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Varia

Domestiquer les rivières : une réponse à l’urgence de l’inondation, une réaction aux enjeux du quotidien

Domestication of rivers: a response to the emergency of flooding and everyday issues
Anne-Laure Collard

Résumés

En 2014, les dispositifs de protection des vignes à la Londe-les-Maures sont emportés, arrachés par des mouvements de crues inédits sur le territoire. Rapidement, les viticulteurs s’emploient à leur reconstruction, renouvelant la domestication des cours d’eau initiée par leurs prédécesseurs. Mais deux années plus tard, les réponses apportées aux inondations ne sont toujours pas stabilisées et les relations se compliquent avec les gestionnaires. Cet article interroge cette situation pour montrer en quoi les réponses matérielles apportées à une catastrophe s’entremêlent à des préoccupations locales ordinaires. A partir d’une démarche empirique, cette étude donne à voir comment les réponses des viticulteurs matérialisent leur rapport à la rivière et à son confinement, et leurs revendications identitaires dans un territoire sous pression.

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Entrées d’index

Mots-clés :

eau, risque, inondation, France
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Notes de l’auteur

L'auteure remercie Katrin Erdlenbruch et Frédéric Grelot pour leur relecture d'une première version de cet article.

Texte intégral

Introduction

  • 1 Source : Retour d’Expérience des intempéries sur le département du Var du 19 janvier 2014 – caracté (...)

1La commune de La Londe-les-Maures se situe sur le littoral méditerranéen, bénéficiant d’une forte attractivité touristique liée à sa situation géographique et à son paysage façonné par les vignobles, seconde activité économique du territoire. Ailleurs, le sol est occupé par des espaces naturels classés en Espaces Boisés à Conserver, à protéger ou à créer (EBC) (Fig.1). La commune de La Londe s’étend sur environ 8000 ha. Son découpage administratif se superpose à celui hydrologique du bassin-versant du Maravenne, dont le Pansard est un affluent (environ 76 km²). En janvier et novembre 2014, le Pansard et le Maravenne débordent de leur lit. L’inondation survenue en janvier est qualifiée de « millénale » par les experts1 notifiant de sa rareté sur le territoire. D’ailleurs, de mémoire, les habitants de La Londe n’ont pas souvenir d’un évènement d’une telle ampleur. Les dommages se concentrent surtout dans la zone portuaire, tout à l’aval du bassin, où sont regroupés des quartiers résidentiels et les infrastructures touristiques (port de plaisance et boutiques). Un peu plus haut, des résidences du centre-ville historique sont également touchées par les eaux. Plus en amont encore, le long des rivières, les dispositifs de protection installés par les viticulteurs sont impactés. Ainsi, gabions, levées de terre, remblais et digues, sont rompus et détruits sous l’effet des crues. Des terres viticoles sont emportées et des cépages arrachés. Les bâtis (parking, salle de réception) et l’outillage (chaîne d’embouteillage de la cave coopérative par exemple) sont peu touchés car protégés par des mesures de protection déjà en place (canaux d’évacuation, batardeaux).

  • 2 Situation racontée lors du travail d’enquête et relatée dans le Rapport CGEDD de fin de mission « L (...)

2Rapidement après l’évènement de janvier et dans l’urgence, les viticulteurs londais s’attèlent à reconstruire leur dispositif de protection sans se préoccuper des délais imposés par les services de l’Etat pour la reconstruction de tels ouvrages sur la rivière. Mais quelques mois plus tard, les relations commencent à se durcir avec les services de Police des eaux qui leur demandent des explications, sous peine d’être verbalisés. La situation se complique également avec les élus. Préoccupés par l’aménagement du territoire pour pallier à un risque futur, ils désapprouvent les réponses des viticulteurs, susceptibles d’aggraver la vulnérabilité du territoire en accélérant les flux d’eau2. Cet article interroge cette situation et tout particulièrement le rôle de l’inondation dans sa construction. Suivant la proposition de Bensa et Fassin [2002], l’ambition ici est de donner un sens aux évènements londais de 2014. Pour cela, cette réflexion s’inscrit dans la lignée des travaux qui proposent de dépasser une lecture technique de l’inondation et du risque pour l’aborder comme un moment de rupture qui prend sens dans son imbrication dans des enjeux plus larges du territoire [November, 2006], ainsi que dans son vécu et ses interprétations individuelles [Revet, 2010]. Après avoir défini l’inondation comme objet social et naturel, et rappelé les temporalités du risque, nous présenterons la démarche méthodologique et le matériel empirique analysé pour la compréhension des réponses matérielles des viticulteurs. Puis, nous montrerons en quoi ces réponses résultent de différents registres interprétatifs, la manière dont elles s’articulent à la défense des intérêts viticoles, et comment l’inondation a pu être saisie comme argument dans un rapport de force en matière d’occupation du sol.

Figure . Carte de l'occupation des sols de la commune de La Londe-les-Maures

Figure . Carte de l'occupation des sols de la commune de La Londe-les-Maures

Source : Document de présentation du PLU, juin 2013

L’inondation, objet social et naturel

3Le risque et la catastrophe connaissent une diversité de définition qui se réfèrent aussi bien aux dommages matériels et humains, à l’évaluation des procédés physiques, à la construction sociale du risque ou encore à sa définition politique [Quarantelli, 1998]. Pourtant, classiquement la définition du risque « naturel » est contenue dans l’équation qui associe dommages et aléa, celle du risque « construit » renvoie aux représentations collectives, à la manière dont une société l’interprète. Si un consensus sur la définition du risque est « hasardeux », Oliver-Smith propose de dépasser une opposition classique entre risque naturel et risque construit pour le considérer avant tout comme un objet hybride résultant du : « fonctionnement des systèmes physiques, biologiques et sociaux et des interactions entre les populations, les groupes, les institutions et les pratiques, et les constructions socioculturelles concomitantes » [Oliver-Smith, 1999 : 21].

4Cette reconnaissance des catastrophes comme objet moins « naturel » et plus « social » a débuté dès les années 1970 [Oliver-Smith, 1999 ; Cabane et Revet, 2015]. Pourtant, en France, la gestion du risque inondation reste dominée par une conception quantitative et physique [De Richemond et Reghezza, 2010 ; Tricot, 2014]. La production de document tel que les « REX- Retour d’Expérience » par les services de l’Etat dans lesquels sont recensés les dommages matériels et la caractérisation hydrologique des crues en témoigne. Cette lecture quantitative de l’inondation n’est pas neutre. Elle donne une attention toute particulière aux populations les plus densément touchées par ce type d’événement (essentiellement des riverains occupant des zones urbanisées) répondant ainsi au souci partagé chez les experts de trouver des solutions pour réduire une vulnérabilité matérielle et répondre à l’enjeu de sécurité civile [Erdlenbruch et al., 2009]. Dans cette perspective, les réponses proposées se traduisent essentiellement par la mise en œuvre de solution technique et hydraulique pour agir sur l’aléa. Elles se déclinent sous plusieurs formes et fonctions : « structurelles » pour agir sur la maîtrise des flux (barrage écrêteur de crue, chenal d’écoulement), « non structurelles » pour mettre en sécurité les personnes (refuge étage, batardeaux), réglementaires pour réduire la vulnérabilité des personnes et leur exposition au risque [De Richemond et Reghezza, 2010]. Or, sans nier l’importance de la mise en sécurité des personnes, cette définition experte du risque inondation laisse peu de place à la compréhension des réponses non-expertes, des « amateurs » du risque comme les nomme Tricot [2014]. L’auteur va jusqu’à considérer que « la quantification de l’évènement prédomine et [il] en découle une vision encore majoritaire des actions individuelles, des profanes, comme déviantes, voire irrationnelles qu’il conviendrait de corriger ». L’adoption d’une lecture naturaliste de l’inondation par les gestionnaires participerait alors à la construction de « bonne » ou « mauvaise » pratique, pouvant même aller jusqu’à présumer de la capacité de certains groupes d’acteurs à réagir « comme il le faut » à un évènement [Revet, 2013]. Depuis peu, les experts usent de l’expression « culture du risque » pour rendre compte des sensibilités habitantes et de la conscience du risque chez les populations sur lesquelles s’appuyer pour agir. Cependant, l’usage de cette expression ne rompt pas avec une interprétation des réactions et des comportements d’acteurs basée sur un registre naturaliste du risque [Duchêne et Morel-Journel, 2004 ; Richard et al., 2014]. Des auteurs proposent de dépasser ce paradigme pour se placer dans une posture compréhensive des décalages entre une gestion normative de l’Etat et locale [Tricot, 20008], entre gestionnaires et riverains [Duchêne et Morel-Journel, 2004]. Dans cet article, afin d’éviter l’écueil d’une interprétation normative des réactions des viticulteurs londais, nous retenons une définition du risque enchâssé à des dimensions naturelles et sociales. Son étude est alors entendue comme une opportunité, une « fenêtre ouverte pour la compréhension de la société » [November, 2006].

Les temporalités de l’inondation

5Malgré l’apparente facilité de dessiner des frontières temporelles d’une inondation, ce phénomène peut être compris au-delà du moment de la crue et de sa mise en visibilité. Alors que l’étude d’un risque est régulièrement circonscrite au temps de l’urgence, Farge [2002] propose dans son travail, de ne pas réduire le risque à un « morceau de temps » selon un avant et un après, impliquant une rupture de l’ordre social. Cette proposition est reprise dans le projet d’une « anthropologie de la catastrophe » [Clavandier, 2009] dans lequel les contours d’un évènement exceptionnel – telle qu’une inondation – sont envisagés comme perméables aux effets du quotidien, de l’ordinaire, dépassant les limites temporelles rendues visibles par des flux d’eau exceptionnels. Les réactions locales et le rapport au risque sont alors interprétés comme intriqués à des rapports ancrés au territoire, construits sur le temps long [November, 2006 ; Durand, 2018]. Dans cette perspective, plusieurs auteurs interrogent les manières du « vivre avec » l’inondation. Duchêne et Morel-Journel [2004] montrent comment les riverains de l’Yzeron ont aménagé les rives de ce cours d’eau cherchant à « vivre bien » sur un territoire considéré à risque. Richard, et al. [2014] témoignent de la volonté des habitants d’un quartier de Béziers de reconquérir l’espace inondé pour en faire un lieu de sociabilité et « vivre avec le fleuve ». Calandra [2019] étudie comment les habitants de l’île de Tagoa articulent les catastrophes – disasta - à leur mode de vie, aux pratiques de jardinage et le renforcement des liens sociaux entre villageois qui s’ensuit. Enfin, Cheylan et Riaux [2013] montrent en contexte marocain l’organisation des modalités de gestion de l’eau selon une « culture de l’aléa », où les débordements de la rivière sont considérés en soit.

6L’importance donnée au caractère socialement et culturellement ancré des réactions locales renvoie également aux registres interprétatifs mobilisés par ceux qui vivent ou ont vécu la catastrophe. Revet [2010] s’intéresse ainsi à la « circulation » des registres interprétatifs - allant du symbolique au politique - chez des habitants sinistrés par des coulées de boue survenues en 1999 au Venezuela. L’ethnographie conduite par Langumier [2008] auprès des riverains de la commune de Cuxac-d’Aude touchée par les inondations l’amène à distinguer les dimensions plurielles de la catastrophe, explicatives des rapports entre habitants, gestionnaires et techniciens. Inspiré par ces différents travaux, cet article interroge les actions d’aménagement menées par les viticulteurs londais sur les bords du Pansard et du Maravenne afin de comprendre en quoi cette matérialisation de leurs réactions à un évènement d’inondation s’articule à des rapports à l’eau et au territoire plus larges.

Une démarche par analogie : du manque d’eau au Sud à l’inondation au Nord

  • 3 Voir les n° spéciaux dans les revues : Développement Durable et Territoire sur « objets techniques (...)

7Si l’inondation fait le terrain d’étude, elle ne constitue pas l’entrée d’analyse. Cette réflexion procède d’un raisonnement par analogie, comme le suggère Becker [2016] de partir de cas connus pour suggérer un point de départ plausible à une enquête, à une autre réflexion, sur un autre terrain. Ici, les enquêtes de terrain menées précédemment sur les médiations sociotechniques autour de l’eau constituent le point de départ. L’étude de ces médiations [Akrich, 1993] répondait à l’ambition d’identifier les dynamiques sociales impulsées par la présence d’objets techniques (ancienne ou récente) ou leur absence [Casciarri, 2013]. J’ai ainsi étudié le basculement provoqué par l’installation récente d’un réseau d’eau domestique dans des villages du Nordeste brésilien où la gestion de l’eau est historiquement organisée autour de lieux familiaux. Une fois celui-ci installé, l’utilisation de l’eau au robinet a modifié les modalités organisationnelles autour de l’eau en réinventant les pratiques domestiques et en renouvelant le maillage du territoire [Collard, 2019]. Puis, j’ai été amenée à étudier la promotion par l’Etat de l’irrigation en Tunisie au cours des années 1960 (seguia, puits, matériel d’irrigation) et ses implications sur l’actuelle forme de l’agriculture familiale au sein d’un ancien périmètre collectif constitué à cette occasion (accès au foncier, organisation sociale héritée) [Collard et al., 2019]. Ces travaux s’appuient sur une proposition développée en anthropologie de l’eau où une place particulière est donnée à la technique, comprise comme une forme de « matérialité » [Aubriot, 2013] des relations qu’entretiennent les sociétés à l’eau au quotidien3. Si ces réflexions s’appliquent surtout à des contextes où l’eau vient à manquer, elles ont en commun avec les travaux cités plus haut sur la catastrophe de ne pas placer la « sécheresse » au cœur de leur analyse, rencontrant ainsi la position de Clavandier de considérer que la rupture d’une catastrophe « coagule avec des registres de temporalités plus réguliers » [Clavandier, 2009]. Dans cet article, les réponses matérielles des viticulteurs londais à l’inondation constituent donc l’entrée adoptée sur le terrain, et non l’inondation en tant que telle.

8Les aménagements construits par les viticulteurs rencontrés sont de nature et de fonction variées selon l’emplacement de la parcelle concernée. Ils sont surtout une réponse de la part des producteurs dont l’exploitation se situe en bordure de rivière. En outre, les talus et les buttes (levées de terre) ont été reconstruits pour maîtriser les débordements de la rivière et éviter à la terre d’être emportée par les eaux (Fig. 2). Des actions de remblayage ont été entreprises pour retrouver la surface cultivée. Ces remblais témoignent d’une avancée progressive sur le lit du cours d’eau qui ont été cultivés au cours du temps. Des gabions ont été réinstallés pour consolider une berge, solidifier une infrastructure (ponts, passage à gué). S’apparentant à des casiers de fils de fer remplis de pierres, ils sont placés là où les processus d’érosion se concentrent. Sur les coteaux, les viticulteurs ont été moins touchés. Ces derniers ont entrepris surtout des travaux de « remodelage » de la parcelle comme ils les nomment qui consistent à recreuser les fossés détruis, à redessiner les chemins d’évacuation de l’eau effacés par les crues.

  • 4 Ce travail a été dans le cadre du projet RETINA [2013-2017] qui a bénéficié du soutien du Ministère (...)

9La compréhension de la matérialisation des réactions viticoles repose sur un dispositif d’enquêtes qualitatif mené en 20164. Le corpus de données est constitué d’un matériau empirique recueilli par le biais d’entretiens menés avec l’ensemble des viticulteurs londais concernés et touchés par les inondations de 2014 (n=12), avec les élus de la commune en charge de la gestion de l’inondation, et avec un juriste venu en appui à la rédaction des outils réglementaires pour y parvenir (n=4). Plusieurs axes structuraient ces entretiens dont les principaux sont : historique des actions de domestication ; inscription dans les réseaux d’acteurs locaux, registres interprétatifs des inondations ; aménagement du territoire. Le corpus de données analysé comprend également des rapports techniques de type REX, Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la commune de La Londe, Plan de Protection du Risque Inondation (PPRI), dossier du Plan d’Actions de Prévention contre les Inondations (PAPI).

Figure . Le lit du Maravenne et ancienne levée de terre cassée lors de l'inondation de janvier 2014

Figure . Le lit du Maravenne et ancienne levée de terre cassée lors de l'inondation de janvier 2014

Source : Besson, 2016

Domestiquer la rivière : une réponse pour se protéger des flux et de ses voisins

10Dans la commune de La Londe, la production de vin est partagée entre du vin de pays classé en Indication Géographique Protégée (IGP) du « pays des Maures » et du vin classé en Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) « Côtes de Provences ». Le premier est produit sur les parcelles en bordure des cours d’eau, le second sur les coteaux. Régulièrement, le récit de nos interlocuteurs débute par une évaluation de leurs dommages. Ils racontent que les parcelles en bordure de rivière ont été les plus touchées. La taille des exploitations varie entre 35 et 125 ha. Les dégâts causés sur les parcelles classées en IGP touchant entre 5 et 7 ha sont décrits comme conséquents par les producteurs concernés. Les parcelles en coteaux ont quant à elles surtout subi les effets des eaux de ruissellement. Les dommages sont énoncés comme ponctuels par les viticulteurs. Pour des exploitations avoisinant les 100 ha, environ 0,5 ha ont été impactés. Outre les dommages sur la vigne, il est intéressant de constater que dans la majorité des situations décrites, les aménagements de protection n’ont pas tenu sous la pression et la vitesse des eaux. Or, après la crue de janvier, la majorité des viticulteurs ont fait le choix de les reconstruire (Fig. 3). Ce choix découle en partie de deux registres interprétatifs de l’évènement, naturel et liés aux activités humaines.

Figure . Remblais et reconstruction de la parcelle emportée par les crues de 2014

Figure . Remblais et reconstruction de la parcelle emportée par les crues de 2014

Source: Besson, 2016

11Dans leurs discours, les viticulteurs décrivent régulièrement le caractère naturel de l’inondation en s’appuyant sur ses dimensions physiques et climatologiques. La concentration des pluies violentes, la topographie du bassin versant et le régime intermittent des cours d’eau servent de facteurs explicatifs à l’évènement : vitesse d’écoulement, concentration des dégâts et soudaineté. Bien que l’inondation soit aussi qualifiée de « catastrophe » en référence aux pertes humaines occasionnées, le registre de l’émotion est peu mobilisé par les viticulteurs. Selon une interprétation naturaliste dominante, la reconstruction des ouvrages témoigne surtout d’une volonté d’agir pour éviter le renouvellement d’une telle situation. L’installation des gabions et le travail de remodelage permettent alors de bloquer et de guider les flux d’eau pour maîtriser la vitesse d’écoulement, tout comme les bassins de rétention et l’intensification des pratiques d’enherbement des parcelles. Certains de nos interlocuteurs n’hésitent pas à modifier le lit de la rivière pour y parvenir : « Finalement on a enlevé une partie de ce qu'il y avait, la partie qu'on avait, on a élargi et on a retaluté pour protéger le domaine, et en même temps pour élargir le lit ». Les réponses matérielles sont donc conduites pour influer l’aléa, contenir la rivière et ses débordements, les viticulteurs cherchant à réduire l’incertitude, à mettre à distance la rivière selon la croyance d’une possible maîtrise technique des cours d’eau.

12Le second registre interprétatif lié aux activités humaines nourrit également ces réactions locales. L’urbanisation de la tête du bassin est décrite comme la cause d’une imperméabilisation des sols : « Effectivement, après ce qu’il s’est passé […] là-haut [en référence au quartier en tête de bassin versant], où ils [les élus] n’avaient peut-être pas pris la mesure en mettant tous ces bâtiments que ça allait… Qu’il y allait avoir moins de forêt, que moins de forêt, ça veut dire que ça n’absorbe plus, et que derrière, toute l’eau qui allait tomber là-haut, ça allait descendre beaucoup plus vite et se retrouver en bas et perturber la sortie ». Par ailleurs, si tous les viticulteurs participent à domestiquer les cours d’eau, certains incriminent leur voisin dont les actions sont interprétées comme dangereuses. Victor parle de sa situation : « Le voisin, lui, il avait fait tout un talus ici à ras du Maravenne, tout ça, il avait taluté tout le long [en montrant les berges du cours d’eau]. Et quand l’eau est montée, elle est montée, elle est montée, ça a mis la pression partout, elle est passée chez moi, et à un moment donné l’eau, ce talus a pété […] ». La condamnation de l’attitude de son voisin permet à Victor de justifier et d’expliquer son propre comportement. En effet, il a lui-même décidé de reconstruire des aménagements plus hauts et plus solides que ceux existants afin de s’en prémunir. D’autres viticulteurs signalent la rupture de multiples petits ouvrages situés le long de la rivière comme une des causes de l’accélération de la « vague » d’eau au moment de la crue. L’ambiguïté des ouvrages hydrauliques déjà soulignée par Langumier [2008] à propos des digues comme objet à la fois objet de protection et de craintes, se retrouve donc autour des aménagements observés à La Londe.

13Enfin, les réponses des viticulteurs matérialisent l’urgence pour eux de reprendre leur activité et d’éviter des pertes économiques liées à une interruption trop prolongée. Or la crue de novembre met à l’épreuve le choix d’une domestication dans l’urgence. Un pan de nos interlocuteurs s’avoue satisfait de leur décision qui leur a permis d’éviter de nouveaux dégâts : « Non, en novembre, grâce aux travaux, aux aménagements qu’on avait fait, l’eau a pu circuler plus facilement […] ». La maîtrise technique s’avère efficiente. Mais pour une minorité d’entre eux, elle n’a pas eu l’effet attendu : « Et de janvier au début de l'année, j'ai tout remis à l'identique. Donc on a dû déplacer 5000 m³ de terre. Et en novembre, rebelotte, donc exactement pareil, tout est parti. Et donc là on a décidé de laisser la place... À la rivière ». Redonner une place à la nature sonne ici comme un renoncement à la domestiquer. La principale raison donnée à ce renoncement est économique. Les investissements ont été engloutis : « Mais les frais qu’on avait engagé et sur lesquels on avait touché une indemnité de l’État via les calamités agricoles, ces frais-là ont été engagés en pure perte, puisque tout a été ravagé une deuxième fois ». Face au second évènement, nos interlocuteurs n’ont plus les capacités financières de reconstruire ou choisissent de ne pas courir un nouveau risque financier dans un contexte incertain que la crue de novembre est venue rappeler.

Entre forêt et béton : l’inondation au service de la récupération des terres

  • 5 Les rendements autorisés sont de 105 hectolitre/ha en IGP et 50 hectolitre/ha en AOC (Sources : Cah (...)

14Pour les élus londais, la poursuite des activités viticoles sur les terres inondables ne se justifie pas, d’autant plus qu’elle concerne une production de vins de pays classés en IGP. A La Londe, cette production est minoritaire comparée à celle des vins en AOC. De plus, les vins IGP souffrent d’une mauvaise réputation auprès des producteurs. L’un d’eux qualifie les parcelles IGP de « terres à betterave » pour signifier leur médiocrité. Mais les producteurs de vin de pays ne partagent pas cet avis, au contraire, et défendent sa richesse, son caractère. En parlant du problème que pose l’action de remblayage, un producteur de vin IGP évoque cette singularité : « on ne trouvera jamais 60 000 m³ de terre de vin de pays, de maraîchage riche. On va trouver plutôt la même terre que ce que l’on a sur les AOC, plutôt caillouteuse, plutôt pauvre en matière organique ». Le maintien de la production de vins IGP répond aussi à un enjeu économique. Les viticulteurs produisant des vins des deux appellations expliquent que cela permet de diversifier leur offre, d’être attractif et concurrentiel par rapport aux producteurs qui ne proposent que des vins en AOC. De plus, vendu moins cher, le vin IGP est « bon marché » et si le prix à la bouteille est moins élevé, le cahier des charges autorise des rendements plus élevés qu’en5 AOC. Ce vin présente donc certains avantages et participe à l’équilibre financier de l’exploitation. Le maintien de sa production n’est donc pas anecdotique à la fois pour des raisons économiques et de préservation du patrimoine viticole.

15Néanmoins, suite aux crues, une partie des producteurs de vins IGP sont disposés à geler leurs terres, à ne pas les remettre en culture, en échange d’un déclassement des terres EBC. Ces terres situées en amont de la commune (Fig. 1) sont à l’abri d’éventuels débordements et sont une opportunité pour s’éloigner des zones urbanisées qui grignotent les terres agricoles. Mais les élus n’ont pas retenu cette proposition. Le maire s’appuie sur les conclusions de l’expertise hydraulique conduite après les évènements pour justifier cette décision : « les services [du bureau d’étude] n’ont pas jugé bon d’utiliser ce genre d’artifice [en parlant d’un échange de terre]. Dans l’étude hydraulique qui a été faite en partenariat par la municipalité et les services de l’Etat conduite par le groupe [bureau d’étude], ces opportunités d’échanges n’ont pas été utilisées, ça n’apportait rien ». D’après l’expertise, le remblayage des parcelles en bordure de rivière n’agit pas sur l’aléa. L’échange proposé par les viticulteurs ne rencontre pas les intérêts des élus, soucieux d’initier la planification du territoire pour prévenir les risques. Au cours de l’entretien, le maire précise les raisons de ce refus, s’appuyant cette fois-ci sur sa propre expérience de viticulteur : « il faut accepter [en parlant des pertes des viticulteurs]. Vous ne pouvez pas éternellement dire mon terrain il est au milieu de la rivière. S’il vous manque dix rangées de vignes ça ne change rien ! […] Ils ont tous des domaines […] confortables. Donc perdre dix rangées de vigne, je pense qu’on peut s’en remettre. On peut s’en remettre ». Il précise sa position en expliquant avoir lui-même perdu « quelques rangées de vigne » suite aux évènements sans les avoir remis en culture par la suite. La proposition d’échange des terres en bordure de rivière contre celle boisées ne se justifie donc ni politiquement, ni économiquement, les pertes des viticulteurs étant considérées comme marginales.

  • 6 Projet d’aménagement du Développement Durable de la commune de La Londe les Maures, validé en juin (...)

16Les producteurs de vin IGP interprètent ce refus comme un signe supplémentaire de la position des élus par rapport à l’activité viticole, rejoignant un sentiment partagé par la profession d’être peu soutenue politiquement. L’avancée de l’urbanisation sur les terres agricoles cristallise ce sentiment. Les viticulteurs rencontrés considèrent qu’il est désormais de la responsabilité des élus de freiner cette dynamique, à laquelle le secteur agricole a lui-même participé dans le passé [Minvielle, 2006]. La transformation des anciens marécages - autrefois occupées par des cultures d’artichauts - en zone portuaire et les pressions exercées par les promoteurs immobiliers à leur égard sont des exemples régulièrement avancés pour en parler. Cette problématique n’est pas nouvelle sur le territoire. Depuis les années 2000, les viticulteurs londais cherchent à faire déclasser les espaces EBC pour échapper à l’urbanisation et déplacer leur activité plus au Nord de la commune, comme cela se pratique depuis quelques décennies [Minvielle, 2006]. Le PLU expose cette éventualité : « il est indispensable de déclasser des Espaces Boisés Classés en zone agricole, tout en limitant l'impact environnemental et paysager que les déboisements pourraient occasionner » (extrait PLU, 20136). Cette question de l’occupation foncière anime le discours d’un viticulteur : « c’est une problématique globale, il y a une sorte de conflit entre la zone AOC, qui a à la fois une valeur économique, mais aussi une valeur culturelle et patrimoniale et la zone EBC, qui a une valeur plus ou moins environnementale, etc. Et sur le plan juridique, au final les deux sont en équilibre. Sauf que dans les faits, c’est toujours l’EBC qui prend le dessus. Et ça, c’est vrai que ça préoccupe quand même le propriétaire sur le moyen et long terme. Aujourd’hui, on est très préoccupé par la problématique du Maravenne, parce que c’est urgent, il y a tout ce caractère de perte sèche et toute une partie de notre production qu’on ne peut plus produire, mais après sur les EBC c’est aussi l’avenir de l’exploitation, de savoir si elle pourra se développer, ne serait-ce que pour faire des rotations ». Dans ces propos, les inondations n’apparaissent pas comme une rupture dans la trajectoire des exploitations viticoles. Le risque identifié est celui du devenir du secteur viticole. Les inondations ravivent les discussions autour de l’occupation des sols qui alimentent les préoccupations et les mécontentements chez les viticulteurs. Dans ce contexte, ces derniers se sont saisis des évènements de 2014 comme d’une opportunité pour nourrir, alimenter et argumenter les débats et les procédures autour des enjeux fonciers.

Administrer le risque : les attentes viticoles en marge de la prévention

17Une autre caractéristique de la domestication des rivières est sa nature illicite. Plusieurs viticulteurs rencontrés racontent leurs difficultés avec les services de Police de l’Eau. Pour ces agents d’Etat, certains dispositifs de protection ne sont pas conformes avec la loi. Les ouvrages d’aménagement sur les cours d’eau sont réglementés selon leurs caractéristiques : hauteur, longueur, nombre d’hectares soustrait à l’expansion de la crue, etc (Code de l’Environnement, article L-215). Ils sont soumis à autorisation afin de limiter et contrôler leurs effets sur les crues et sur le milieu aquatique. A ce sujet, les viticulteurs rencontrés expliquent avoir participé à plusieurs réunions d’informations organisées par le syndicat des producteurs londais. Au courant des démarches administratives, ils ne les ont pourtant pas suivies. Ces derniers justifient leur choix par l’urgence de la situation : la mise à distance du danger et la nécessité d’une reprise rapide de l’activité (un nouveau pied de vigne mettra entre six et sept ans pour retrouver un rendement équivalent à ceux arrachés). Le temps de l’Administration n’est pour eux pas compatible avec celui de l’urgence. L’efficience technique des dispositifs de protection leur sert également à justifier les actions entreprises en-dehors du cadre réglementaire. Ils s’appuient de la présence ancienne des talus et des buttes pour légitimer leur reconstruction sans autorisation. Les viticulteurs en font des témoins des expériences passées des anciens, du bienfondé de leurs connaissances locales et des savoirs faire. La violence inédite des évènements de 2014 les pousse à les rendre plus solides. Enfin, certains viticulteurs expliquent avoir agi en marge des procédures pour ne pas subir les actions de ceux qui ne les auraient pas respectées.

18Ce rapport à l’Autre dans la prise de décision s’illustre aussi à travers le positionnement des viticulteurs quant aux choix des gestionnaires (élus et experts) pour la planification de la prévention des risques. Deux ans après les inondations, les élus élaborent le programme d'action de prévention contre les inondations (PAPI). Le montage d’un dossier conséquent est nécessaire pour débloquer le versement de fonds publics et financer essentiellement des aménagements hydrauliques. A ce titre, une étude est commanditée par les élus. Elle servira au dimensionnement des ouvrages, à l’estimation de leur coût et à l’élaboration de scénarios d’aménagement. En complément, une étude économique permettra l’évaluation des coûts et avantages de chaque scénario. Ces démarches s’inscrivent dans les orientations nationales de gestion du risque, comme l’illustrent les premières phrases du document de synthèse de l’étude hydraulique : « Devant les dégâts et les quatre décès causés par les inondations et les crues du Pansard de 2014, les élus ont souhaité mettre en place une stratégie de protection contre ces phénomènes meurtriers ». La protection des zones urbanisées en aval de La Londe est donc l’enjeu prioritaire. Le scénario retenu d’aménagement comprend notamment la construction en Plaine de deux canaux de délestage pour éviter les débordements dans les quartiers résidentiels et un renforcement des digues à cet endroit. Les viticulteurs rencontrés ne contredisent pas l’objectif de mise en sécurité des personnes. Néanmoins, ils estiment devoir bénéficier eux aussi de mesures de protection planifiées par la municipalité, car participant pleinement à l’attractivité touristique de la commune en façonnant des paysages recherchés. De plus, certains viticulteurs expliquent avoir proposé aux élus des aménagements pour lutter contre les inondations, comme la création de bassins de rétention pour retenir l’eau au moment des crues, réduire sa vitesse, et pour constituer une réserve en période d’étiage. L’inondation est saisie pour rendre visible un autre risque, celui des sécheresses et des difficultés d’accès à une eau d’irrigation. Mais les élus ne retiennent pas cette idée qui contredit les conclusions des experts. Un élu l’explique : « Mais ils [les experts] nous disent « surtout ne le faites pas » [construire des bassins d’eau], parce que de toute façon il va se remplir, et quand il sera plein, à ce moment-là, tout va descendre en même temps que le Pansard… ». Les propos d’un autre élu vont dans ce sens : « C’est ce qui a été validé par l’étude [hydraulique], donc on connait bien le territoire, on pensait qu’il n’y avait que ça à faire… et il s’avère que c’est la solution. Parce que les bassins de rétentions, pff… la durée de remplissage du bassin elle est limitée ». Ces témoignages illustrent le rôle des experts dans les prises de décision. Leur lecture technique du territoire s’articule bien aux contraintes des élus qui choisissent d’y répondre en déconnectant les actions de prévention contre les risques des autres enjeux du territoire (soutien du secteur viticole, urbanisation, enjeux environnementaux, irrigation des vignes) « en sous-entendant que le savoir technique vise une solution juste, neutre et efficace » [Langumier, 2008 : 187]. Cette posture n’est pas admise chez les viticulteurs qui se sentent marginalisés des démarches entreprises, voire en être les victimes. Les tensions autour de la création d’une Zone d’Expansion des Crues (ZEC) en sont un exemple. Une ZEC est destinée à être submergée pour ralentir les écoulements et protéger les zones habitées plus bas. Les terres d’un vieux domaine viticole ont été identifiées à cet effet mais son propriétaire s’y oppose, refusant l’incertitude sous-jacente et le principe de solidarité invoqué. Un élu explique que la commune est disposée à entamer une procédure d’expropriation d’intérêt public en cas de refus de coopérer. Dans ce contexte, les élus, soumis à et agissant dans un cadre réglementaire défini, donnent un rôle aux viticulteurs dans la planification du territoire qui n’est pas celui attendu par ces derniers. La domestication des cours d’eau se présente alors comme une réaction de mécontentement de leur part au sein d’un rapport de force qu’ils entretiennent avec la municipalité. Agir en-dehors des procédures administratives s’apparente à une forme d’affirmation, de revendication de leur légitimité à participer aux décisions du territoire.

Conclusion

19L’étude de la domestication du Pansard et du Maravenne par les viticulteurs londais témoigne de la manière dont « le problème lié aux crues s’entremêle avec d’autres questions, touchant à l’environnement spatial et social » [Duchêne et Morel-Journel, 2004 : 150]. En effet, ce travail montre comment les réponses façonnées dans l’urgence matérialisent le rapport des viticulteurs à l’eau. L’usage d’un vocabulaire spécifique pour décrire les mesures de protection - « retalutage », « remodelage » - témoigne d’une forme de « culture de l’eau » basée sur les expériences locales qui amènent les viticulteurs à réagir aux débordements des rivières et aux vitesses d’écoulement des eaux de ruissellement. Les évènements de 2014 révèlent cependant que le fonctionnement naturel par intermittence du Pansard et du Maravenne a été oublié et n’est pas toujours bien accepté. La reconstruction des remblais traduit comme un refus de la perte d’un espace cultivable. « Laisser la place à la rivière » s’assimile à une forme de renoncement ou d’un échec à la rendre docile, et non à une volonté d’aménager ses rives pour « vivre avec » ses imprévus.

20Domestiquer les rivières renvoie également à des enjeux identitaires du territoire. Défendant la pérennité du patrimoine viticole face à l’avancée de l’urbanisation, des viticulteurs se sont saisis des inondations comme d’un argument, un levier pour infléchir les choix en matière d’occupation des sols. L’évocation des dommages liés aux inondations et leur résolution se présentent alors comme un moment d’opportunité pour défendre et nourrir des procédures administratives enlisées. Le temps de l’urgence renvoie ici à d’autres temporalités, au devenir de la viticulture face au mouvement d’urbanisation des terres agricoles.

21Enfin, ce travail montre que les attentes du secteur viticole s’articulent mal au cadre d’action des élus qui souhaitent aménager le territoire dans une logique de prévention. Appuyés et confortés par les experts, les actions planifiées sont alors justifiées indépendamment des autres enjeux locaux. Dans son travail, Tricot [2008] explique un décalage d’échelles dans les manières de gérer une inondation par l’adoption de deux visions peu conciliables d’un tel évènement : l’une normative de la part de l’Etat, l’autre basée sur des expériences locales au niveau de la commune. Ce décalage évoqué par l’auteur s’observe dans le cas de La Londe au regard de la nature des réponses données ou envisagées par chacun. Alors que les élus agissent face aux évènements en déconnectant l’inondation du reste du territoire, les viticulteurs au contraire s’en saisissent pour évoquer, rendre visibles leurs intérêts et préoccupations quotidiennes. Ce décalage se traduit par un frottement entre élus et viticulteurs, relevant d’un rapport de force où les élus cherchent à asseoir leur autorité et où les viticulteurs revendiquent leur légitimité à participer à la définition de leur territoire en pesant dans la définition des priorités à venir (environnementales, touristiques, développement urbain et agricole).

22Dans un contexte français, où les inondations sont régulièrement traduites en termes de risque et de dommages, et les moments d’après crise pensés comme propices pour impulser des actions de réduction de la vulnérabilité, l’étude empirique présentée ici donne à voir comment ces moments de l’après « coagulent » [Clavandier, 2009] avec la rupture de l’évènement et des enjeux du quotidien, et la manière dont un évènement prend sens dans une situation donnée, inscrit dans les rapports que les individus entretiennent à l’eau et au territoire. Enfin, ce travail montre que le choix d’une entrée par les techniques se révèle pertinent pour comprendre l’articulation de la singularité d’une catastrophe avec l’ordinaire.

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Notes

1 Source : Retour d’Expérience des intempéries sur le département du Var du 19 janvier 2014 – caractérisation hydraulique de l’évènement. CEREMA.

2 Situation racontée lors du travail d’enquête et relatée dans le Rapport CGEDD de fin de mission « Les inondations de janvier et novembre 2014 sur la commune de La Londe-les-Maures (83). Mission d’inspection de l’action des services de l’Etat », décembre 2014, p.41

3 Voir les n° spéciaux dans les revues : Développement Durable et Territoire sur « objets techniques et cycle hydrosocial », Vol. 10, n°3 ; le Journal des anthropologues « Anthropologie et Eau(x) », n° 132-133 ; AutrePart « Savoirs sur l’eau : techniques, pouvoirs », n°65.

4 Ce travail a été dans le cadre du projet RETINA [2013-2017] qui a bénéficié du soutien du Ministère de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer dans le cadre du programme « Risque Décision Territoire – RDT ». Une partie des enquêtes a été réalisée en collaboration avec F. Grelot qui travaille sur la trajectoire individuelle des sinistrés suite aux inondations.

5 Les rendements autorisés sont de 105 hectolitre/ha en IGP et 50 hectolitre/ha en AOC (Sources : Cahiers des charges de l’indication géographique protégée des « Maures », 2011, INAO ; Cahiers des charges de l’appellation d’origine contrôlée « Côtes de Provence », 2011, INAO).

6 Projet d’aménagement du Développement Durable de la commune de La Londe les Maures, validé en juin 2013. Consultable : http://www.ville-lalondelesmaures.fr/images/diverspdf/PADD%20PLU.pdf.

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Table des illustrations

Titre Figure . Carte de l'occupation des sols de la commune de La Londe-les-Maures
Crédits Source : Document de présentation du PLU, juin 2013
URL http://journals.openedition.org/eps/docannexe/image/11155/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 184k
Titre Figure . Le lit du Maravenne et ancienne levée de terre cassée lors de l'inondation de janvier 2014
Crédits Source : Besson, 2016
URL http://journals.openedition.org/eps/docannexe/image/11155/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 1,5M
Titre Figure . Remblais et reconstruction de la parcelle emportée par les crues de 2014
Crédits Source: Besson, 2016
URL http://journals.openedition.org/eps/docannexe/image/11155/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 1022k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Anne-Laure Collard, « Domestiquer les rivières : une réponse à l’urgence de l’inondation, une réaction aux enjeux du quotidien  »Espace populations sociétés [En ligne], 2020/3-2021/1 | 2021, mis en ligne le 21 janvier 2021, consulté le 16 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/eps/11155 ; DOI : https://doi.org/10.4000/eps.11155

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Auteur

Anne-Laure Collard

Sociologie, UMR G-eau INRAE, Université de Montpellier, 361 Rue Jean François Breton, 34196 Montpellier, anne-laure.collard@inrae.fr

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

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