; (avec Jean-Claude Schmitt, dir.), Les Tendances actuelles de l’histoire du Moyen Âge en France et en Allemagne : actes des colloques de Sèvres, 1997 et Göttingen, 1998, Paris, Publications de la Sorbonne, 2002.

84 Jean-Claude Schmitt, « Otto Gerhard Oexle (1939-2016) », Cahiers de civilisation médiévale, 59, 2016, p. 211-216.

85 Otto Gerhard Oexle, Jean-Claude Schmitt, Les Tendances actuelles, op. cit.

86 Historien médiéviste allemand, spécialiste d’histoire économique de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne, professeur à l’Akademie der Wissenschaften der DDR de Berlin (1975-1990). Auteur notamment de Bergbau und Hüttenwesen in Frankreich um die Mitte des 15. Jahrhunderts. Eine Studie über die Entstehung kapitalistischer Produktionsverhältnisse in den Gruben des Lyonnais und Beaujolais, Leipzig, Deutscher Verlag für Grundstoffindustrie, 1964 ; Studien über den erzgebirgischen Silberbergbau von 1470 bis 1546 : seine Geschichte, seine Produktionsverhältnisse, seine Bedeutung für die gesellschaftlichen Veränderungen und Klassenkämpfe in Sachsen am Beginn der Übergangsepoche vom Feudalismus zum Kapitalismus, Berlin, Akademie-Verlag, 1974.

87 Historien médiéviste allemand, spécialiste d’histoire politique et sociale de l’Empire carolingien. Maître de conférences (1960-1964) puis professeur (1964-1990) à l’Université Humboldt de Berlin, directeur du groupe de travail des Monumenta Germaniae Historica à l’Akademie der Wissenschaften der DDR de Berlin puis à la Berlin-Brandenburgische Akademie der Wissenschaften après la dissolution de la première en 1992 (1966-2001). Auteur notamment de Karl der Große, Ludwig der Fromme und die Freien. Wer waren die liberi homines der karolingischen Kapitularien (742/743–832) ? Ein Beitrag zur Sozialgeschichte und Sozialpolitik des Frankenreiches. Berlin, Akademie-Verlag, 1963 ; Regnum Teutonicum. Aufkommen und Verbreitung der deutschen Reichs- und Königsauffassung im früheren Mittelalter, Berlin, Akademie-Verlag, 1970 ; Die Reichsstruktur im Spiegel der Herrschaftspraxis Ottos des Großen. Mit historiographischen Prolegomena zur Frage Feudalstaat auf deutschem Boden, seit wann deutscher Feudalstaat?, Berlin, Akademie-Verlag, 1980.

88 Historien médiéviste allemand, spécialiste d’histoire économique et sociale de la fin du Moyen Âge et du début de l’époque moderne. Assistant de recherches à l’Université de Bonn (1968-1974), professeur à l’Université de Bielefeld (1975-1976) puis à l’Université de Trèves (1977-2008). Auteur notamment de Die wirtschaftliche Stellung der Stadt Köln im 14. und 15. Jahrhundert. Strukturanalyse einer spätmittelalterlichen Exportgewerbe- und Fernhandelsstadt, Wiesbaden, Steiner, 1979 ; (avec Arnold Lassotta), Bettler und Gaukler, Dirnen und Henker. Randgruppen und Aussenseiter in Köln 1300-1600, Cologne, Greven Verlag, 1984 ; (dir), Zwischen Maas und Rhein : Beziehungen, Begegnungen und Konflikte in einem europäischen Kernraum von der Spätantike bis zum 19. Jahrhundert : Versuch einer Bilanz, Trier, Kliomedia, 2006.

89 Historien médiéviste allemand, maître-assistant (1953-1957) puis professeur (1957-1996) à l’Université de Leipzig. Auteur notamment de Die Geburt einer Grossmacht, die Osmanen (1300 - 1481), Berlin, Akademie-Verlag, 1966 ; Stadtluft macht frei. Frühscholastik und bürgerliche Emanzipation in der ersten Hälfte des 12. Jahrhundert, Berlin, Akademie-Verlag, 1976 ; Jan Hus, Weimar, Böhlau, 1991.

90 Historien médiéviste allemand, maître-assistant (1967-1972) puis professeur (1975-1992) à l’Université de Leipzig. Auteur notamment Ideologische Probleme des mittelalterlichen Plebejertums : die freigeistige Häresie und ihre sozialen Wurzeln, Berlin, Akademie-Verlag, 1960 ; Sozialreligiöse Strömungen im späten Mittelalter : Geiβler, Freigeister und Waldenser im 14. Jahrhundert, Berlin, Akademie-Verlag, 1970.

91 Ils ont notamment publié ensemble « Sozial-religiöse Bewegungen im Mittelalter », Wissenschaftliche Zeitschrift der Karl-Marx Universität Leipzig, Gesellschafts- und sprachwissenschaftliche Reihe, 7, 1957-1958, p. 257-282 et Ketzer und Heilige. Das religiöse Leben im Hochmittelalter, Berlin, Union Verlag, 1986.

92 Historien médiéviste allemand, spécialiste du Haut Moyen Âge et d’histoire globale. Assistant à l’Université de Fribourg (1975-1991), professeur à l’Université Humboldt de Berlin (1991-2018). Auteur notamment de Geschichte der Grafschaften Alemanniens in fränkischer Zeit, Thorbecke, Sigmaringen, 1984 ; Sozialgeschichte des Mittelalters. Eine Forschungsbilanz nach der deutschen Einheit, Oldenbourg, Munich, 1996 ; Weltgeschichte als Stiftungsgeschichte. Von 3000 v. u. Z. bis 1500 u. Z. Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 2017.

93 Historien médiéviste allemand, spécialiste des villes allemandes à la fin du Moyen Âge, professeur à l’Université de Kiel (1975-1982), à l’Université de Göttingen (1982-1998) et à l’Université Humboldt de Berlin (1992-1995). Auteur notamment de Der Deutsche Orden. 12 Kapitel aus seiner Geschichte, Munich, Beck, 1981 ; Die Stadt im späten Mittelalter, Munich, Beck, 1986 ; Fürsten, Bürger, Edelleute. Lebensbilder aus dem späten Mittelalter, Munich, Beck, 1994.

94 Jean-Claude Schmitt, Les Rythmes au Moyen Âge, Paris, Gallimard, 2016.

95 Jean-Claude Schmitt, Le Cloître des ombres, Paris, Gallimard, 2021.

96 Historienne moderniste, spécialiste de l’histoire urbaine de l’Europe centrale et septentrionale. Assistante (1970) puis Maître assistante (1982) à l’Université de Picardie, professeure (1994-2009) émérite (2009-2016) à l’Université Paris vii. Auteure notamment de Wolter von Holsten, marchand lubeckois dans la seconde moitié du seizième siècle : contribution à l’étude des relations commerciales entre Lübeck et les villes livoniennes, Cologne, Böhlau, 1981 ; (dir.), Unité et globalité de l’homme : des humanités aux sciences humaines, Paris, Syllepse, 2006.

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Pour citer cet article

Référence électronique

« Entretien avec Jean-Claude Schmitt »L’Atelier du Centre de recherches historiques [En ligne], 27 | 2023, mis en ligne le 02 juin 2022, consulté le 16 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/acrh/26124 ; DOI : https://doi.org/10.4000/acrh.26124

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