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Dossier

L’élève au prisme de l’administration : les collégiens et lycéens français entre 1830 et 1880

Through the eyes of the educational administration: French secondary school pupils between 1830 and 1880
Solenn Huitric
p. 123-146

Résumés

Les profils des lycéens et collégiens demeurent mal connus pour le XIXe siècle : les sources dont nous disposons sont surtout le fait de l’administration scolaire et n’abordent que peu le quotidien de ces élèves pour privilégier une approche comptable. Face à ce constat, l’article analyse les modalités de création et d’utilisation de ces documents administratifs par les autorités scolaires pour définir le prisme par lequel les élèves sont perçus. Si cette démarche ne comble pas le manque d’informations sur le profil social des élèves, l’article postule que rendre compte des schémas de lecture administratives à différentes échelles permet de mettre en évidence la construction par l’administration des différentes figures d’élèves à travers les caractéristiques qui l’intéressent et qui sont jugées nécessaires au bon fonctionnement du réseau d’établissements secondaires publics.

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Texte intégral

  • 1 Par enseignement secondaire, nous entendons ici l’ensemble des établissements dispensant un enseig (...)
  • 2 L’ensemble des établissements secondaires accueillent un garçon sur 45 pour une même classe d’âge (...)
  • 3 Philippe Savoie, La construction de l’enseignement secondaire (1802-1914). Aux origines d’un servi (...)
  • 4 Antoine Prost, op. cit., 1968.
  • 5 Les travaux de Jean-Pierre Briand et de Jean-Michel Chapoulie sur les écoles primaires supérieures (...)

1Premiers usagers du système scolaire, les élèves demeurent parmi les acteurs du monde éducatif les moins bien connus pour le XIXe siècle et notamment pour l’enseignement secondaire1. Il est vrai que ces derniers n’ont représenté qu’une faible proportion d’une classe d’âge2 – une minorité aisée et masculine. Il n’en reste pas moins que les garçons fréquentant le secondaire ont été au centre des préoccupations des acteurs de l’éducation tout au long du siècle, chaque régime portant une attention spécifique à la formation des futurs administrateurs du pays3. Cet intérêt de la part des autorités scolaires explique que nous disposions de nombreux documents administratifs sur la question de la fréquentation des différents établissements. Les enquêtes menées à l’échelle nationale constituent par exemple un des éléments ayant alimenté la caractérisation de l’enseignement secondaire comme l’école des notables, par opposition à l’enseignement primaire, l’école du peuple4. Plusieurs recherches en histoire de l’éducation5 conduisent toutefois à nuancer ce schéma, elles soulignent la porosité pouvant exister entre ces deux ordres d’enseignement et la variété des profils d’établissements secondaires. Dans cette perspective, parvenir à mieux saisir le profil des élèves qui fréquentent les établissements secondaires constitue une piste précieuse pour comprendre le public auquel ils s’adressaient.

  • 6 Ces sources représentent néanmoins un riche matériau de recherche pour l’histoire des élèves et de (...)
  • 7 Il faut exclure de ce constat les établissements dans le périmètre de l’académie de Paris, mieux r (...)

2La faiblesse de nos connaissances sur ces élèves ne tient pas principalement à un manque d’études mais à la difficulté à les cerner dans les archives. Si certains d’entre eux ont pu coucher par écrit leur expérience, le nombre de ces récits ne permet pas d’appréhender l’ensemble des profils d’élèves et ces témoignages ne sont pas exempts de reconstruction a posteriori du vécu dans l’école6. Hormis ces écrits autobiographiques, la majorité des sources existantes émanent des institutions scolaires et présentent les élèves selon la grille de lecture de l'administration. Même au sein de cet ensemble, et notamment dans les archives des établissements scolaires, les registres d’inscription sont rares, ce qui rend difficile l’appréhension des individus derrière des mentions majoritairement comptables, et limite la reconstitution de parcours d’élèves dans leur diversité7. Ce constat incite tout à la fois à admettre que certaines caractéristiques des élèves des établissements secondaires du XIXe siècle pourraient nous demeurer inaccessibles mais aussi à élaborer des axes de recherche permettant malgré tout de mettre en évidence certains traits de ce public. Si l’histoire de la façon dont les élèves traversent leurs années d’étude est difficile à écrire, il reste possible d’établir le cadre à partir duquel ils sont perçus en mettant à profit les importants fonds d’archives administratives. Comprendre comment les administrateurs de l’Instruction publique abordent et caractérisent les élèves constitue l’une des pistes de recherche contournant la rareté de la parole des élèves dans les archives. Cet axe de travail n’implique pas uniquement d’identifier les mentions du quotidien des élèves tel qu’il est vu par l’administration mais également d’interroger les logiques de production de catégories de lecture du fonctionnement des établissements qui guident l’action de l’État.

  • 8 Robert Gildea, « Education and the Classes Moyennes in the Nineteenth Century », in The Making of (...)
  • 9 Patrick Harrigan, Mobility, elites and education in French society of the Second Empire, Waterloo (...)
  • 10 Philippe Savoie, La construction de l’enseignement secondaire, op. cit.; Jean-Michel Chapoulie, L’ (...)
  • 11 Cécile Hochard, Les lycées de Paris et de la région parisienne de 1938 à 1947, thèse de doctorat, (...)
  • 12 Pour une étude sur la mise en place de l’administration centrale au début du XIXe siècle, voir Igo (...)

3La quantité de documents produits par l’administration de l’Instruction publique a déjà incité à leur exploitation en histoire de l’éducation, notamment de façon sérielle, pour mieux connaître les caractéristiques des élèves du secondaire. Robert Gildea a ainsi établi les grandes dynamiques expliquant l’évolution de la fréquentation de l’enseignement secondaire8. Patrick Harrigan a, quant à lui, dépouillé l’enquête Duruy de 1864 pour tenter d’appréhender les origines sociales des élèves et leurs trajectoires professionnelles9. Jean-Michel Chapoulie et Philippe Savoie ont mis en évidence les liens entre les développements institutionnels et les évolutions de la scolarisation10. Sans nécessairement adopter une échelle nationale, des travaux plus récents mettent à profit les données consignées par l’administration de l’Instruction publique pour cerner le public accueilli au sein des établissements11. Le fonctionnement de l’administration mise en place par Napoléon et conservée ensuite explique la richesse de ces documents : afin de pouvoir agir sur le territoire de son ressort, chaque administration demande à avoir à disposition un ensemble d’informations la renseignant sur son périmètre d’action12. Préfets et recteurs se tiennent informés de la situation dans les établissements scolaires par le biais des rapports transmis par les chefs d’établissements, les inspecteurs d’académie et les maires, ainsi que par leurs visites d’inspection régulières. Le ministère de l’Instruction publique prend à son tour appui sur les rapports des préfets et des recteurs, comme sur ceux des inspecteurs généraux. Les documents produits au sein du ministère enrichissent, quant à eux, les débats et décisions des députés. Cette chaîne de transmission des informations vise à recueillir les renseignements les plus utiles. Sélective, elle rend compte du référentiel d’action de l’Instruction publique et, par ce biais, de la place faite aux données sur les élèves.

  • 13 François Buton, Nicolas Mariot (dir.), Pratiques et méthodes de la socio-histoire, Paris, Presses (...)
  • 14 Gérard Noiriel, Le creuset français : histoire de l’immigration, Paris, Seuil, 1988 ; Bruno Dumons (...)
  • 15 Dans la mesure où les archives administratives rendent majoritairement compte de la situation dans (...)

4Comme y invite la thématique générale de ce dossier, il s’agit de concentrer l’étude sur ces archives administratives et leur contexte de production pour mettre en évidence la façon dont elles peuvent permettre de comprendre qui sont les élèves de l’enseignement secondaire au XIXe siècle mais surtout comment leur profil général est en partie élaboré par les autorités scolaires. Dans cette perspective, l’hypothèse principale de travail est que les catégories de lecture mobilisées par l’administration révèlent un cadre de compréhension de l’enseignement secondaire. Cette attention portée à l’activité administrative de l’Instruction publique s’inscrit dans un courant de recherche autour de la socio-histoire des politiques publiques. Reprenant à la fois les règles de la méthode historique et celles de la méthode sociologique, à travers l’utilisation des outils et modèles d’analyses des politiques publiques13, la principale direction empruntée par ces recherches est celle de l’étude de la « mise en administration » puis de la « catégorisation » de la société. Les recherches de Gérard Noiriel sur l’immigration ont initié ces travaux et différents domaines d’action de l’État ont ensuite été étudiés, notamment la naissance des politiques de retraite, la création de l’inspection du travail ou l’élaboration des savoirs de gouvernement colonial14. L’objectif de cet article est ainsi d’interroger les effets de la structuration de l’enseignement secondaire15 sur les grilles administratives utilisées pour documenter les situations locales et sur les connaissances disponibles concernant les élèves. Au-delà de la définition de profils types, notre propos vise davantage à mettre en évidence des figures d’élèves, ce second terme permettant d'insister sur le processus de construction par l’administration de filtres de représentation des élèves.

  • 16 Antoine Prost, Histoire de l’enseignement en France, 1800-1967, op. cit.
  • 17 Sylvain Milbach, Les Chaires ennemies. L’Église, l’État et la liberté d’enseignement secondaire da (...)
  • 18 Philippe Savoie, La construction de l’enseignement secondaire (1802-1914), op. cit.
  • 19 On compte 46 lycées en 1842, on attend le nombre de 100 en 1895. Ces derniers changent par ailleur (...)
  • 20 Solenn Huitric, Transformer les collèges communaux en lycées. La coproduction d’une action publiqu (...)
  • 21 Instauré progressivement à partir de la création de l’Université en 1806, le monopole d’État sur l (...)
  • 22 Les contrôles ne sont pas suffisamment réguliers et les signalements ne sont pas toujours suivis d (...)

5Cette étude est réalisée en se concentrant plus particulièrement sur la période 1830-1880. La décennie 1830 ouvre en effet une période de plus grande stabilité pour les établissements scolaires ; la monarchie de Juillet ne revient pas sur les modalités de financement de l’Instruction publique et le système d’inspection fonctionne de façon régulière16. Cette période est également caractérisée par la promulgation de la Charte, qui affirme le principe de liberté de l’enseignement, sans toutefois qu’il ne soit mis en pratique avant 1850 et la loi Falloux17. La promulgation de cette loi rend compte de l’une des principales difficultés soulignées par les différents acteurs de l’instruction : la concurrence entre établissements, qui conditionne le cadre d’action de l’État18. Les lois scolaires de la Troisième République entraînent, quant à elles, une modification des nombreux éléments du référentiel de l’action publique dans le domaine scolaire. Même si elles entérinent des évolutions en cours depuis plusieurs années, leur portée introduit des ruptures dans le fonctionnement administratif. Entre 1830 et 1880, les établissements secondaires publics sont principalement de deux ordres. Peu nombreux mais prestigieux, les lycées constituent une première catégorie d’établissements19. Ils sont situés dans les principales villes du pays et administrés par l’État. Les collèges communaux, quant à eux, situés dans les villes moyennes à petites, dépendent des communes pour leur financement mais les enseignants y sont également nommés par le ministère. Plus nombreux, ils sont 312 en 1842 et encore 227 en 189520. Le programme des études est le même dans les deux structures, même si le nombre d’enseignants est globalement moins élevé dans les collèges et si ces derniers pâtissent d’une moins bonne réputation. Ces deux catégories dessinent un maillage d’établissements publics sur l’ensemble du territoire, auquel s’ajoute celui des établissements privés, congréganistes ou non. Ces derniers sont en théorie tenus de respecter le régime du monopole jusqu’en 185021. Il n'est toutefois pas strictement respecté22 et les effets de concurrence entre les deux réseaux expliquent en partie l’attention portée par l’administration sur l’ensemble des établissements et de la période.

  • 23 Marie-Madeleine Compère, Philippe Savoie, « L’établissement secondaire et l’histoire de l’éducatio (...)

6Interroger les contextes de production de cadres administratifs au cours de cette période de consolidation d’un enseignement secondaire public constitue ainsi un moyen d’approcher l’histoire des élèves et permet une réflexion sur l’établissement scolaire comme échelle d’analyse. Celle-ci n’est pas nouvelle en histoire de l’éducation23 et les études menées en ce sens ont permis d’explorer la complexité des liens entre les différents acteurs de l’éducation et les modalités selon lesquelles plusieurs types d’établissements coexistent. À travers l’étude de la présence des élèves dans les documents administratifs, il s’agit tout d’abord de comprendre la façon dont leur structuration – établie par l’administration centrale – dessine des figures d’élèves. Ces dernières peuvent cependant entrer en décalage avec celles produites par les administrateurs locaux, ces différences étant étudiées dans une deuxième partie. L’examen des archives administratives met enfin en évidence l'absence, dans les documents officiels, de certains enjeux évoqués par les chefs d'établissement, comme en atteste l'étude, dans un dernier temps, de la circulation des élèves entre établissements.

I. Des figures d’élèves : le secondaire saisi par la rationalité administrative

7Les archives administratives rendent compte de l’activité de collecte d’informations nécessaire à l’action de l’État et, dans le cadre de l’enseignement secondaire, une partie de ces documents s’attachent à réunir des éléments sur les élèves. Leur structuration constitue un point d’entrée pour comprendre les types de données jugés nécessaires à l’orientation d’une politique éducative et la façon dont ils sont présentés. Le fonctionnement hiérarchique de l’administration ainsi que la nécessité de pouvoir comparer les informations provenant d’établissements scolaires différents ont abouti à la création d’une grille de lecture unifiée par l’administration centrale. Cette première partie s’attache ainsi à mettre en évidence les différentes catégories de lecture utilisées et les objectifs poursuivis par l’administration centrale.

1. Recueillir les données nécessaires à l’action publique

8Les documents produits aux différents échelons de l’administration publique constituent un rouage indispensable à la mise en branle d’une politique publique. En effet, la transmission de données entre les niveaux administratifs rend possible la prise de décision à l’échelle centrale : cette configuration explique que la collecte de données s’effectue à l’aide de documents structurés ou de formulaires pré-imprimés établis par l’échelon central. Un cadre préexiste donc à toute activité d’inspection à l’échelle locale et il est déterminé par les enjeux identifiés par les autorités scolaires.

  • 24 Philippe Savoie, « Financement et modèle économique. Les lycées et collèges en France au xixe sièc (...)

9L’attention portée aux informations concernant les élèves répond à deux préoccupations. La première a trait à la finalité même de l’enseignement : il s’agit de mesurer le bon fonctionnement des structures éducatives. Dans cette optique, l'indicateur principal relevé est l'évolution du nombre d'élèves. Ce bon fonctionnement dépend en second lieu des moyens dont disposent les établissements. L’accès à l’enseignement secondaire est payant et les frais d’études versés par les familles doivent permettre de couvrir les dépenses fixes de chaque établissement, selon un modèle économique fondé sur l’autofinancement24. Toutefois, rares sont les établissements à atteindre cet objectif et un principe de subventionnement public est établi dans les années 1810. Cette compensation n’est que partielle et les chefs d’établissement demeurent tenus d’attirer le plus d’élèves possibles. Le nombre d'élèves accueillis revêt de fait un enjeu important, ce qui induit un regard spécifique des administrateurs : le lycéen ou collégien n’est pas seulement le récipiendaire d’enseignements agencés selon un cursus jugé pertinent, il devient également le garant de la bonne marche de l’établissement par sa présence. Le modèle économique des établissements secondaires explique que leurs administrateurs se saisissent de la question de leur fréquentation et deviennent producteurs de discours sur le profil de leurs élèves, qu’il s’agisse d’un profil attendu, anticipé ou réel.

  • 25 Afin d’évaluer cette fréquence, l’étude prend appui sur le dépouillement des archives administrati (...)
  • 26 Les établissements situés dans la grande académie de Paris telle qu’elle était définie entre 1854 (...)

10L’objectif premier de l’ensemble des administrateurs est donc de disposer d’informations sur les effectifs d’élèves dans les établissements secondaires. Le nombre d’élèves accueillis dans les collèges et lycées est très régulièrement relevé : en plus de figurer sur les rapports annuels d’inspection, il est consigné de façon hebdomadaire par les chefs d’établissement qui transmettent ensuite ces informations à l’académie. Les relevés annuels sont renseignés sur des feuillets pré-imprimés, qui prévoient des cases pour indiquer le nombre d’élèves en fonction de leur statut, en plus de l’effectif total. Plusieurs catégories sont définies : les pensionnaires, les demi-pensionnaires, les externes, les boursiers nationaux et les boursiers communaux. Plus en avant dans certains de ces feuillets, il est également possible d’indiquer le nombre d’élèves par classe, le tableau reprenant le plan d’études fixé à l’échelle nationale. Cette liste ne permet toutefois pas de couvrir l’ensemble des situations : apparaissent par exemple progressivement des boursiers départementaux et, dans certains établissements, des enseignements différents de ceux prévus par le programme des études sont mis en place. Deux options se présentent alors au moment de l’inspection. Ces informations sortant de la grille prévue peuvent tout d’abord être indiquées par des ajouts en marge des documents officiels, mais ces dernières sont assez rares25. Une deuxième solution est majoritairement retenue : des données sont fusionnées pour être intégrées aux feuillets. La confrontation de différents documents pour une même inspection d’un établissement montre ainsi que le nombre des boursiers départementaux est fréquemment ajouté à celui des boursiers communaux, sans que cela ne soit précisé. La volonté de rendre compte du nombre effectif d'élèves prévaut sur le respect des catégories administratives. En outre, du point de vue de l'inspecteur, il se peut que la principale distinction à maintenir soit entre boursiers nationaux, relevant du budget de l’État, et autres boursiers. Les grilles de lectures administratives induisent, dans cette optique, une vision uniformisée d’une réalité plus diverse. Les chefs d’établissement disposaient de davantage d’informations sur leurs élèves, par le biais de registres d’inscription. Toutefois, les données figurant sur ces derniers, qui ont rarement été conservés26, ne font pas l’objet de transmission entre administrations, les registres servant avant tout à la gestion quotidienne du collège ou du lycée. Ces différents éléments suggèrent que la principale information parvenant aux échelons supérieurs sur les élèves a trait à leur nombre ou à leur statut administratif.

  • 27 Nous empruntons l’expression à Pierre Porcher.
  • 28 Philippe Savoie, La construction de l’enseignement secondaire, op. cit, p. 418 et sq.
  • 29 Ces données permettent ainsi une appréhension globale de l’évolution de la scolarisation comme le (...)
  • 30 Ainsi, les travaux en cours de Jean Le Bihan sur les boursiers nationaux offrent des éléments de c (...)

11En ce sens, les élèves sont surtout perçus comme une « unité comptable »27 : ils ne sont pris en compte lors du travail administratif que dans la mesure où ils servent d’indicateur de la réussite ou non d’un établissement. Pour ce faire, les élèves sont regroupés en fonction de critères jugés significatifs : un plus grand nombre de pensionnaires est perçu comme un signe de bonne santé, surtout pendant la première moitié de la période28. De la même façon, des classes supérieures remplies attestent de la bonne réputation d’un établissement. En outre, le fait qu’un même élève puisse être comptabilisé dans plusieurs catégories en fonction du critère retenu confirme que les inspections sont utilisées par l’administration de façon à élaborer des figures d’élèves à partir d’une seule caractéristique. Cette estimation sert ensuite au cours des arbitrages financiers, que ce soit à l’échelle nationale (la somme à attribuer pour les bourses nationales par exemple) ou locale (le montant des subventions versées par les municipalités pour les collèges communaux). Lors des discussions sur l’élaboration des budgets, l’élève n’est mobilisé qu’en tant qu’il rend compte d’un taux de fréquentation. Certes, il ne s’agit pas de nier l’intérêt de cette comptabilité, que ce soit en termes d’action publique ou pour les recherches en histoire de l’éducation. Elle permet une première caractérisation des établissements secondaires et apporte un élément de comparaison entre eux29. Toutefois, il semble que ces données ne prennent leur sens comme un élément de compréhension du profil des élèves, qu’au sein d’une analyse démographique plus générale30.

  • 31 Le détail des maladies ou la justification des punitions n'apparaissent que très rarement.

12Il faut néanmoins préciser que, hors des formulaires d’inspection, des informations d’autre nature sur les élèves sont transmises de façon régulière aux niveaux administratifs supérieurs. Il s’agit de données qui relèvent surtout d’aspects de la vie quotidienne dans l’établissement, principalement le nombre de malades accueillis à l’infirmerie et le nombre de punitions prononcées. Ces chiffres sont transmis par le biais de la correspondance entre chefs d'établissement et recteurs, sans qu'un formulaire spécifique ne leur soit dédié. Là encore, l’objectif de la chaîne administrative est de disposer d’indicateurs sur les établissements plutôt que d’établir une forme de suivi des élèves : les noms des garçons concernés ne sont que rarement mentionnés, les informations se présentent presque systématiquement sous une forme comptable et lapidaire31. Il s'agit surtout de rendre compte de la bonne marche des services de l’établissement. Un nombre trop élevé dans l’une ou l’autre de ces catégories déclencherait une intervention plus directe du recteur ou de l’inspecteur général.

13En somme, les enjeux de politique scolaire expliquent que les supports utilisés pour recueillir les informations sur les élèves soient orientés vers la production d’une image à l’échelle nationale. En outre, collégiens et lycéens apparaissent majoritairement comme une abstraction comptable servant de mesure pour l'évaluation des établissements. Dans ce contexte, deux couples de figures d'élèves se dessinent principalement. Le premier oppose l'élève pensionnaire à l’externe, la figure du premier étant davantage valorisée dans la mesure où elle conforte le modèle économique des établissements. Le deuxième couple renvoie dos à dos l'élève suivant une scolarité complète et celui s'arrêtant avant les dernières années préparatoires au baccalauréat, ce dernier traduisant souvent dans l'esprit des administrateurs centraux une forme d'échec de l'établissement. Ces figures sont produites par la politique scolaire autant qu’elles l’orientent.

2. Un cadre épousant la hiérarchie administrative

  • 32 Le terme d’établissements particuliers renvoie aux structures, ni collège ni lycée, proposant un e (...)

14Les documents que les autorités scolaires utilisent pour collecter les informations jugées nécessaires ont ainsi pour objectif premier de dresser un aperçu général de la situation des établissements d’enseignement secondaire et sont, pour ce faire, conçus par l’échelon central. Des données jugées déterminantes sont obtenues pour l’ensemble des établissements secondaires publics et particuliers32. Cependant, des différences sont introduites dans les supports servant à recenser l’information en fonction de la catégorie de l’établissement inspecté, les feuillets destinés aux collèges communaux se présentant souvent sous des formes distinctes de ceux pour les lycées. Bien qu’il soit possible de comprendre la logique administrative qui préside à cet état de fait – les autorités scolaires ont besoin de davantage d’informations sur les établissements dont elles assurent la gestion –, ces différentes modalités d’inspection renforcent l’assimilation entre un certain type de public et des catégories d’établissements. En ce sens, la démarche administrative reproduit un référentiel préexistant, qui limite la transmission d’informations qui n’entrent pas dans les catégories pré-établies.

  • 33 Archives nationales (AN), F/17/8570, inspection du collège communal de Saint-Étienne pour l’année (...)
  • 34 AN, F/17/8020, inspection du collège royal de Saint-Étienne pour l’année scolaire 1840-1841, datée (...)

15La différence entre les supports d’inspection des collèges et celui des lycées est avant tout formelle, comme en atteste le dépouillement des dossiers des établissements scolaires conservés aux Archives nationales. Une comparaison entre les inspections de l’établissement de Saint-Étienne permet de mettre en évidence ces différences dans la structuration de la grille que les inspecteurs doivent remplir. Lors de l’inspection de 1839, l’établissement a encore le statut de collège communal33. En 1841, il s’agit désormais d’un lycée34. Or, les deux documents pré-imprimés servant de support à l’inspection ne se présentent pas sous la même forme, notamment en ce qui concerne les données statistiques collectées. Alors que le nombre d’élèves fait l’objet d’un petit encart en deuxième page pour le collège, encart qui comprend le nombre de boursiers communaux, de pensionnaires, de demi-pensionnaires et d’externes, ces indications sont portées en première page pour le lycée, de façon plus développée. Surtout, une deuxième colonne est ajoutée pour indiquer les effectifs estimés pour la prochaine rentrée. La façon dont les enseignants sont recensés diffère également : davantage de types d’enseignement sont prévus pour le lycée. Ces différences s’expliquent de nouveau par le statut des deux établissements : le lycée est censé offrir davantage de classes que le collège, il a notamment la possibilité de proposer des cours de préparation aux écoles du gouvernement. Cependant, cette structuration a aussi pour effet de rendre moins visible certains élèves du collège : l’existence de cours préparant aux carrières industrielles est seulement indiquée à la fin du document d’inspection, sous la rubrique « cours accessoires » pour le collège, alors que les enseignants de ces matières sont désormais listés dans le tableau du personnel du lycée.

  • 35 « Disposant de peu de moyens financiers et humains, le législateur de 1802 cherche en effet à orga (...)

16Ces différentes modalités d’inspection reposent sur un élément structurant de l’enseignement secondaire du XIXe siècle : une conception hiérarchique et pyramidale de l’enseignement public35. Dès la loi qui crée les lycées en 1802, ces établissements sont placés au cœur du dispositif : dans l’esprit de la loi, les écoles secondaires – par la suite devenues collèges communaux, pensions ou institutions – doivent servir de pendants aux lycées tout en les prenant pour débouché et modèle. Les lycées sont censés pouvoir attirer les meilleurs élèves de ces autres établissements et, en même temps, servir de modèles. L’octroi de places de boursiers nationaux dans les lycées pour les meilleurs élèves force cette émulation. Les lycées sont ainsi parés d’un prestige symbolique par le pouvoir central, caractéristique qui perdure tout au long du XIXe siècle. Cette conception n’est pas sans effet sur la perception des élèves par l’administration, notamment dans la mesure où elle définit en creux le bon élève. Ce dernier tend préférentiellement à devenir lycéen s’il a commencé sa scolarité au collège et s’oriente vers les humanités classiques. Cette représentation constitue un des éléments expliquant la position centrale occupée par la figure de l’élève boursier et/ou pensionnaire : cette figure correspond à la façon dont l’administration conçoit le parcours d’un élève au sein des établissements secondaires. Du même coup, ce système de représentation explique l’absence d’une figure d’élève clairement construite autour des cours spéciaux, ces derniers n’étant pas conçus au départ comme un point d’aboutissement.

17La façon dont les autorités scolaires dessinent des profils d’élèves, repris ensuite dans les politiques scolaires et les rapports, est avant tout le produit d’un référentiel établi à l’échelle nationale, que ce soit à travers la structuration des établissements secondaires ou la définition des finalités de l’enseignement secondaire. Les documents d’inspection reflètent cette logique. L’examen de ces archives administratives renseigne ainsi avant toute chose sur le regard que portent les acteurs de l’Instruction publique sur les élèves. L’élève d’un établissement secondaire est avant tout perçu comme un usager et un client attestant, par sa présence, du bon fonctionnement de l’établissement.

II. Entre local et national, des finalités divergentes

  • 36 Solenn Huitric, De la tutelle communale à celle de l’État. La transformation en lycées des collège (...)
  • 37 Mises en place par la loi Guizot, les EPS devaient répondre à une demande d’instruction intermédia (...)
  • 38 Renaud d’Enfert, « L’École des mineurs et l’offre stéphanoise d’enseignement scientifique, de la R (...)

18Prêter attention aux différentes données récoltées par le biais des formulaires établis à l’échelle nationale permet de saisir le poids des considérations gestionnaires dans le fonctionnement de l’Instruction publique. La grille de lecture établie par l’administration centrale fait primer, en ce qui concerne les élèves, des indications servant une caractérisation comptable de l’enseignement. Néanmoins, la perception de ce qui fait un élève secondaire change en fonction de l’échelle administrative considérée. Les administrateurs aux échelles académique et locale sont confrontés à des impératifs différents et davantage en prise avec le fonctionnement quotidien des établissements. Cette deuxième partie s’intéresse, dès lors, à un second niveau d’analyse : après avoir vu comment les documents produits par le ministère orientent vers une certaine perception des élèves, il s’agit de rendre compte des écarts pris avec ce schéma. Afin de mettre en évidence les différences dans les préoccupations entre échelons administratifs, le propos prend ici appui sur une étude plus détaillée des établissements de la ville de Saint-Étienne et de sa région. Des recherches déjà menées sur ce terrain36 indiquent que, sans constituer un cas exceptionnel, il est traversé par les différentes dynamiques que connaît l’enseignement secondaire au cours du siècle. Le principal établissement secondaire de la ville est son collège communal, qui obtient le statut de lycée en 1840. La fréquentation de cet établissement est en partie déterminée par l’existence d’une école primaire supérieure (EPS) en son sein37 et par la création d’une classe de mathématiques spéciales, en 1840, pour préparer à l’école des mines de Saint-Étienne, établie dans la même ville38. Il existe en outre, en 1830, un collège communal à Roanne et à Saint-Chamond, des établissements secondaires ecclésiastiques à Montbrison, Saint-Jodard et Verrières, en plus de diverses pensions privées. Si le collège de Saint-Étienne constitue le point central de l’analyse – notamment en raison de la quantité des archives conservées sur cet établissement –, il doit également être compris comme un point à partir duquel penser l’agencement des différentes possibilités de scolarisation secondaire.

1. Des discours des chefs d’établissement aux données administratives

19S’ils déterminent un certain nombre de catégories d’observations, les supports d’inspection comportent malgré tout des espaces permettant des remarques plus libres. Ces dernières sont censées porter sur la situation de l’établissement au moment de l’examen mais elles accueillent également des notes plus générales sur l’établissement ou sa fréquentation. Par ailleurs, d’autres aspects sont insérés par les chefs d’établissements et les recteurs dans des lettres jointes aux documents d’inspection, ce qui favorise un discours plus ouvert. C’est dans ces espaces que des informations plus variées sur les élèves peuvent affleurer. Ainsi, les rapports d’inspection sur le collège puis le lycée de Saint-Étienne, et notamment les remarques plus générales portées par les inspecteurs généraux, indiquent que les principaux et proviseurs successifs ajoutent souvent un certain nombre d’informations ponctuelles supplémentaires. Ces données ne décrivent la plupart du temps que quelques situations d’élèves ou donnent des indications générales sur une seule caractéristique des élèves. En elles-mêmes, elles ne permettent pas d’améliorer de façon précise notre connaissance des élèves du secondaire. Cependant, les modalités selon lesquelles ces administrateurs locaux se saisissent de cette possibilité constituent un moyen d’affiner la perception des élèves par l’administration.

  • 39 Ces inspections sont conservées aux Archives nationales dans le dossier F/17/8570 ainsi qu’aux Arc (...)
  • 40 Philippe Marchand, « Une nouvelle donne sous la Restauration et la monarchie de Juillet. Les cours (...)
  • 41 L’expression est employée par Jean-Michel Chapoulie dans L’École d’État conquiert la France, op. c (...)

20Dans le cas du collège communal de Saint-Étienne, deux thèmes principaux caractérisent le discours libre des administrateurs sur les élèves : les chefs d’établissements indiquent que les élèves privilégient les cours pratiques au cursus classique et qu’ils proviennent dans leur grande majorité des alentours de Saint-Étienne39. Les principaux de Saint-Étienne soulignent ici une situation fréquente pour l’ensemble des collèges communaux40, mais ils dessinent une figure d’élève différente de celle de l’administration centrale, dans la mesure où l’élève perçu n’est pas le futur bachelier s’orientant vers une profession libérale mais plutôt le garçon des classes moyennes urbaines41 privilégiant une carrière dans l’industrie ou le commerce. Au collège de Saint-Étienne, cette orientation se traduit par une réorientation des cours proposés comme le suggère la justification du programme des études par le principal en 1837 :

  • 42 Présentation du programme pour l’année 1837-1838 par le principal de Saint-Étienne. AD de la Loire (...)

« pour bien connaître cette localité, il faut distinguer parmi ceux qui donnent de l’instruction à leurs enfants, deux sortes d’individus, ceux que la vanité éloigne du collège, et semblent avoir pris à tâche de le décrier […] et ceux qui nous confient leurs enfants. Eh bien, savez-vous ce que ceux-ci nous demandent ? Du français, de l’arithmétique, du dessin, l’anglais, la tenue de livres »42.

21Cette orientation, souvent dénoncée par les inspecteurs généraux, ne va pas nécessairement à l’encontre des souhaits de certains administrateurs régionaux, comme le recteur Soulacroix qui écrit, en 1836 :

  • 43 AN, F/17/8282, inspection du collège communal de Bourg-en-Bresse.

« Il y a nécessité, dans les établissements communaux, de rendre l’enseignement scientifique aussi étendu et presque complet [à l’intérieur du] cours des études littéraires que les élèves achèvent rarement ; il faut y joindre beaucoup d’applications »43.

22La présence de l’école des mines de Saint-Étienne vient renforcer le poids de cette remarque, de la même façon qu’elle traduit l’importance prise par l’EPS, qui contribue grandement à la vitalité de l’établissement public.

23Les formulations de ces deux prises de position sont particulièrement marquées par rapport à l’ensemble des commentaires recensés mais elles restent représentatives des points sur lesquels les principaux des collèges communaux de la Loire communiquent au moment des inspections, en plus de fournir les données demandées par l’administration centrale.

24Les élèves des collèges communaux de la Loire en tant que groupe sont ainsi le plus fréquemment décrits comme se destinant à des carrières commerciales ou industrielles dans la région. Au-delà du fait de savoir si cette description correspond à la majorité ou non des élèves, ce discours renvoie à une représentation des collégiens qui apparaît peu dans les champs pré-imprimés. Le nombre d’élèves fréquentant les cours spéciaux est recensé dans les feuillets de l’inspection mais sans que ne soit établie une grille spécifique : les effectifs des différentes années d’enseignement sont la plupart du temps additionnés, sauf mention manuscrite contraire. Si ces enseignements garantissent la stabilité de nombreux établissements, les grilles produites par l’échelon central ne permettent pas de rendre compte de leur diversité. Se construisent deux figures d’élèves à l’opposé, entre collège et lycée, au sein du discours administratif, mais à deux échelles différentes.

2. L’élargissement de la grille de lecture

Ill. 1 : rapport d’inspection du collège de Saint-Étienne pour l’année 1868-1869

Ill. 1 : rapport d’inspection du collège de Saint-Étienne pour l’année 1868-1869

AN, F/17/8024.

25La différence dans la perception des figures d’élèves entre chefs d’établissements et administrateurs académiques et nationaux s’atténue cependant au fur et à mesure de la période étudiée si l’on prend pour critère les renseignements demandés sur les rapports d’inspection de collèges et lycées. Les formulaires pré-imprimés fournis aux inspecteurs – qu’il s’agisse des inspecteurs généraux ou des recteurs – évoluent à plusieurs reprises au cours du XIXe siècle : leur taille varie plusieurs fois et la place allouée aux commentaires sur chaque classe s’accroît. De façon plus significative, les informations recueillies sur les élèves se font plus précises.

  • 44 Il existe, pour l’essentiel du XIXe siècle, deux baccalauréats, un baccalauréat ès-lettres et un è (...)

26En effet, la promulgation de la loi Falloux, qui instaure la liberté de l’enseignement secondaire, rend les autorités scolaires plus vigilantes aux effets de concurrence entre établissements. Les chefs d’établissements, les recteurs, les inspecteurs et, in fine, le ministère, s’enquièrent du profil des élèves fréquentant les établissements secondaires et les choix de scolarisation des familles. L’intérêt pour l’origine géographique et le profil professionnel des parents est plus manifeste à la fin de la période étudiée, comme l’indiquent les nouvelles grilles d’inspection à partir de 1867. Ces nouveaux documents pré-imprimés fournissent des catégories d’appréhension des origines géographiques et professionnelles. Il est tout d’abord demandé combien d’élèves proviennent de la ville où est situé l’établissement, du département ou d’au-delà. Pour les professions des parents, trois à cinq catégories sont proposées : magistrats, fonctionnaires publics, professions libérales ; grands propriétaires, grands industriels (ces deux premières catégories sont parfois réunies) ; petits propriétaires, petits industriels ; artisans, employés subalternes (ces deux catégories peuvent également être fusionnées) ; militaires. La distinction est faite en fonction de l’estimation de l’assise financière des familles. Ces groupes peuvent toutefois mêler des situations hétérogènes et les seuils entre chacun sont laissés à l’appréciation des inspecteurs. D’autres éléments statistiques sont ajoutés aux inspections, mais qui se rapportent à la réussite des élèves aux baccalauréats44 et au taux d’entrée dans les écoles du gouvernement (voir l’illustration 1). Le groupe des élèves est ainsi plus abondamment décrit, à travers le prisme de la situation des parents et de l’issue de la scolarité. Si cette évolution générale des documents d’inspection atteste d’une modification dans la prise en compte des différents profils d’élèves, la mise en pratique n’entraîne toutefois pas une évolution des figures d’élèves produites par les supports administratifs. Les catégories professionnelles et géographiques établies en amont demeurent générales et réunissent des situations potentiellement très hétérogènes. Ces rubriques épousent les cadres de pensée de l’administration sans offrir la possibilité d’affiner en fonction du type d’établissements. Les éléments de profil recueillis correspondent aux attentes préalables des autorités scolaires.

III. Saisir les mobilités individuelles ?

27Les supports d’inspection évoluent cependant au cours du XIXe siècle, notamment afin de rendre possible des statistiques plus précises sur les caractéristiques des élèves. Le point d’entrée dans les données disponibles demeure toutefois l’établissement : les élèves sont appréhendés à partir de leur inscription dans un établissement précis et non en tant qu’individus dont l’administration suivrait l’ensemble du parcours. La façon dont l’information est transmise rend ainsi peu visibles les éventuelles circulations d’élèves entre établissements, ce qui crée un hiatus avec les remarques régulières des chefs d’établissements qui soulignent les mouvements d’élèves entre institutions. Il y aurait un décalage entre leur perception et l’absence de relevé sur ces dynamiques de la part de l’administration centrale, alors même que ce relevé pourrait servir la politique scolaire du ministère. En effet, les autorités scolaires insistent sur les effets de concurrence entre réseaux d’établissements et tentent de les réduire au profit des établissements publics. Dans cette perspective, cette troisième partie interroge la place faite aux trajectoires d’élèves dans les documents administratifs.

1. Une grille de lecture figeant les élèves

  • 45 Sylvain Milbach, Les Chaires ennemies. L’Église, l’État et la liberté d’enseignement secondaire da (...)
  • 46 Jean-Michel Chapoulie, L’École d’État conquiert la France, op. cit.
  • 47 AD de la Loire, T532, inspection générale du collège de Saint-Étienne pour l’année scolaire 1835-1 (...)
  • 48 AN, F/17/8122, inspections du collège de Saint-Étienne.

28Les établissements publics, et notamment les collèges communaux, doivent parvenir à accueillir un nombre suffisant d’élèves pour fonctionner normalement et pour maintenir leur position dans la hiérarchie scolaire. Or, ce public ne leur est pas acquis : certaines familles expriment une certaine défiance envers le contenu du programme des études fixé par le ministère, souvent jugé trop irréligieux ou orienté en faveur du régime en place45. D’autres peuvent mettre en regard les avantages des différentes offres d’enseignement secondaire spécial46. Les établissements publics sont ainsi particulièrement attentifs aux effets de concurrence exercés par les institutions de particuliers ou congréganistes. Des mentions apparaissent dans les inspections des collèges communaux de la Loire soulignant des démarches des établissements privés visant à attirer à eux les élèves des établissements publics. La situation de concurrence explique l’importance donnée à ces mentions par les administrateurs et il faut remarquer la force des termes employés dans les rapports des années 1830 et 1840 pour décrire ces attitudes. En 1836, le principal de Saint-Étienne juge qu’il « lutte avec persévérance contre les difficultés des préventions et de la concurrence des écoles ecclésiastiques »47 et les membres du clergé sont parfois accusés de tenir des bureaux de recrutement d’élèves48. Ces remarques fréquentes des chefs d’établissements tendraient à attester de circulations régulières des élèves entre structures publiques et privées.

29En théorie, ces mouvements sont consignés de façon administrative : les registres de chaque établissement tiennent compte des entrées et sorties des élèves, même si ces documents ont rarement été conservés par la suite. Toutefois, le peu d’éléments sur ces mobilités dans la correspondance entre chefs d’établissement et recteurs suggère que ces données ne font pas l’objet d’un relevé fréquent par l’échelon académique. Les informations figurant sur les documents d’inspection par établissements rendent également peu compte de cette volatilité et des mobilités des élèves : seules les rubriques appelant des commentaires plus libres peuvent contenir des mentions de départs ou d’arrivées. Il est alors difficile de mesurer la portée des discours des chefs d’établissement. Les rapports établis à l’échelle des académies ou du ministère de l’Instruction publique n’apportent pas davantage de précision sur les circulations d’élèves.

  • 49 Statistique de l’enseignement secondaire en 1876, Paris, Imprimerie nationale, 1878.

30Cette absence dans les documents d’inspection régulière ne signifie pas que les autorités scolaires se désintéressent de cette question. Une autre forme de rapport  peut prendre en compte cet enjeu : au cours du XIXe siècle, le ministère réalise plusieurs enquêtes sur l’état de l’enseignement secondaire à l’échelle nationale49. L’enquête publiée en 1878 présente, parmi d’autres, un tableau qui indique le nombre des élèves étant passé d’un type établissement à un autre, entre 1866 et 1876. Ce tableau se limite cependant aux mouvements des collèges vers les lycées, en comptabilisant le nombre de collégiens arrivés dans chaque lycée. Ces données offrent ainsi un moyen de mesurer ces circulations mais seulement pour un type de structure et sans qu’il soit possible d’en déduire des dynamiques générales puisque les profils des lycées réunis sont hétérogènes et qu’on ne dispose d’aucune information sur les élèves en question (comme le collège de départ, la classe de départ ou d’arrivée, entre autres). Le fait que cette information n’ait été relevée que lors d’une seule des enquêtes nationales suggère en outre qu’elle n’était pas considérée comme un indicateur nécessaire à la gestion plus quotidienne des établissements secondaires. Il faut néanmoins noter que, même sollicités plusieurs années après, les administrateurs des lycées étaient en mesure de fournir le nombre d’élèves provenant d’un collège.

31Soulignée à l’échelon local, la mobilité des élèves n’intègre que tardivement les cadres administratifs construits par les autorités scolaires et d’une façon globale uniquement. Cet écart tendrait à indiquer un intérêt moindre de l’administration centrale aux questions de circulation des élèves, ce qui peut entrer en contradiction avec l’attention portée sur les manifestations de la concurrence des établissements privés.

2. Rendre compte de ce qu’on ne perçoit pas ? Les circulations d’élèves à Saint-Étienne

32La difficulté à saisir les circulations potentielles des élèves entre établissements – qu’ils soient proches ou éloignés et/ou de statuts différents – à travers les documents transmis entre administrations incite à recourir de nouveau à une étude plus précise de la situation des établissements secondaires de Saint-Étienne. L’objectif est de tenter de mesurer dans les faits les circulations effectives des élèves, afin de comprendre la portée de l’absence de leur mention lors des inspections. Le cas de Saint-Étienne présente deux atouts dans cette perspective. La transformation du collège en lycée constitue une première occasion de mesurer les évolutions dans la fréquentation de l’établissement. Deuxièmement, un collège jésuite, le collège Saint-Charles puis Saint-Michel, est ouvert dans la ville peu après la loi Falloux de 1850 : il est ainsi possible de mesurer les effets de la création de cette nouvelle structure sur le lycée en activité.

  • 50 Solenn Huitric, De la tutelle communale à celle de l’État…, op. cit.

33La transformation du collège en lycée, en 1840, obéit notamment à un objectif d’amélioration de l’enseignement secondaire, qui doit se traduire par une augmentation du nombre d’élèves. Cet objectif est rapidement atteint et dès l’année scolaire 1842-1843, les effectifs du lycée de Saint-Étienne sont en hausse et dépassent ceux de l’ancien collège communal50 : l’ouverture du lycée attire donc des élèves qui ne fréquentaient pas le collège. Toutefois, la création de ce nouvel établissement ne s’accompagne pas d’une baisse du nombre d’élèves dans les autres collèges de la Loire ni dans les lycées alentour. La correspondance entre le proviseur du lycée de Saint-Étienne et l’administration centrale confirme cette croissance, en insistant sur la provenance locale des élèves :

  • 51 AN, F/17/8020, lettre du proviseur au ministère de l’Instruction publique, datée du 18 janvier 184 (...)

« de ces 124 [internes libres], 5 seulement ne sont point du pays. Le reste est ou de Saint-Étienne, ou des villages populeux qui nous pressent en tout sens. D’où il résulte que Saint-Étienne et son faubourg suffisent pour alimenter le collège : et qu’ainsi le Gouvernement a parfaitement compris les besoins de cette ville en la dotant d’un collège royal »51.

34Ces remarques et l’évolution comparée des effectifs des établissements de la région indiquent que la création du lycée entraîne de nouveaux flux de garçons vers l’établissement. Ces lycées ne semblent toutefois pas provenir d’établissements proches, leur arrivée ne remet pas en cause l’équilibre entre les établissements existants à l’échelle départementale.

  • 52 Pierre Réjany, L’enseignement secondaire au XIXe siècle à Saint-Étienne, s.l., 2001, p. 125-127.
  • 53 « Collège Saint-Charles à Saint-Étienne », Le Mémorial, 8 octobre 1850.
  • 54 Plusieurs types de sources sont à croiser. Le Mémorial rend compte des lauréats de la distribution (...)

35Les conséquences de l’ouverture du collège jésuite de Saint-Étienne sur le lycée confirment le faible nombre d’élèves changeant d’établissement – ou tout au moins circulant entre établissements géographiquement proches. L’établissement jésuite est ouvert en 1850 mais des démarches avaient déjà été entreprises au milieu des années 1840, même si elles avaient été interrompues52. Le projet initial ne concernait pas à proprement parler l’enseignement secondaire : un ensemble de familles qualifiées d’influentes souhaitaient avant tout la création d’une résidence jésuite pour diriger les œuvres et se charger des congrégations. Néanmoins, les démarches pour l’ouverture d’un établissement d’enseignement sont rapidement réalisées. Les documents insistent sur le fait que le projet est porté par « les familles honorables » et visent à former « de véritables chrétiens »53. Or, si l’ouverture de cet établissement la même année que la libéralisation de l’enseignement secondaire est concomitante d’une baisse du nombre d’élèves du lycée de Saint-Étienne, il est difficile de relier systématiquement les deux événements. Les sources donnant à voir les élèves du collège jésuite54 n’indiquent pas que ces collégiens viennent dans un nombre notable du lycée et le lycée voit son nombre d’élèves augmenter peu après. En outre, au début de la décennie 1860, le collège Saint-Michel éprouve quelques difficultés de recrutement d’élèves. De manière générale, les évolutions de la fréquentation des deux établissements sont concomitantes.

36Ces incursions dans deux épisodes du développement du lycée de Saint-Étienne suggèrent que la circulation des élèves entre établissements, si elle n’est pas nulle, ne se caractérise pas par des mouvements réguliers ou des flux d’une proportion telle qu’ils gêneraient l’un des deux établissements. Les circulations d’élèves soulignées par les chefs d’établissement relèvent donc vraisemblablement davantage d’un discours propre à ces acteurs. Dans un contexte où la réussite de leur action est en partie mesurée à l’aune du nombre d’élèves accueillis chaque année, les chefs d’établissements prennent soin de signaler les contraintes pesant sur leur institution et dont ils ne s’estiment pas responsables.

  • 55 Les travaux de Jean Le Bihan interrogent, entre autres, cette mobilité des boursiers. Il faut soul (...)

37L’étude des circulations à l’échelle de la Loire suggère ainsi un écart entre le discours administratif à l’échelle locale et les mouvements effectifs. Une catégorie d’élèves peut toutefois être davantage sujette aux mouvements, celle des boursiers. Ces derniers sont répartis sur l’ensemble du réseau secondaire public et peuvent être amenés à s’éloigner de leur lieu premier de résidence55. Cela ne signifie pas toutefois que ces mobilités s’effectuent entre différents établissements, un boursier peut faire l’ensemble de sa scolarité dans un seul lycée, même loin de chez lui. Les éventuels flux d’élèves ne sont, quoi qu’il en soit, que faiblement perceptibles dans les documents administratifs quotidiens concernant l’enseignement secondaire public. Les grilles de lecture que proposent les supports pré-imprimés privilégient un point d’entrée qui correspond à l’établissement. La circulation prévue a minima dans les documents se limite à une mobilité ascendante vers les lycées.

*

  • 56 Nous reprenons la formulation à Philippe Savoie qui définit le régime universitaire comme étant «  (...)

38Les documents administratifs produits dans le cadre du fonctionnement quotidien des collèges et des lycées entretiennent une représentation des élèves qui prend principalement appui sur la structuration pyramidale plus générale de l’enseignement secondaire. L’objectif principal des différents échelons administratifs – à l’exception de l’échelon local – n’est pas de rendre compte de la diversité des élèves mais plutôt de permettre le fonctionnement de l’action publique et d’éviter son enraiement. De fait, les informations recueillies de façon systématique mettent l’accent sur un élève surtout perçu comme unité comptable. Au-delà de ce constat, l’observation de la production et de la circulation de ces documents administratifs met en évidence leurs effets sur ce que signifie pour les autorités scolaires le statut de collégien ou de lycéen. Apparaissent ainsi différentes figures d’élèves, en fonction des enjeux de scolarisation jugés propres à chaque type d’établissement. Le discours général sur la politique scolaire adoptée au cours du XIXe siècle est repris dans la structuration administrative de l’Instruction publique. Toutefois, malgré l’accroissement progressif du nombre d’informations recensées sur les élèves, par le biais des documents d’inspection, l’analyse des archives administratives ne permet pas une confrontation entre les figures d’élèves créées et leurs profils effectifs : les modalités de recensement des données ne favorisent pas l’émergence d’éléments susceptibles de revenir sur les distinctions opérées à l’échelon central. Enfin, cette étude des documents administratifs souligne l’importance de l’établissement comme cadre de perception des réalités scolaires. Malgré le fait que la construction de l’Instruction publique ait avant toute chose reposé sur « les hommes »56, l’établissement devient l’unité permettant de mesurer l’efficacité de l’enseignement public et des mesures mises en œuvre. Cette grille de lecture est propice à la prise en compte des effets des contextes locaux et s’avère riche pour saisir les modalités d’évolution de la structuration de la scolarisation au cours du XIXe siècle. Elle présente néanmoins l’inconvénient, pour ce qui a trait à l’histoire des élèves, de les figer dans l’espace. Les élèves de l’enseignement secondaire public au XIXe siècle sont donc l’objet d’une attention précise de la part de l’administration, mais, pour assurer sa bonne marche, elle crée des catégories peu évolutives.

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Notes

1 Par enseignement secondaire, nous entendons ici l’ensemble des établissements dispensant un enseignement structuré autour des humanités classiques et destinant en théorie leurs élèves à la préparation du baccalauréat. Au cours du siècle, les enseignements dispensés dans cet ordre d’enseignement se diversifient pour accueillir des cours dits spéciaux, orientés vers la formation aux professions industrielles et commerciales. Le nombre et le type précis d’établissements pris en compte dans cette étude sont précisés plus bas.

2 L’ensemble des établissements secondaires accueillent un garçon sur 45 pour une même classe d’âge en 1842, 1 sur 21 en 1876, selon Antoine Prost, Histoire de l’enseignement en France, 1800-1967, Paris, Armand Colin, 1968, p. 34.

3 Philippe Savoie, La construction de l’enseignement secondaire (1802-1914). Aux origines d’un service public, Lyon, ENS Éditions, 2013.

4 Antoine Prost, op. cit., 1968.

5 Les travaux de Jean-Pierre Briand et de Jean-Michel Chapoulie sur les écoles primaires supérieures ont offert un point de départ à cette remise en cause du point de vue des choix de scolarisation (Les collèges du peuple. L’enseignement primaire supérieur et le développement de la scolarisation prolongée sous la Troisième République, Paris, INRP/CNRS Éditions, 1992).

6 Ces sources représentent néanmoins un riche matériau de recherche pour l’histoire des élèves et de la jeunesse plus généralement. Voir notamment les travaux de Pierre Caspard et de Boris Noguès.

7 Il faut exclure de ce constat les établissements dans le périmètre de l’académie de Paris, mieux renseignés. Les travaux de Pierre Porcher et d’Antoine Prost attestent de la richesse des données pour cette académie.

8 Robert Gildea, « Education and the Classes Moyennes in the Nineteenth Century », in The Making of Frenchmen: Current Directions in the History of Education in France, 1679-1979, Waterloo (Ontario), Historical Reflections Press, 1980.

9 Patrick Harrigan, Mobility, elites and education in French society of the Second Empire, Waterloo (Ontario), Wilfrid Laurier University Press, 1980 ; Patrick Harrigan, Lycéens et collégiens sous le Second Empire, Lyon/Paris, Presses universitaires de Lyon/Maison des Sciences de l’homme, 1979.

10 Philippe Savoie, La construction de l’enseignement secondaire, op. cit.; Jean-Michel Chapoulie, L’École d’État conquiert la France. Deux siècles de politique scolaire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2010.

11 Cécile Hochard, Les lycées de Paris et de la région parisienne de 1938 à 1947, thèse de doctorat, université Paris 7, 2002 ; Philippe Hugot, L’accès à l’enseignement secondaire dans l’académie de Lille, 1918-1939, thèse de doctorat, université Lille 3, 2010, entre autres.

12 Pour une étude sur la mise en place de l’administration centrale au début du XIXe siècle, voir Igor Moullier, Le ministère de l’Intérieur sous le Consulat et le Premier Empire (1799-1814) : gouverner la France après le 18 brumaire, thèse de doctorat, université de Lille, 2004.

13 François Buton, Nicolas Mariot (dir.), Pratiques et méthodes de la socio-histoire, Paris, Presses universitaires de France, 2009 ; Renaud Payre, Gilles Pollet, Socio-histoire de l’action publique, Paris, La Découverte, 2013.

14 Gérard Noiriel, Le creuset français : histoire de l’immigration, Paris, Seuil, 1988 ; Bruno Dumons, Gilles Pollet, L’État et les retraites : genèse d’une politique, Paris, Belin, 1994 ; Vincent Viet, Les voltigeurs de la République : l’Inspection du travail en France jusqu’en 1914, Paris, CNRS Éditions, 1994 ; Véronique Dimier, Le gouvernement des colonies, regards croisés franco-britanniques, Bruxelles, Éditions de l’université de Bruxelles, 2004.

15 Dans la mesure où les archives administratives rendent majoritairement compte de la situation dans les établissements publics, le propos se concentre principalement sur ce réseau d’enseignement.

16 Antoine Prost, Histoire de l’enseignement en France, 1800-1967, op. cit.

17 Sylvain Milbach, Les Chaires ennemies. L’Église, l’État et la liberté d’enseignement secondaire dans la France des notables (1830-1850), Paris, Honoré Champion, 2015.

18 Philippe Savoie, La construction de l’enseignement secondaire (1802-1914), op. cit.

19 On compte 46 lycées en 1842, on attend le nombre de 100 en 1895. Ces derniers changent par ailleurs de dénomination au cours de la période. Créés sous le nom de lycées impériaux, ils prennent le nom de collèges royaux sous la Restauration et la monarchie de Juillet, avant de redevenir lycées.

20 Solenn Huitric, Transformer les collèges communaux en lycées. La coproduction d’une action publique 1830-1880, thèse de doctorat, ENS de Lyon, 2016.

21 Instauré progressivement à partir de la création de l’Université en 1806, le monopole d’État sur l'enseignement secondaire vise à assurer aux établissements publics l'essentiel de la formation des élèves. Les établissements privés ne sont ainsi pas autorisés à préparer au baccalauréat et doivent envoyer pour cela leurs élèves dans les lycées ou collèges. À partir de 1811, le monopole est assorti d’une obligation pour les institutions et pensions d’envoyer leurs élèves dans les établissements publics à partir de l’âge de 10 ans. Les établissements autres que collèges et lycées sont en théorie limités aux fonctions de pensionnat et de répétition des leçons.

22 Les contrôles ne sont pas suffisamment réguliers et les signalements ne sont pas toujours suivis d’effet.

23 Marie-Madeleine Compère, Philippe Savoie, « L’établissement secondaire et l’histoire de l’éducation », Histoire de l’éducation, n90, 2001, p. 5‑20.

24 Philippe Savoie, « Financement et modèle économique. Les lycées et collèges en France au xixe siècle », in Jean-François Condette (dir.), Le coût des études. Modalités, acteurs et implications sociales (XVIe-XXe siècle), Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2012, p. 115‑125.

25 Afin d’évaluer cette fréquence, l’étude prend appui sur le dépouillement des archives administratives conservées à l’échelon central sur une cinquantaine d’établissements secondaires publics, répartis sur l’ensemble de la France.

26 Les établissements situés dans la grande académie de Paris telle qu’elle était définie entre 1854 et 1961 font exception à ce constat. Voir Jean-François Condette, Les recteurs d’académie en France. T. 1 : La formation d’une élite administrative au service de l’Instruction publique, Lyon, INRP, 2006, p. 137.

27 Nous empruntons l’expression à Pierre Porcher.

28 Philippe Savoie, La construction de l’enseignement secondaire, op. cit, p. 418 et sq.

29 Ces données permettent ainsi une appréhension globale de l’évolution de la scolarisation comme le montrent les travaux de Philippe Savoie (La construction de l’enseignement secondaire, op. cit.), mais également une comparaison entre établissements, notamment pour tenter d’évaluer leur succès respectif (Solenn Huitric, Transformer les collèges communaux en lycées, op. cit., troisième partie).

30 Ainsi, les travaux en cours de Jean Le Bihan sur les boursiers nationaux offrent des éléments de contextualisation plus fine de cette comptabilité. On se reportera également à sa contribution sur les boursiers communaux dans le présent numéro.

31 Le détail des maladies ou la justification des punitions n'apparaissent que très rarement.

32 Le terme d’établissements particuliers renvoie aux structures, ni collège ni lycée, proposant un enseignement de niveau secondaire mais tenus par des particuliers. Les enseignants n’y sont pas nommés par le ministère de l’Instruction publique.

33 Archives nationales (AN), F/17/8570, inspection du collège communal de Saint-Étienne pour l’année scolaire 1839-1840, datée du 25 juillet 1839.

34 AN, F/17/8020, inspection du collège royal de Saint-Étienne pour l’année scolaire 1840-1841, datée du 26 juillet 1841.

35 « Disposant de peu de moyens financiers et humains, le législateur de 1802 cherche en effet à organiser l’ensemble des établissements concourant à la formation des élites en un système pyramidal dont l’État contrôlerait le sommet et les points névralgiques », Philippe Savoie, La construction de l’enseignement secondaire, op. cit., p. 34-35.

36 Solenn Huitric, De la tutelle communale à celle de l’État. La transformation en lycées des collèges de l’académie de Lyon, Mémoire de master sous la direction de Philippe Savoie, ENS de Lyon, 2012.

37 Mises en place par la loi Guizot, les EPS devaient répondre à une demande d’instruction intermédiaire – entre l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire. Elles offrent un des cadres progressivement mis en place pour régulariser l’offre de cours spéciaux. Voir Jean-Pierre Briand, Jean-Michel Chapoulie, Les collèges du peuple. L’enseignement primaire supérieur et le développement de la scolarisation prolongée sous la Troisième République, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011.

38 Renaud d’Enfert, « L’École des mineurs et l’offre stéphanoise d’enseignement scientifique, de la Restauration au Second Empire » in Marco Bertilorenzi, Jean-Philippe Passaqui, Anne Françoise Garçon (dir.), Entre technique et gestion. Une histoire des ingénieurs civils des mines, XIXe-XXe siècles, Paris, Presses des Mines, 2016, p. 233-243.

39 Ces inspections sont conservées aux Archives nationales dans le dossier F/17/8570 ainsi qu’aux Archives départementales de la Loire, dans le dossier T532.

40 Philippe Marchand, « Une nouvelle donne sous la Restauration et la monarchie de Juillet. Les cours spéciaux des collèges dans l’académie de Douai », Histoire de l’éducation, no 131, 2011, p. 5-26.

41 L’expression est employée par Jean-Michel Chapoulie dans L’École d’État conquiert la France, op. cit.

42 Présentation du programme pour l’année 1837-1838 par le principal de Saint-Étienne. AD de la Loire, T532.

43 AN, F/17/8282, inspection du collège communal de Bourg-en-Bresse.

44 Il existe, pour l’essentiel du XIXe siècle, deux baccalauréats, un baccalauréat ès-lettres et un ès sciences. Le premier demeure le baccalauréat le plus prestigieux. Voir Bruno Belhoste, « Les caractères généraux de l’enseignement secondaire scientifique : de la fin de l’Ancien Régime à la Première Guerre mondiale », Histoire de l’éducation, no 41, 1989, p. 3-45.

45 Sylvain Milbach, Les Chaires ennemies. L’Église, l’État et la liberté d’enseignement secondaire dans la France des notables (1830-1850), Paris, Honoré Champion, 2015.

46 Jean-Michel Chapoulie, L’École d’État conquiert la France, op. cit.

47 AD de la Loire, T532, inspection générale du collège de Saint-Étienne pour l’année scolaire 1835-1836, sans date.

48 AN, F/17/8122, inspections du collège de Saint-Étienne.

49 Statistique de l’enseignement secondaire en 1876, Paris, Imprimerie nationale, 1878.

50 Solenn Huitric, De la tutelle communale à celle de l’État…, op. cit.

51 AN, F/17/8020, lettre du proviseur au ministère de l’Instruction publique, datée du 18 janvier 1841.

52 Pierre Réjany, L’enseignement secondaire au XIXe siècle à Saint-Étienne, s.l., 2001, p. 125-127.

53 « Collège Saint-Charles à Saint-Étienne », Le Mémorial, 8 octobre 1850.

54 Plusieurs types de sources sont à croiser. Le Mémorial rend compte des lauréats de la distribution des prix chaque année. La bibliothèque municipale de Saint-Étienne conserve également un Catalogue des anciens élèves de l’École libre Saint-Michel pour la période 1850-1905 (cote F4777). Les rapports trimestriels du préfet au ministère de l’Instruction publique pour les premières années du collège indiquent l’évolution générale de la fréquentation (AD de la Loire, T195). On peut enfin renvoyer à Pierre Réjany, L’enseignement secondaire au XIXe siècle à Saint-Étienne, op. cit. et à Paul Sordet, Histoire du collège de Saint-Michel, Saint-Étienne, Action graphique, 1991.

55 Les travaux de Jean Le Bihan interrogent, entre autres, cette mobilité des boursiers. Il faut souligner que pour la mesurer, il est nécessaire de dépouiller les dossiers propres à chaque boursier et que l’administration ne semble pas avoir produit de documents de synthèse sur ces aspects.

56 Nous reprenons la formulation à Philippe Savoie qui définit le régime universitaire comme étant « un système fondé sur les hommes » dans La construction de l’enseignement secondaire, op. cit., p. 40. Cette formulation permet de mettre en avant le fait que ce sont les enseignants qui garantissent le bon fonctionnement de l’enseignement et que ces derniers appartiennent à un corps constitué à l’échelle nationale.

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Table des illustrations

Titre Ill. 1 : rapport d’inspection du collège de Saint-Étienne pour l’année 1868-1869
Crédits AN, F/17/8024.
URL http://journals.openedition.org/histoire-education/docannexe/image/4514/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 674k
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Pour citer cet article

Référence papier

Solenn Huitric, « L’élève au prisme de l’administration : les collégiens et lycéens français entre 1830 et 1880 »Histoire de l’éducation, 151 | 2019, 123-146.

Référence électronique

Solenn Huitric, « L’élève au prisme de l’administration : les collégiens et lycéens français entre 1830 et 1880 »Histoire de l’éducation [En ligne], 151 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2022, consulté le 19 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/histoire-education/4514 ; DOI : https://doi.org/10.4000/histoire-education.4514

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Auteur

Solenn Huitric

École normale supérieure de Lyon

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