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Dossier

Une méthode visuelle sur-mesure pour envisager le vêtement au travail sous toutes ses coutures

A tailor-made visual method to consider clothing at work from all angles
Estelle Bonnet, David Desaleux et Jeanne Drouet

Résumés

L’article rend compte des coulisses méthodologiques d’une recherche née de la rencontre entre un photographe, une ingénieure en sociologie visuelle, des sociologues et des juristes, autour d’un même objet d’étude, le vêtement au travail. À partir de terrains d’enquêtes variés, il propose une plongée dans les différents lieux d’étude en dévoilant la manière dont les disciplines sont mises en dialogue, tout en préservant la singularité de leur approche. Le vêtement au travail, révélateur de règles et de normes, objet de possibles transgressions ou appui à d’éventuels rappels à l’ordre, est ainsi interrogé au gré des terrains visités. Le photographe et les clichés produits dévoilent différentes facettes du travail et deviennent support d’échanges entre chercheur.es.

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Texte intégral

« - Les photographies prises pendant le concours des Meilleurs Apprentis de France viennent capter les règles et les attendus du métier de façon explicite. […] C’est prendre des photographies dans la situation de travail qui est intéressant ici.

[…]

- Moi aussi j’ai une préférence pour voir un individu en situation de travail plutôt qu’un portrait d’une personne derrière un fond par exemple. […]

- Oui, parce que si on voit un individu en tenue de travail mais hors de la situation, qu’est-ce qu’on va raconter ? […] Mais on a aussi cette photographie, où le cuisinier est sorti du concours, il est dans la rue, c’est incongru ! Dans sa tête, il est encore complètement dans son travail.

- […] Je repense aussi à une idée que j’ai trouvé séduisante, on s’est dit avec David qu’on prendrait des photographies en dehors du temps de travail, en tenue de ville, ou encore dans des moments de pauses […] pour montrer justement les contrastes.

- Moi ce sont ces frontières qui m’intéressent, le vêtement comme un indicateur des frontières du travail. […] Avec le travail chez soi, progressivement il n’y a plus de frontière, plus de distinction entre sphère professionnelle et sphère intime. »

Verbatim d’une réunion du collectif Cravat, 29 mars 2019, digressions de membres de l’équipe à partir de photographies prises sur l’un des terrains de recherche.

  • 1 Le collectif Cravat associent un photographe (David Desaleux), une ingénieure et anthropologue (Jea (...)

1Cet échange entre membres du collectif Cravat1, dès le démarrage de la recherche, donne une petite idée des différents questionnements qui ont pu avoir lieu autour du vêtement au travail et des photographies produites. Nous proposons ici de rendre compte des coulisses de cette recherche, née de la rencontre entre un photographe, une ingénieure en méthodes visuelles, des sociologues et des juristes.

2À partir de terrains d’enquêtes variés (bouchers au Maroc, éducateurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse, Meilleurs Apprentis de France en cuisine, musicien d’orchestre, sages-femmes, travailleurs de l’industrie chimique, travailleurs multi-situés), le vêtement au travail se constitue en objet d’étude fédérateur invitant chaque discipline (photographie, droit et sociologie) à établir sa spécificité tout en entrant en résonance avec les autres. Cet objet comporte plusieurs atouts : il est a priori facilement photographiable, quel que soit le terrain couvert, et permet une pluralité de regards disciplinaires. Pour autant, si la plus-value de chaque approche semblait intuitivement acquise pour chacun.e des chercheur.es présent.es, comment la traduire ? Quelle lecture spécifique du vêtement au travail chaque discipline apporte-t-elle et quel est l’apport plus particulier de la photographie que nous avons choisi de placer au cœur de notre collaboration ?

3Nous souhaitons montrer dans cet article comment ces disciplines entrent en interaction tout en interrogeant la place particulière de la photographie et des clichés produits comme objets pivots contribuant au croisement des regards. Ici, les images permettent l’expression de nos plus-values disciplinaires tout en favorisant une mise en synergie interdisciplinaire. Elles se font tour à tour moyen d’exploration des différents terrains d’étude ; support de dialogue et de partage entre photographe, sociologues et juristes autour de chacun d’eux ; outil pour interroger les règles et les normes que le vêtement au travail dévoile ; moyen d’échange et d’expression pour l’équipe de recherche lorsqu’il s’agit de préparer une exposition photographique et textuelle de l’étude en invitant des publics à « entrer » dans la recherche. Mais elles sont aussi et même d’abord le fruit d’une démarche disciplinaire à part entière à laquelle il convient de laisser toute sa place : la photographie.

4Afin de rendre compte de la manière dont notre collaboration s’est construite et du rôle central exercé par l’approche photographique au sein du collectif de recherche, nous exposerons, dans une première partie, la façon dont la démarche méthodologique s’est établie chemin faisant, avec la définition d’un protocole de recherche visant à favoriser une forme d’harmonisation des approches des différents terrains d’enquête.

5Nous proposons, dans une seconde partie, une plongée dans les différents lieux d’étude en dévoilant, étape après étape, les coulisses de ce processus singulier de recherche collective. De façon réflexive, il s’agit de montrer comment les disciplines s’emparent du vêtement au travail et se mettent en dialogue : le vêtement au travail, révélateur de règles et de normes, objet de possibles transgressions ou appui à d’éventuels rappels à l’ordre, est ainsi interrogé au gré des différents terrains tout en devenant objet de comparaisons. Le photographe et les clichés produits dévoilent différentes facettes du travail et deviennent support d’échanges entre chercheur.es.

1. Cadrages méthodologiques et balisages des terrains de recherche

  • 2 Celles-ci ont fait l’objet d’installation ou d’exposition, ont été rapportées dans des publications (...)
  • 3 Plus précisément l’équipe Travail, Institution, Professions, organisations (TIPO) de ce laboratoire (...)

6Le photographe professionnel David Desaleux a cumulé plusieurs expériences de collaborations avec des chercheurs en Sciences Humaines et Sociales2. Au fil du temps et d’un projet à l’autre, son intérêt pour la question du travail est allé grandissant, interrogeant la façon de le représenter aujourd’hui, à la fois dans le sillage de l’iconographie dédiée (August Sander et ses fameux portraits, Charlie Chaplin avec Les Temps Modernes…) et en contraste avec celle-ci, puisque les réalités de travail ont changé. En 2018, il souhaite poursuivre et approfondir ces questionnements auprès de sociologues spécialisés. Le Centre Max Weber3 réunit justement des chercheurs du domaine. Plusieurs de ses membres sont déjà sensibilisés et/ou praticiens des méthodes visuelles ou montrent une grande appétence pour ces approches. Un objet d’étude commun est défini autour du vêtement au travail, associant des sociologues du Centre Max Weber et des juristes du CEntre de Recherches CRItiques sur le Droit.

1.1 Une méthode sur-mesure, pensée en amont

7Pour les sociologues, ce projet permet de revisiter des terrains qu’ils connaissent déjà pour y avoir mené de précédentes recherches. Cette investigation préalable comporte certains avantages : accès favorisé au lieu d’enquête au regard de la confiance déjà accordée aux chercheur.es, négociation facilitée de la présence photographique, acceptation et intérêt attribués aisément à cette nouvelle interrogation de recherche autour du vêtement au travail. La connaissance des mondes professionnels visités et de leurs conditions d’exercices a, par ailleurs, permis de cibler plus facilement certains axes d’études autour du vêtement au travail et en favoriser la lecture : normes professionnelles se donnant notamment à lire par le vêtement, division du travail, appartenance à un corps professionnel, contenus des tâches et compétences associées, normes de genre…

8Il s’agit donc de retourner sur un terrain connu avec ce nouvel objet et ce nouvel accompagnateur, le photographe. Une orientation ayant trait au mode de collaboration photographe/chercheur.e.s est établie comme « intention préalable ». Il est souhaité que le partenariat ne se traduise pas par des rapports hiérarchiques : le photographe n’est pas commandité par les chercheur.es et les images ne doivent ni être réduites à une fonction de preuve, ni à une fonction illustrative. D’autant que cette tendance à considérer les photographies comme instrument au service de la recherche pourrait être favorisée par la connaissance préalable des terrains par les sociologues. Réciproquement, le photographe ne cherchera pas à instrumentaliser le discours scientifique pour « cautionner » son propos artistique. Cet accord préalable, qui n’est pas si évident à tenir une fois la recherche engagée, est posé comme garant de la collaboration entre disciplines et de la pleine expression des apports de chacune d’elle.

9Afin de parvenir à établir un dialogue interdisciplinaire (soucieux de penser les interactions entre disciplines) ou plus modestement de produire quelque chose en commun, la nécessité de trouver une méthode sur-mesure se fait vite sentir, avant même de s’engager dans les différentes enquêtes.

10Cela nous amène à envisager un « scénario méthodologique », réplicable pour chacun des sept terrains d’étude, tout en laissant place à leur singularité et à la variété des formes d’expression propres à chacun d’eux. Il ne s’agit pas de parler à l’unisson du vêtement au travail mais d’en donner à voir ses différents aspects. Il convient ainsi de trouver une façon de faire œuvre commune. Ce scénario propose alors aux chercheur.es et au photographe un guide pour envisager leur collaboration.

Figure 1 – Scénario méthodologique

Figure 1 – Scénario méthodologique

Source : Recherche collective

11Ce guide est théorique et forcément lacunaire puisqu’il est établi en amont (tout ne pouvant être prévu à l’avance). Plusieurs échanges jalonnent ce scénario encore fictif, résumées dans la figure 1. Le premier échange s’établit avant le départ sur le lieu d’enquête. La/le sociologue rencontre au préalable le photographe afin de l’introduire aux spécificités de son terrain. Pour ce dialogue initial, il ne s’agit pas de définir précisément des formats photographiques mais de commencer à envisager les contours et potentialités du futur domaine exploré. Afin de préserver une indépendance dans les « lectures » ou regards sur les situations observées, il est prévu que chacun.e conserve une autonomie lors de l’arpentage du terrain. Plus concrètement, si la visite du terrain s’effectue en duo (sociologue et photographe) la manière d’aborder le vêtement au travail est laissée à la lecture de chacun.e. La réalisation des clichés photographiques par le photographe se doit d’être effectuée en toute indépendance, même si des échanges sur le terrain et sur ses éventuelles particularités – nous y reviendrons - ont pu parfois avoir lieu. Le photographe choisit ainsi en toute liberté ce qu’il souhaite rendre en images.

12Une seconde étape-clé ou échange 2 intervient suite à cette expérience de terrain. Sociologue et photographe se réunissent autour des images produites, qui leur servent à la fois de traces de l’expérience et de support pour ce nouveau dialogue. Ici, il devient théoriquement possible de préciser des parti pris ou angles photographiques et sociologiques pour étudier et envisager en images ce terrain spécifique. Suite à cet échange, un retour sur le terrain peut potentiellement être organisé.

13Un troisième échange est entrevu afin que photographe et sociologue présentent leurs travaux communs et les réflexions qui leur sont propres au collectif dans son ensemble. L’un des enjeux tiendra à la sélection des images pour cette restitution : photographe et sociologue.s produiront-ils deux sélections différentes ou chercheront-ils à s’accorder ?

14C’est également lors de cette étape que les juristes, ayant mené de leur côté des recherches sur les législations et règlements en cours dans les divers secteurs d’activités concernés, entrent dans le dialogue interdisciplinaire. Afin d’amorcer les échanges avec le « grand groupe », des temps de parole seront laissés au binôme photographe - sociologue, puis à la juriste s’étant penchée sur le domaine.

15Dans le souci de préserver la diversité des approches, ce « scénario méthodologique » n’encadre pas la façon d’aborder le terrain de recherche ou la question du vêtement au travail, ni n’impose de parti pris visuel ou d’axe d’analyse. Avant d’entrer dans le vif du sujet et d’ouvrir l’éventail des entrées sur le vêtement au travail, le collectif est donc d’abord soucieux de soigner et fertiliser les échanges en son sein.

16Précisons que dès le départ, il est convenu d’aboutir à la réalisation d’une exposition photographique, à la production de divers écrits scientifiques, voire à une publication hybride. Ces objectifs orientent la façon de se mettre au travail : d’emblée, il semble crucial de laisser une vraie place à la photographie, en tant que discipline à part entière. La collaboration doit à la fois permettre au photographe d’exprimer son art et sa lecture singulière de l’objet étudié, et aux chercheurs de livrer leurs analyses : deux objectifs qu’il convient de faire converger (Maresca, 2007). Comme nous le détaillerons plus longuement par la suite, cette double visée n’aura rien d’évident à tenir lors de la mise en œuvre du projet, d’autant plus quand les images peuvent aussi intervenir comme des instruments pour bâtir la recherche (indices pour la quête sociologique, outil de mise en dialogue pour le collectif...).

17Diverses actions menées en amont rappellent que la photographie est une discipline. Cela passe notamment par l’attention accordée à la littérature photographique, comme l’avait déjà préconisé, en pionnier de la question, Howard S. Becker (1974). Lors des premières réunions du collectif, divers ouvrages ou travaux photographiques seront réunis et commentés, comme ceux de Atget, Kollar, Sander, Salgado, Despatin et Gobeli, Hersant ou encore plus récemment ceux de Delpoux et Couteront. En marge du projet, des séminaires et ateliers du Centre Max Weber permettront au photographe de parler de son approche et de sa discipline4. En outre, et en lien avec le « scénario méthodologique » défini en amont, l’ingénieure en méthodes visuelles, chargée dans le laboratoire d’imaginer de tels dispositifs, propose de documenter les coulisses de la recherche et de consigner les différentes réflexions qui jalonnent les étapes du scénario. Il s’agit à la fois de mettre en évidence la façon dont s’établissent les dialogues interdisciplinaires et la spécificité de chaque type de lectures de l’objet d’étude : celle de la sociologie, du droit, et de la photographie. Les membres du collectif sont ainsi invités à établir des « petits carnets de terrain » méthodologiques dans lesquels il sera à la fois possible de retracer leurs chemins de pensée et d’action autour du vêtement au travail et la façon dont leurs différentes interactions nourrissent ces cheminements.

1.2. Négociations des rôles lors de l’entrée sur le terrain de recherche

18Observons à présent les coulisses de cette recherche collective et la manière dont les premières étapes du « scénario méthodologique » se sont traduites sur les terrains entre sociologues et photographe.

19Avant de partir sur le lieu d’enquête, des premiers dialogues s’amorcent : c’est le moment ou le/la sociologue fait état de son objet d’étude, en restitue le contexte, sensibilise le photographe à ses interrogations de recherche. Comment apprivoiser la discipline de l’autre et quelles sont les projections et les attendus sur les rôles de chacun sur le terrain ? Cette question a sans doute été plus particulière pour les sociologues vis-à-vis de la photographie, le photographe étant de son côté plus habitué par ses expériences antérieures à cette collaboration disciplinaire et les juristes n’employant pas du tout le médium. En dehors de ce projet, les usages de la photographie par les sociologues du collectif sont plutôt disparates. Néanmoins, pour celles et ceux qui s’y essaient, on retrouve majoritairement des pratiques proches de ce que Flora Bajard (2017) nomme les usages « sauvages » de l’image, à savoir un recours à la photographie comme extension du carnet de note et aide à l’entreprise ethnographique.

20Accompagnés par un professionnel en la matière, comment, ont-ils, résisté ici à l’envie, de se saisir des images produites comme d’un nouveau matériau pour alimenter sa recherche plutôt que d’accueillir la photographie comme une démarche à part entière avec laquelle il convient de se mettre en dialogue ? Enfin, comment choisir ensemble, avec le photographe, les images relatant le terrain parmi l’ensemble de celles qui ont été réalisées par ce dernier ?

21Parfois, certain.es sociologues ont pu souhaiter souffler au photographe les clichés qu’il serait opportun de prendre comme nous pourrions le faire lors de la réalisation de photographies sur son propre terrain. D’autres ont pu envisager les photographies comme compléments aux matériaux sociologiques et parmi lesquelles il serait possible de prélever celles qui paraissent les plus probantes pour illustrer son terrain. Ces attitudes interrogent quant au statut qui a pu être accordé au photographe et à son travail : le/la cheurcheur.e, emporté.e par sa propre lecture de la situation ou de la scène à laquelle il ou elle assiste, oublie que le photographe en fournit également une lecture, qui lui est propre et dans laquelle se déploie sa propre expertise et l’exercice de son art. Ainsi, que dirait un.e sociologue si quelqu’un lui demandait de lui fournir ses entretiens de recherche afin d’en prélever des extraits ? Le photographe a alors pu rappeler que les clichés ne sont pas des documents « à plat », mais sont emprunts de contextes, d’intentions, de formes et de lectures d’une situation.

22D’autres échanges et ajustements se sont déroulés quant au rôle de chacun lors des entrées sur les terrains.

  • 5 Nous reprenons ici les échanges et productions écrites par les sociologues et photographe au cours (...)

23Chez les bouchers, le lieu présente quelques spécificités : la langue des échanges est celle de l’arabe dialectal et la présence de la sociologue maîtrisant la langue, s’avère dans un premier temps indispensable5. Suivant le principe d’autonomie prévu dans le scénario méthodologique pour cette étape du processus de recherche, cette dernière sera ensuite en retrait laissant le photographe seul avec le terrain, mettant en images plusieurs professionnels au sein de leurs boutiques, sous la forme d’un reportage, avec des images des bouchers en activité et d’autres, plus posées.

Figure 2 – Terrain bouchers au Maroc

Figure 2 – Terrain bouchers au Maroc

©DavidDesaleux

  • 6 Comme le souligne J.Y. Trepos (2015), cette distinction entre fonction informative et expressive de (...)

24A partir de différents éléments de descriptions, la prise de vue, par ses fonctions informative (indicielle) et expressive (iconique)6, donne accès à une réalité déduite par le spectateur et interprétée. Associée à une situation de travail, l’image fait « tenir » cette situation, « à savoir un état des rapports entre des personnes et des objets » (Trépos, 2015).

25Chez les musiciens, les premiers échanges s’accordent autour de l’idée centrale selon laquelle le travail artistique ne se limite pas aux œuvres résultant du seul travail de création. Après quelques déconvenues relatives à la possibilité de suivre un musicien et un orchestre en concert, le binôme s’oriente vers un dispositif qui consiste à suivre un même artiste au fil de ses activités. Une série d’images est alors produite d’un hautboïste revêtant différentes tenues au gré des moments constituant le cœur de son métier.

Figure 3 – Terrain Musicien d’orchestre

Figure 3 – Terrain Musicien d’orchestre

©DavidDesaleux

26Le dialogue interdisciplinaire se traduit en image. La photographie n’est pas illustrative, indice ou preuve venant à l’appui du discours sociologique, mais discours sur un terrain de recherche partagé.

27D’une façon assez comparable, c’est après une première expérience de terrain partagée et d’un commun accord entre sociologues et photographe que s’orchestre une mise en scène sur le terrain du travail chez soi. Un modèle accepte de poser à différents endroits. Le vêtement se montre ici multi-situable et rien ne semble pouvoir dire si la personne est en tenue de travail, ou pas. C’est au final le lieu qui habille.

Figure 4 – Terrain Travail multi-situé

Figure 4 – Terrain Travail multi-situé

©DavidDesaleux

28Pour d’autres lieux d’étude, la recherche a été davantage contrainte comme celle chez les sages-femmes supposant une autorisation d’entrée dans l’établissement de soin, voire empêchée comme celle sur le terrain de la chimie (cf encadré : « Quand l’accès au terrain fait défaut »). Photographe et sociologue ont alors envisagé un scénario où cette dernière est invitée à se mettre elle-même en scène.

Figure 5 – Terrain Travailleur de l’industrie chimique

Figure 5 – Terrain Travailleur de l’industrie chimique

©DavidDesaleux

29La perspective photographique offerte place la sociologue dans un rôle peu habituel. Le terrain devient scène construite, re-constituée, et a pour objectif de situer le vêtement au centre de l’attention. Ce dernier est très codifié et la sociologue, en le revêtant, dévoile différentes facettes du travail dans la chimie. Ici, la démarche photographique conduit la démarche sociologique à s’exprimer sous un autre mode. Le dialogue et l’enchâssement des discours disciplinaires s’opèrent de manière singulière, interrogeant le rôle du ou de la sociologue pour étudier le travail et ses réalités, ou le rôle parfois attribué à la photographie comme élément de captation du réel. Un des textes produit ci-dessous pour l’exposition en témoigne.

  • 7 Ce texte est issu de l'exposition textes images CRAVAT.

Quand l’accès au terrain fait défaut7

« L’entrée dans une usine chimique est difficile, pour les sociologues, a fortiori en compagnie d’un photographe. La raison avancée est double : l’appareil photo peut être source d’explosion ; les industriels de la chimie peinent à être observés par des regards extérieurs, a fortiori quand sont produites des images, fortement contrôlées dans la chimie.

Avec l’impossibilité d’aller sur le terrain, il a fallu chercher des solutions alternatives. Une opportunité a été donnée par un centre de formation qui a permis de pénétrer dans un décor d’atelier, d’accéder aux vêtements de travail disponibles en ce lieu et de jouer les situations observées dans les usines.

Ce travail de composition est imposé par le terrain. Si la sociologue du travail doit porter des vêtements de travail pour mener ses enquêtes dans la chimie, elle les revêt ici pour suggérer la réalité de l’usine.

La série, artificiellement reconstruite, fait émerger des interrogations sur le rôle de la sociologie et de la photographie pour évoquer le travail dans la chimie : ne pas prendre des images dans le réel est-il moins révélateur des situations observées ? Est-ce la réalité qui parle ? N’est-ce pas la sociologue qui la fait parler ? Par la mise en scène, le choix du cadre et du moment de déclencher, le photographe a dévoilé, un peu à la manière d’August Sanders, quelques éléments de la réalité. »

Michèle Dupré et David Desaleux

30Comme dans de nombreuses situations de recherche, des contraintes de lieux et de temps, d’accès aux personnes et d’empêchements divers opèrent, et obligent à quelques adaptations ou ajustements.

31Mais ces entrées sur les terrains d’études ont aussi été l’occasion d’échanges, permettant une première appréhension de la discipline de l’autre et dévoilant dans le même temps des attentes de chacun.

32Au-delà des enjeux méthodologiques et épistémologiques que ces dialogues soulèvent, que produit ce croisement sur la question du vêtement au travail ? Quelles lectures de ce dernier les disciplines en présence permettent-elles ?

2. Le vêtement au cœur des mises en dialogues disciplinaires

33Le vêtement au travail, capté au gré des différents terrains de recherche et types d’activités, permet de rendre compte de la pluralité de normes encadrant l’exercice professionnel et de leur variation, tout en considérant dans le même temps le vêtement au travail comme objet d’étude à part entière. Travailler chez soi devant son ordinateur portable ou lors d’une composition musicale, laisse a priori une marge de manœuvre beaucoup plus forte dans le choix de sa tenue vestimentaire que celle habituellement accordée à un travail en organisation au contact de collègues ou de client.es. Ces tenues prennent ainsi sens en fonction de lieux de travail particulier mais aussi de certains moments de la journée ou de la semaine à l’exemple de tenues plus décontractées parfois autorisées dans certaines organisations de travail le vendredi, même si les tenues adoptées à cette occasion ne sont pas entièrement détachées de tout code et de toute attente concernant les attendus professionnels.

34Comme tout œil intéressé l’aura également facilement décelé, et comme nous le développerons plus avant, certains secteurs d’activités disposent de réglementations et de règles associées aux vêtements de travail très contrôlées comme ce peut être le cas dans les secteurs de la chimie, de la santé où encore de la restauration (voir l’article dans ce numéro d’Emmanuelle Mazuyer). Le travail des éducateurs/trices dans le domaine de la Protection Judiciaire de la Jeunesse apparaît à cet égard moins réglementé, notamment du point de vue du droit, même si d’autres normes professionnelles sont en vigueur. Enfin les législations et normes vestimentaires varient selon les pays comme l’illustre la comparaison des réglementations concernant certains métiers de bouche au Maroc et en France.

35Les terrains de recherche couverts révèlent ainsi des attentes et des règles spécifiques à certains métiers, tout en laissant apparaître des points communs entre secteurs d’activités. Les clés de lecture de ces terrains varient de fait selon les différentes entrées disciplinaires associées au projet.

  • 8 Ce terrain a été conduit par Estelle Bonnet (CMW) et Élise Verley (GEMASS). Élise Verley a pris par (...)

36Afin de donner une idée des potentialités d’un tel croisement et par souci de concision, nous présentons ici les résultats de ce dialogue sur le terrain des Meilleur.es Apprenti.es de France8.

2.1. Plongée et dialogue photo-sociographique sur le terrain des Meilleur.es Apprentis de France

37Du côté sociologique, le concours des Meilleur.es Apprentis de France apparaît comme un moment au cours duquel la compétence professionnelle peut se donner à voir, tant elle est parfois performée dans les signes d’appartenance au corps de métier, de la présentation de soi (Goffman, 1973) ou encore de la réalisation de gestes professionnels accomplis dans les règles de l’art. Veste et toques blanches immaculées, pantalon noir, chaussures de sécurité antidérapantes et couvrantes, tablier afin de protéger des tâches et éclaboussures, torchon glissé à la ceinture et utilisé dans la manipulation de plats ou pour essuyer une coulure. Le poste de travail est nettoyé, rangé, répondant aux impératifs de propreté et d’hygiène. La concentration se lit sur les visages et dans la précision que l’on devine des gestes. Le port de gants dans le travail de certains produits relève d’une forme d’évidence, celle de l’hygiène et de la sécurité du consommateur.

  • 9 Au-delà de la question du vêtement au travail, cette recherche étudie l’excellence professionnelle (...)
  • 10 La situation de concours met particulièrement en scène les attendus du métier et la manière dont le (...)

38Le photographe perçoit bien sûr à quel point la situation du concours peut être l’occasion de relever des indices de l’excellence professionnelle à laquelle s’intéresse la sociologue9, excellence mise en scène et portée par des apprenti.es soucieux/ses de « faire bonne impression » face aux membres des jurys jugeant leurs prestations10. S’il prend en compte cet intérêt, cette entrée ne devient pas pour autant son principal objectif. Ce qui attire plus fortement son attention tient à la façon dont les apprentis cuisiniers prennent la pose, en tenue. Certains de ses clichés, ainsi qu’un des textes produit pour l’exposition finale, en témoignent.

Figure 6 – Meilleur.es Apprenti.es de France – Cuisine froide

Figure 6 – Meilleur.es Apprenti.es de France – Cuisine froide
  • 11 Ce texte est issu de l’exposition textes images CRAVAT

Dans sa bulle11 

« Cette session de prises de vue est la première du projet et j’ai donc bien en tête l’axe choisi autour du vêtement et ce qu’il révèle du travail. Mais il me faut également saisir un lieu, un espace, un contexte, celui d’un concours d’apprentis cuisiniers à l’occasion duquel on vise l’excellence. Celle-ci se manifeste partout, dans l’attention qui se lit sur les visages, dans la précision des gestes, dans le port de la tenue aussi. Le moment fait écho aux portraits d’August Sanders. Proposer de prendre la pose, sans diriger ni dans l’attitude, ni dans le costume, rejouer une scène, tenir un objet en main. Les épreuves de cuisine sont terminées, mais tous proposent une posture semblable, très ancrée, presque militaire. Bien droits, mains dans le dos, tablier immaculé revêtu pour la prise de vue, ils ajustent leur toque (gardée sur la tête ou remise pour la photo). Même à l’extérieur du lieu de concours, un apprenti sorti pour prendre l’air adoptera cette pose. Pourtant, il est physiquement en dehors du concours. Il a gardé ses sabots, sa toque, son tablier, son torchon… Il est encore mentalement dans le concours, dans le travail, dans sa tenue de cuisinier. Ce portrait pris dans la rue intrigue en raison du décalage entre le sujet photographié et le « décor ». Sous l’œil du photographe, ce jeune cuisinier ignore que là, dans la rue, il paraît déguisé. C’est que, dans son univers, dans sa tête, dans sa bulle, celle dessinée peut-être par sa tenue de travail, tout est cuisine. »

David Desaleux

39Cette réflexion, qui entre en dialogue avec l’histoire de la discipline photographique (la pose est un procédé bien spécifique et le portrait posé propose de multiples facettes et manières de faire, éprouvées par de nombreuses années de pratique) est partagée avec la sociologue et résonne avec sa perspective. Le temps de la pose en tenue de travail au moment du concours semble être en quelque sorte le pendant photographique du questionnement sociologique centré sur les compétences et l’excellence professionnelle, visible notamment dans le port du vêtement.

40Pour la sociologue, le vêtement au travail traduit les attendus du métier, il oriente, et participe pleinement à la présentation de soi (le facework goffmanien, 1973) en situation de travail. Pour le photographe, c’est la pose en tenue qui est éloquente, sorte d’épiphanie visuelle de cette présentation de soi en professionnel. La photographie du cuisinier qui pose en tenue dans la rue (figure 6) condense, en image, la façon dont le vêtement parle de la situation de travail sur ce terrain. Elle raconte que dans ce concours l’enjeu de « faire cuisinier » est primordial. L’obéissance à la tenue prescrite, et l’adoption de la « bonne posture », inscrit l’individu dans le Nous et dans l’appartenance au corps professionnel. L’expression de l’individualité est contrainte et le vêtement de travail signe l’inscription dans un collectif. Tout cela est particulièrement bien révélé par l’image.

41À l’inverse, d’autres clichés également pris au moment des épreuves montrent les écarts par rapport à la norme environnante : un candidat, par exemple, porte une casquette noire à la place d’une toque blanche.

Figure 7 – Candidat au concours des Meilleur.es Apprenti.es de France Cuisine froide

Figure 7 – Candidat au concours des Meilleur.es Apprenti.es de France Cuisine froide

©DavidDesaleux

42Nous pouvons nous interroger sur l’impact de cet écart par rapport à la norme dans la réussite au concours… Le candidat a répondu aux normes professionnelles du point de vue des règles d’hygiène, mais a-t-il répondu aux attendus du métier et au classique de la profession - la toque -, dans un contexte de mise en scène particulière liée au concours ? Il n’a pas obtenu de médaille d’or au niveau national. Nous pouvons bien sûr imaginer que d’autres raisons ont supplanté le port d’une casquette à la place d’une toque, mais en cas de litige, comment savoir le poids - de fait subjectif - qu’a eu le port de cette casquette dans l’appréciation générale ? Le non port de la tenue, considérée comme appropriée par la profession, révèle une tension entre le Je et le Nous et le souci d’expression d’une forme d’individualité par rapport au groupe.

43Cette identification au Nous et aux exigences de compétences attendues lors d’un tel concours, se décèle au moment même de l’observation, amenant sociologues et photographe à faire quelques hypothèses concernant les futur.es lauréat.es : même sans goûter les plats, nous pouvons par un certain nombre d’indices déceler qui gagnera.

44Ainsi, sur le terrain des Meilleur.es Apprenti.es de France, le travail collaboratif entre sociologues et photographe montre à quel point le vêtement est instrument et expression des attendus du métier.

2.2. Élargissement des points de vue et confrontation disciplinaires

45Proposons à présent un bref aperçu de la façon dont la photographie et les clichés produits sont devenus supports d’échanges entre chercheur.es lorsque les trois disciplines se sont retrouvées réunies (troisième échange du « scénario méthodologique » défini initialement). La photographie s’est alors faite technique d’élicitation (Collier, 1967). En plus d’être l’une des trois approches disciplinaires en jeu dans ce projet, la photographie ou plutôt les photographies, en leur qualité d’objets matériels cette fois, adopteront une fonction « pivot » en se plaçant au centre des interactions. L’emploi de la technique d’élicitation est assez atypique dans ce projet : la plupart du temps, les interactions concernées sont celles de l’enquêteur.rice avec ses enquêté.es, comme c’est par exemple le cas dans les expériences rapportées par Christian Papinot (2007) ou Eva Bigando (2013) et non pas celles des chercheurs entre eux. Mais comme prévu dès le départ dans la méthode de John Collier (1967) la polysémie des images joue pleinement son rôle d’élicitation de paroles. Ici, la photographie incite sociologues et juristes à dialoguer autour de ce que chacun.e lit des scènes fixées par l’image et à expliciter leur point de vue devant des collègues non issus de la discipline. La collaboration interdisciplinaire a parfois besoin de support pour clarifier les apports de chacun. Par l’image, chaque discipline est invitée, d’une certaine manière, à performer son point de vue.

46Un exemple dont ces différences de lectures s’expriment est lisible dans le verbatim proposé en amorce du présent article. Le dialogue se fait par rebonds et illustre parfaitement les propos d’Howard S. Becker lorsqu’il rappelle judicieusement que le sens d’une image est tout relatif au contexte dans lequel elle est reçue (2001). Cette image d’un serveur amenant les plats lors du concours des Meilleur.es Apprenti.es de France en cuisine, trouvera trois lectures différentes successivement exposées lors d’une réunion du collectif.

Figure 8 – Serveur mobilisé pour le concours des Meilleur.es Apprenti.es de France en cuisine froide

Figure 8 – Serveur mobilisé pour le concours des Meilleur.es Apprenti.es de France en cuisine froide

©DavidDesaleux

47Le regard de la sociologue, absorbé par l’excellence professionnelle sans cesse affichée lors du concours, est immédiatement attiré par un pouce du serveur dans l’assiette (et bien que ce dernier ne participe pas aux épreuves) et à ce qui pourrait être perçu comme contrevenant aux attendus du métier. Le cliché porte ici une valeur informative sur les signes de cette excellence, et sur une série de détails plus grands que ne le permet l’œil nu (Piette, 1992). Le photographe n’avait pas relevé cet élément, mais rapporte avoir pris ce cliché du fait du moment périlleux, pour le candidat, de la montée des marches. La géométrie des lieux, composé de lignes parallèles et transverses, et l’alignement du corps du vêtement et du plateau, tous maintenus les plus droits possibles, l’ont conduit presque « instinctivement » à déclencher l’appareil.

48La lecture de notre collègue spécialiste de droit du travail est plus interrogative : plutôt que de livrer une interprétation de la scène, elle se sert de la photographie comme support de réflexion et s’attache à certains détails de la situation photographiée susceptibles de déclencher des questions juridiques. Cette image questionne par exemple le rôle des casiers dans le concours : existe-t-il des obligations des organisateurs relatives au stockage des affaires personnelles des candidats ? Notre collègue s’interroge aussi sur ce passage par un escalier et un éventuel risque de chute du candidat : si un accident avait lieu, qui en supporterait les conséquences et la réparation d’éventuels préjudices ?

  • 12 Précisons en outre qu’à l’issue du projet, l’équipe de juristes témoignera du regret de ne pas avoi (...)

49Le recours au cliché photographique devient méthode favorisant l’expression de la plus-value que nous avions intuitivement accordée, en début de recherche, à nos collaborations. La méthodologie de l’image oblige les chercheur.es à sortir d’une forme d’ethnocentrisme (Haicault, 2003) amenant chacun.e à expliciter ses entrées analytiques ou conceptuelles (comment lire la norme selon la sociologie ou le droit par exemple). Nombres d’échanges arrivent ainsi après-coup permettant alors des interrogations et un travail disciplinaire à rebours. Ceci est particulièrement le cas pour le droit ou c’est à partir des photographies que le cadre juridique applicable a été interrogé, alors que la démarche d’analyse part plus habituellement des règles de droit s’appliquant à un terrain12.

50D’autres enjeux méthodologiques de taille, mais pourtant rarement commentés dans la littérature scientifique (Jarrigeon, 2013) se dévoilent tandis que le collectif s’attèle à monter une exposition et à imaginer le catalogue y afférent. Comment envisager la question de l’écriture (verbale et visuelle) entre disciplines et la manière dont elle se pense dans un travail de restitution de notre collaboration ? Comment tresser les façons de dire et de montrer les textes et les images ? Comment traduire formellement nos intentions de départ concernant le dévoilement de nos coulisses ?

51Cela se jouera dans la façon d’écrire et dans le style des textes produits. L’équipe se lance dans des ateliers d’écritures avec un précepte posé très clairement : textes et images auront chacun leur place à part entière. Ils dialogueront entre eux, mais ne sont pas subordonnés les uns aux autres : les photographies ne devront pas être amenées comme des illustrations des textes, et réciproquement les textes ne seront pas traités comme des légendes. Pour toutes les raisons développées précédemment il paraît également crucial que les textes donnent à voir la singularité de chaque approche disciplinaire et donne à lire certains dialogues et certains éléments relatifs à la fabrique des images.

52Enfin, et surtout, il convient de mettre au centre de nos préoccupations l’enjeu de la rencontre avec les publics intra et extra-académiques. Le collectif est unanime à ce sujet, il s’agit de sortir de l’entre-soi universitaire et d’aller vers un public plus large, intéressé par la question du travail.

53Une certaine typologie de textes se dégage de ces différents principes directeurs. Outre un texte général de présentation de l’exposition, à chaque terrain sont associés cinq textes courts : un texte posant le contexte et le périmètre du terrain lui-même ; un texte dit « coulisse » permettant de rapporter la façon dont la collaboration entre sociologues et photographe s’est établie (soit en le décrivant de façon générale, soit en accentuant sur un exemple des enjeux de cette collaboration) ; un texte présentant le « point de vue sociologique » ; un texte abordant la question du droit à partir des situations étudiées ; et un texte produit par le photographe pour expliciter sa façon d’aborder, par l’image, ce terrain de recherche. Tous ces textes sont courts, environ 1500 signes, et rédigés sans jargon disciplinaire, c’est-à-dire sans recours à des concepts et sans références scientifiques insérées en leur sein. De nombreuses relectures croisées permettront de veiller également à harmoniser ces productions et le style de celles-ci.

  • 13 Nous renvoyons par exemple aux photographies reproduites du présent article, autour du travail chez (...)

54Du côté des photographies, les présentations peuvent varier, à l’image de la variété de parti pris adoptés sur les terrains. Les photographies résultant de procédés de mises en scènes imposent généralement une présentation spécifique favorisant la bonne mise en visibilité du propos photographique (par exemple, il peut être nécessaire de mettre un grand nombre de tirages photographiques de taille équivalente côte à côte, pour qu’un procédé de prise de vue spécifique apparaissent clairement13) tandis que la présentation des images qui ressortent d’une démarche dite « de reportage » est généralement plus libre. Il sera collectivement décidé de retenir six images par terrain, chiffre qui semble permettre à la fois de « tenir un propos photographique » sur chacun d’eux sans pour autant atteindre un nombre d’images total trop important et déséquilibré par rapport aux textes.

55Comme dans la proposition de l’expérimentatrice et chercheure en littérature Myriam Suchet pour l’ouvrage L’horizon est ici (2019) qui s’inspire de la mise en page du Talmud pour mettre en relation textes littéraires et textes analytiques, il s’agit, par la juxtaposition de ces textes et images de voir « une même onde se propageant à travers deux milieux différents ». La mise en dialogue est donc située dans les résonances de ces textes entre eux et se recrée, en creux, dans l’esprit du futur spectateur. Le dialogue interdisciplinaire n’est donc pas à proprement parler scénographié, mais pourtant il organise la logique d’exposition : les textes et les images ne pourraient « fonctionner » de façon complètement indépendantes : ils ne sont « satisfaisants » et véritablement éloquents qu’en co-présence les uns avec les autres. Cela se traduit notamment dans la mise en page du catalogue dédié, dont un petit aperçu est donné ci-dessous (précisons que le catalogue se diffracte en sept livrets pliés de type leporello – format accordéon –, soit autant de livrets que de terrains étudiés).

Figure 9 – Leporello terrain sages femmes

Figure 9 – Leporello terrain sages femmes

56D’autres parti pris formels, que nous ne développerons pas ici puisqu’il ne s’agit pas de l’objet du présent article, orientent le design et la scénographie : l’idée d’une exposition « à emporter », et l’idée de montrer la variété d’angles d’approches du vêtement au travail, objet d’étude qu’il s’agit d’aborder, comme l’indique le titre de l’exposition et du présent article « sous toutes ses coutures ».

2.3. Bilan et plus-values disciplinaires autour du vêtement au travail

57Les échanges engagés entre disciplines autour du vêtement au travail, favorisés par les clichés photographiques réalisés sur chacun des sept terrains d’étude, ont permis de mieux caractériser les apports propres à chacune d’elle, tout en envisageant dans le même temps les points de jonction ou d’articulation que chaque lecture permet autour d’un même objet d’étude.

  • 14 À l’image de travaux relativement récents autour du vêtement au travail (voir notamment le numéro H (...)

58La lecture sociologique a été particulièrement attentive à la manière dont le vêtement au travail s’affiche en fonction des situations de travail et donne à lire des normes et des valeurs, explicites ou implicites, associées à certains métiers et s’imposant aux acteurs14. Ces derniers ont parfois peu de marge de manœuvre pour déroger à la norme imposée : les attentes sociales, les formes culturelles d’une époque mettent en jeu l’uniforme, la blouse, le tablier ou le costume-cravate, et contraint plus ou moins fortement les corps... Le vêtement au travail fait référence « à un dispositif esthétique identitaire »  (Almeida et Merran, 2002) renvoie à l’appartenance à un corps professionnel voire à des normes de classe (Monjaret, 2011) rend compte d’une division du travail en distinguant les vêtements selon la hiérarchie, marque des statuts et des appartenances organisationnelles, éclaire des situations et conditions de travail. L’analyse du terrain de la Protection Judiciaire de la Jeunesse en est un bon exemple.

  • 15 Ce texte est issu de l’exposition textes images CRAVAT

Un Je m’habille comme je veux paradoxal15

« J’ai un style « passe partout » mais je fais quand même un effort vestimentaire quand je sais que je vais au tribunal, vis-à-vis du jeune, la juge au tribunal elle est avec sa robe comme les avocats et je me dis que l'éducateur fait aussi partie de ce décorum » (Éducateur).

« Aucune note officielle ne régit la tenue vestimentaire des professionnel.les de la PJJ lors de l’accompagnement des jeunes. Si les éducateurs et les éducatrices disent se sentir libres de s’habiller comme ils veulent, ils n’en restent pas moins conscients des significations portées par les vêtements. Le mot d’ordre est qu’ils ne doivent pas être un frein à la relation éducative. La proximité des professionnels et des jeunes suivis dans des univers clos et sous contraintes, comme cela peut être le cas dans un foyer d’hébergement ou un centre pénitentiaire, questionne la place du vêtement dans la relation éducative. Par exemple, le jogging peut être pratique pour se déplacer et intervenir dans des situations de violences. Il peut également être utile pour créer une certaine proximité relationnelle avec les jeunes en reprenant des codes vestimentaires partagés. Il sera subi quand une éducatrice dira, ou s’entendra dire, qu’il est préférable de s’habiller de manière dite « neutre », en évitant les tenues dites trop féminines. Ces dernières peuvent être perçue par certains collègues ou jeunes comme « provoquantes » et conduire à des remarques sexistes ou à caractère sexuel, voire dans de plus rares occasions, à des agressions physiques. »

Cédric Verbeck

59Le vêtement exprime des distinctions entre métiers à dominante masculine ou féminine par des marqueurs vestimentaires, imposés, souhaités ou implicites. Les normes et contraintes liées à l’activité déterminent par ailleurs une esthétique, des marques de propreté ou de saleté, une saleté idéalement rendue invisible ou contenue dans des zones de production à l’écart de clients…

60Le regard juridique nous apporte une autre lecture, notamment centrée sur les contraintes associées au port de certaines tenues : ces dernières obéissent à des règles d’hygiène et de sécurité des personnes, et se doivent aussi, dans certains contextes, de répondre à une exigence de neutralité associée au principe constitutionnel de laïcité. À la Protection Judiciaire de la Jeunesse, cette exigence se traduit par l’interdiction de tout signe religieux ou de tenue vestimentaire affichant une conviction religieuse, et ce afin de garantir un principe d’égalité de traitement des individus et de liberté de conscience des jeunes auxquels s’adressent les éducateurs/trices. La tenue du musicien est elle aussi encadrée par le droit, notamment pour les musiciens d’orchestre soumis à l’uniforme. Comme dans de nombreuses professions, l’habit peut être circonscrit par un contrat de travail. Les règles de tenue vestimentaire correspondent à des « usages », pratiques anciennes acceptées par les professionnel.les qu’ils et elles considèrent comme obligatoires. Les usages deviennent règles lorsqu’ils sont ainsi repris dans les contrats de travail et, lorsque des écarts et variations vis-à-vis de la norme apparaissent, le droit est invité à s’exprimer ou à trancher.

  • 16 Ce texte est issu de l’exposition textes images CRAVAT

Laïcité et vêtements neutres des professionnel.les16

« Le vêtement des éducateurs/trices ne fait pas l’objet de dispositions spécifiques, à la différence d’autres personnels de la justice, tels les magistrat.es dont le costume d’audience est réglementé. Cependant, comme fonctionnaires, les agents de la PJJ sont soumis, dans l’exercice de leurs missions, à un devoir de neutralité qui découle du principe constitutionnel de laïcité, règle d’organisation de l’État et de ses rapports avec la/les religion.s. Pour les éducateurs/trices, l’interdiction du port de signes religieux ostensibles ou de tenues vestimentaires affichant les convictions religieuses garantit liberté de conscience et égalité de traitement des enfants ou jeunes mineur.es qui leur sont confié.es par l’autorité judicaire. Une tenue neutre pour ne pas influencer, pour ne pas signifier de différence, pour accueillir quelle que soit l’appartenance culturelle ou religieuse. Une exigence de neutralité dans la relation éducative au service de la protection de l’enfance vulnérable, y compris de l’enfance dite délinquante. »

Mathilde Julien

61Chez les personnels de santé, les tenues vestimentaires obéissent à des règles très strictes destinées à protéger les patients comme les soignants de tout risque infectieux et biologiques. Tenue professionnelle dédiée à la pratique avec port d’EPI (Equipement de Protection Individuelle) de gants, de tabliers et de sur-blouses à usage unique, de lunettes de sécurité ou de visière, interdiction du port de bijoux ou de vernis à ongles et ongles courts.

62Sur ce dernier point, lectures juridique et sociologique pointent parfois des exigences similaires comme cela apparaît en cuisine et en service, lorsqu’en restauration on nous relate la nécessité de savoir s’effacer lors du service en salle, en particulier dans les établissements de prestige, et d’éviter tout vernis à ongles de couleurs ou port de bijoux trop voyants susceptibles de distraire l’œil d’un.e client.e au détriment de la place centrale attribuée au plat. La tenue vestimentaire reste largement soumise aux attendus du métier et le groupe professionnel tend à ériger en règles ce qui ne relève ici plus du droit.

63Sans surprise, la liberté de se vêtir est beaucoup plus grande pour le ou la salarié.e dans le travail chez soi. Pour autant, la tenue vestimentaire, y compris hors les murs de l’entreprise, obéit à certaines contraintes, dans des activités supposant un contact avec des clients, collègues et supérieurs hiérarchiques, même à distance.

64Du côté de la photographie, les résultats se lisant/disant en images, ils ne peuvent être synthétisés de la même façon. Les images réalisées sur chaque terrain et insérées pour une partie d’entre elles tout au long de l’article permettent déjà d’en fournir un petit aperçu. De plus, les écrits du photographe reproduits pour certains ici, nous renseignent sur les différents enjeux photographiques selon les terrains.

65La photographie rend visible, pour le milieu académique mais aussi pour un public plus large, différentes facettes du travail que le vêtement permet de décrypter. Parmi les premiers éléments que l’image met en avant, il y a les corps. Le photographe peut ainsi donner à voir la façon dont ceux-ci « s’adaptent » aux vêtements : les tenues peuvent apparaître contraignantes ou au contraire facilitantes pour l’activité, les postures corporelles peuvent traduire une façon d’« habiter » le vêtement comme pour mieux « habiter » la fonction... La démarche photographique autour du vêtement au travail peut mettre en évidence la tension existante entre la présentation de soi en qualité de travailleur (notamment quand la personne photographiée pose) et les temps d’engagement dans l’activité. Elle nous donne accès à des émotions se lisant dans des gestes, des attitudes, des détails. Elle révèle une atmosphère particulière (moment de concentration, d’attention à l’autre lors d’une interaction, de tension ou de stress…) et nous permet de voir et ressentir les émotions fixées par le cliché.

66Le choix conjoint des clichés par le photographe et le/la sociologue pour l’exposition envisagée est empreint de ces différents éléments : les images sont sélectionnées à partir « du sens qui se dégage de l’image » et qui guide le regard, en fonction de leurs capacités « à mettre en modèle certains caractères d’un fait (ou d’un individu) donné et à les constituer en source de connaissances sociologiques spécifiques » (Cardi, 2017).

67Le choix des images, parmi l’ensemble des clichés réalisés sur un terrain, s’appuie alors sur cette double lecture photographique et sociologique, en fonction de l’expertise et de la connaissance cumulée sur ce terrain par le/la sociologue, et de la capacité des images à mettre en relief des interactions et des aspects physiques, vestimentaires et comportementaux de personnes au travail. La photographie devient alors donnée visuelle de recherche.

68Ce projet nous conduit à nous éloigner d’une lecture dichotomique entre une approche artistique, celle du photographe, qui aurait l’apanage du sensible, de l’émotion, de la forme, du style et une approche intellectuelle qui serait du côté de la raison, du fond, du sens et plutôt réservée aux chercheur.es. Les approches ont certes des « penchants », et ne sont pas identiques et ou réductibles l’une à l’autre, mais elles ne se définissent et ne se partitionnent pas de façon si claire et évidente.

Conclusion

69Que dire, in fine, de la place des photographies dans ce projet et des représentations visuelles autour du vêtement au travail ? Elle peut être assez bien résumée par le propos de la sociologue et expérimentatrice Monique Haicault, elle-même faiseuse d’images : « L’image n’apporte pas quelque chose de plus, elle apporte quelque chose de différent. Elle ne se substitue pas aux autres techniques, elle s’emboîte aux autres qui toutes ont leur raison d’être. » (2003, 8).

70La photographie, associée aux autres lectures disciplinaires convoquées dans cette recherche, apporte une lecture supplémentaire du vêtement au travail, au gré des scènes captées et des éléments mis en relief par le photographe. Elle présente, aux côtés et au même titre que la sociologie ou le droit, son propre discours.

71Les clichés produits se sont également constitués en éléments de méthode et en données porteuses de sens, favorisant l’expression d’interrogations et de connaissances disciplinaires sur notre objet commun d’étude.

72Par leurs caractères polysémiques, les images photographiques facilitent le dialogue interdisciplinaire tout en « s’emboîtant aux autres » dans le projet Cravat. On l’a vu, elles permettent d’élargir le champ de l’entreprise sociologique (Becker, 2001) viennent alimenter son questionnement ou réveiller des interrogations encore enfouies et non formalisées. L’image transmet un autre regard sur le monde quotidien et brise les présupposés disciplinaires. Elle introduit de la perplexité dans notre rapport à la réalité (Laplantine, 2018) en captant des regards échangés, des sourires, des émotions, des atmosphères particulières.

73Par sa qualité de discipline artistique, la photographie a pour effet de déplacer quelque peu les disciplines scientifiques avec lesquelles elle collabore, parce qu’elle incite les chercheurs à changer de cadre d’énonciation pour faire entendre leurs voix ; en l’occurrence, ici, elle les invite à envisager de se dire au sein d’un espace d’exposition et d’un catalogue destinés à un large public de non-spécialistes.

74Par sa fonction d’élicitation, la photographie a largement contribué à l’expression de notre collaboration interdisciplinaire. En ce sens, elle nous semble constituer une méthode réplicable dans des contextes pluriels de recherche.

75Le projet Cravat s’est ainsi transformé en petit laboratoire de la rencontre interdisciplinaire et des croisements art-sciences. Sans aller jusqu’à changer de costumes entre les sociologues, juristes et photographe, les uns ont envisagés la posture des autres. Dans ce petit laboratoire, le vêtement est devenu l’analyseur, sorte d’instrument permettant d’interroger le travail.

Figure 10 – Terrain musicien d’orchestre

Figure 10 – Terrain musicien d’orchestre

©DavidDesaleux

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Bibliographie

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Notes

1 Le collectif Cravat associent un photographe (David Desaleux), une ingénieure et anthropologue (Jeanne Drouet) et des sociologues (Samia Ait Tkassit - Estelle Bonnet – Philippe Charrier - Tanguy Dufournet – Michèle Dupré - Jean-Paul Filiod - Patrick Rozenblatt – Djaouidah Sehili - Cédric Verbeck) du Centre Max Weber ainsi que des juristes (Mathilde Julien – Farida Khodri - Emmanuelle Mazuyer) du CEntre de Recherches CRItiques sur le Droit (CERCRID) de l’Université Lyon 2.

2 Celles-ci ont fait l’objet d’installation ou d’exposition, ont été rapportées dans des publications scientifiques (Desaleux, Langumier, Martinais, 2011 ; Maresca, Meyer, 2013) ou publiées via la création d’ouvrages originaux (Desaleux, Hummel, 2018).

3 Plus précisément l’équipe Travail, Institution, Professions, organisations (TIPO) de ce laboratoire de sociologie.

4 L’existence d’un atelier mensuel de visionnage de films au Centre Max Weber (https://www.centre-max-weber.fr/Rendez-vous-doc) permettra par exemple un échange, en présence du photographe du projet, autour de deux épisodes de la série Contacts de William Klein, qui introduit aux travaux de plusieurs photographes célèbres (Raymond Depardon, Jeff Wall, Duane Michals…).

5 Nous reprenons ici les échanges et productions écrites par les sociologues et photographe au cours de la recherche et notamment restitués dans le catalogue d’exposition produit.

6 Comme le souligne J.Y. Trepos (2015), cette distinction entre fonction informative et expressive de l’image a été proposée par J.-M. Schaefer, à partir de l’œuvre de Peirce (Schaefer, 1987).

7 Ce texte est issu de l'exposition textes images CRAVAT.

8 Ce terrain a été conduit par Estelle Bonnet (CMW) et Élise Verley (GEMASS). Élise Verley a pris part à l’ensemble de l’enquête sur ce terrain (entretiens auprès de jeunes apprentis, maîtres d’apprentissage et formateur/trices ; observations réalisées lors des concours au sein de divers métiers).

9 Au-delà de la question du vêtement au travail, cette recherche étudie l’excellence professionnelle et l’engagement au travail des apprentis.

10 La situation de concours met particulièrement en scène les attendus du métier et la manière dont les candidat.es présentent les qualités du ou de la « bon.ne apprenti.e ».

11 Ce texte est issu de l’exposition textes images CRAVAT

12 Précisons en outre qu’à l’issue du projet, l’équipe de juristes témoignera du regret de ne pas avoir été associée au travail de terrain et aux échanges autour des sélections photographiques. Il s’agit ici d’une lacune de ce scénario établi au préalable. Le projet étant initialement plus porté par l’équipe de sociologues, la compréhension des « besoins méthodologiques » des juristes n’a pas été immédiate.

13 Nous renvoyons par exemple aux photographies reproduites du présent article, autour du travail chez soi.

14 À l’image de travaux relativement récents autour du vêtement au travail (voir notamment le numéro Habits de travail de la revue Travail, Genre et sociétés (2019, n°41) ; le numéro sur Le Physique de l’emploi de la revue Nouvelles questions féministes (2019) ou encore le récent numéro de la revue Sociétés contemporaines sur La profession faite corps (2020, n°117)).

15 Ce texte est issu de l’exposition textes images CRAVAT

16 Ce texte est issu de l’exposition textes images CRAVAT

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Table des illustrations

Titre Figure 1 – Scénario méthodologique
Légende Source : Recherche collective
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Fichier image/png, 165k
Titre Figure 2 – Terrain bouchers au Maroc
Crédits ©DavidDesaleux
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Fichier image/png, 150k
Titre Figure 3 – Terrain Musicien d’orchestre
Crédits ©DavidDesaleux
URL http://journals.openedition.org/itti/docannexe/image/2775/img-3.png
Fichier image/png, 213k
Titre Figure 4 – Terrain Travail multi-situé
Crédits ©DavidDesaleux
URL http://journals.openedition.org/itti/docannexe/image/2775/img-4.png
Fichier image/png, 98k
Titre Figure 5 – Terrain Travailleur de l’industrie chimique
Crédits ©DavidDesaleux
URL http://journals.openedition.org/itti/docannexe/image/2775/img-5.png
Fichier image/png, 229k
Titre Figure 6 – Meilleur.es Apprenti.es de France – Cuisine froide
URL http://journals.openedition.org/itti/docannexe/image/2775/img-6.png
Fichier image/png, 3,5M
Titre Figure 7 – Candidat au concours des Meilleur.es Apprenti.es de France Cuisine froide
Crédits ©DavidDesaleux
URL http://journals.openedition.org/itti/docannexe/image/2775/img-7.png
Fichier image/png, 395k
Titre Figure 8 – Serveur mobilisé pour le concours des Meilleur.es Apprenti.es de France en cuisine froide
Crédits ©DavidDesaleux
URL http://journals.openedition.org/itti/docannexe/image/2775/img-8.png
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Titre Figure 9 – Leporello terrain sages femmes
URL http://journals.openedition.org/itti/docannexe/image/2775/img-9.png
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Titre Figure 10 – Terrain musicien d’orchestre
Crédits ©DavidDesaleux
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Pour citer cet article

Référence électronique

Estelle Bonnet, David Desaleux et Jeanne Drouet, « Une méthode visuelle sur-mesure pour envisager le vêtement au travail sous toutes ses coutures »Images du travail, travail des images [En ligne], 13 | 2022, mis en ligne le 18 septembre 2022, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/itti/2775 ; DOI : https://doi.org/10.4000/itti.2775

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Auteurs

Estelle Bonnet

Estelle Bonnet est sociologue à l’Université Lyon 2 et rattachée à l’équipe Travail Institution Profession Organisation (TIPO) du Centre Max Weber (CMW). Ses travaux de recherche se situent principalement dans le domaine du travail et des professions, de l’articulation entre travail et hors travail et du genre. Ses recherches plus récentes explorent la construction des professionnel.les et leur rapport au travail, et dernièrement la transmission des savoirs et les parcours d’insertion dans la voie professionnelle courte.

David Desaleux

David Desaleux est auteur-photographe, diplômé de l’école des Gobelins - section photographie (Paris XIII) en 2001. Son travail s’axe essentiellement sur l’ordinaire, voir infra-ordinaire comme disait Perec, ce qui se trouve sous nos yeux mais que l’on ne regarde pas… ou trop peu. Pour se faire, il collabore régulièrement avec des sociologues, ethnologues, géographes afin d’explorer les croisements dans la recherche et le rendu entre nos disciplines.
Son travail est visible sur www.desaleux.com

Articles du même auteur

Jeanne Drouet

Jeanne Drouet est anthropologue et ingénieure en méthode visuelle au CNRS (Centre Max Weber). Ses principaux travaux portent sur la « raison orale », la circulation des imaginaires ou les mondes virtuels et soulèvent tous des questions de méthodes, notamment autour de l’emploi des images en SHS. Aujourd’hui, elle poursuit la réflexion méthodologique en la doublant d’un engagement pour que la socio-anthropologie et la création artistique se rencontrent, afin de penser, chercher et/ou créer collectivement et différemment.

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