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1997

WEIDISCH, Peter, Otto von Botenlauben, Minnesänger, Kreuzfahrer, Klostergründer

Michel Parisse
Egon BOSHOF, Fritz Peter KNAPP (dir.), Wolfger von Erla, Bischof von Passau (1191-1204) und Patriarch von Aquileja (1204-1218) als Kirchenfürst und Literaturmäzen, Heidelberg: Winter, 1994, 364 p., 128 DM.
Peter WEIDISCH (dir.), Otto von Botenlauben, Minnesänger, Kreuzfahrer, Klostergründer, Würzburg: Schöningh (Bad Kissinger Archiv-Schriften, 1), 1994, 506 p., 48 DM.
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Texte intégral

1Ce sont deux personnages hors du commun qui ont été honorés dans leur patrie et qui contribuent à nous faire mieux connaître l’histoire de l’Empire autour de 1200 et au début du XIIIe s. Wolfger fut évêque de Passau de 1191 à 1204 et c’est sur cette période de sa vie que se sont penchés les participants d’un colloque réuni du 9 au 12 octobre 1991 à l’université de Passau; la seconde période de sa vie, qui l’a conduit à Aquilée, a donc été laissée de côté. La publication se partage en deux sections, une historique et une philologique. Dans la première est abordée l’histoire générale de cette région de Bavière médiévale avec ses aspects diplomatiques. Les deux médiévistes de la maison, E.B. et Fr. R. ERKENS, ont brossé le tableau politique: la succession des évêques de Passau, des archevêques de Salzbourg, l’exercice de l’avouerie, les difficultés suscitées par la double élection de 1198 jusqu’à l’assassinat de Philippe de Souabe en 1208; on dépasse donc l’épiscopat de Wolfger pour survoler ceux de ses successeurs Poppon (1204-1206), Manegold (1206-1215), Ulrich (1215-1221). Dans son diocèse et son évêché, Wolfger a assuré la tradition, n’a rien changé, mais suivi la voie de ses prédécesseurs en arrondissant le patrimoine épiscopal et en confrontant la politique de l’évêché. On retiendra qu’un évêque d’Empire, comme celui de Passau, ne perd pas de son pouvoir et de son importance, loin de là, à cette époque. Cependant il faut admettre que c’est tout de même la fin d’une époque et que l’élection de Manegold amorce une nouvelle politique; cela est confirmé largement par l’analyse de sa diplomatique épiscopale, des actes de la chancellerie, faite par Th. FRENZ. On sort quelque peu de ce sujet avec Reinhard HÄRTEL, le grand spécialiste de l’histoire du patriarcat d’Aquilée, qui livre une liste de 50 actes mettant en cause Wolfger. On y revient avec la longue et précise étude du fin connaisseur de la noblesse bavaroise qu’est W. STÖRMER: de très utile manière, il explique avec beaucoup de précision et de simplicité les bouleversements fondamentaux connus par la noblesse de ce pays durant la première moitié du XIIIe s., soit la disparition de la grande noblesse aux racines anciennes et l’arrivé au premier plan de la noblesse ministériale, docile au service du prince. C’est là un phénomène dont les aspects sont propres à cette région, plus fortement que dans les autres régions de l’Empire. W. STELZER se penche sur l’usage du droit savant dans le diocèse de Wolfger; avec ses prudentes conclusions et la conscience des incertitudes, il fait bien la transition avec la section philologique. Avançons-nous jusqu’à la dernière page de l’article d’U. MEWES; on y apprend qu’il y eut un maître de la cuisine (magister coquinae) à la cour de Wolfger entre 1200 et 1203, ce qui fournit un argument permettant de consolider l’attribution à la cour de Passau du milieu dans lequel le chant des Nibelungen a vu le jour (parce que là aussi apparaît un Kuchenmeister); c’est ainsi que Wolfger est considéré comme l’inspirateur ou le mécène de cette oeuvre littéraire, à première vue sans origine attestée. Mais on ne doute pas que cela colle avec d’autres qualités de l’évêque de Passau. Ainsi Wolfger devient-il un mécène du Minnesang, de l’amour courtois. Cette opinion est confortée par l’assimilation d’un témoin des actes de Wolfger avec Albrecht de Johannsdorf, »compagnon de route« de Walther von der Vogelweide et auteur de chansons, auquel S. RANAWAKE consacre sa contribution. La contribution française (mais écrite en allemand) est celle de D. ROCHER qui se penche sur un auteur qu’il connaît particulièrement bien, Thomas de Zerclaere, auteur du »Wälsche Gast« et ancien chanoine d’Aquilée, ce qui explique sa place dans ce livre autour de Wolfger. Toutes ces démarches convergent pour donner à Wolfger et à son milieu une importance plus grande pour le rassemblement des études qui le concernent. »La personnalité de Wolfger n’est pas discutée, on a reconnu ses capacités, ses succès, ses services; son action en faveur du roi et de l’Empire, du pape et de l’Église, de l’art et du pouvoir patriarcal force le respect« (p.44): voilà ce qui justifiait le colloque et le livre. Le ferme-t-on avec une entière satisfaction? On regrette un peu le manque de données matérielles complémentaires: une carte du diocèse et de l’évêché, une récapitulation plus précise (sous forme de tableau in fine) de la vie et des oeuvres de Wolfger. On a d’abord l’impression d’être fixé sur Passau, mais on passe aussi à la Bavière noble et accessoirement à Aquilée sans avoir sur l’un et l’autre plan tout ce qu’il faudrait par ailleurs.

2Otto von Botenlauben, chanteur courtois (piètre traduction pour ce beau mot de Minnesänger), croisé, fondateur de monastère, fait l’objet d’une grosse publication de 500 pages et 17 communications pour fêter le 750e anniversaire de sa mort, et ce à l’instigation et sans nul doute avec l’appui financier de Bad Kissingen: »quel citoyen, quel curiste ne connaît pas ce comte de Henneberg, alors même que le château de Botenlaube se trouve toujours sous notre regard au-dessus de la ville de Bad Kissingen«. C’est par ces mots assez peu clairs que le maire de la ville introduit le livre-souvenir. Si vous ne savez pas où se localisent ces trois noms, reportez-vous à la page 367, où se trouve une carte des possessions de notre héros; vous retrouverez le Main, que l’on connaît déjà mieux, Schweinfurt, qui aide au repérage le long de ce beau fleuve, et au nord-nord-ouest de cette ville, côte à côte Botenlaube et Kissingen, et beaucoup plus loin, toujours au nord, Henneberg, à peu de distance de Meiningen. Ce livre est-il à ce point destiné aux fins connaisseurs de cette région, que l’on ne prend pas la peine d’aider le lecteur peu familier de la géographie complexe de l’Empire? Qu’on sache donc: le comté de Henneberg s’étire entre un morceau de l’évêché de Wurtzbourg et le landgraviat de Thuringe, au nord du Main par conséquent, à une cinquantaine de kilomètres de Fulda. Pourquoi ne prend-on pas soin de nous introduire dans ce pays? Cela ne permettrait-il pas de mieux suivre notre chanteur, croisé et fondateur de Frauenroth? E. BÜNZ, qui campe si bien le contexte familial et religieux dans lequel eut lieu l’établissement de cisterciennes à l’instigation d’Otton et de Béatrice de Botenlaube, offre heureusement une carte sommaire, mais précise et donc précieuse, qui situe bien Frauenroth au pied du château de Burkardroth, sur la rive droite de la Saale. C’est vrai qu’il s’agit d’une publication à usage régional, mais pourquoi faut-il que nous ayons à jouer aux devinettes géographiques? C’est un jeu qu’il vaut mieux éviter. Parce que le personnage d’Otton de Botenlaube est intéressant, ce jeune noble, né vers 1175, est parti en croisade en 1197 quand Henri VI envisageait de se rendre en Orient (ce qu’il ne put faire), demeura en Terre Sainte jusqu’au moins en 1120, puis revint dans son pays natal pour une troisième partie de sa vie. Cet homme nous intéresse en outre parce qu’il unit son destin à une demoiselle de Courtenay, Béatrice, fille de Jocelin III, comte d’Edesse. Ce qui mit ce noble thuringien en contact avec la culture française et peut expliquer (au moins en partie) son attirance pour la courtoisie. Revenu sur ses terres, il fit élever le château dont le nom sera attaché au sien et édifier une abbaye de cisterciennes. P. W. campe le personnage dans la première contribution, ce qui est bien vu et fort intéressant, car on peut plus facilement ensuite comprendre les autres contributions qui sont autant de précisions complémentaires: le nom du château, les possessions d’Otton en Terre Sainte, la politique impériale outre mer, la fondation de Frauenroth, la tombe d’Otton et de Béatrice dans leur fondation cistercienne, la poésie d’Otton, et puis à partir de là diverses contributions pour éclairer le temps et les lieux, présenter cette région, sa culture, sa société au début du XIIIe s. Il ne faut pas bouder son plaisir. Cette publication est bien faite, les illustrations sont de remarquable qualité (même très réduits les originaux sur parchemin, en couleur, sont très lisibles; confer la beauté plastique et la calligraphie de l’acte de 1228, page 484), la matière est abondante. Si l’on devait aller au plus court, je demanderais qu’on retienne la présentation initiale, celle du contexte religieux de la fondation de Frauenroth, et le tableau que dresse W. STÖRMER de la noblesse de cette région, avec autant de finesse qu’il a eu à le faire pour le livre consacré à Wolfger de Passau; c’est dans cette direction que je guiderais volontiers l’amateur d’histoire d’Empire désireux d’avoir sous les yeux un bel exemple de noble seigneur du XIIIe s. Il conviendrait ensuite de laisser la riche matière du livre à l’historien de cette région. La publication devient dès lors une heureuse contribution à l’histoire de l’Empire au XIIIe s.

3Michel PARISSE

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Pour citer cet article

Référence électronique

Michel Parisse, « WEIDISCH, Peter, Otto von Botenlauben, Minnesänger, Kreuzfahrer, Klostergründer », Revue de l'IFHA [En ligne], Date de recension, mis en ligne le 01 janvier 1997, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/ifha/1506 ; DOI : https://doi.org/10.4000/ifha.1506

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