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Comptes rendus

Honegger (Emmanuel), Le Char de la mort. Jules-Théophile Schuler 1821-1878

Barr, Le Verger Éditeur, 2020, 72 p.
Catherine Jordy
p. 366-368
Référence(s) :

Honegger (Emmanuel), Le Char de la mort. Jules-Théophile Schuler 1821-1878, Barr, Le Verger Éditeur, 2020, 72 p.

Texte intégral

1Cet opuscule consacré à l’un des chefs-d’œuvre du peintre strasbourgeois Théophile Schuler (1821-1878) a le très grand mérite de proposer une analyse inédite de l’immense toile représentant le Char de la mort tiré par des chevaux-squelettes, guidé par un ange et chargé de figures allégoriques, réalisée entre 1848 et 1851, offerte par le peintre aux Unterlinden de Colmar. Fruit de deux ans de travail, le livre de 72 pages rappelle la collection « Solo » du Louvre. L’étude monographique se double d’une introduction à l’œuvre d’un peintre trop peu connu, pourtant célébré par ses contemporains, Van Gogh en tête.

2Emmanuel Honegger, diplômé des Arts décoratifs de Strasbourg, est l’auteur de monographies d’artistes mais également d’ « Enquêtes rhénanes ». Il a été le président de la commission Schuler de la Société des Amis des Arts et des Musées de Strasbourg de 2014 à 2017 avec l’opportunité d’y étudier l’important fonds légué par la fille de l’artiste à la SAAMS. L’ouvrage qui en résulte commence par présenter le contexte de création, à savoir les débuts de Schuler à Paris, dont le séjour se situe tout près des événements sanglants de la révolution de 1848, élément fondamental pour le choix du sujet. Conçu pour être exposé au Salon de Paris mais finalement présenté uniquement à Strasbourg, le tableau est décrit, puis analysé en fonction non pas seulement de ce que l’artiste en a dit dans la notice qu’il a fournie lors du don, en 1862, mais de ce que l’on peut imaginer qu’il avait en tête. La censure qui suit la fin de l’éphémère Deuxième République a probablement poussé Schuler à présenter une œuvre consensuelle qui, en réalité, demande qu’on lise entre les coups de pinceau pour en comprendre les intentions véritables. Il s’ensuit une analyse subtile de l’iconographie, par le biais du principe que Schuler a été profondément républicain et que ce Char de la mort en véhicule les éléments allégoriques. L’auteur propose de voir, dans certaines figures, des personnages bien déterminés, ce qu’il atteste par des arguments plutôt pertinents. Pour l’allégorie de la poésie par exemple, là où d’aucuns voient Dante, il propose plutôt Virgile. Masaniello, symbole de la révolution à Naples, est une interprétation souvent avancée pour un jeune homme sobrement qualifié par Schuler de pêcheur insouciant habitué à se frotter à la mort à chaque instant. Pour E. Honegger, il pourrait s’agir de Jonas, en s’appuyant sur les textes bibliques (Schuler est fils de pasteur et par ailleurs lettré, voire érudit), le rapport des luthériens à la foi et sur des tatouages arborés par le personnage ainsi que la forme du filet sur lequel il est assis. Sans doute ces interprétations se justifient-elles toutes. Cela témoigne en tout cas de l’ambition du tableau, à l’évidence polysémique.

3Si l’analyse est passionnante, elle n’est pas exhaustive, ce que l’on peut regretter. Elle est très éclairante, cependant, notamment d’un point de vue théologique (signalons également la remarquable préface de frère Rémy Valléjo). On aurait aimé un format plus grand pour mieux apprécier les détails de l’œuvre, davantage de comparaisons (pas un mot de l’Enterrement à Ornans de Courbet quasi contemporain dont la complexité comme la composition offrent des correspondances troublantes avec notre tableau), les sources picturales (Géricault et Delacroix sont largement cités, mais d’autres sont laissés de côté ou à peine évoqués). Un dessin préparatoire est présenté, mais trop peu exploité. Cela dit, à partir de maintenant, il faudra s’appuyer sur ce livre pour décrire le grand œuvre de Schuler. Par ailleurs, la parution de cet ouvrage était un appel du pied à la ville de Strasbourg qui aurait pu célébrer le bicentenaire de la naissance de Schuler en 2021, ce qui viendra peut-être. On sent néanmoins que l’auteur travaille sur une publication plus complète (en témoigne l’importante liste des œuvres de l’artiste, mais le plus souvent sans leur localisation), consacrée à Schuler, dont il risque bien de devenir le spécialiste.

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Pour citer cet article

Référence papier

Catherine Jordy, « Honegger (Emmanuel), Le Char de la mort. Jules-Théophile Schuler 1821-1878 »Revue d’Alsace, 147 | 2021, 366-368.

Référence électronique

Catherine Jordy, « Honegger (Emmanuel), Le Char de la mort. Jules-Théophile Schuler 1821-1878 »Revue d’Alsace [En ligne], 147 | 2021, mis en ligne le 01 janvier 2022, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/alsace/4800 ; DOI : https://doi.org/10.4000/alsace.4800

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