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Dossier

Un cas extrême de réduction des inégalités scolaires au Ceará (Brésil). Stratégie et efficience de la politique mise en œuvre

An Extreme Case of Reducing School Inequalities in Ceará (Brazil). Strategy and Efficiency of the Policy Implemented
Maíra Mamede, Vanda Mendes Ribeiro, Sylvain Broccolichi et Maria do Carmo Meirelles Toledo Cruz
p. 119-147

Résumés

Depuis 20 ans, de nombreuses évaluations et compilations de données fournissent des éléments comparatifs sur les systèmes éducatifs et leurs résultats en matière d’acquis des élèves. On peut ainsi constater que si élever et égaliser ces acquis est un objectif récurrent des politiques éducatives, les progrès en ce sens sont souvent limités, voire inexistants. D’où l’intérêt porté aux importants progrès observés sur plus de dix ans dans un État du Brésil où deux auteures de notre article avaient enquêté dès 2005, peu avant que la stratégie systémique expérimentée dans une ville ne soit étendue par étapes au reste du Ceará. La recherche en cours a déjà permis d’identifier plusieurs points de vigilance impliqués dans ladite stratégie : objectiver et analyser précisément les échecs et les inégalités à réduire, développer l’outillage, la coopération et le pouvoir d’agir des acteurs concernés, ajuster continuellement les évaluations et les formations utiles en fonction des remontées de terrain.

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Texte intégral

  • 1 C’est le cas chaque année depuis 1997 dans Regards sur l’éducation, Les indicateurs de l’ocde, publ (...)

1À la suite de nombreux travaux soulignant le rôle crucial de l’éducation dans le développement humain, la croissance économique et la cohésion sociale, la plupart des gouvernements affichent des objectifs similaires d’amélioration des systèmes d’éducation, d’éradication de l’illettrisme et de réduction des inégalités éducatives. D’importants progrès en ce sens sembleraient alors devoir résulter du développement de recherches et d’évaluations nationales et internationales portant sur de nombreux systèmes éducatifs, notamment dans les pays de l’ocde, organisme diffusant depuis plus de vingt ans une multitude de données statistiques et d’analyses censées « aider les pouvoirs publics à améliorer l’efficacité et l’équité de leur système d’éducation » (ocde, 2020)1.

2Les progrès constatés restent toutefois variables et modestes dans l’ensemble, voire inexistants, comme c’est le cas en France depuis plusieurs décennies (Broccolichi, 2021 ; Meuret & Lambert, 2011 ; cnesco, 2016), tant en matière d’élévation que d’égalisation des acquis des élèves. Ces constats inspirent alors des interrogations sur les volontés politiques effectives, les connaissances mobilisées, les ressources investies, les stratégies déployées et les contraintes systémiques qui modulent les politiques réelles (Broccolichi, 2012 et 2016 ; Demeuse et alii, 2008 et 2012 ; van Zanten, 2013) ; d’autant que des recherches portant sur les professionnels de l’éducation signalent la montée de souffrances au travail, de risques psychosociaux et de difficultés de recrutement en de nombreux pays où les politiques adoptées tendent à responsabiliser et « presser » les enseignants plus qu’à chercher quelles ressources, formations et modes d’organisation les aideraient à développer leur pouvoir d’agir (Brocolichi & Garcia, 2021 ; Jego et Guillot, 2016 ; Malet, 2009 ; Mukamurera et alii, 2019 ; Perrenoud, 2002).

3Dans notre approche critique des politiques éducatives et de leur impact souvent faible sur les apprentissages des élèves et les inégalités éducatives, deux ensembles de travaux inspirent nos hypothèses et nos démarches d’enquête. D’une part, les travaux qui mettent en doute la pertinence des études comparatives fondées presque exclusivement sur des indicateurs statistiques, sans prendre en compte suffisamment les spécificités des contextes éducatifs et des pratiques professionnelles qui conditionnent les apprentissages des élèves (Dupriez, 2015 ; Tardif, 2010). D’autre part, ceux qui soulignent la nécessité d’appréhender les effets des politiques publiques étudiées à partir d’enquêtes et d’analyses portant conjointement sur les processus de négociation des décisions prises, sur les mises en œuvre observées, sur les perceptions, appréciations et réactions des différentes catégories d’acteurs impliqués, et sur d’éventuelles capacités de rétroaction d’actions publiques tenant compte des difficultés imprévues (Lessard & Carpentier, 2015 ; Pires, 2019). Ces travaux et d’autres nous alertent sur le fait que de fortes singularités nationales ou étatiques peuvent résulter de combinaisons complexes de facteurs historiques de longue durée et de facteurs conjoncturels liés au contexte politique immédiat (Dupriez, 2015 ; Mathou, 2018 ; Nóvoa, 2001 ; Perrenoud, 2002). Ils nous amènent à penser que des études de cas approfondies de politiques éducatives soigneusement choisies peuvent enrichir les réflexions sur les conditions qui permettent à certaines de ces politiques de réduire les inégalités éducatives de façon très significative, tandis que d’autres énoncent les mêmes objectifs sans réellement contribuer à s’en rapprocher.

  • 2 Projet de recherche : « Mise en œuvre des politiques éducatives et de l’équité dans les contextes d (...)
  • 3 Comme on le précisera plus loin, il s’agit d’un programme dont les objectifs et modalités ont été r (...)

4Nous nous sommes engagés dans cette voie après de nombreuses recherches sur les politiques éducatives, les organisations scolaires, les pratiques enseignantes et les inégalités d’apprentissage (principalement) au Brésil et en France, d’abord séparément, puis de façon plus coordonnée. L’intensification récente de nos collaborations s’est opérée dans le cadre d’une recherche collective entreprise en 2018 et impliquant près de trente chercheurs de plusieurs pays : elle vise surtout à élucider les transformations opérées dans l’État brésilien du Ceará et qui ont conduit à nettement mieux assurer les apprentissages des élèves, y compris de milieux socialement très défavorisés. Cette recherche, dirigée par Vanda Ribeiro2, s’inscrit dans le prolongement du travail que celle-ci avait amorcé dès 2005 sur l’organisation et les effets du Programa Aprendizagem na Idade Certa-paic (programme apprentissage au bon âge) (Gusmão & Ribeiro, 2011), conçu pour mieux assurer les apprentissages des élèves de tous milieux sociaux dans toutes les écoles3.

5Nous resituerons d’abord l’État du Ceará dans le contexte brésilien, puis indiquerons en quoi les évolutions qui y ont été objectivées par plusieurs sortes d’évaluation se démarquent des tendances observables dans les autres États pauvres du Nordeste (avec lesquelles le Ceará partageait de nombreuses propriétés jusqu’à la fin du xxe siècle). Nous préciserons ensuite l’élévation des acquis des élèves des établissements scolaires publics et la considérable réduction des écarts de performances entre secteurs publics et privés constatée entre 2005 et 2019, avant d’indiquer les étapes et modalités des transformations qui ont produit ces résultats. Deux des auteures de cet article ont une connaissance précise des changements opérés au Ceará, car elles avaient investi ce terrain de recherche au début de l’instauration du programme paic (Gusmão & Ribeiro, 2011) et réalisé des observations dans des écoles qui n’en bénéficiaient pas encore dans la capitale du Ceará (Mamede, 2011). Ces repères et les contacts établis à l’époque ont aidé à retracer l’historique des transformations opérées, en sachant que le paic avait été d’abord conçu et expérimenté avec succès dans la commune de Sobral avant d’être étendu, en plusieurs étapes, à l’ensemble des communes ceariennes.

6Nous intégrerons aussi des éléments relatifs aux perceptions et appréciations des différents acteurs concernés à divers titres par ces transformations (concepteurs, gestionnaires, formateurs, enseignants…). Une cinquantaine d’entre eux, dont neuf enseignants, ont déjà été interviewés, et nous nous sommes particulièrement intéressés à ce qui a été prévu et réalisé pour accompagner les enseignants dans ce changement. Ils sont, en effet, les plus directement impliqués dans les apprentissages des élèves tout en étant souvent décrits comme résistants aux réformes (Zimmerman, 2006), ou comme limitant l’impact espéré de leur mise en œuvre, du fait de l’inertie de leurs pratiques pédagogiques. Il est donc intéressant de comprendre quelles stratégies, organisations et actions ont favorisé l’évolution des réformes successives dans le cas de la politique cearienne. Nous mettrons enfin en perspective le caractère systémique des stratégies adoptées, en relevant certaines oppositions avec celles qui ont été décelées dans des travaux sur les politiques éducatives mises en œuvre en France au cours des dernières décennies.

La nation fédérée du Brésil et l’autonomie relative des politiques étatiques

7Le Brésil est un vaste pays au sein duquel les disparités économiques, sociodémographiques et politiques sont nombreuses, notamment parce qu’il s’agit d’une nation fédérée (tout comme les États-Unis ou l’Allemagne). Il existe néanmoins une politique éducative fédérale qui définit la répartition des responsabilités selon les niveaux d’enseignement. À l’Union fédérale revient la responsabilité de formuler les programmes et de contrôler les résultats de l’enseignement, via des évaluations nationales (Prova Brasil) en portugais et mathématiques, en 5e et 9e année de l’enseignement fondamental (correspondant à la fin de l’école primaire et du collège en France). À partir de 2005, ces évaluations ont été réalisées tous les deux ans dans tous les établissements scolaires publics et privés du pays dans le cadre du Sistema de avaliação da educacao de base (saeb). Elles ont contribué à objectiver les progrès spécifiquement observés dans l’État du Ceará.

8La massification de l’éducation au Brésil est récente : pour le primaire, le taux de 90 % d’enfants scolarisés n’a été atteint que dans les années 1990, et la progression des effectifs aux niveaux supérieurs n’a été possible que par la mise en place des allocations familiales conditionnées à la fréquentation scolaire (Bolsa Família – bourse famille). Cette massification n’a bien sûr pas suffi à assurer la démocratisation en termes d’accès aux savoirs, comme l’indiquent précisément les évaluations nationales. Le Ministère a construit un indicateur de développement de l’éducation de base (ideb), prenant en compte à la fois les résultats des élèves à l’évaluation Prova Brasil et le taux de redoublement. Il permet de comparer les résultats selon les régions (regroupant les États d’une même zone géographique), les États, les communes et même les établissements scolaires publics ou privés.

  • 4 Nos graphiques ont été élaborés à partir des données accessibles sur le site de l’inep (Instituto N (...)

9Sachant qu’au Brésil le coût des écoles privées est hors de portée d’une très large majorité des Brésiliens et que celles-ci « regroupent les élèves ayant le niveau socio-économique le plus élevé » (Alves et Soares, 2012 : p. 23), les écarts enregistrés par l’ideb entre les écoles des deux secteurs constituent un bon indicateur des inégalités d’acquis scolaires selon le milieu social. Ces inégalités se sont réduites dans l’ensemble du Brésil entre 2005 et 2019, une période caractérisée par un progrès social appuyé, et nous verrons qu’elles l’ont été de façon beaucoup plus considérable dans l’État du Ceará (graphiques 2, 3 et 4)4.

10À ces inégalités sociales, s’ajoutent des inégalités territoriales. Historiquement moins riches et moins développées que le Sud, les régions du Nord (Nord et Nord-Est) présentent les plus forts taux d’analphabétisme et les plus faibles performances aux évaluations nationales des élèves. Les inégalités socio-économiques entre les zones urbaines, d’un côté, et les zones périurbaines et rurales, de l’autre, sont importantes, avec une concentration de la richesse dans les grands centres urbains, même s’ils sont également marqués par de forts contrastes sociaux.

11Conséquence directe du système fédéral, chaque entité fédérée (États et municipalités) dispose d’une importante autonomie en matière de pouvoirs législatif et exécutif, notamment dans le domaine de l’éducation. Dans ce contexte, les Secretarias équivalent à des ministères locaux : celles des municipalités sont surtout responsables de l’enseignement fondamental, tandis que les Secretarias des États sont prioritairement responsables de l’enseignement moyen. Les pouvoirs et responsabilités attribués aux communes en matière éducative varient cependant selon les États, avec des modalités de coopération entre différentes échelles de gouvernement très variables aussi.

12Pour toutes ces raisons, et compte tenu de nos objectifs de recherche, notre projet n’a pas été d’étudier la politique éducative brésilienne dans son ensemble, mais de nous intéresser particulièrement au Ceará où les progrès ont été de loin les plus importants, tant sur le plan des gains d’apprentissages que sur celui de la réduction des inégalités d’acquis scolaires.

Contexte social du Ceará et progrès scolaires constatés entre 2005 et 2019

13Au début des années 2000, la situation du Ceará était semblable à celle des autres États pauvres du Nordeste, marquée par l’importance des inégalités sociales, la pauvreté et de forts taux d’analphabétisme. En 2005, les ideb constatés en 5e et en 9e année de l’école fondamentale y restaient inférieurs à la moyenne du Brésil (tant dans le secteur public que dans le secteur privé), comme on peut le vérifier dans les graphiques 2 et 3, montrant aussi que ces ideb ont rejoint ceux du Brésil en 2011 avant de les dépasser d’au moins 10 % en 2019.

14Le graphique 1 fait ressortir le caractère exceptionnel du niveau de performance scolaire atteint dans le Ceará dès 2015, au regard du taux d’analphabétisme de sa population adulte. Tous les États du Brésil y sont en effet situés en fonction de ce taux (en abscisse) et de leurs résultats de 2015 à l’ideb de 5e année (en ordonnée) (Codes et alii, 2018). Sachant que les axes qui y sont dessinés marquent les moyennes brésiliennes pour ces deux variables, on comprend que le Ceará est le seul État dont l’ideb est devenu supérieur à la moyenne brésilienne, alors que son taux d’analphabétisme des adultes reste encore aussi important que dans les autres États du Nordeste (tous situés dans le rectangle tracé en bas et à droite du graphique).

Graphique 1. Relation entre le taux d’analphabétisme des adultes et les apprentissages des élèves (ideb) dans les différents États du Brésil

Graphique 1. Relation entre le taux d’analphabétisme des adultes et les apprentissages des élèves (ideb) dans les différents États du Brésil

Source : Codes et alii, 2018, traduit par les auteurs.

Graphique 2. Évolution des ideb en 5e année de 2005 à 2019 pour les réseaux publics et privés du Brésil (BR) et du Ceará (CE)

Graphique 2. Évolution des ideb en 5e année de 2005 à 2019 pour les réseaux publics et privés du Brésil (BR) et du Ceará (CE)

Source : élaboré par les auteurs, à partir des données de l’INEP.

15Le graphique 2 présente aussi des données concernant l’ideb de 5e année de l’enseignement fondamental, en distinguant son évolution dans le secteur public et le secteur privé pour le Ceará et pour le Brésil. On y voit que les progressions supérieures de l’ideb dans l’enseignement public ont nettement réduit l’écart entre les résultats moyens du public et du privé pour le Brésil tout entier : la supériorité relative du privé en référence au public y passe en effet de 67 % en 2005 à moins de 25 % en 2019. Dans le cas du Ceará, la réduction visible de l’écart est encore bien plus nette puisque les résultats du privé étaient de 93 % supérieurs à ceux du public en 2005, alors qu’ils ne le sont plus que de 6 % en 2019 : cet écart relatif a ainsi été divisé par 15,5. Le graphique montre que cette considérable réduction des inégalités scolaires est liée à l’importante progression des résultats des écoles publiques, l’évolution de ceux des écoles privées restant similaire à celle perceptible dans l’ensemble du Brésil (courbes quasi parallèles).

Graphique 3. Évolution des ideb en 9e année pour les réseaux publics et privés du Brésil (BR) et du Ceará (CE) de 2005 à 2019

Graphique 3. Évolution des ideb en 9e année pour les réseaux publics et privés du Brésil (BR) et du Ceará (CE) de 2005 à 2019

Source : élaboré par les auteurs, à partir des données de l’inep.

16On retrouve les mêmes tendances pour les ideb de 9e année (graphique 3), avec des rythmes d’augmentation plus modérés mais des différentiels de progression tout de même importants en faveur de l’ideb du secteur public du Ceará : il devient ainsi de 13 % supérieur à celui du Brésil en 2019. Le score du secteur privé qui dépassait de 93 % celui du secteur public en 2005, ne le dépasse plus que de 17 % en 2019 : écart relatif ainsi divisé par 5,5.

17Ces gains d’apprentissages et ces fortes réductions des inégalités sociales de performances scolaires constatées en fin de scolarité primaire et de collège s’avèrent étroitement liés à la mise en place du paic, dans une partie de l’État du Ceará à partir de 2007, puis dans le reste du Ceará (dont la capitale Fortaleza) à partir de 2012.

Graphique 4. Évolution des ideb en 5e année pour les réseaux publics et privés du Brésil (BR), du Ceará (CE) et de Fortaleza et pour le réseau public de Sobral

Graphique 4. Évolution des ideb en 5e année pour les réseaux publics et privés du Brésil (BR), du Ceará (CE) et de Fortaleza et pour le réseau public de Sobral

Source : élaboré par les auteurs, à partir des données de l’inep.

18En effet, alors que la population de Fortaleza est plus favorisée socialement que celle de l’ensemble du Ceará, et que son ideb des écoles publiques était supérieur à celui du Ceará en 2005, ce n’est déjà plus le cas en 2007, et l’écart se creuse en sa défaveur jusqu’en 2011. Il se réduit au contraire entre 2011 et 2019, après que les dirigeants politiques de Fortaleza ont opté pour le paic (en 2012) : l’ideb des écoles publiques de Fortaleza dépasse ensuite pour la première fois celui du Brésil en 2017, tout comme cela avait été le cas pour l’ideb des écoles publiques du Ceará dès 2015. Étant donné que la moyenne pour le Ceará inclut sa capitale (2,6 millions d’habitants sur les 9 millions du Ceará), isoler la population du Ceará hors Fortaleza ferait donc encore mieux ressortir les phases différenciées d’évolution des ideb des écoles publiques, selon qu’elles se situaient ou non dans des communes ayant opté ou non pour le programme paic.

19Ce programme a été élaboré initialement dans la ville de Sobral à partir de 2001. Le graphique 4 donne un aperçu des progrès qui en avaient résulté dès 2005, et bien plus encore au cours des années suivantes, au point que l’ideb des écoles publiques y a dépassé celui des écoles privées du Ceará et du Brésil dès 2009. Cette supériorité s’est beaucoup accentuée par la suite et reste considérable en 2019 malgré le déclin observé par rapport à 2017.

20L’impressionnante progression des résultats associés au paic à Sobral, puis au Ceará a donné lieu à de nombreuses publications (Gusmão & Ribeiro, 2011 ; Lima, 2012 ; Vieira & Vidal, 2013 ; Sumyia et alii 2017 ; Cruz, Farah & Ribeiro, 2020 ; Cruz & Loureiro, 2020 ; Ribeiro et alii, 2020), dont certaines comparent les résultats du Ceará avec ceux des États voisins, entre 2007 et 2011 (Costa & Carnoy, 2015 ; Loureiro et alii, 2020). Kasmirski, Gusmão et Ribeiro (2017) ont pour leur part souligné que l’amélioration des apprentissages constatée s’est produite en particulier dans les écoles dont la majorité des élèves sont pauvres, ce qui a accru l’équité en matière d’éducation.

21Il peut paraître surprenant d’attribuer des progrès constatés en fin d’élémentaire et de collège à un programme dont l’acronyme traduit une visée initiale axée sur le développement des compétences en littératie pendant les premières années de l’élémentaire. Il faut alors préciser comment la stratégie systémique d’optimisation des conditions d’enseignement et d’apprentissage a été étendue aux autres domaines et niveaux de l’enseignement fondamental (ef) à Sobral, avant de l’être dans les autres communes de l’État.

La genèse du paic : le démarrage de l’expérience à Sobral

22Avec la redémocratisation politique post-dictature, après 1985, s’ébauche un processus de coopération entre l’État du Ceará et les municipalités (Gondim, 1998). À cette fin, la Secretaria de l’éducation du Ceará, seduc, installe des antennes régionales, les credes (coordinations régionales de développement de l’éducation). Elles servent à relayer les politiques de l’État tout en les ajustant aux spécificités locales. La collaboration s’amorce à partir de 1992 (Vieira, 2007 ; Naspolini, 2001), avec des actions de formation et de valorisation des enseignants, dorénavant recrutés par voie de concours, de même que le personnel des credes. Le spaece (Système permanent d’évaluation de l’éducation de base) est également mis en place, avec une périodicité annuelle, pour évaluer les élèves à différents moments de leur scolarité et notamment à la fin chaque cycle (2e, 5e et 9e année d’ef et 3e année d’enseignement moyen/em).

23Le processus de municipalisation de l’ef démarre en 1995, avec le transfert d’équipements et de personnels aux mairies (Vieira & Vidal, 2013), sans amélioration des apprentissages des élèves dans un premier temps. C’est dans ce contexte que la première ébauche du paic émerge à Sobral, la cinquième ville la plus importante du Ceará, avec un peu plus de 200 000 habitants et un pib par habitant légèrement inférieur à celui de Fortaleza. Le paic est initié en 2001, au début du mandat de maire de Cid Gomes, issu d’une famille dont plusieurs membres avaient déjà occupé des postes politiques importants, à Sobral, au Ceará et au niveau national.

24Son implication forte dans le projet d’améliorer le système d’enseignement au profit de tous les élèves a bien sûr joué un rôle décisif dans la continuité de la politique menée, et d’abord dans la façon de composer l’équipe de la Secretaria de Sobral, regroupant des universitaires et des professionnels de l’administration publique (formés à plusieurs disciplines pour plusieurs d’entre eux) qui ont su coopérer et faire appel à des forces supplémentaires pour progresser vers un même objectif, notamment pour élaborer et diffuser plusieurs sortes d’évaluations, de formations et d’équipements pédagogiques ajustés aux buts poursuivis et aux besoins des professionnels scolaires.

  • 5 Les écoles à classe unique sont regroupées dans ce but, avec un système de transport scolaire renfo (...)

25Les premières évaluations réalisées en lecture et en écriture ont révélé un taux de 60,7 % des élèves non lecteurs à la fin de la 2e année d’ef (41,6 % pour la 3e année et 20 % pour la 4e année), avec de fortes disparités selon les écoles (Maia, 2006). Ces constats initiaux ont permis de créer un consensus autour de l’inacceptabilité du phénomène qualifié d’« analphabétisme scolaire » (Ibid.). De là vient l’acronyme paic du programme initial « Programa Alfabetização na Idade Certa » (programme d’alphabétisation au bon âge), avec l’objectif de mieux assurer les apprentissages fondamentaux tout en réduisant les redoublements. Différentes démarches sont alors mises en œuvre. Elles visent notamment à homogénéiser l’offre scolaire en termes d’équipement et de personnel, avec un coordonnateur pédagogique entièrement déchargé dans chaque école5. Elles s’attellent aussi à l’élaboration et à la distribution d’un matériel pédagogique en cohérence avec les objectifs poursuivis, ainsi qu’à un accompagnement des enseignants à son usage, dans une logique d’assistance, et non d’obligation ou de contrôle : les enseignants conservent la possibilité de faire usage d’autres matériels ou d’autres méthodologies.

26Les coordonnateurs pédagogiques ont la responsabilité de réaliser un accompagnement de proximité des enseignants sous la forme d’observations de classe et de propositions pédagogiques tenant compte des difficultés identifiées avec les enseignants et sur la base des évaluations réalisées. Dès l’instauration du paic, le travail d’analyse des évaluations fait partie des missions des formateurs, directeurs, coordonnateurs pédagogiques et enseignants, tout en laissant une part d’autonomie à tous les échelons (inep/mec, 2005). Les logiques évaluatives évoluent lors des premières années du paic à Sobral, à la suite de concertations avec les directeurs. Les plus fréquentes ont des fonctions diagnostiques et formatives, et sont articulées à des temps d’échange et de formation. Pour celles qui donnent lieu à des sanctions (uniquement positives), le piège d’une logique de palmarès est évité en valorisant les écoles en fonction d’objectifs ciblés (par niveau) tenant soigneusement compte des particularités des publics de chaque école et des taux de présence des élèves aux évaluations. Initialement réticents aux évaluations de leur travail, les enseignants semblent avoir été rassurés par les soutiens dont ils ont bénéficié et par les progrès constatés, assortis de primes mensuelles à destination des enseignants alfabetizadores (dont les élèves ont atteint les objectifs d’apprentissage). La priorité étant donnée au combat contre l’analphabétisme scolaire, ces actions ont d’abord visé les classes de l’élémentaire, de la 1e à la 4e année. Des classes spécifiques sont aussi créées pour les élèves non lecteurs des années ultérieures, afin de les aider à rattraper les apprentissages non réalisés précédemment sans les faire redoubler.

  • 6 Par la suite, Sobral va devenir puis rester la ville du Brésil où les écoles publiques ont les meil (...)

27Suite à toutes ces actions, et comme l’a montré le graphique 4, les progrès des élèves de Sobral sont considérables : dès 2003 plus de 90 % des élèves inscrits en 1re année (ayant alors 7 ans) sont considérés comme lecteurs (inep/mec, 2005). En 2005, son ideb pour la 5e année atteint déjà 4,0, il est donc supérieur à celui du Ceará (2,8), du Nord-Est (2,9) et même à la moyenne nationale brésilienne (3,8)6. C’est une performance inattendue pour une ville moyenne du Nordeste. Ces résultats et leur amélioration ultérieure apparaissent comme exemplaires des possibilités d’amélioration des résultats des élèves en contexte socio-économique défavorisé (Cruz & Loureiro, 2020).

  • 7 Cette tendance s’est poursuivie par la suite. Toutes les données sur le taux d’élèves en retard par (...)

28On voit ainsi se dessiner une politique pilotée par des évaluations diagnostiques et formatives qui ne sont pas restreintes à la salle de classe. À l’échelle de la ville (et ensuite des différentes communes de l’État), les diagnostics servent à élaborer et à diffuser des ressources faites pour accroître le pouvoir d’agir des différentes catégories d’acteurs ; des ressources en temps de formation et de concertation sont ainsi accordées aux enseignants. Ces mesures et l’amélioration très rapide des résultats à Sobral ont favorisé l’enrôlement des acteurs en question, en particulier, les enseignants qui constatent la diminution des difficultés de leurs élèves (ainsi que celles des redoublements et de l’évasion scolaire). En effet, entre 2001 et 2004, le taux d’élèves en retard est divisé par 3 en élémentaire (de 28,5 % à 13,6 %) et par 1,5 au collège (de 61,1 % à 41,1 %) (inep/mec, 2005 : 16), indiquant que l’approche du paic ne se limitait aux seules années de primaire7. Les interruptions d’études avant la fin de l’ef, quant à elles, ont quasiment disparu dès 2010 (World Bank, non daté), soit dix ans après son démarrage.

Changement d’échelle : l’élargissement du paic à l’État du Ceará en deux étapes

29Cette expérience pionnière à Sobral inspire, en 2004, le Comité du Ceará pour l’élimination de l’analphabétisme scolaire, coordonné par l’Assemblée législative du Ceará, comité coordonné par Ivo Gomes, frère du maire de Sobral et député du Ceará ; il bénéficie de la participation d’agences internationales, d’universités et d’autres acteurs de la société. Comme à Sobral précédemment, les évaluations diagnostiques réalisées pointent de nombreux échecs dans l’apprentissage de l’écrit au cours des deux premières années de l’ef1 (équivalents du cp et du ce1), d’importantes disparités selon les communes et les écoles, et l’insuffisante formation des enseignants (Ceará, 2006).

30C’est à la résolution de tous ces problèmes que va s’atteler l’équipe pluridisciplinaire de Sobral dès 2007, quand Cid Gomes, maire de Sobral, est élu gouverneur du Ceará, et qu’il invite ladite équipe à promouvoir le paic au sein de la Coordination de la coopération avec les municipalités (copem). Cette équipe sait de quelles ressources ces municipalités ont besoin et quels arguments les convaincront d’adhérer au paic, alors qu’elles détiennent l’essentiel du pouvoir de décision sur l’organisation scolaire locale (Sumiya, 2019). L’adhésion au paic représente néanmoins la possibilité de profiter de ressources en équipement, en outils d’évaluation et en formation, ayant déjà fait leurs preuves à Sobral. S’y ajoutent, par un changement législatif, des mesures financières incitatives pour les maires : des transferts supplémentaires de ressources budgétaires de l’État vers les communes où les résultats des élèves s’améliorent ; et l’adhésion au paic constitue le plus sûr moyen d’obtenir ce double bénéfice.

31Suite à cette adhésion croissante des communes, les résultats des élèves s’améliorent rapidement sur les deux premières années de l’ef, avec un doublement du pourcentage d’élèves lecteurs entre 2007 et 2011, d’après les résultats au spaece, et des progrès encore plus nettement accrus au cours des années suivantes. Les améliorations visées assez vite au-delà de ces deux années se traduisent dans les acronymes : paic+5 quand le programme est élargi à l’ensemble de l’élémentaire dès 2011, puis Mais paic quand il vise le collège à partir de 2015.

32Dans ces programmes, les formations visant à améliorer les pratiques restent associées à des évaluations pluriannuelles qui orientent les actions de formation et les préconisations à destination des enseignants et coordinateurs, en tenant compte des difficultés identifiées. Le tissage entre les trois éléments, évaluation, formation et pratiques, se fait à partir des « descripteurs » (cf. annexe 1), terme mobilisé par les acteurs à différentes échelles du système éducatif. Les descripteurs se réfèrent à des compétences définies par la base curriculaire nationale, dont certaines sont reprises comme étant prioritaires. Les évaluations sont pensées à partir de ces « descripteurs », les résultats permettant alors de savoir quelles compétences sont à renforcer dans certaines classes ou pour quels élèves spécifiquement. Les coordonnateurs saisissent les résultats dans un système informatique centralisé, permettant aux districts éducatifs, aux Secretarias municipaux ou encore à la seduc de tracer un portrait fidèle des acquis des élèves et d’identifier des enseignants, écoles ou zones à aider en particulier. La restitution des résultats et des préconisations est accompagnée par des brochures dédiées aux coordonnateurs pédagogiques et aux enseignants, par niveau et par discipline. Elles spécifient les compétences sous-jacentes, et des actions pédagogiques à envisager pour aider les élèves.

33Le matériel pédagogique distribué dans toutes les classes bénéficiant du paic ne vient pas supplanter obligatoirement les manuels fournis par le ministère de l’Éducation, mais les enseignants interrogés le décrivent positivement : en se référant aux réactions des élèves et/ou à la façon dont eux-mêmes ont réussi à se l’approprier en bénéficiant d’une formation à son usage (cf. annexe). Celle-ci a été pensée et organisée aux différentes échelles du système, en s’inspirant de connaissances universitaires tout en tenant compte des remontées de terrain assurées notamment par les coordonnateurs pédagogiques : l’équipe centrale de la seduc forme les responsables des credes, qui forment à leur tour les formateurs dans les municipalités, eux-mêmes responsables de la formation des coordonnateurs et des enseignants. Le travail des enseignants est ainsi encadré de façon cohérente par les évaluations et le matériel distribué, allant jusqu’à des préconisations en termes d’emploi du temps dans les classes : ces outils sont faits pour aider les enseignants à identifier les obstacles à dépasser et les leviers à activer. Pour cela, les enseignants sont accompagnés par les coordinateurs pédagogiques de chaque école, responsables également de la compilation des résultats dans le système informatique dédié.

34D’après la loi fédérale 11.738/2008, les enseignants sont censés consacrer un tiers de leur temps de travail à l’école aux activités de préparation et de coordination, mais cette loi est diversement appliquée selon les États. Au Ceará, chaque classe de l’ef1 est prise en charge par deux enseignants, l’un pour 2/3 des heures de cours hebdomadaires, l’autre pour le tiers restant. Pour les classes dites prioritaires, ce temps de travail hors classe peut même être étendu à la moitié du temps de présence des enseignants à l’école. L’accompagnement de proximité par les coordonnateurs ou la formation mensuelle au district se font sur ces moments. L’évaluation devient ainsi un outil pour accompagner l’enseignant dans la mise en œuvre d’activités plus ciblées en fonction des difficultés observées dans sa classe, dans son ensemble ou par tel ou tel élève, plus spécifiquement permettant des « corrections de trajectoire », comme indique le responsable de l’axe d’évaluation dans le copem. L’objectivation du travail des enseignants par l’évaluation et l’accompagnement leur permet de mettre en œuvre des pratiques plus égalitaires, par une transformation importante des pratiques dans un temps relativement court. Bien que voyant l’utilité de l’évaluation, certains enseignants indiquent néanmoins qu’un temps excessif lui est consacré.

35L’adhésion des différents acteurs du système (cf. annexe 2) est favorisée par d’autres mesures que nous ne pourrons pas développer ici (Ceará, 2012). Il en est ainsi, par exemple, des incitations financières aux municipalités dont les résultats progressent, ou encore d’un prix donné aux écoles les plus performantes, avec en contrepartie un engagement à parrainer une école moins performante. On considère que le prix génère un capital politique pour les maires dont les écoles sont récompensées, renforçant ainsi la relation de ces dirigeants avec les objectifs du paic.

36Les progrès rapides et incessants associés au paic nous semblent dès lors résulter d’une stratégie systémique plus globale visant à favoriser l’enrôlement, l’outillage et la coopération de tous les acteurs concernés par l’objectif d’optimisation du système d’enseignement. L’instauration des credes avait créé des possibilités de coopérations entre agents de l’État et des collectivités locales qui ont été développées et affinées par la suite au moyen de formations en lien étroit avec les objectifs communs visés. L’expérimentation réussie à Sobral a ensuite facilité l’extension de cette stratégie d’enrôlement et de développement de toutes les coopérations utiles, tout en permettant aussi aux municipalités de mieux se projeter à partir d’une expérience réussie. Troisième élément clé : la durée importante durant laquelle cette stratégie systémique a pu être élaborée et réajustée à différentes étapes par un même groupe de pilotage dont au moins deux particularités méritent d’être précisées : la réunion de compétences de haut niveau en gestion administrative, sociologie et pédagogie, et leur mise au service d’une même volonté politique d’assurer une véritable démocratisation des apprentissages, comme l’illustrent les propos d’un de ses membres fondateurs :

  • 8 « O argumento sociológico de que determinadas condições socioeconômicas causam maiores dificuldades (...)

L’argument sociologique selon lequel certaines conditions socio-économiques entraînent des difficultés d’apprentissage plus importantes pour un certain groupe d’enfants est réel. Le problème est que, pendant des décennies, il a été utilisé au Brésil pour affirmer que les écoles publiques sont de très mauvaise qualité et que les pauvres n’apprennent pas. Cet argument a été tellement généralisé que, pour le remettre à sa place, il faut le refuser catégoriquement. Il n’est pas raisonnable de supposer que les enfants se trouvant dans une situation d’extrême précarité pourront apprendre de la même manière que les autres, sans davantage de soutien, mais il est pervers de laisser ce raisonnement naturaliser un état de fait dans lequel l’école publique a été déchargée de sa responsabilité, de sa raison d’être8. (Maia & Batista, 2016 : p. 399)

Mise en perspective de liens entre stratégies et efficiences des politiques éducatives au Ceará et ailleurs

37Aux yeux des lecteurs familiers des évaluations internationales des acquis des élèves et des évolutions généralement modestes, voire décevantes, des inégalités scolaires (en France, par exemple, depuis plusieurs décennies), celles constatées au Ceará ont de quoi surprendre. Il y a donc lieu d’examiner les doutes, soupçons ou craintes qu’elles peuvent inspirer, avant de préciser ce qui les a atténués au cours de notre recherche.

38On peut d’abord envisager le risque de biais, ou même de fraudes, se rapportant aux conditions de passation et/ou aux codages des évaluations. Cependant, la connaissance des procédures et contrôles existant au Brésil, le retentissement des résultats du Ceará et leur grande cohérence globale sur près de quinze ans (pour toutes sortes d’évaluations, nationales et étatiques) ne laissent cependant guère planer de doutes sur la validité des tendances qui s’en dégagent.

  • 9 Une annexe de l’article fournit un aperçu de ce qui ressort des entretiens sur ce sujet.

39La crainte d’une polarisation excessive sur les tests et leur préparation, au détriment d’autres apprentissages, constitue une piste plus sérieuse, mentionnée dans diverses recherches (Broccolichi, 2016 ; Mons, 2009 ; Rozenwajn & Dumay, 2014). De fait, les enseignants interrogés jugent souvent excessives la présence de toutes sortes d’évaluations et la pression que peuvent susciter certaines d’entre elles. Les informations et témoignages recueillis sur les différentes sortes d’évaluations pratiquées au Ceará et sur le travail pédagogique qui accompagne les plus fréquentes d’entre elles atténuent toutefois la crainte d’une sorte de dictature des évaluations associée à un bachotage excessif des élèves à courte vue9. D’une part, les évaluations qui servent à mesurer les progrès à des échelles agrégées ne sont pratiquées que dans certaines classes et de façon espacée (tous les deux ans pour la Prova Brasil et une fois par an pour le spaece). D’autre part, les plus fréquentes sont à visée diagnostique et formative, et ne sont pas associées à des directives autoritaires ; elles servent au contraire de supports à des échanges formatifs, sur les difficultés d’apprentissage constatées et sur des possibilités d’y remédier, en lien avec des ressources mises à disposition, dans l’ensemble appréciées par les enseignantes interrogées (cf. annexe 2).

40L’autre constat important est que la combinaison d’approche associée au paic n’a clairement pas produit seulement des résultats à court terme ou étroitement limités au champ couvert par telle ou telle évaluation. Elle a en effet coïncidé avec d’importants progrès constatés bien au-delà de l’objectif initial d’alphabétisation durant la décennie de leur mise en œuvre : des progrès constatés non seulement en 5e puis 9e année de l’ef (en portugais et en mathématiques), mais aussi dans les trois domaines évalués par le programme pisa, — y compris celui des sciences, peu concerné par les évaluations internes au Brésil —, comme l’indique le graphique 5.

Graphique 5. Évolution des résultats du Brésil et du Ceará entre 2006 et 2015 pour les trois domaines évalués par le programme PISA (littératie, mathématiques et sciences)

Graphique 5. Évolution des résultats du Brésil et du Ceará entre 2006 et 2015 pour les trois domaines évalués par le programme PISA (littératie, mathématiques et sciences)

Source : élaboré par les auteurs à partir des données du MEC/INEP (2008, 2012 et 2016). Le détail par État pour les évaluations de 2012 et 2018 n’est pas disponible. Pour 2012, les moyennes fournies concernent uniquement les zones urbaines, pour 2018, un échantillon plus réduit ne permet pas un traitement par État.

  • 10 Le gouvernement du Brésil n’a toujours pas diffusé les résultats par État pour l’édition de pisa 20 (...)

41En cohérence avec ce que l’on sait du contexte social au Ceará, les élèves de 15 ans de cet État avaient des résultats beaucoup plus faibles que ceux du Brésil en 2006 et en 2009, alors que ce n’est plus le cas en 2015, y compris en sciences. Or c’est en 2015 qu’une partie non négligeable des élèves de 15 ans du Ceará avait déjà bénéficié des stratégies de transformation associées au programme paic. Cela inspire l’hypothèse de progrès supplémentaires au cours des sessions suivantes de pisa (pour des élèves de 15 ans qui seront plus nombreux à avoir bénéficié de ces stratégies pendant davantage d’années de scolarité)10.

  • 11 Pour rappel, les évaluations internationales alertent sur les inégalités scolaires dont le record e (...)

42L’avancée de nos enquêtes sur l’adhésion de toutes les communes au programme paic et sur l’organisation des formations ayant permis de mieux assurer les apprentissages de tous leurs élèves a particulièrement interpellé les chercheurs de notre équipe qui avaient étudié les politiques françaises, en matière d’éducation prioritaire et de formation des enseignants notamment (Broccolichi, 2016 et 2021 ; Mamede & Netter, 2018). Elle nous a incités à mettre en relief la stratégie systémique cearienne de mise en cohérence des objectifs et des ressources nécessaires aux progrès visés, si différente de celle observée en France, où l’objectif de réduire les inégalités scolaires a été maintes fois réaffirmé, mais où celles-ci se sont au contraire amplifiées au cours des dernières décennies (Broccolichi, 2021)11. Bien sûr, les acquis des élèves du Ceará ne sont pas encore aussi élevés qu’en France, où les ressources familiales et budgétaires (et la formation universitaire des enseignants) sont sans commune mesure avec celles existant au Ceará. Il nous paraît néanmoins utile d’attirer l’attention sur plusieurs propriétés décisives de la politique cearienne qui contrastent de façon frappante avec celles qui, en France, ont laissé s’accroître les inégalités sociales d’acquis scolaires.

43L’opposition la plus évidente se situe au niveau de la durée, de la continuité et de la régulation des stratégies adoptées pour réussir à faire évoluer les pratiques pédagogiques, à améliorer les conditions d’apprentissage des élèves et à réduire les inégalités scolaires. Dans le cas du Ceará, cette continuité a favorisé le perfectionnement par étape des différents outils de l’action publique : équipements, évaluations, modes de recrutement des professionnels scolaires, organisation et contenu des formations tenant compte des difficultés observées, etc. C’est ainsi qu’un programme initialement axé sur les apprentissages fondamentaux a pu sans cesse élargir ses ambitions et perfectionner les moyens mis au service de ses objectifs, en restant attentif aux besoins de toutes les catégories d’acteurs impliqués dans les apprentissages des élèves, à commencer par les enseignants. Dans le cas de la France, la discontinuité des politiques éducatives et l’affaiblissement de la formation des enseignants, alors que leur travail se complexifie, sont au contraire soulignés par divers organismes d’évaluation (depp, 2019 a et b ; igen-igea, 2013 ; Sénat, 2012). Le Comité national d’évaluation du système scolaire préconise ainsi de « rompre avec une logique de réformes à répétition, peu mises en œuvre dans les classes et miser sur l’expertise des acteurs de terrain (enseignants, chefs d’établissements, inspecteurs, conseillers pédagogiques…) qui accueillent au quotidien les élèves en leur donnant les moyens d’une action pédagogique efficace » dans son dossier de synthèse (cnesco, 2016). Les évaluations Talis pointent également de nombreux indices d’un manque spécifique de formation des enseignants en France (comparativement aux autres pays de l’ocde), associé à un fort sentiment de dévalorisation de leur métier (depp, 2019a et b), non sans lien avec l’ampleur des risques psychosociaux auxquels ils sont particulièrement exposés (Jego & Guillot 2016).

  • 12 Les inégalités scolaires se sont ensuite amplifiées en même temps que les disparités entre établiss (...)

44L’opposition se manifeste également au niveau des rapports entre États et collectivités locales dans l’organisation conjointe des politiques éducatives. Les coordinations régionales de développement de l’éducation (credes) sont dédiées à l’articulation entre politiques étatiques et municipales et reposent sur un principe de coopération volontaire dans la mesure où les communes ont la responsabilité de l’ef tout en ayant intérêt à bénéficier des ressources que l’État peut leur apporter en matière d’équipement et de formation. À l’inverse, et jusqu’à présent, l’État français n’a guère su instaurer des conditions de coopérations aussi fructueuses avec les collectivités locales à la suite du mouvement de décentralisation et de déconcentration opéré au cours des années 1980 (Azéma & Mathiot, 2019). À cela, on peut ajouter que l’équipe pluridisciplinaire initialement implantée à Sobral a su promouvoir le paic avec succès dans l’ensemble des communes en tirant parti de son expérimentation locale réussie. Or, en France, il reste rare que des prescriptions ou dispositifs nouveaux soient ainsi expérimentés et rodés à une échelle locale conséquente avant d’être étendus durablement à l’ensemble du territoire, comme cela s’est fait aussi durant le dernier tiers du xxe siècle dans la plupart des pays nordiques (où les inégalités scolaires constatées au début du siècle suivant étaient les plus faibles12).

  • 13 L’établissement scolaire est généralement mis en avant dans la littérature relative à la notion d’o (...)

45La vigilance manifestée en ces deux domaines dans les démarches de transformation organisées au Ceará nous semble avoir joué un rôle important dans le processus de démocratisation scolaire qui a pu s’y développer avec des ressources budgétaires somme toute limitées. Sur la base de l’expérimentation réussie à Sobral puis d’un diagnostic précis de la situation scolaire dans l’ensemble du Ceará, l’État ne s’est pas borné à énoncer des objectifs et à diffuser des évaluations censées favoriser des progrès. D’une part, il s’est soucié de développer le pouvoir d’agir des différentes catégories d’acteurs concernés (y compris municipaux), en cherchant à leur fournir des équipements et des occasions d’échanges tenant compte des diverses évaluations et remontées de terrain déjà réalisées. D’autre part, il a instauré des modes d’accompagnement des transformations qui ont aidé à identifier continuellement les multiples difficultés imprévues qu’engendre inévitablement le projet de transformer des organisations et pratiques scolaires complexes, puis à assurer des régulations négociées entre les instances et catégories de professionnels concernées par ces difficultés. C’est ainsi qu’à l’échelle de l’État et de ses composantes a pu se construire une organisation apprenante capable d’opérer des ajustements entre les prescriptions, les évaluations et les ressources nécessaires aux progrès visés, selon le principe d’une responsabilité partagée entre toutes les catégories d’acteurs du système éducatif13. La France fournit l’illustration du cas de figure inverse où l’État ne s’est pas doté des moyens similaires d’une telle vigilance, où le manque d’identification et de régulation des difficultés constatées a durablement privé les professionnels scolaires des moyens de progresser dans la réalisation des prescriptions en faveur de la réussite de tous, et où les inégalités se sont au contraire accrues. De telles mises en relation hypothétiques entre les stratégies adoptées, les vigilances appliquées et les résultats obtenus pourraient être mis à l’épreuve en étudiant d’autres cas de politiques ayant particulièrement et durablement réussi ou échoué dans leur entreprise d’optimisation et de démocratisation de leur système d’enseignement.

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Annexe

Annexe 1. Témoignage d’une coordonnatrice pédagogique relatif au travail réalisé avec les enseignants à partir des évaluations diagnostiques et des « descripteurs ». Le tissage « évaluation-matériel-formation » par le biais des « descripteurs » 

« Qui corrige les évaluations ? Le professeur me les donne (les évaluations) à taper et à mettre dans le système. […] C’est à moi de savoir comment va chaque élève […] et où nous allons nous améliorer. […]
Alors, attendez… vous tapez tout ça là et quand vous imprimez le rapport, vous avez les informations par élève ? Tous. Par élève et par classe. […] Notre école a nos résultats, alors le directeur et moi sommes convoqués à une réunion au pôle, où sept écoles voisines font partie de notre pôle. […] Et puis nous dirons ce que nous faisons et ce que nous ne faisons pas. Nous avons nos objectifs à atteindre… Quel est le différentiel ? Et nous devons exposer cela. Et nous fixer des objectifs pour toujours surmonter les difficultés. […]
Que faites-vous de ces données ? Les différentes questions sont accompagnées du pourcentage de l’élève. Ensuite, l’enseignant verra pour quel descripteur il y a des erreurs, afin de travailler sur les compétences.
Et le professeur fait quoi ? Il va s’asseoir et regarder les descripteurs ayant le plus de bonnes réponses et le plus d’erreurs.
Donnez-moi un exemple de descripteur que vous remarquez… Le 23, ils se trompent toujours.
Qu’est-ce que c’est ? C’est la question de l’interprétation des informations dans le texte, ils font trop de fautes. Parfois, c’est implicite et ils ne le voient pas. […]
C’est ce qu’ils appellent l’inférence ? Oui, des inférences. […]
Et vous, que faites-vous ? Ensuite, on prend des activités, je sélectionne, avec l’enseignant, des activités qui se focalisent sur ce descripteur afin que nous puissions les donner aux élèves pour retravailler. » (Clara, coordonnatrice pédagogique d’une école de Fortaleza) 

Annexe 2. La perception des enseignants dans la même école

L’évaluation

Même si parfois critiques quant au cumul d’évaluations chronophages, les enseignantes interrogées adhèrent à la démarche d’évaluation quand elle est associée à une visée diagnostique et formative soutenue par des échanges formatifs :
« Je pense que les évaluations m’aident à comprendre de manière plus objective ce que je dois enseigner et ce que les élèves doivent comprendre. Comment doivent-ils maîtriser un concept pour résoudre une question particulière. J’aime les évaluations externes. Mais je pense qu’elles sont trop nombreuses. […] L’évaluation doit exister. […] La mairie doit comprendre comment se déroule l’enseignement. Le problème, c’est la quantité. Le problème est que vous travaillez pour faire l’évaluation. […] Vous vous concentrez trop sur le résultat, mais vous oubliez le processus. » (Isa, 5 ans d’expérience)
« Je pense que c’est toujours nécessaire. Il est nécessaire de savoir à quel niveau se situent les élèves et comment se déroule leur apprentissage. Je pense que c’est très satisfaisant et qu’il y a un besoin. Même si nous faisons une évaluation à l’école, mais cette évaluation externe est nécessaire pour connaître le niveau des élèves. » (Gabriela, plus de 30 ans d’expérience)
« Et sur le spaece à la 5e année, comment réagissent les élèves ? Et comment c’est pour vous ? Pour moi, ça me rend toujours anxieuse. Parce que […] c’est le résultat de l’apprentissage des élèves, mais je le vois aussi comme le résultat de mon travail. Ainsi, le score et le commentaire qu’ils obtiendront là, c’est un reflet de mon travail. » (Kelly, plus de 20 ans d’expérience)

Le matériel

Pour plusieurs enseignantes, le paic est associé au matériel initialement conçu et distribué aux écoles, qu’ils utilisent en classe, sans pour autant s’y limiter.
« Je travaille avec le (matériel du) paic maintenant en 4e année. […] J’aime beaucoup travailler avec. Il est adapté à la réalité des élèves qui aiment travailler avec parce qu’il est bien détaillé. Vous travaillez en profondeur. Je suis en train de fusionner le pnld (manuel distribué par le ministère) et le paic. Ce que j’enseigne dans le paic, je le regarde dans le pnld pour faire la jonction et travailler les deux contenus en même temps. » (Lúcia, plus de 30 ans d’expérience)
« Le paic est un programme du gouvernement qui est venu aider l’enseignant avec du matériel plus structuré… pour nous aider à consolider les connaissances des élèves. […] J’aime particulièrement le paic. C’est un matériel bien programmé, axé sur le contenu et les besoins des élèves à ce niveau, dans cette année-là. Quelque chose de plus pratique. Je pense que c’est mieux que le matériel didactique, que les manuels scolaires. Comme les manuels ont d’énormes textes, les questions auxquelles il faut répondre sont énormes. Alors que le paic dispose des textes de base nécessaires à l’apprentissage de l’étudiant. Les questions sont nécessaires, sans s’égarer. L’élève ne peut pas se perdre. C’est une chose très objective. Pratique, objective. Et cela a rendu l’apprentissage des élèves beaucoup plus facile en classe. » (Kelly, plus de 20 ans d’expérience)

Formations continues : l’accompagnement des enseignants par district
et dans chaque école

« En général, elle colle avec le contenu que vous travaillez en classe, la suite du contenu du manuel. » (Gabriela, plus de 30 ans d’expérience)
« J’aime beaucoup la formation (par district) parce que c’est le moment où nous avons cet échange d’expériences avec d’autres enseignants, n’est-ce pas ? Parfois, nous voyons un contenu sur lequel nos élèves éprouvent des difficultés, alors le professeur donne un exemple qui nous aide souvent à transmettre ce contenu à nos élèves dans la classe. » (Aline, plus de 15 ans d’expérience)
« Nous avons ici (à l’école) la formation qu’elle (la coordonnatrice) donne, généralement pendant le temps de préparation. Elle prend un peu de temps libre pour compléter la charge horaire de cette formation, c’est la formation en contexte. […] Une fois par mois, elle la fait avec nous. » (Aline, plus de 15 ans d’expérience)

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Notes

1 C’est le cas chaque année depuis 1997 dans Regards sur l’éducation, Les indicateurs de l’ocde, publications annuelles de plus de 400 pages. S’y sont ajoutés les rapports concernant pisa (évaluant les acquis des élèves de 15 ans dans trois domaines) depuis 2000 et ceux concernant talis (interrogeant les enseignants et les chefs d’établissement sur leurs pratiques et leurs conditions d’exercice) depuis 2013.

2 Projet de recherche : « Mise en œuvre des politiques éducatives et de l’équité dans les contextes de vulnérabilité sociale », coordonné par Vanda Mendes Ribeiro, de l’université de São Paulo (Unicid), avec la participation de plusieurs chercheurs du Réseau d’études sur la mise en œuvre des politiques publiques d’éducation (Reippe). Le projet est financé par la Fondation de soutien à la recherche de l’État de São Paulo (Fapesp), Dossier no 2018/11257-6. Les opinions, hypothèses et conclusions ou recommandations exprimées dans ce document sont la responsabilité des auteurs et ne reflètent pas nécessairement la vision de la fapesp.

3 Comme on le précisera plus loin, il s’agit d’un programme dont les objectifs et modalités ont été réajustés à plusieurs reprises. Se souciant d’emblée des ressources pédagogiques nécessaires dans toutes les écoles, il a d’abord été axé sur la maîtrise de la langue portugaise (écrite notamment) au début de l’enseignement fondamental, avant de viser aussi d’autres domaines et niveaux d’enseignement.

4 Nos graphiques ont été élaborés à partir des données accessibles sur le site de l’inep (Instituto National de Estudos Pedagógicos), lié au ministère de l’Éducation et en charge du système national d’évaluation, <.">http://ideb.inep.gov.br/resultado/resultado/resultadoBrasil.seam?cid=10677546>.

5 Les écoles à classe unique sont regroupées dans ce but, avec un système de transport scolaire renforcé. La coordination pédagogique et la direction de l’école ne sont assumées par une seule personne que dans les plus petites écoles. Ces personnels de gestion sont désormais recrutés sur concours et régulièrement formés.

6 Par la suite, Sobral va devenir puis rester la ville du Brésil où les écoles publiques ont les meilleurs résultats.

7 Cette tendance s’est poursuivie par la suite. Toutes les données sur le taux d’élèves en retard par ville, état, macro-région et national, depuis 2006, sont disponibles sur le site de l’inep <.">https://.">www.gov.br/inep/pt-br/acesso-a-informacao/dados-abertos/indicadores-educacionais/taxas-de-distorcao-idade-serie>. Actuellement, le taux d’élèves en retard à Sobral est de 1,6 % en fin de primaire et de 4,5 % en fin de collège. Ces taux sont respectivement de 5,9 % et 16,2 % pour le Ceará, 13,1 % et 29 % pour le Nordeste, 9,7 % et 22,7 % pour le Brésil.

8 « O argumento sociológico de que determinadas condições socioeconômicas causam maiores dificuldades na aprendizagem de um determinado grupo de crianças é real. O problema é que durante décadas isso vem sendo utilizado no Brasil para justificar que a escola pública seja péssima e que os pobres não aprendam. Esse argumento extrapolou tanto que para que ele volte para o devido lugar precisamos ter uma recusa enfática dele. Não é razoável abstrair que todas as crianças submetidas a uma situação de extrema precariedade vão poder aprender de maneira igual aos outros sem apoios maiores, mas é perverso deixar que esse raciocínio naturalize um estado de coisas em que a escola pública tem sido demissionária da sua responsabilidade, da sua razão de existir. »

9 Une annexe de l’article fournit un aperçu de ce qui ressort des entretiens sur ce sujet.

10 Le gouvernement du Brésil n’a toujours pas diffusé les résultats par État pour l’édition de pisa 2018, au moment où nous terminons cet article.

11 Pour rappel, les évaluations internationales alertent sur les inégalités scolaires dont le record est atteint en France depuis une dizaine d’années (alors que le degré d’inégalité socio-économique y est resté légèrement inférieur à la moyenne dans l’ocde) (ocde, 2019), et sur la faiblesse des acquis des écoliers, elle aussi devenue extrême en comparaison avec la quasi-totalité des pays de l’ocde dans les trois grands domaines de connaissances évalués (cnesco, 2016).

12 Les inégalités scolaires se sont ensuite amplifiées en même temps que les disparités entre établissements dans les pays nordiques qui ont commencé à libéraliser le choix de l’école et induit une concurrence entre établissements à partir de la toute fin du xxe siècle, en Suède notamment (Alexiadou, 2016 ; Dovemark et alii, 2018).

13 L’établissement scolaire est généralement mis en avant dans la littérature relative à la notion d’organisation apprenante (Feyfant, 2013), alors que l’outillage cognitif et le pouvoir de moduler les ressources en fonction des disparités (et difficultés) locales sont manifestement insuffisants à cette échelle pour contrecarrer les processus cumulatifs d’échec qui affectent les établissements des quartiers les plus déshérités socialement, comme on peut le constater notamment en France (Broccolichi & Larguèze, 2021). Une organisation apprenante garante d’une meilleure réussite de tous serait donc à envisager à une échelle plus large et de façon systémique (Dupriez, 2015).

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Table des illustrations

Titre Graphique 1. Relation entre le taux d’analphabétisme des adultes et les apprentissages des élèves (ideb) dans les différents États du Brésil
Légende Source : Codes et alii, 2018, traduit par les auteurs.
URL http://journals.openedition.org/cres/docannexe/image/5333/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 147k
Titre Graphique 2. Évolution des ideb en 5e année de 2005 à 2019 pour les réseaux publics et privés du Brésil (BR) et du Ceará (CE)
Légende Source : élaboré par les auteurs, à partir des données de l’INEP.
URL http://journals.openedition.org/cres/docannexe/image/5333/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 123k
Titre Graphique 3. Évolution des ideb en 9e année pour les réseaux publics et privés du Brésil (BR) et du Ceará (CE) de 2005 à 2019
Légende Source : élaboré par les auteurs, à partir des données de l’inep.
URL http://journals.openedition.org/cres/docannexe/image/5333/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 75k
Titre Graphique 4. Évolution des ideb en 5e année pour les réseaux publics et privés du Brésil (BR), du Ceará (CE) et de Fortaleza et pour le réseau public de Sobral
Légende Source : élaboré par les auteurs, à partir des données de l’inep.
URL http://journals.openedition.org/cres/docannexe/image/5333/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 116k
Titre Graphique 5. Évolution des résultats du Brésil et du Ceará entre 2006 et 2015 pour les trois domaines évalués par le programme PISA (littératie, mathématiques et sciences)
Légende Source : élaboré par les auteurs à partir des données du MEC/INEP (2008, 2012 et 2016). Le détail par État pour les évaluations de 2012 et 2018 n’est pas disponible. Pour 2012, les moyennes fournies concernent uniquement les zones urbaines, pour 2018, un échantillon plus réduit ne permet pas un traitement par État.
URL http://journals.openedition.org/cres/docannexe/image/5333/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 109k
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Pour citer cet article

Référence papier

Maíra Mamede, Vanda Mendes Ribeiro, Sylvain Broccolichi et Maria do Carmo Meirelles Toledo Cruz, « Un cas extrême de réduction des inégalités scolaires au Ceará (Brésil). Stratégie et efficience de la politique mise en œuvre »Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs, 20 | 2021, 119-147.

Référence électronique

Maíra Mamede, Vanda Mendes Ribeiro, Sylvain Broccolichi et Maria do Carmo Meirelles Toledo Cruz, « Un cas extrême de réduction des inégalités scolaires au Ceará (Brésil). Stratégie et efficience de la politique mise en œuvre »Cahiers de la recherche sur l’éducation et les savoirs [En ligne], 20 | 2021, mis en ligne le 03 février 2022, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/cres/5333 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cres.5333

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Auteurs

Maíra Mamede

UPEC, Inspé Créteil, laboratoire circeft-escol, réseau reseida (Recherches sur la socialisation, l’enseignement, les inégalités et les différenciations dans les apprentissages) [maira.mamede@u-pec.fr].

Vanda Mendes Ribeiro

Unicid (Universidade Cidade de São Paulo), Groupe de recherche Implementação de políticas educacionais e desigualdades (Mise en œuvre des politiques éducatives et inégalités), réseau reseida [vandaribeiro2@gmail.com].

Sylvain Broccolichi

Université de Lille, laboratoire cirel-recifes, réseau reseida [sylvain.broccolichi@univ-lille.fr].

Articles du même auteur

Maria do Carmo Meirelles Toledo Cruz

Unicid (Universidade Cidade de São Paulo), Brésil. Groupe de recherche Implementação de políticas educacionais e desigualdades [carminhameirelles@gmail.com].

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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