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L’Anthropologie en partage

La transmission aux générations d’après : les « à-côtés » de la recherche comme espaces d’inspiration et de construction dans l’ESR

Fleur Beauvieux et Manon Vialle

Texte intégral

1Nous avons côtoyé Sandrine Musso pendant une dizaine d’années lorsque nous étions doctorantes puis postdoctorantes, au sein du laboratoire le Centre Norbert Elias, dans le cadre d’évènements académiques, mais aussi non académiques. À ces divers endroits, elle a été une figure importante pour nous. De ses conseils et enseignements, une réflexion plus large sur le milieu de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) se dessine. Nous ne faisons pas référence ici aux enseignements dans un format académique mais plutôt aux « à-côtés » de la transmission institutionnelle, celle qui se construit au fil d’échanges de couloirs, de bureaux, de pauses cigarettes, de sorties de réunions, d’ateliers, de séminaires, de spectacles, de conférences, de soirées, ou encore de manifestations. Sandrine a été pour nous une personne marquante au sein de ces différents espaces et y a joué un rôle essentiel tant sur les plans intellectuel qu’humain.

2La figure inspirante qu’elle a été pour nous de manière partagée et le constat commun de sa rareté nous semblent révélateurs de nombreux manques et besoins au sein de l’ESR, que cela concerne la transmission sur le plan relationnel ou la construction de la pensée dans une dimension moins hiérarchisée.

Le parcours de formation de la jeune recherche

  • 1 LRU (Loi relative aux libertés et responsabilités des universités) en 2007, loi « Orientation et ré (...)
  • 2 Nous désignons par « jeune recherche » ou « jeune chercheur·se » l’ensemble des personnes non statu (...)

3Tout comme l’a été, en partie, l’itinéraire de Sandrine, le parcours vers la titularisation est souvent long pour la majorité d’entre nous. Le métier de chercheur·se s’apprend dès le master 2, au fil du doctorat, se poursuit ensuite à travers l’enchaînement de plusieurs post-doctorats et divers contrats de recherche ou d’enseignement, pour celles et ceux qui continuent, pendant parfois de nombreuses années. Il a beaucoup été question, dans divers écrits collectifs, des conditions dégradées de travail et d’accès professionnel dans l’ESR au cours de ces quinze dernières années (Noûs, 2020a, 2020b), suite aux diverses réformes et leurs mouvements de contestation corollaires1. Mais peu d’écrits ou de réflexions ont été publiés sur ce qu’est, finalement, être aujourd’hui « jeune chercheur·se »2, c’est-à-dire dans une recherche permanente de postes (CDD qui s’enchaînent avec le « graal » miroité du poste fixe un jour) et sans aucune visibilité sur l’avenir tant les places sont rares.

4Publié en 2013 et diffusé gratuitement sur OpenEdition, Devenir chercheur. Écrire une thèse en sciences sociales (Hunsmann & Kapp, 2013), comble en partie certaines lacunes, mais se concentre uniquement sur la période du doctorat et sur les différentes étapes à franchir (communications scientifiques, publications, production de données et écriture), au sein même de l’Université et du monde académique plus large. Il s’agissait en somme pour ces auteurs de donner quelques « ficelles du métier » dans la continuité de Howard Becker une décennie plus tôt (2002) et d’aider les doctorant·e·s à faire et à terminer leur thèse dans les meilleures conditions possibles.

  • 3 Parmi différentes initiatives, nous renvoyons au site du CLASCHES, le collectif de lutte contre le (...)

5Or, au fil des années, pendant et après le doctorat, nous nous rendons bien compte de la complexité du monde de la recherche et de la difficile inscription en son sein. La lecture de manuels à l’égard des jeunes chercheur·se·s ne suffit pas à surmonter ces obstacles, même si l’on peut saluer les rares initiatives en la matière. Ce monde, à l’instar d’autres milieux socio-professionnels, est empreint de violences qu’il est important de prendre en compte. Outre les aspects économiques et la baisse constante de la création de postes de titulaires, s’y déploient des violences de genre, de race, de classe ou de statut, comme le soulignent des publications très récentes faisant suite aux dernières réformes et mouvements de contestation (Noûs, 2020a, 2020b ; Poulin, 2022 ; Combes, 2022)3.

  • 4 La BD Carnets de thèse (Rivière, 2015) qui nous a beaucoup portées pendant le doctorat aborde certa (...)

6Si le titre de l’ouvrage, Devenir chercheur, rappelle que l’on ne naît pas chercheur·se mais qu’on le devient, le rite de passage que constitue la soutenance de la thèse, outre sa dimension symbolique salutaire après souvent de nombreuses années passées en doctorat, ne résout pas toujours la sensation d’imposture ou d’illégitimité face à ce monde si hiérarchisé et devenu concurrentiel de la transmission et de la co-construction du savoir (Poulin, 2022). Alors même que l’on aspire à continuer d’exercer ce métier, que l’on a souvent choisi par intérêt, voire passion, tout en ayant conscience des difficultés économiques probables, le parcours du combattant s’étend également dans « l’après-thèse »4. La compréhension de toutes ces étapes et leurs vécus seraient néanmoins bien plus difficiles sans certains espaces « à côté » de la recherche institutionnalisée, au sein desquels nous avons côtoyé Sandrine.

Les « à-côtés » de l’enseignement dans l’espace académique

7Il semble aller de soi et il est bien connu que la socialisation professionnelle, la construction de l’identité de chercheur·se, s’effectuent également dans les coulisses, c’est-à-dire les espaces informels de l’enseignement et de la recherche. Nous sommes d’ailleurs incité·e·s en tant que jeunes chercheur·se·s à y participer, dans une visée de « réseautage » professionnel et de visibilisation de nos existences au sein de nos champs disciplinaires d’appartenances. Néanmoins, ces espaces s’avèrent souvent des lieux de reproduction des hiérarchies statutaires et professionnelles (Hazell, 2022 ; Combes, 2022), alors que cette réalité n’a rien d’inéluctable et que dans quelques situations ils peuvent également être des lieux d’attention réciproque, d’entraide et de co-apprentissage comme nous avons pu l’expérimenter avec Sandrine. 

8Car s’il est évident que l’engagement dans un doctorat comprend un objectif de formation à la recherche, il n’y a pas de raison que celui-ci se passe d’attention aux affects. Ces derniers découlent parfois de la situation même de thésard·e·s5 ou de jeunes docteur·e·s, de la précarité de ces statuts et des rapports de subordination dans lesquels ils plongent (Combes, 2022). Compte tenu de ces situations, parfois fragiles, l’attention aux autres ne doit pas être optionnelle, anecdotique, et la préoccupation d’une seule personne ou deux, voire aucune dans l’entourage doctoral. Sandrine incarnait précisément cette figure rare et nos souvenirs nourrissent un constat commun : celui d’une mise en œuvre de la recherche qui s’inscrit dans une vision de la transmission en tant qu’antidote à la solitude, à la concurrence et plus largement aux rapports de pouvoir. Cela se concrétisait par son intérêt aux « à-côtés » de la recherche officielle, valorisée et valorisable. C’est précisément parce qu’en tant que figure statutaire elle côtoyait ces « à-côtés » avec un intérêt sincère, qu’elle a pu nous y soutenir, conseiller, motiver et au final, inspirer.

9Ses recommandations s’articulaient autour de plusieurs registres : des conseils pratiques pour nos premières expériences d’enseignement, des recommandations scientifiques bien évidemment, mais aussi des conseils tenant compte des positions sociales particulières dans lesquelles nous nous trouvions en tant que jeunes chercheuses précaires, c’est-à-dire d’une part dans une période incertaine voire économiquement fragile, d’autre part en tant que jeunes femmes. Et ces considérations comptent ! Sandrine le savait et s’en souciait, comme elle le rapportait dans l’une de ses dernières contributions :

Faire référence à cette « cuisine interne » de la recherche et sa valorisation ne témoigne pas seulement d’un souci de « rendre à César ce qui est à César », mais aussi d’une intention d’éclairer les conditions de production toujours plus compliquées de l’objet livre collectif, après l’immense énergie suscitée par l’organisation d’un colloque, notamment quand celle-ci repose en grande partie sur des personnes n’ayant pas de statut académique, ou un statut précaire. On pourrait y ajouter, dans une perspective qui prenne en compte à la fois les attributs des personnes en termes de statuts mais aussi de genre, que ce type d’entreprise, avec le travail important et invisible qu’il implique, est souvent porté par des femmes (Musso, 2021 : 332).

  • 6 Les termes en italique sont les mots de Sandrine, issus de discussions orales que nous avons pu avo (...)

10En plus de développer une réflexion forte sur ces enjeux, elle relevait au quotidien une prise de parole mal assurée de l’une d’entre nous, une occasion non saisie, une voix restée inaudible et cherchait à comprendre pourquoi, en aparté, dans une posture sororale et féministe bien ajustée. Elle encourageait lorsque nous doutions de nous : ne perds pas dix ans comme moi je l’ai fait à te demander si tu es suffisamment légitime ou non, fonces !6, dans une volonté de renversement des inégalités de genre dans l’ESR, d’explosion du plafond de verre, de démolition des sentiments d’imposture puisqu’éminemment plus fréquents chez les femmes (Latour, 2008). Elle confortait en revanche le doute lorsqu’il permettait de prendre des décisions face à des propositions pouvant s’avérer défavorables, consciente qu’auprès de certaines personnes, dans certaines situations, la préservation vaut mieux que l’occasion. Il est précieux d’avoir ce type de soutien dans une période de la carrière ou aucun « non » ne semble dicible et aucune justification suffisante. Sandrine réconfortait aussi, à travers son attention aux affects, en les questionnant, ne les sous-estimant pas, notant au contraire qu’ils peuvent découler de l’instabilité, de la précarité, de conflits entre collègues, ou encore de l’isolement souvent inhérent à notre métier.

11Le modèle de relations que nous a donné à vivre Sandrine prenait le contrepied de celui que l’on observe dans le milieu de l’ESR : celui d’une socialisation professionnelle soit souvent inexistante, laissant chacun·e à sa solitude, soit trop minée par la rareté des postes statutaires et la concurrence. Cela nous a fait prendre conscience que ces « arrière-cuisines », ces discussions ou façons de se former en-dehors des rencontres normées de l’espace académique (colloques, journées d’études, séminaires) s’avèrent autant, si ce n’est plus importantes dans l’apprentissage du « devenir » et finalement « être » chercheur·se. Cela nous intime, aussi, l’urgence de perpétuer mais aussi de développer ces « à-côtés » de la recherche, à travers une socialisation professionnelle soucieuse d’autrui et dans une perspective d’entraide.

Les « pas de côté » dans les rapports statutaires au sein du monde académique

12Une part non négligeable de la formation au métier se fait aussi par mimétisme, notamment des chercheur·ses que l’on peut admirer pour une raison ou une autre : que ce soit pour leur posture, leur engagement, en raison d’objets de recherche communs, mais aussi pour le partage des moments de découverte, de leur passion ou amour du métier, ainsi que ses déboires, difficultés, obstacles et remises en question que chacun·e traverse à un moment ou un autre.

13C’est peut-être cela aussi qui nous a marquées dans la posture de Sandrine, tant lors des séminaires qu’elle organisait que dans l’intérêt qu’elle portait à nos propres recherches : la rupture des hiérarchies universitaires, en faisant en sorte de mettre les un·e·s et les autres au même niveau. Elle contrait, en somme, une position surplombante qu’elle aurait aisément pu prendre du fait de son statut de maîtresse de conférence et de sa place dans la recherche en tant que spécialiste reconnue de l’anthropologie de la santé. Or, les liens qu’elle arrivait à instituer faisaient qu’une co-construction des savoirs, avec les jeunes chercheur·se·s, mais aussi de façon plus générale avec les autres acteur·rice·s du monde social, semblait possible.

14Plus encore qu’un possible, cette volonté d’une recherche militante, avec et pour les acteur·ices du monde social, constituait un engagement fort de la part de Sandrine. Cette posture est d’autant plus nécessaire face aux discours apparus au fil des années 2020 et 2021 qui ont attaqué avec une systématicité déconcertante les études de genre, intersectionnelles, décoloniales, ou tout simplement, engagées7. Les réflexions de certain·e·s, prônant jusqu’à une séparation nette entre recherche et monde social – notamment militant – dans le but de « protéger [les chercheur·euses] de l’envahissement idéologique » [sic]8 vont clairement à l’encontre de tout ce que Sandrine a pu mettre en place au cours de ses séminaires et pratiques de recherche, où elle intégrait au contraire l’ouverture et la discussion avec les acteur·rices du monde social :

[...] si une politique de restitution qui excède le « milieu » universitaire est incontournable, l’est aussi une politique de la responsabilité, où l’anthropologue doit en quelque sorte « prendre part » et « prendre sa part », qui n’est nullement réductible ou assignée au fait de « prendre parti » comme j’ai pu longtemps me le formuler. [...] C’est dans cette posture d’humilité, entre l’écueil d’une dérive narcissique et celui d’une neutralité axiologique surplombante, que le travail réflexif est aussi un travail qui, tout en ayant des implications éthiques, participe de la connaissance des contextes étudiés. (Musso, 2008 : 19)

15La controverse initiée par la ministre de l’ESR, Dominique Vidal, à l’automne 2020 et prolongée en février 20219, dont les propos taxaient les chercheur·se·s en sciences humaines et sociales d’« islamo-gauchistes », avait profondément exaspéré Sandrine, qui avait souligné lors de discussions avec nous, le pathétisme de l’affaire.

  • 10 Sandrine a co-créé et co-organisé en 2017 le séminaire « Frontières, temporalités, matérialités au (...)

16La posture de chercheuse incarnée par Sandrine dénote pour nous un respect et une attention bienvenue à la dignité des personnes avec lesquelles nous travaillons, quel que soit leur statut, leur niveau d’études ou d’avancement dans celles-ci. Cette horizontalité des rapports sociaux est précieuse et Sandrine y parvenait, tant dans le séminaire qu’elle co-organisait à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) à Marseille10, que dans les discussions informelles qu’elle pouvait avoir avec les personnes des milieux militants et associatifs qui y participaient, ou avec nous, étudiant·e·s en doctorat puis jeunes docteur·e·s.

Les espaces de recherche en-dehors du monde académique : la transmission au sens large

17Engagée dans une anthropologie publique, nous avons souvent côtoyé Sandrine dans des espaces « autres » que les salles de cours de l’EHESS ou de l’université. Elle était l’une des seules qui venaient aux manifestations scientifiques organisées par des jeunes chercheur·se·s ou des associations en lien avec ces dernier·e·s, dans un but de diffusion et de valorisation des travaux en dehors du milieu de la recherche académique, cette « politique de la restitution » (Musso, 2008) étant particulièrement importante pour elle (Broqua & Himmich, 2021). Nous pensons plus précisément à certaines rencontres et ateliers au cours de ces dernières années, auxquels elle a très souvent pris part et qui étaient organisés par des associations locales telles que Le Tamis11 ou EFiGiES Aix-Marseille12. Pour cette dernière, elle a par exemple accepté sans hésiter de faire une communication-bilan sur ses recherches presque dix ans après la fin de son doctorat13. Elle y prenait une place équilibrée, tissant des échanges dans une démarche de réciprocité, ne nécessitant pas de notre part – comme il est parfois malheureusement nécessaire – d’intervenir face à des tentatives de chercheur·se·s titulaires de régler des inimitiés, ou d’exercer un rôle de direction de thèse dans un espace pourtant collectif et non strictement universitaire.

18Ces moments de rencontres et d’échanges en-dehors des espaces ordinaires de travail étaient fortement appréciés et permettaient là encore d’amenuiser des hiérarchies universitaires porteuses d’inégalités dans la prise de parole et de souffrances pour les personnes n’osant ou n’étant pas formées à s’exprimer en public sur un mode académique.

Construire sa propre pensée

  • 14 Terme récent hérité des mondes de l’entreprise qui renomme depuis le quinquennat présidentiel de ma (...)

19Enfin, un autre élément particulièrement notable que nous a transmis Sandrine est l’importance de la construction de sa propre pensée. Si l’on ne s’empare jamais d’un sujet d’étude ou de recherche sans qu’il ait été auparavant balisé par d’autres chercheur·se·s, il demeure important autant que possible de s’en distancier et de ne pas oublier que toute recherche doit être créative – avant d’être « innovante »14 – ceci ne pouvant être possible que parce qu’elle émane d’un individu en particulier et de sa propre lecture du monde social. Dans les déboires post-thèse de recherche de contrats, nous sommes souvent amené·e·s à répondre à des appels d’offre qui constituent aujourd’hui une bonne part des projets doctoraux et post-doctoraux. Il est difficile de ce fait de s’approprier des projets déjà balisés. Dans ce contexte, Sandrine nous a encouragées à écrire nos propres projets, à ne pas répondre platement et de façon attendue à un « projet de recherche-commande » sans que celui-ci ne contienne une part d’originalité qui nous est propre : c’est toi et parce que tu l’écris que cela fera la différence.

20Si penser par soi-même est un objectif qui peut sembler évident, notamment lorsque l'on se destine au métier de chercheur·se, de sérieux bouleversements au sein de l’ESR le mettent à mal. Les réformes très récentes du monde de la recherche visent en effet à produire, outre des chercheur·se·s englué·e·s dans la précarité, des chercheur·se·s « interchangeables », puisque la dernière version de la loi LPR adoptée contient une clause remettant en cause la propriété intellectuelle. Souvent sous-payés, voire travaillant quelquefois gratuitement pendant de longues périodes avant une éventuelle titularisation, que possèdent finalement les jeunes chercheur·se·s, si ce n’est leur nom qu’ils apposent sur leur production scientifique ? Cette nouvelle clause prolonge des rapports de domination, tels que la réappropriation des travaux de jeunes chercheur·se·s par des statutaires, par ailleurs dénoncés depuis longtemps (Combes, 2022). Les pratiques de réécritures partielles ou totales de la part des directeur·rice·s de thèse ou des responsables de programme scientifique, les processus de hiérarchisation induits par les choix de premier, second, etc., auteur·rice, les oublis de mentions du travail des jeunes chercheur·se·s, sont ainsi à questionner fortement et collectivement.

21À l’inverse de ces pratiques, Sandrine, comme d’autres chercheur·se·s dans notre entourage, a su nous montrer un modèle de générosité mais aussi de modestie, en ne nous intimant par exemple jamais, d’une façon ou d’une autre, de lire ses recherches plutôt que de réfléchir aux références intellectuelles qui pouvaient nous convenir au mieux et susciter l’échange et la discussion.

22De ce fait, et cela est suffisamment rare là encore pour le rappeler : s’il est évident que pour nous, et nous l’imaginons pour celles et ceux inscrit·e·s dans les mêmes thématiques de recherche que Sandrine ou qui prenaient plaisir à travailler avec elle, il va de soi que l’on peut penser à elle et avec elle, nous avons voulu par ces quelques paragraphes rappeler à quel point il était aussi précieux de penser grâce à Sandrine Musso. Il nous semble essentiel de continuer de nous nourrir de sa vision de la transmission comme antidote aux rapports hégémoniques au sein de l’ESR et plus largement comme antidote au patriarcat. Sa posture sororale, éminemment féministe et vivement critique tient lieu pour nous de modèle de résistance.

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Bibliographie

BECKER H. S., 2002. Les ficelles du métier. Comment conduire sa recherche en sciences sociales. Paris, La Découverte.

BROQUA C. et HIMMICH H., 2021. « Femmage à Sandrine Musso (1973-2021) », L’Année du Maghreb, 26 : 3-14.

COMBES A. B., 2022. Comment l’université broie les jeunes chercheurs. Précarité, harcèlement, loi du silence. Paris, Autrement.

HAZELL C. M., 2022. « Faut-il souffrir pour mériter son doctorat ? », The Conversation [en ligne], https://theconversation.com/faut-il-souffrir-pour-meriter-son-doctorat-175250 (page consultée le 12/05/2022).

HUNSMANN M. et KAPP S. (dir.), 2013. Devenir chercheur. Écrire une thèse en sciences sociales. Paris, Éditions de l’EHESS.

LATOUR E., 2008. « Le plafond de verre universitaire : pour en finir avec l'illusion méritocratique et l’autocensure », Mouvements, 55-56, 3-4 : 53-60.

MUSSO S., 2008. « À propos du “malaise éthique” du chercheur : les leçons d’un terrain sur les objets “sida” et “immigration” en France », ethnographiques.org, 17 [en ligne], www.ethnographiques.org/2008/Musso (page consultée le 12/05/2022).

MUSSO S., 2021. « Conclusion. À propos de guérir : retours sur un travail collectif », In DESCLAUX A., DIARRA A. et MUSSO S. (dir.), Guérir en Afrique. Promesses et transformations. Paris, L’Harmattan : 331-338.

NOÛS C., 2020a (dir.). « Pour l’université, pour la recherche », Genèses. Sciences sociales et histoire, 119.

NOÛS C et TRACÉS (dir.), 2020b. « Documenter l’université qui lutte », Tracés. Revue de Sciences humaines, 39 [en ligne], https://doi.org/10.4000/traces.11599 (page consultée le 12/05/2022).

POULIN I. (dir.), 2022. « Récits d’outre-thèse. Quelle place dans le monde pour les docteur·es en Humanité ? », Essais. Revue interdisciplinaire d’Humanités, Hors série 7 [en ligne], https://doi.org/10.4000/essais.10578 (page consultée le 12/05/2022).

RIVIÈRE T., 2015. Carnets de thèse. Paris, Seuil.

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Notes

1 LRU (Loi relative aux libertés et responsabilités des universités) en 2007, loi « Orientation et réussite des étudiants » comprenant Parcoursup en 2018, LPPR (loi pluriannuelle de programmation de la recherche), en préparation depuis 2019 puis transformée en LPR (loi de programmation de la recherche) en 2020.

2 Nous désignons par « jeune recherche » ou « jeune chercheur·se » l’ensemble des personnes non statutaires en cours de thèse ou docteur·e·s, contractuelles ou non, sans mention d’âge particulier.

3 Parmi différentes initiatives, nous renvoyons au site du CLASCHES, le collectif de lutte contre le harcèlement sexuel dans l’enseignement supérieur, qui outre des témoignages contient de nombreuses ressources dont des guides pratiques (https://clasches.fr/) ; au billet d’analyse du carnet de recherche Academia : https://academia.hypotheses.org/5541 ; ainsi que vers quelques articles de presse récents : www.lemonde.fr/societe/article/2021/12/20/l-enseignant-qui-accusait-sciences-po-grenoble-d-etre-un-institut-de-reeducation-politique-suspendu-pour-diffamation_6106848_3224.html et www.lemonde.fr/societe/article/2021/12/07/a-paris-viii-des-professeurs-et-des-etudiants-soulignent-des-insuffisances-face-aux-violences-sexuelles_6105018_3224.html.

4 La BD Carnets de thèse (Rivière, 2015) qui nous a beaucoup portées pendant le doctorat aborde certains de ces aspects.

5 Créé en 2020, le podcast « Thésard·e » (https://shows.acast.com/thesard-es) revient sur certains des aspects structurant cette expérience particulière que constitue la réalisation d’un doctorat (construire sa recherche mais aussi faire le choix de l’arrêter et de ne pas la terminer, prendre en compte le harcèlement sexuel, vivre sa thèse tout en étant parent, etc.).

6 Les termes en italique sont les mots de Sandrine, issus de discussions orales que nous avons pu avoir avec elle au cours de ces dix dernières années, ou d’échanges entretenus par mail ou texto. Nous les soulignons en italique mais ne les faisons pas apparaître entre guillemets tel que pour une citation distante. Ces mots, nous nous les sommes appropriés, ils sont le reflet de la transmission dont nous parlons.

7 Parmi les nombreuses prises de paroles sur ces questions, voir notamment la lettre rédigée par Pinar Selek (https://blogs.mediapart.fr/pinar-selek/blog/210221/lettre-frederique-vidal) ; une tribune signée par de nombreux·ses universitaires demandant la démission de Frédérique Vidal (https://blogs.mediapart.fr/les-invites-de-mediapart/blog/190321/frederique-vidal-nest-deja-plus-notre-ministre) ; ainsi que tout récemment plusieurs articles concernant le colloque controversé organisé à la Sorbonne début 2022 dans Le Monde (www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/19/le-colloque-de-la-sorbonne-adoube-par-jean-michel-blanquer-etait-a-mille-lieues-des-conventions-universitaires_6110055_3232.html ; www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/10/francois-dubet-le-colloque-organise-a-la-sorbonne-contre-le-wokisme-releve-d-un-maccarthysme-soft_6108891_3232.html).

8 www.lemonde.fr/societe/article/2022/01/08/le-wokisme-sur-le-banc-des-accuses-lors-d-un-colloque-a-la-sorbonne_6108719_3224.html

9 https://blogs.mediapart.fr/pascal-maillard/blog/160221/frederique-vidal-tombe-dans-la-fange-de-l-extreme-droite

10 Sandrine a co-créé et co-organisé en 2017 le séminaire « Frontières, temporalités, matérialités au prisme de la santé », qui continue d’avoir lieu.

11 Il s’agit de l’Association d’Anthropologies coopératives (https://letamis.hypotheses.org/) organisant, entre autres, des évènements en lien avec le grand public tels que des Work-Chopes de bière ou des présentations d’ouvrages de récits.

12 Voir le site de l’association : https://efigies-ateliers.hypotheses.org/category/atelier-efigies-aix-marseille

13 Voir l’intervention de Sandrine dans l’atelier EFiGiES Aix-Marseille en octobre 2016 : www.youtube.com/watch ?v =FxVFM7xneTY&t =18s

14 Terme récent hérité des mondes de l’entreprise qui renomme depuis le quinquennat présidentiel de mai 2017 l’ancien ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), signe de l’impact de plus en plus fort du monde privé dans la recherche publique aujourd’hui.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Fleur Beauvieux et Manon Vialle, « La transmission aux générations d’après : les « à-côtés » de la recherche comme espaces d’inspiration et de construction dans l’ESR »Anthropologie & Santé [En ligne], 24 bis (hors-série) | 2022, mis en ligne le 09 mai 2022, consulté le 16 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/anthropologiesante/11330 ; DOI : https://doi.org/10.4000/anthropologiesante.11330

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Auteurs

Fleur Beauvieux

Centre Norbert Elias, EHESS Campus Marseille, La Vieille Charité, 2 rue de la Charité, 13002 Marseille (France), fleur.beauvieux@gmail.com

Manon Vialle

Centre Norbert Elias, EHESS Campus Marseille, La Vieille Charité, 2 rue de la Charité, 13002 Marseille (France), manon.s.vialle@gmail.com

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Droits d’auteur

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