Navigation – Plan du site

AccueilNotes de lectureToutes les notes de lecture en ligne2018Guillaume Barth : Elina

2018

Guillaume Barth : Elina

Emmanuelle Schulze-Thebault
Guillaume Barth : Elina
Guillaume Barth : Elina

Strasbourg : Centre Européen d’Actions Artistiques Contemporaines, 2018, non paginé, ill. en coul. 27 x 19cm, fre/ger

ISBN : 9782910036812

Préf. de Joachim Montessuis. Photographies de François Klein

Haut de page

Texte intégral

1Elina est une présentation de l’œuvre éponyme réalisée par Guillaume Barth en collaboration avec Thomas Lasbouygues. De lumineuses photographies en double-page de François X. Klein illustrent le texte de présentation signé Joachim Montessuis. Ces quatre artistes ont en commun le goût du voyage et une forte sensibilité à la question de la place de l’homme dans l’univers. « Elina est une nouvelle planète découverte le 5 janvier 2015 », visible à l’œil nu durant sa brève existence car elle culmine à 3 700 mètres d’altitude. Pour la réaliser, Guillaume Barth a utilisé un élément naturel sans lequel notre vie aurait bien moins de goût… Après une traversée du Sahara en 2011, il découvre en 2013 le Salar d’Uyuni, le plus grand désert de sel au monde, situé en Bolivie. En plus d’être une des plus grandes réserves de lithium connues, ce désert devient le plus grand miroir naturel durant la saison des pluies, de janvier à mars, avant qu’il absorbe la quinzaine de centimètres d’eau qui recouvre sa surface et le rend impraticable. Guillaume Barth revient en Bolivie fin 2014 pour réaliser son projet. Avec l’aide des indiens Aymara de Tahua, qui vivent en bordure nord du désert au pied du volcan Tunupa et qui ont donné leur accord à condition que le paysage soit restitué dans son état d’origine, il va donner naissance à Elina, du grec « Hélê » (éclat du soleil), et des symboles Li (lithium), et Na (sodium). C’est à une genèse que nous assistons, tant les éléments et les gestes des hommes s’unissent afin de faire naître cette œuvre là où rien ne peut vivre, sous l’écrasante blancheur de ce sel à perte de vue. Les indiens ont la connaissance du milieu, ils vont découper le sel et l’amener sur le lieu de construction qu’ils ont conseillé à Guillaume Barth et où ce dernier a planté un étrange drapeau, à 4 km du village. Ils vont l’aider à assembler les briques de sel et l’igloo apparaîtra dans sa parfaite forme hémisphérique après une centaine d’heures de travail et autant de briques, assemblées à l’aide d’un mortier constitué de sel et d’eau, malaxé à la force des bras. A cette altitude, la fatigue ressentie en raison du manque d’oxygène (pallié par la mastication de feuilles de coca), le soleil et sa réverbération rendent le travail difficile dans ce paysage aride et immaculé qui fait un peu tourner la tête. Parmi les fêtes qui rythment la vie des Aymaras, il y a la Costumbre (la coutume) du rituel de la pluie, début janvier. Le chaman et les villageois invoquent la bienveillance de la Patchamama, sacrifient un mouton qu’ils partagent, échangent alcool et feuilles de coca et s’organisent en procession à travers le village au son des flûtes et tambourins. La fête dure trois jours et deux nuits, puis la pluie enfin espérée tombe sur le désert de sel, réalisant le souhait de Guillaume Barth : flottant sur un horizon indistinct, entre les nuages et leur reflet, apparaît Elina. L’igloo est devenu une sphère parfaite, petite planète ou symbole ovoïde de la fertilité. Elle va poser quelques jours devant l’objectif et les yeux des ses créateurs avant de disparaître, se dissoudre et rejoindre la matière sur laquelle elle repose. L’anamorphose Elina, qui ne se présente dans sa forme ronde que par son reflet, est une œuvre éphémère qui nous interroge sur la fragilité de notre planète. Ce questionnement se fait plus cruel encore lorsque l’on sait que le Salar d’Uyuni est l’une des plus grandes réserves de lithium au monde. La présence de ce minerai met en danger l’équilibre de vie des indiens qui peuplent les abords du désert et vivent en symbiose avec la Patchamama, leur déesse-terre nourricière. La notion du temps des indiens Aymara est différente de la nôtre et ils considèrent le passé, constitué d’expérience » comme « visible » et le positionnent « à l’avant » tandis que le futur, « inconnu », se positionne « à l’arrière ». Ils intègrent mal la notion d’éphémérité, qui ne peut se placer dans cette échelle de temps, l’instant présent n’étant ni passé, ni futur. Peuvent-ils envisager les profondes modifications qui interviendront dans leur vie, sur la terre de leurs ancêtres à l’heure de l’exploitation industrielle du lithium ?

Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

Emmanuelle Schulze-Thebault, « Guillaume Barth : Elina », Critique d’art [En ligne], Toutes les notes de lecture en ligne, mis en ligne le 27 mai 2020, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/critiquedart/47212 ; DOI : https://doi.org/10.4000/critiquedart.47212

Haut de page

Auteur

Emmanuelle Schulze-Thebault

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
  • Logo Les Archives de la critique d’art
  • OpenEdition Journals
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search