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Résumés des conférences

Représentations de l’espace

fin du moyen âge – époque moderne
Georges Tolias
p. 218-228

Résumé

Programme de l’année 2020-2021 : La Grèce restaurée. Géographie et cartographie de la Grèce au temps de la guerre d’Indépendance, 1822-1827.

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Texte intégral

1Au cours de l’année 2020-2021, et à l’occasion du bicentenaire de la guerre d’Indépendance grecque (1821-2021), la conférence a abordé l’étude des représentations cartographiques de l’espace grec issues du Dépôt de la guerre français au cours de la guerre d’Indépendance grecque, dans un effort de mieux cerner la conception de l’espace grec que celles-ci adoptent, les motivations politiques ou militaires qui les ont engendrées, les pratiques savantes et les procédés techniques mis en œuvre pour leur réalisation et, in fine, les implications idéologiques et politiques de leur réception.

Le Dépôt de la guerre et les cartes de la Turquie d’Europe et de la Grèce, 1822-1827

  • 1 Carte physique, historique et routière de la Grèce / dressée au 400000e d’après les matériaux recue (...)
  • 2 Jean Dimakis, « Contribution à la bibliographie des cartes géographiques sur la Grèce et la Turquie (...)
  • 3 Carte générale de la Turquie d’Europe en XV feuilles. Dressée sur des matériaux recueillis par Mons (...)
  • 4 Carte de la partie septentrionale de la Grèce moderneCarte de la partie méridionale de la Grèce (...)

2En 1826, le colonel Pierre Lapie (1777-1850), premier géographe de Charles X et ingénieur-géographe au Dépôt de la guerre, publia sa carte de la Grèce en quatre feuilles et à l’échelle 1/400 0001. La carte du colonel Lapie n’est ni la première ni la dernière carte de Grèce parue à l’époque de l’insurrection grecque et du philhellénisme2. Toutefois, elle est plus analytique et bien plus exacte que les autres cartes disponibles à l’époque, la plus impressionnante, du fait de ses dimensions (1 060 mm × 1 470 mm), la mieux exécutée, puisqu’elle est l’œuvre des graveurs-géographes expérimentés du Dépôt, et la plus fiable, étant donné qu’elle est produite par une prestigieuse institution publique de l’époque, le Dépôt de la guerre de l’État-major français. La carte dérivait de la grande carte de la Turquie d’Europe dressée par Lapie à l’échelle 1/800 000 et publiée par le Dépôt de la guerre en 15 feuilles, entre 1822 et 1825, mesurant au total 1 950 × 1 520 mm3. La carte de la Grèce devait en outre paraître dans une version réduite, en deux feuilles indépendantes et à l’échelle de 1/1 000 000, quelques mois plus tard (1827), accompagnant la deuxième édition revue et corrigée du Voyage de la Grèce de François Pouqueville, ancien consul général de France à Jannina (1805-1815)4. Les trois cartes sont explicitement liées par une note qui figure sur la dernière en date, celle qui est incluse dans le sixième volume du Voyage de Pouqueville :

  • 5 La carte de la Turquie d’Europe n’est pas mentionnée sur certains exemplaires. La mention des 16 fe (...)

N.B. : La petitesse de l’échelle de ces cartes n’ayant pas permis d’y indiquer tous les noms mentionnés dans l’ouvrage de M. Pouqueville, les personnes qui désireraient les connaître pourront consulter la carte de la Grèce en 4 grandes feuilles dressée par M. Lapie, ainsi que celle de la Turquie en 16 feuilles5.

  • 6 Patrice Bret, « Le Dépôt général de la guerre et la formation scientifique des ingénieurs-géographe (...)
  • 7 H.-M.-A. Berthaut, Les ingénieurs géographes militaires (1624-1831) : étude historique, 2 vol., Par (...)

3Ces cartes résultent de la politique éditoriale du Dépôt de la guerre sous la Restauration, laquelle consistait à exploiter les abondants matériaux rassemblés sous l’ère napoléonienne. En effet, pendant les guerres de la Révolution et de l’Empire, le Dépôt de la guerre, grâce au réseau de bureaux topographiques ou dépôts des pays contrôlés par la France, faisait office d’archives topographiques, de service central de renseignements et de service de cartographie militaire 6. Le Dépôt accumula alors un énorme fonds documentaire qui concernait toutes les contrées de l’Europe et bien au-delà. Cependant, un intérêt particulier pour les régions de la Méditerranée orientale et de l’Empire ottoman s’esquisse nettement dans cet ensemble, intérêt lié à l’antagonisme politique et militaire international qui se faisait jour dans la perspective du démembrement de l’Empire, ce que nous appelons communément La Question d’Orient7. À l’initiative des services militaires et diplomatiques français, les missions de reconnaissance en Orient se multiplient, l’image de l’espace grec se construit sur des bases documentaires de plus en plus solides. Graduellement, les géographes et cartographes du Dépôt, soutenus par une meilleure connaissance des territoires et de l’histoire, parviennent à élaborer une image structurée de l’espace « national » grec, de son étendue, de sa morphologie, et de son organisation interne, bien avant la création de l’État grec (1832).

  • 8 Cf. Charles Mullié, « Armand Charles Guilleminot », dans Biographie des célébrités militaires des a (...)
  • 9 William Gell, The Itinerary of Greece with a Commentary on Pausanias and Strabo and an Account of t (...)
  • 10 Pour les missions hydrographiques du capitaine Pierre-Henry Gauttier du Parc (1772-1850) en Méditer (...)

4Comme son titre l’indique, la carte de la Grèce en quatre feuilles du colonel Lapie est l’aboutissement de longs et multiples travaux. Le cartographe se servit des matériaux recueillis à la fois par le lieutenant-général Armand-Charles Guilleminot (1744-1840), ancien directeur du Dépôt de la guerre et à l’époque ambassadeur de France auprès de la Sublime Porte, et par le lieutenant-général Jacques Jean-Marie-François Boudin, comte de Tromelin (1771-1842), inspecteur général de l’infanterie8. Il fit également usage des mémoires et des itinéraires de François Pouqueville (1770-1838), ancien consul général de France à Jannina, ou encore d’autres itinéraires, tels que ceux de sir William Gell (1777-1836), ou d’Edward Dodwell (1767-1832)9, ainsi que des relevés hydrographiques des capitaines Pierre-Henry Gauttier du Parc (1772-1850) et d’Henry William Smyth (1788-1865)10.

  • 11 Parmi les papiers de Pierre Lapie conservés à la Bibliothèque nationale, on trouve un rapport consu (...)
  • 12 F.-C.-H.-L. Pouqueville, Voyage dans la Grèce, Paris, Firmin Didot, 1820-1821, vol. V, p. 501-630.
  • 13 Id. vol. I, 1820, p. v de l’introduction.
  • 14 Épitaphe gravée dans le marbre de sa tombe au cimetière de Montparnasse.

5Telle qu’elle est représentée sur la carte, la Grèce comprenait les territoires situés entre le mont Olympe et l’île de Cythère dans la direction nord-sud, les îles de Corfou et de Naxos dans la direction ouest-est. La carte contient quelques 4 000 toponymes, dont près de 2 700 correspondent à divers types d’habitations, puisés dans les cartes antérieures du Dépôt, les rapports consulaires11, les itinéraires de sir William Gell et d’Edward Dodwell et, surtout, dans le récit géographique de Pouqueville et les recherches systématiques qu’il effectua du temps où il était consul à Jannina (1805-1815). La carte adopte en outre la division interne de la Grèce en « provinces » et « cantons », proposée par Pouqueville. En effet, dans les cinq volumes de son Voyage dans la Grèce (1820-1821, deuxième édition revue et augmentée en six volumes, 1826-1827), Pouqueville procéda à une identification systématique de la géographie ancienne et moderne de la Grèce, proposant un système de concordance entre les juridictions ottomanes des régions grecques et des entités territoriales antiques. Sandjaks et casas ottomans sont ainsi traduits en « provinces » et « cantons » helléniques à travers un jeu subtil d’étymologies, assez souvent inventées / fantaisistes. Les identifications aventureuses de Pouqueville, « la synonymie » comme il les appelle lui-même, font d’ailleurs l’objet d’un index toponymique qui s’étend sur 130 pages du dernier volume de son ouvrage12. À la fois géographique et politique, le projet de Pouqueville visait, d’une part, à « débrouiller le chaos qui couvre l’antique Hellade »13 et, de l’autre, à « rendre aux Grecs asservis leur antique nationalité »14.

6L’édition de la carte de Lapie est également inspirée par l’actualité politique. En 1826, après deux ans de guerre civile et la contre-offensive ottomane et égyptienne, sous le commandement d’Ibrahim pacha d’Égypte, le destin de l’insurrection grecque semblait suspendu à un fil. La carte inclut ainsi neuf plans topographiques liés aux évènements se déroulant dans la Grèce insurgée. D’abord, les territoires de Parga et de Boutrinto, dépendances continentales des îles Ioniennes, vendues en 1819 aux Ottomans par les Britanniques, maîtres des îles depuis 1814, ce qui entraîna l’exode massif de leurs habitants et souleva une vague d’indignation dans toute l’Europe ; puis une série de plans topographiques montrant les centres politiques et militaires de la région : Nauplie, siège du gouvernement révolutionnaire grec ; Athènes et Missolonghi, centres politiques et militaires de la Grèce continentale de l’Est et de l’Ouest, assiégés ou détruits ; les places fortes de Coron et Modon, qu’Ibrahim venait de reconquérir, tout comme le grand port de Navarin ; l’isthme de Corinthe avec ses fortifications vénitiennes, site essentiel pour le contrôle militaire de la péninsule.

Fonds documentaire

  • 15 Bulletin de la Société de géographie, 2 (1825), p. 11-13 ; Pouqueville, Voyage dans la Grèce, Paris (...)
  • 16 Bulletin de la Société de géographie, 2 (1825), p. 11.
  • 17 Édouard Driault, La politique orientale de Napoléon. Sebastiani et Gardane, 1806-1808, Paris, Felix (...)

7Le colonel Lapie n’a pas publié d’analyse critique présentant sa méthode de travail et les matériaux dont il s’est servi pour l’exécution de ses cartes. Aussi devons-nous recourir aux témoignages contemporains, tels la présentation critique de la carte de la Turquie d’Europe publiée dans le Bulletin de la Société de géographie, ou encore l’analyse de la carte de la Grèce par François Pouqueville, figurant dans l’introduction de la seconde édition de son Voyage15. Nous apprenons ainsi que, pour la carte de la Turquie d’Europe, le colonel Lapie eut recours aux cartes précédentes publiées par le Dépôt et aux matériaux recueillis par « plusieurs expéditions scientifiques, confiées, en 1807, par le gouvernement français lui-même, à de savants officiers du génie, de l’artillerie et de l’état-major général, qui, se rendant à Constantinople, pour soutenir la puissance ottomane contre les agressions qui la menaçaient, partirent, les uns de l’armée de Dalmatie et traversèrent la Turquie d’Europe, des bords de l’Adriatique à ceux de la mer Noire ; et les autres de Cattaro et de Corfou, et visitèrent les Épires, la Grèce proprement dite, la Thessalie, la Macédoine et la Thrace »16. Il s’agit des émissaires français dépêchés dans les régions européennes de l’Empire ottoman lors de la brève alliance franco-turque entre juin 1806 et juillet 1807 contre la Russie et la Grande-Bretagne, alliance rompue par le traité franco-russe de Tilsit (juillet 1807). Au cours de ces quelques mois de bonne entente franco-turque, l’activité intense des envoyés français à Constantinople et dans les Balkans a contribué au déclenchement de la guerre russo-turque (décembre 1806), à l’intervention navale britannique sur Constantinople (début 1807), mais aussi à la révolution conservatrice à Constantinople, qui se solda par l’éloignement du sultan Selim III17.

  • 18 Id., p. 217-233.
  • 19 Cf. « Mémoire de l’adjudant-commandant Guilleminot, sur les observations qu’il a faites et les rens (...)
  • 20 Le voyage de Tromelin a été publié par Édouard Driault dans la Revue des études napoléoniennes, 12 (...)

8Les rapports des émissaires français forment la base documentaire de la carte. Immédiatement après le traité de Tilsit, Napoléon dépêcha Guilleminot en Turquie dans le but d’apaiser les Ottomans mécontents de l’alliance franco-russe et d’intervenir en tant que médiateur afin d’instaurer la paix entre adversaires russes et ottomans. Parti de Tilsit, Guilleminot traversa les principautés danubiennes et aboutit à Slobodja, sur la rive droite du Danube, où fut conclu l’armistice russo-turc18. Son itinéraire détaillé permettait l’évaluation empirique des distances dans les régions septentrionales de la carte19. De son côté, Tromelin avait entrepris une mission en Épire, Thessalie, Macédoine et Thrace, entre août et décembre 1807, sur ordre du général Auguste de Marmont, gouverneur de Dalmatie. Son rapport détaillé contient des renseignements topographiques souvent accompagnés de plans, d’estimations concernant la composition et la configuration des populations, des observations d’ordre militaire, et des itinéraires détaillés dont il publia lui-même une partie, en 182920. D’après le rédacteur anonyme de l’analyse de la carte, ce matériel permettait de corriger la topographie de la Thessalie et d’établir celle des massifs montagneux inconnus du Pinde, de l’Épire et de l’Albanie.

  • 21 Officier d’artillerie et éminent hydrographe, Antoine-François, comte d’Andréossy (1761-1828) fut d (...)
  • 22 Aux Archives de la guerre sont conservés deux mémoires de Gaspard (1783-1861), officier du génie et (...)
  • 23 Ingénieur de l’armée, François-Nicolas-Benoît Haxo (1774-1838) introduisit les courbes horizontales (...)
  • 24 Bulletin de la Société de géographie, 2 (1825), p. 11-13.

9L’analyse de la carte mentionne aussi les rapports d’autres missions françaises, comme « les récentes observations » du général Andréossy21, les rapports des ingénieurs Riollay et Roux de la Mazelière22, les reconnaissances des généraux Haxo et Foy en Macédoine, qui fournirent de nouveaux renseignements sur le système des chaînes de montagnes où se trouvent les sources des grands fleuves qui se jettent dans l’Adriatique et dans le golfe de Thessalonique23, ainsi que les matériaux figurant dans le Voyage en Grèce de François Pouqueville et les cartes de Barbié du Bocage qui l’accompagnaient et qui apportaient de nouveaux éléments sur la chaîne du Pinde jusqu’au fleuve Axios24.

  • 25 Le géographe, cartographe et helléniste Jean-Denis Barbié du Bocage (1760-1825), unique élève de d’ (...)
  • 26 Mémorial topographique et militaire rédigé au Dépôt de la guerre, no 2 Historique, IVe trimestre de (...)
  • 27 Magasin Encyclopédique, 20e année, 1815, vol. 4, p. 325 : « Des circonstances exceptionnelles ont d (...)
  • 28 Cf. A. Zambon, « Une leçon de topographie par correspondance. Les lettres de l’ingénieur J. Foucher (...)
  • 29 Félix de Beaujour (1765-1836), consul général de France à Thessalonique entre 1787 et 1797, publia  (...)

10Le rédacteur du Bulletin mentionne, en outre, les cartes précédentes de la région publiées par le Dépôt et en particulier la carte de la Morée dressée par Jean-Denis Barbié du Bocage, gravée au Dépôt de la guerre en 1807 et publiée par l’auteur en 181425. La carte avait été commandée en 1802 par le Dépôt à l’helléniste et géographe du ministère des affaires étrangères. Sur ordre de Bonaparte, le ministère avait mis à la disposition de Barbié tous les renseignements dont il disposait sur la région et, fin 1802, la carte était achevée, à l’échelle de 1/400 000, l’échelle habituelle des cartes topographiques du Dépôt26. La carte demeurera confidentielle et manuscrite. Elle sera rectifiée et complétée en 1804 et 1805, et gravée en 1807 lorsque les projets d’une nouvelle campagne française dans l’Empire ottoman revirent le jour, sur une feuille de 580 × 910 mm, sans titre ni mention de son auteur27. En 1814, après la chute de l’Empire, Barbié publie la carte à son propre compte, complétée d’une brève notice critique. Il y énumère les nouvelles données sur lesquelles il s’est appuyé, telles que les mesures astronomiques de Chabert (1776) et de Beauchamp (1788), les relevés effectués sur place par Fauvel et l’ingénieur Foucherot sur ordre de Choiseul-Gouffier, ambassadeur de France auprès de la Sublime Porte (1786-1792)28, les indications du consul français à Thessalonique, Félix de Beaujour, et de l’ingénieur Pascal-Vallongue commandant du corps du Génie, lors de l’annexion française des îles Ioniennes en 1798-1799, ainsi que les mémoires de Pouqueville, « actuel consul général à Jannina »29. Toutefois, le poids de la géographie antique reste sensible. Barbié conclut sa notice en signalant qu’il n’avait jamais « cessé de combiner ces matériaux avec la description de la Grèce faite par Pausanias au iie siècle et qui renferme des détails, en général plus circonstanciés sur ce pays que tous ceux qu'ont pu nous procurer les voyageurs modernes ».

Mesures itinéraires et triangulation hypothétique

  • 30 Carte de la plus grande partie de la Turquie d’Europe dressée sur d’anciens matériaux rectifiés par (...)

11Lapie n’était pas le premier à exploiter les riches matériaux sur la Turquie d’Europe rassemblés en 1807. Les bureaux topographiques des pays satellites de l’Empire en avaient aussi tiré profit, comme en témoigne, en premier lieu, la carte de la Turquie d’Europe de Gaétan Palma, officier italien du génie au service de Joseph Bonaparte, roi de Naples, publiée à Trieste, par le bureau topographique de Dalmatie, en 181130. La carte imprimée en deux feuilles et mesurant au total 1 080 × 730 mm était rédigée en deux langues, le français et le grec. Pour confectionner sa carte, Palma s’est appuyé sur les reconnaissances de l’Épire et de la Thessalie que lui-même avait acquises, lors d’une mission effectuée dans ces régions auprès d’Ali pacha en 1807, ainsi que sur les itinéraires d’autres émissaires français à la même époque. Sa carte inclut, en effet, une représentation détaillée du réseau routier avec la signalisation des distances entre stations ou étapes, en heures de marche. Elle contient, en outre, un tableau statistique des populations des villes les plus importantes que l’on rencontre sur les routes de la Turquie d’Europe.

  • 31 F. Thierry, Notice sur le général baron Frédéric-François Guillaume de Vaudoncourt, Paris 1846. L’a (...)
  • 32 On a de sa main les « Notes sur la Turquie d’Europe tirées de différents manuscrits », ms. de 131 p (...)
  • 33 A new map of Greece, Exhibiting the Provinces Governed by Ali Pacha and his Children, viz South Alb (...)
  • 34 Carte générale de la Turquie d'Europe à la droite du Danube ou des beglerbegliks de Roum Ili, Bosna (...)
  • 35 Guillaume de Vaudoncourt, Mémoire annexé à la carte de la Turquie d’Europe (note 31), p. 7.

12Les mêmes matériaux ont été également exploités par le général Fréderic-François Guillaume de Vaudoncourt (1772-1845) durant les années difficiles de son exil. Fidèle à Napoléon et révolutionnaire invétéré, l’ancien directeur du Dépôt de la guerre du royaume d’Italie avait été condamné à mort sous la Restauration, et gagnait sa vie en exil en publiant des cartes et des essais historiques31. Vaudoncourt avait, lui aussi, une connaissance directe de l’espace grec. Début 1807, il avait entrepris une mission en Bosnie, à Shkodra (Skoutari) et Jannina, auprès d’Ali Pacha. Il demeura en Grèce jusqu’à l’été 1807, se rendit en Épire, Macédoine et Thessalie, entreprit des travaux de fortification à Préveza, construisit des fonderies de canons à Jannina et réunit des renseignements en vue d’une éventuelle invasion française32. Une première grande carte de sa main consacrée à la Grèce vit le jour à Londres, en 1817, publiée par J. Cary en quatre feuilles, mesurant au total 950 × 1 220 mm33. L’année suivante (1818), Vaudoncourt publia à Munich une carte de la Turquie d’Europe en 4 feuilles lithographiées, mesurant 920 × 1 260 mm34. La carte est accompagnée d’un Mémoire, contenant l’analyse critique de l’œuvre, un essai de géographie de la Turquie d’Europe et un tableau des principaux itinéraires de la région35. Ce tableau présente 52 itinéraires extraits des rapports des officiers français dépêchés en Turquie d’Europe, surtout au temps de l’alliance franco-turque de 1807, ce qui révèle le fonds documentaire commun entre cette carte et celle du colonel Lapie de 1822-1825.

  • 36 Pouqueville, Voyage de la Grèce, Paris, 1826, vol. I, p. lxvi-lxvii de l’introduction.

13Le mémoire de Vaudoncourt nous éclaire, en outre, sur la méthode adoptée pour la réalisation de la carte. En l’absence de données géodésiques et d’une triangulation des contrées de la Turquie d’Europe, le cartographe militaire a procédé en deux étapes. En premier lieu, il a converti des distances itinéraires en distances linéaires absolues, tenant compte du relief et des accidents de la route, tels qu’ils étaient décrits par les observateurs sur place ; en second lieu, il a ajusté ces distances linéaires en réseau, créant de la sorte un canevas cartographique formé de triangles dont les intersections étaient les villes d’où partaient les itinéraires ou auxquelles ils aboutissaient. Cette méthode, que Vaudoncourt appelle « une triangulation hypothétique », fut aussi suivie par Lapie, pour la construction de ses cartes de la Turquie d’Europe ou de la Grèce, comme en témoigne Pouqueville, dans l’introduction de son Voyage de la Grèce36.

  • 37 Ibid., p. lxviii.

14D’après Pouqueville, le colonel Lapie a pu établir le tracé des côtes de la carte de la Grèce d’après les observations astronomiques et les relevés des expéditions hydrographiques des capitaines Gauttier et Smyth, formant ainsi l’enveloppe cartographique du pays. Privé d’observations astronomiques pour l’intérieur de la Grèce, « M. Lapie a dû avoir recours aux itinéraires ; et c'est au moyen de leur combinaison qu'il est parvenu à poser, comme base de ses opérations, les villes de Scodra ou Scutari, Uskiup, Monastir ou Bitolia, Janina, Ochrida, Castoria, Mezzovo, Larisse, Zeïtoun, Livadie, Thèbes ; dans la Morée, Calavryta, Tripolitza, Leondari et Mistra »37. Par la suite, il a employé des moyens analogues pour déterminer les positions secondaires, créant de la sorte un système de rapports métriques qui permettait l’évaluation des coordonnées géographiques de chaque position. Néophyte en cartographie, Pouqueville s’étend longuement sur le traitement des itinéraires :

  • 38 Ibid., p. lxxiv.

Chaque itinéraire a été développé à une échelle très grande afin de tenir compte de toutes les sinuosités des routes que l’échelle de mes cartes n’a pas permis de représenter. Par suite de ce travail, M. Lapie a été amené à réduire les distances tantôt d’un cinquième, tantôt d'un quart, quelquefois de moitié et même des deux tiers. Ainsi dans les parties montueuses, les mesures prises sur les échelles devront toujours être augmentées en raison du plus ou moins d’élévation des montagnes, ou des difficultés que présente la nature…38.

15Le fonds documentaire commun, les témoignages concomitants de Pouqueville et de Vaudoncourt, tout comme la carte de Gaétan Palma qui énumérait les distances de chaque étape du réseau routier en heures de marche, confirment que les cartographes militaires du Dépôt avaient développé des protocoles cartographiques précis et communs pour le traitement des itinéraires et la transformation du réseau des communications d’une région en réseau métrique improvisé de sa carte.

Réception

  • 39 G. Tolias, Η γένεση του ελληνικού κράτους. Χαρτογραφία και ιστορία 1770-1837, Athènes, fondation cu (...)
  • 40 Pouqueville, Voyage de la Grèce, Paris, 1826, vol. I, p. lxxv de l’introduction.
  • 41 Avertissement publicitaire des cartes de la Turquie d’Europe et de la Grèce de Lapie. Quatrième de (...)

16Si les constructions géographiques de Pouqueville ont été prestement et ardemment réfutées39, il n’en alla pas de même pour les cartes de Lapie. Les événements politiques avaient attiré l’attention des gouvernements et du public sur les régions concernées et ses cartes ont ainsi connu une diffusion exceptionnelle. Pouqueville invitait le public à se procurer « les cartes détaillées de la Grèce du colonel Lapie : car tel est notre amour prononcé pour les Hellènes, que nous voudrions voir leurs noms, leurs images, celles de leurs tyrans et les cartes historiques de leur pays, rependues, attirer, occuper et fixer l’attention et la pensée de tous les peuples de l’univers »40. Lapie réédita fréquemment les cartes de la Turquie d’Europe et de la Grèce et en publia plusieurs versions réduites, promues par la publicité comme « les seules à l’aide desquelles il sera permis de suivre les événements d’une manière tout à fait satisfaisante »41. La promotion et la grande demande de la carte témoignent des liens qui se tissent entre la culture scientifique et la pédagogie philhellène de l’opinion publique.

  • 42 Carte physique, politique et comparée de la Turquie d’Europe, présentée à S. A. R. M.gr le dauphin (...)

17Nombreux devaient être les cartographes et éditeurs de cartes en France et à l’étranger à proposer au public des cartes qui reproduisaient ou suivaient de près ses modèles. Lapie a fait école. Le cartographe Auguste-Henri Dufour dressa en 1827 une version de la carte de la Turquie d’Europe réduite en quatre feuilles, qu’il signa comme « élève de M.r Lapie »42. Le lustre de Lapie devait persister même après les travaux effectués sur place par des ingénieurs-géographes. Avare d’éloges, le colonel Bory de Saint-Vincent, responsable de la Section des sciences physiques de l’Expédition scientifique de Morée de 1829, s’exprimait ainsi à l’égard de sa carte :

  • 43 J.-B.-G.-M. Bory de Saint-Vincent, Expédition scientifique de Morée. Section des sciences physiques (...)

L’ouvrage de M. Lapie, magnifique sous le rapport de l’exécution, est encore des plus remarquables sous celui des difficultés vaincues […]. Tous les officiers qui ont été employés plus tard à la confection de la carte nouvelle dont notre ouvrage est enrichi […], ont eu plus d’une fois l’occasion d’admirer comment M. Lapie avait pu parvenir à démêler le véritable état des choses au milieu du chaos où elles avaient été confondues […] il fallut une sorte d’instinct divinatoire pour les indiquer aux places mêmes où nous avons, trois ans plus tard, vérifié leur existence43.

18Par-delà la valeur scientifique de la carte, incontestée à l’époque, la portée politique de l’œuvre a été importante. Au moment le plus crucial de la guerre d’Indépendance grecque, alors que la contre-offensive ottomane annulait, l’une après l’autre, les conquêtes de cinq ans de luttes, la carte représentait la Grèce comme un état souverain en puissance. Le pays y apparaissait comme un territoire politique organisé, clairement délimité, doté de centres administratifs et d’une organisation intérieure où les circonscriptions administratives ottomanes de premier et de deuxième niveau (sandjaks et casas) étaient remplacées par des circonscriptions helléniques (« provinces » et « cantons »), dont les dénominations reflétaient la permanence historique de la présence grecque dans cet espace. Ajoutons à cela que la carte n’était pas une proposition de philhellènes emportés, de « combattants de la liberté », libéraux et autres nostalgiques de Napoléon, opposés à la Restauration et toujours suspects de nourrir l’intention de troubler la paix imposée en Europe par la Sainte-Alliance. Il s’agissait de la publication d’une instance officielle de la France de Charles X, sous la direction de deux fidèles généraux de la Restauration des Bourbons, le comte de Tromelin et le comte Guilleminot, deux officiers qui s’étaient distingués lors de la répression de l’insurrection des patriotes espagnols en 1823.

  • 44 Lettre datée d’Ancône, le 23 novembre / 5 décembre 1827. Cf. Élie-Ami Bétant (éd.), Correspondance (...)
  • 45 Andreas Mamoukas, Τὰ κατὰ τὴν Ἀναγέννησιν τῆς Ἑλλάδος, Athènes, Imprimerie royale, vol. XI, 1852, p (...)
  • 46 Recueil des traités, actes et pièces concernant la fondation de la royauté en Grèce et le tracé de (...)

19Le crédit généralement accordé à la carte de la Grèce de Lapie imposa la conception du pays, des frontières et de l’organisation administrative que celle-ci proposait. Ainsi son rôle s’avéra décisif dans le cadre des développements politiques et diplomatiques qui devaient mener à l’instauration de l’État national grec. En attendant à Ancône le navire qui devait le conduire en Grèce, le gouverneur Jean Capodistrias écrivait au général Nicolas de Loverdo au ministère de la Guerre à Paris, sollicitant « des canevas de la carte géographique de la Grèce [d’après] la carte de Lapie en quatre feuilles [… avec] les contours, le tracé des montagnes et des rivières, et celui des différentes provinces. Ces canevas offriraient un bon sujet de travail pour une carte véritable, et à son temps ils me faciliteraient des travaux statistiques et administratifs »44. Quelques mois plus tard, lorsque les représentants des puissances protectrices poseront la question de l’étendue du futur État, Capodistrias les renverra « aux témoignages de l’histoire et à l’opinion des géographes », et proposera les limites de la carte de Lapie, de 182645. La carte servit, en outre, comme document de référence lors des délibérations au sujet de la délimitation des frontières entre la Grèce et l’Empire ottoman. La Convention de Constantinople du 9 juillet 1832 et le Protocole de Londres du 30 août qui la ratifia énuméraient à partir de la carte de Lapie la séquence des localités que la Commission de délimitation devait suivre, et les erreurs qu’elle comporte ont donné lieu à des désaccords entre les commissaires et à de longues controverses diplomatiques46.

20La réception de la carte de la Grèce du colonel Lapie confirme ainsi la fonction idéologique et politique de l’entreprise cartographique à l’âge du positivisme technologique et du nationalisme patriotique ; elle exprime aussi l’ambition de l’administration politique et militaire de procéder à une représentation objective de l’ensemble des données qui définissent un lieu. Ses limites sont cependant sensibles, comme en témoigne Napoléon-Hector Soult de Dalmatie, aide de camp du général Maison, à son retour en Grèce, en 1831 :

  • 47 N.-H. Soult de Dalmatie, « La Grèce après la campagne de Morée », Revue des deux mondes, 1 (1831), (...)

Si on croit connaître un pays pour en avoir vu la carte, à coup sûr ce raisonnement paraîtra spécieux ; mais si l’on veut bien se souvenir que la nature est infiniment plus variable que le dessin, qu’elle offre à chaque pas des dissemblances qui ne permettent de la juger que quand on l’a vue elle-même, on aura recours à d’autres données que celles de la carte pour fonder un état et constituer une nation47.

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Notes

1 Carte physique, historique et routière de la Grèce / dressée au 400000e d’après les matériaux recueillis par Mr le lieut. général comte Guilleminot, ambassadeur à Constantinople et M. le lieut. général comte de Tromelin, Inspecteur Général d’Infanterie, ainsi que d’après les Voyages, Mémoires et Itinéraires de M. M. Pouqueville, Gell, Dodwell, etc. et appuyée sur les observations astronomiques et les relèvements de M. M. les capitaines de vaisseau Gauttier et Smith, par le chevalier Lapie, 1er géographe du roi, etc. – 1:400000. – Paris. – 1826.

2 Jean Dimakis, « Contribution à la bibliographie des cartes géographiques sur la Grèce et la Turquie, 1821-1833 », Ο Ερανιστής, 9 (1971), p. 194-199.

3 Carte générale de la Turquie d’Europe en XV feuilles. Dressée sur des matériaux recueillis par Monsieur le lieutenant-général comte Guilleminot directeur général du Dépôt de la guerre et M. le maréchal de camp baron de Tromelin inspecteur général d’infanterie, par le chevalier Lapie officier supérieur au corps royal des ingénieurs géographes, Paris Chez C. Picquet géographe ordinaire du roi, quai Conti no 17, 1822.

4 Carte de la partie septentrionale de la Grèce moderneCarte de la partie méridionale de la Grèce moderne, dressée principalement sur les mémoires de M. Pouqueville, membre de l’Institut, et appuyée sur les observations astronomiques de M. Gauttier, par le chevalier Lapie, premier géographe du roi. 1827.

5 La carte de la Turquie d’Europe n’est pas mentionnée sur certains exemplaires. La mention des 16 feuilles au lieu de 15 nous invite à penser que la note est tardive, postérieure à une nouvelle édition de la carte de la Turquie d’Europe, qui comprenait une 16e feuille couvrant les régions du sud-ouest de l’Asie Mineure.

6 Patrice Bret, « Le Dépôt général de la guerre et la formation scientifique des ingénieurs-géographes militaires en France (1789-1830) », Annals of Science, 48, 2 (1991), p. 113-157. Robert Fulton, « Crafting a Site of State Information Management: The French Case of the Dépôt de la guerre », French Historical Studies, 40, 2 (2017), p. 215-240.

7 H.-M.-A. Berthaut, Les ingénieurs géographes militaires (1624-1831) : étude historique, 2 vol., Paris, Imprimerie du Service géographique, 1902. Louis Tuetey, Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France. Archives de la guerre, II. Reconnaissances militaires depuis 1790, Paris, Librairie Plon, 1915.

8 Cf. Charles Mullié, « Armand Charles Guilleminot », dans Biographie des célébrités militaires des armées de terre et de mer de 1789 à 1850, Paris, 1852 et Henry Lachouque, Le Général de Tromelin, Paris, Bloud et Gay, 1968.

9 William Gell, The Itinerary of Greece with a Commentary on Pausanias and Strabo and an Account of the Monuments of Antiquity at Present Existing in that Country, Londres, T. Payne, 1810 ; Id., Itinerary of the Morea Being a Description of the Routes of that Peninsula, Londres, Rodwell and Martin, 1817. Edward Dodwell, A Classical and Topographical Tour Through Greece: During the Years 1801, 1805 and 1806, 2 vol., Londres, Rodwell and Martin, 1819.

10 Pour les missions hydrographiques du capitaine Pierre-Henry Gauttier du Parc (1772-1850) en Méditerranée orientale et la mer Noire (1816-1820), cf. J.-S.-C. Dumont d’Urville, « Relation de la campagne hydrographique de la Gabarre du roi La Chevrette dans le Levant et la mer Noire, durant l’année 1820 », Journal des voyages, découvertes et navigations modernes, 9, 29 (1821), p. 273-316 et le compte rendu du Bulletin de la Société de géographie lors de la publication des cartes (3 [1825], p. 350-352) ; pour l’échange des données hydrographiques entre les capitaines Pierre-Henry Gauttier et Henry William Smyth, cf. Andrew David, « British Hydrographic Surveys in the Mediterranean, in the Early Yeats of the Nineteenth Century », International Hydrographic Review, 6, 3 (2005), p. 10-24.

11 Parmi les papiers de Pierre Lapie conservés à la Bibliothèque nationale, on trouve un rapport consulaire éventuellement rédigé par François Pouqueville, intitulé « Acarnanie. Divisions territoriales pour servir au cadastre, Septembre 1814 », Bibliothèque nationale de France, Société de géographie, SG MS 5518.

12 F.-C.-H.-L. Pouqueville, Voyage dans la Grèce, Paris, Firmin Didot, 1820-1821, vol. V, p. 501-630.

13 Id. vol. I, 1820, p. v de l’introduction.

14 Épitaphe gravée dans le marbre de sa tombe au cimetière de Montparnasse.

15 Bulletin de la Société de géographie, 2 (1825), p. 11-13 ; Pouqueville, Voyage dans la Grèce, Paris, 1826, vol. I, p. lxvi-lxvii de l’introduction.

16 Bulletin de la Société de géographie, 2 (1825), p. 11.

17 Édouard Driault, La politique orientale de Napoléon. Sebastiani et Gardane, 1806-1808, Paris, Felix Alcan, 1904.

18 Id., p. 217-233.

19 Cf. « Mémoire de l’adjudant-commandant Guilleminot, sur les observations qu’il a faites et les renseignements qu’il a recueillis, pendant son voyage en Turquie » (Tuetey, Archives de la guerre, II [note 7], p. 321) ; Sorin Şipoş, « La frontière orientale de l’Europe dans le récit d’un officier français au début du xixe siècle », Papeles de Geografía, 55-56 (2012), p. 207-219.

20 Le voyage de Tromelin a été publié par Édouard Driault dans la Revue des études napoléoniennes, 12 (1917), p. 344-381, et 13 (1918), p. 96-124. En 1828, Tromelin publia ses itinéraires accompagnés d’un appel à l’intervention militaire internationale en faveur des Grecs : Observations sur les routes qui conduisent du Danube à Constantinople à travers le Balkan ou mont Haemus, suivies de quelques réflexions sur la nécessité de l'intervention des puissances du midi de l'Europe dans les affaires de la Grèce, par le lieutenant-général comte de T., Paris, Pélicier et Chatet, 1828. Il a également traduit en français les itinéraires de William Gell en Grèce (1829).

21 Officier d’artillerie et éminent hydrographe, Antoine-François, comte d’Andréossy (1761-1828) fut directeur du Dépôt de la guerre en 1802, puis ambassadeur de France auprès de la Sublime Porte de 1812 à 1814. Il y étudia l’hydrographie du Bosphore et de la mer Noire. Il publia, entre autres : Description de la route de Kostanizza à Constantinople (1812) ; Mémoires sur l'irruption du Pont-Euxin dans la Méditerranée (1814) ; Voyage à l'embouchure de la mer Noire (1818) ; Constantinople et le Bosphore de Thrace pendant les années 1812, 1813 et 1814 et pendant l’année 1826 (1828).

22 Aux Archives de la guerre sont conservés deux mémoires de Gaspard (1783-1861), officier du génie et homme politique : « Mémoire sur la reconnaissance faite dans la partie nord-ouest de la Bosnie..., Laybach, 15 mars 1810 » et « Mémoire sur la Bosnie ». Tuetey, Archives de la guerre, II (note 7), p. 321.

23 Ingénieur de l’armée, François-Nicolas-Benoît Haxo (1774-1838) introduisit les courbes horizontales équidistantes pour représenter le relief du terrain en cartographie. En 1807, il entreprit une mission à Constantinople sur ordre d’Eugène de Beauharnais. Il était accompagné par Sorbier. Maximilien-Sébastien Foy (1775-1825), général d’artillerie et député des libéraux lors de la Restauration, avait entrepris une mission à Constantinople, en 1807, portant sur la modernisation de l’artillerie ottomane. Il se distingua dans la défense des Détroits contre l’attaque britannique.

24 Bulletin de la Société de géographie, 2 (1825), p. 11-13.

25 Le géographe, cartographe et helléniste Jean-Denis Barbié du Bocage (1760-1825), unique élève de d’Anville, publia l’atlas de la Grèce antique pour le Voyage du jeune Anacharsis en Grèce de l’abbé Barthélémy (1788-1811) et guida les travaux de Choiseul-Gouffier et de ses équipes en Grèce. Au début du xixe siècle et jusqu’à sa mort, en 1825, Barbié continuera de cartographier la Grèce, en sa qualité tantôt d’éditeur privé, tantôt de cartographe du ministère des Affaires étrangères, rattaché au Dépôt de la guerre. Il soutiendra les premières éditions de Pouqueville (1805 et 1820-1821). Cf. C. Hofmann, « Un géographe sur les traces du mythe grec : Jean-Denis Barbié du Bocage (1760-1825) », Revue française d’histoire du livre, 94-95 (1997), p. 135-154 ; G. Tolias, La médaille et la rouille. L’image de la Grèce moderne dans la Presse littéraire parisienne (1794-1815), Paris, Athènes, Hatier, 1997, p. 113-125.

26 Mémorial topographique et militaire rédigé au Dépôt de la guerre, no 2 Historique, IVe trimestre de l’an X (1801-1802), p. 194-196.

27 Magasin Encyclopédique, 20e année, 1815, vol. 4, p. 325 : « Des circonstances exceptionnelles ont différé la publication d’une grande carte de la Morée, dressée en 1802 par M. Barbié du Bocage, corrigée et perfectionnée par lui en 1804 et 1805, gravée en 1807. L’auteur en a fait hommage à la Classe [de littérature et beaux-arts de l’Institut] en 1815 ».

28 Cf. A. Zambon, « Une leçon de topographie par correspondance. Les lettres de l’ingénieur J. Foucherot et les levés du peintre L. F. S. Fauvel en Grèce », Le Monde des cartes, 207 (2011), p. 107-124, et Id., « La cartographie de l’Attique par Fauvel », Cartes et géomatique, 220 (2014), p. 19-30.

29 Félix de Beaujour (1765-1836), consul général de France à Thessalonique entre 1787 et 1797, publia : Tableau du commerce de la Grèce, formé d’après une année moyenne, depuis 1787 jusqu'en 1797 (2 vol., 1799) ; Voyage militaire dans l’Empire ottoman, ou Description de ses frontières et de ses principales défenses, soit naturelles, soit artificielles (2 vol., 1829). Il rédigea en outre un « Plan militaire pour s’emparer de la Grèce » (Tuetey, Archives de la guerre, II [note 7], p. 318).

30 Carte de la plus grande partie de la Turquie d’Europe dressée sur d’anciens matériaux rectifiés par les observations astronomiques faites récemment sur les côtes et sur les nombreux renseignements fournis par divers voyageurs. Dédiée à S. E. M.gr le maréchal duc de Raguse… Par Gaétan Palma, Trieste, 1811 – Χάρτης τῆς εὐρωπαϊκῆς Τουρκίας, πᾶλαι μὲν Ἑλλάδος παρὰ Γαετάνου Πάλμα. Ἔτος 1811, ἐν Τεργεστίῳ.

31 F. Thierry, Notice sur le général baron Frédéric-François Guillaume de Vaudoncourt, Paris 1846. L’ancien général de Napoléon prit part au mouvement patriotique d’Italie de 1821, en tant que commandant en chef de l’armée révolutionnaire du Piémont, et à la révolte des patriotes espagnols contre les Bourbons (1823) ; il regagnera la France après l’amnistie de 1825 et mourra, indigent, à Passy, en 1845. D’après Berthaut (1902, vol. II, p. 342), Vaudoncourt avait été nommé directeur provisoire du Dépôt de la guerre du royaume d’Italie en 1804, en l’absence du général Bianchi ; selon ses propres dires, il était le directeur du Dépôt (F.-F. Guillaume de Vaudoncourt, Mémoire annexé à la carte de la Turquie d’Europe à la droite du Danube, ou des Beglerbegliks de Roum-Ili, de Bosnie et de Morée en quatre feuilles, Munich, 1818, p. 8).

32 On a de sa main les « Notes sur la Turquie d’Europe tirées de différents manuscrits », ms. de 131 p., BNF, SG COLIS 3 BIS (1631) ; « Notes sur différentes opérations exécutées pendant ma mission à Jannina, 1807 », Athènes, bibliothèque Gennadeios MSS 150. Cf. Emily Neumeier « Trans-imperial Encounter on the Ionian Sea: A French Engineer’s Account of Constructing Ottoman Fortifications », dans N. D. Karampelas (éd.), Ψηφίδες ιστορίας της Πρέβεζας α΄, Préveza, fondation Aktia Nikopolis, 2018, p. 11-54. En Épire, Vaudoncourt collabora avec les capitaines Ponceton, Gaetano Palma et Turpin de Montigny, envoyés de Joseph Bonaparte, roi de Naples (F. Oikonomou, Έλληνες μισθοφόροι στην υπηρεσία της επαναστατικής Γαλλίας (1789-1815), thèse de doctorat, université de Thessalonique, 2007, p. 115-118).

33 A new map of Greece, Exhibiting the Provinces Governed by Ali Pacha and his Children, viz South Albania, Thessaly, part of Macedonia, Livadia, and the Morea. Une copie est conservée à la British Library, Maps C.44.b.4.

34 Carte générale de la Turquie d'Europe à la droite du Danube ou des beglerbegliks de Roum Ili, Bosna et Morée, dressée d’après les meilleures observations astronomiques, itinéraires, cartes particulières, et reconnaissances existantes jusqu'à ce jour, par F. Guillaume de Vaudoncourt. La carte contient quatre plans topographiques (l’Hellespont, le Bosphore, la Magnésie et les Thermopyles). Elle fut rééditée à Munich (1821) et à Leipzig (1822).

35 Guillaume de Vaudoncourt, Mémoire annexé à la carte de la Turquie d’Europe (note 31), p. 7.

36 Pouqueville, Voyage de la Grèce, Paris, 1826, vol. I, p. lxvi-lxvii de l’introduction.

37 Ibid., p. lxviii.

38 Ibid., p. lxxiv.

39 G. Tolias, Η γένεση του ελληνικού κράτους. Χαρτογραφία και ιστορία 1770-1837, Athènes, fondation culturelle de la Banque nationale de Grèce, 2021, p. 114-115.

40 Pouqueville, Voyage de la Grèce, Paris, 1826, vol. I, p. lxxv de l’introduction.

41 Avertissement publicitaire des cartes de la Turquie d’Europe et de la Grèce de Lapie. Quatrième de couverture de l’opuscule Tromelin, Observations sur les routes qui conduisent du Danube à Constantinople (note 20), Paris, Bibliothèque nationale de France, 8-J PIECE-1256.

42 Carte physique, politique et comparée de la Turquie d’Europe, présentée à S. A. R. M.gr le dauphin et publiée par P.-J. Lameau, capitaine de 1.ére classe au corps royal des ingénieurs géographes, Chev.er de l’ordre r.al de la Légion d’honneur. Dressée par A. H. Dufour, élève de M. Lapie, gravée par Richard Wahl, ancien élève du Dépôt général de la guerre. Paris 1827.

43 J.-B.-G.-M. Bory de Saint-Vincent, Expédition scientifique de Morée. Section des sciences physiques. Tome II, 1re partie. Géographie, Paris, Strasbourg, Levrault, 1834, p. 17.

44 Lettre datée d’Ancône, le 23 novembre / 5 décembre 1827. Cf. Élie-Ami Bétant (éd.), Correspondance du comte J. Capodistrias, président de la Grèce…, Genève, Abraham Cherbuliez et Cie, 1839, vol. I, p. 328.

45 Andreas Mamoukas, Τὰ κατὰ τὴν Ἀναγέννησιν τῆς Ἑλλάδος, Athènes, Imprimerie royale, vol. XI, 1852, p. 257.

46 Recueil des traités, actes et pièces concernant la fondation de la royauté en Grèce et le tracé de ses limites, Nauplie, Imprimerie royale, 1833, p. 65 et 71 ; George Baker, Memoir of the Northern Frontier of Greece, by Lieutenant-Colonel Baker, His Majesty’s Commissioner for the Boundary, Printed for Private Collection, 1837.

47 N.-H. Soult de Dalmatie, « La Grèce après la campagne de Morée », Revue des deux mondes, 1 (1831), p. 87.

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Pour citer cet article

Référence papier

Georges Tolias, « Représentations de l’espace »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques, 153 | 2022, 218-228.

Référence électronique

Georges Tolias, « Représentations de l’espace »Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques [En ligne], 153 | 2022, mis en ligne le 10 juin 2022, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ashp/5329 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ashp.5329

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Auteur

Georges Tolias

Directeur d'études, École pratique des hautes études — section des Sciences historiques et philologiques

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