Yves Bonnefoy, Alechinsky, les traversées
Saint-Clément-de-Rivière : Fata Morgana, 2016, 69p. ill. 23 x 15cm
ISBN : 9782851949592
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Texte intégral
1Publié à l’origine en 1992, cet écrit d’Yves Bonnefoy consacré à la pratique artistique de Pierre Alechinsky soumet à la réflexion une approche critique tant esthétique que philosophique, à travers laquelle le cycle des Traversées de 1989 est donné autant à lire qu’à percevoir : le rapport du texte descriptif et analytique à l’image sert à transcrire la singularité du geste artistique dans les lithographies monochromes, tout en questionnant l’appartenance ou non au « romantisme nordique », théorisé par l’historien d’art américain Robert Rosenblum (1927-2006). Décontextualisée, la reproduction fragmentaire des Traversées, servant à l’origine à illustrer la poésie de Blaise Cendrars, devient le creuset d’une pensée poétique sur les enjeux liés à la réception de l’art moderne. A travers les notions de mimesis et de signe, c’est toute une réévaluation de l’art occidental qui est à l’œuvre, sous le regard d’Yves Bonnefoy, qui perçoit avec une sensibilité éclairée le paysage chez Pierre Alechinsky comme une « intuition qui se détourne des apparences du monde [...] pour chercher dans le spectacle de la mer démontée, ou du tourbillon de l’orage [...] à appréhender de façon directe les grandes forces élémentaires » (p. 10-11). Au-delà de la critique artistique, c’est à une expérience ontologique et métaphysique à laquelle le lecteur est convié, de laquelle l’art de Pierre Alechinsky fait surgir les matières primaires en mouvement avant la substance, afin d’en révéler une esthétique de l’abîme. Tout en interrogeant la parenté et la distance de Pierre Alechinsky à ce « romantisme nordique », le vitalisme qui semble transparaître dans son œuvre ne doit être pris en compte que sous le signe d’une dialectique constante du monde, réduite aux éléments et à la matière. Le choix de restituer dans l’ouvrage uniquement des fragments en noir et blanc du cycle des Traversées, tout en évoquant l’usage signifiant de la couleur chez cet artiste crée, cependant, un effet de dissonance dans l’argumentation. Véritable lieu d’une « pensée en mouvement » à l’image de l’essai proposé, ce texte en hommage à Pierre Aleschinsky incarne indirectement la pensée poétique d’Yves Bonnefoy, construite elle-même sur la dialectique entre vie et mort, entre présence et absence.
Pour citer cet article
Référence électronique
Juliette Le Gall, « Yves Bonnefoy, Alechinsky, les traversées », Critique d’art [En ligne], Toutes les notes de lecture en ligne, mis en ligne le 20 novembre 2017, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/critiquedart/23487 ; DOI : https://doi.org/10.4000/critiquedart.23487
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