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2020

La Photographie à l’épreuve de l’abstraction = Photography to the Test of Abstraction

Stewen Corvez
La Photographie à l’épreuve de l’abstraction = Photography to the Test of Abstraction
La Photographie à l’épreuve de l’abstraction = Photography to the Test of Abstraction

Berlin : Hatje Kantz ; Rouen : Frac Normandie Rouen, 2020, 223p. ill. en noir et en coul. 25 x 17cm

ISBN : 9783775747714. _ 40,00 €

Préf. de Véronique Souben. Textes de Nathalie Giraudeau, Audrey Illouz, Kathrin Schönegg, Erik Verhagen

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Texte intégral

1Le moins que l’on puisse dire à propos de cet ouvrage, c’est qu’il aborde la question de l’abstraction en photographie sous un angle très large. Au point que l’on pourrait presque douter de la pertinence du titre une fois le livre refermé. En effet, si la fonction de la photographie a longtemps été d’être une représentation du réel, la part d’abstraction dans cette démarche est énorme et le terme d’« épreuve » semble presque inapproprié. L’origine même de ce médium, par son imperfection, implique de fait une part d’abstraction. C’est d’ailleurs pour cette raison que certains photographes contemporains s’intéressent et exploitent les premières techniques de la photographie. Juliana Borinski, par exemple, joue avec un phénomène que l’on appelle les anneaux de Newton, lié au caractère ondulatoire de la lumière. C’est, en somme, la matière qui revient sur le devant de la scène. Ce n’est pas un hasard. On a vu le numérique prendre, à juste titre, une place considérable : c’est un outil pratique, bien plus maniable et rapide à exploiter que l’argentique. Cela a mis en évidence ce que seules les techniques anciennes permettaient : un travail physique et concret sur la lumière. Véronique Souben, qui figure parmi les autrices de l’ouvrage, insiste bien sur le fait qu’il ne s’agit en aucun cas d’un retour nostalgique à la photographie ancienne. Bien au contraire. Les œuvres qui apparaissent aujourd’hui ne sont pas celles d’hier. A commencer par le fait que les artistes ont un recul que n’avaient forcément pas Louis Daguerre ou Nicéphore Niépce. On voit alors émerger des techniques d’impression directe sur papier photo ou pellicule sans passer par un appareil. La photographie moderne abstraite tend à s’émanciper de la représentation. Le monde physique devient matière à création lui-même : les aurores boréales, les couleurs sous-marines. Dove Allouche remplace les négatifs par des stalagmites découpées en fines lamelles. Utiliser la matière, c’est également la décomposer par l’usage, entre autres, du prisme. Le simple fait de photographier en noir et blanc est en soit une tendance à l’abstraction puisque cela met en évidence les contrastes d’ombre et de lumière. Ce n’est plus ce qui est représenté qui retient l’attention (même si c’est reconnaissable), mais la matière même qui le compose, d’où la possibilité, malgré tout, de parler d’abstraction. Mais si nous avons beaucoup insisté sur l’argentique et, plus globalement, sur la photographie dite « analogique » (non numérique, en somme), le numérique a autant son rôle à jouer dans une photographie abstraite. Un terrain de jeu énorme se déploie pour les artistes dans le code informatique des images. Stan Douglas, par exemple, exploite les erreurs générées par la compression des fichiers images dans sa série Corrupt Files (2013, p. 141). Lionel Bayol-Themines, quant à lui, se sert des erreurs générées par Google Earth pour s’aventurer dans une représentation du monde déformée (p. 150). L’histoire de la photographie est récente et, même temps, d’une richesse confondante. C’est ce que nous montre parfaitement cet ouvrage : il n’est pas exhaustif, loin de là, mais le lecteur voit à quel point les artistes sont capables de s’approprier un médium a priori commun, voire même banal, pour explorer une vision du monde qui dépasse celui de la représentation.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Stewen Corvez, « La Photographie à l’épreuve de l’abstraction = Photography to the Test of Abstraction », Critique d’art [En ligne], Toutes les notes de lecture en ligne, mis en ligne le 04 juin 2022, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/critiquedart/77999 ; DOI : https://doi.org/10.4000/critiquedart.77999

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