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Comptes rendus

Stendhal et Winckelmann, textes réunis et présentés par Catherine Mariette et Chantal Massol

Grenoble, UGA Éditions, « Bibliothèque stendhalienne et romantique » 2017, 187 p.
Fabienne Bercegol
p. 190-191
Référence(s) :

Stendhal et Winckelmann, textes réunis et présentés par Catherine Mariette et Chantal Massol, Grenoble, UGA Éditions, « Bibliothèque stendhalienne et romantique » 2017, 187 p.

Texte intégral

1Dans un livre qui fait désormais référence, Dans l’atelier néoclassique. Écrire l’Italie, de Chateaubriand à Stendhal (Classiques Garnier, 2013), Élodie Saliceto a montré la richesse des débats esthétiques des premières années du XIXe siècle, alimentés par les très nombreux échanges culturels entre nations européennes. Poursuivant dans cette voie, Catherine Mariette et Chantal Massol ont rassemblé dans ce volume neuf articles qui rendent compte de l’intérêt du panorama esthétique qu’offre ce début de siècle dominé par ce que l’on appellera plus tard, non sans controverse (il aurait peut-être fallu le rappeler), le néoclassicisme. Le but de ces articles est de faire apparaître les convergences et les divergences entre la pensée esthétique de Stendhal, telle qu’il l’exprime notamment dans l’Histoire de la peinture en Italie, et celle de Winckelmann, qui a offert à ce moment néoclassique son socle théorique. Stendhal permet donc de mesurer une nouvelle fois l’extraordinaire retentissement des idées de Winckelmann dans l’Europe du début du siècle. Certes, comme à son habitude, Stendhal a eu plutôt tendance à masquer tout ce qu’il devait au célèbre inventeur de l’histoire de l’art et il est vrai qu’il se sépare de lui sur bien des points. Avec un sens appréciable de la nuance, les auteurs des différents articles reviennent sur ce qui éloigne Stendhal de Winckelmann : retenons son choix d’ériger en modèle l’Italie de la Renaissance, et non la Grèce antique, et surtout sa conception différente de l’exercice même de la critique d’art, qu’il veut débarrasser de l’érudition que continue à incarner à ses yeux le savant Winckelmann. L’un des intérêts de ce volume tient en effet à la façon dont il cerne par contraste les caractéristiques de la critique d’art telle que veut la pratiquer Stendhal. Les contributeurs montrent bien comment, refusant tout pédantisme et fuyant l’emphase qui discrédite à ses yeux le style de Winckelmann, Stendhal cherche une nouvelle posture qui engage un autre rapport à l’art, moins encombré d’un savoir préalable, et qui donne une autre finalité à la critique. Désormais, il ne s’agit plus d’enseigner des connaissances, mais d’apprendre à regarder, à ressentir, à se laisser aller au plaisir d’être avant tout ému. Stendhal se donne pour mission de réveiller la sensibilité de ses compatriotes qu’il estime bridée par l’habitude d’apprendre, de se conformer aux jugements des experts, au lieu de rechercher la rencontre singulière et affective avec l’œuvre d’art. Il le fait dans des textes qui affichent son dilettantisme revendiqué jusque dans leur emprunt au genre de la promenade et dans leur structure dialogique, qui désigne la conversation amicale, librement nouée et dénouée, comme l’idéal de la discussion sur l’art. D’un article à l’autre, les contributeurs s’attachent à prendre la pleine mesure de ce renouvellement de l’expérience esthétique, désormais pensée en termes d’investissement affectif, d’ébranlement émotionnel, du côté du créateur comme du spectateur, chez qui la découverte de l’œuvre peut provoquer le même processus de cristallisation que la rencontre amoureuse. L’imprégnation sensuelle, érotique, de la réception de l’œuvre d’art est ainsi au cœur de ces analyses qui montrent également combien Stendhal prend ses distances à l’égard de l’idéal de la beauté impassible défendu par Winckelmann, pour promouvoir au contraire un art fondé sur la valorisation de l’expression, sur le jeu des passions, sur la priorité donnée à la couleur par rapport au dessin, ce qui le conduit à chercher ses modèles davantage chez les peintres que chez les sculpteurs, à l’exception de Canova, qu’il considère comme « l’inventeur d’une beauté nouvelle » (Daniela Gallo, p. 123). Il n’en reste pas moins que la dette de Stendhal à l’égard de Winckelmann est réelle, comme l’illustre par exemple son adhésion sans réserve à la thèse de la dépendance de l’art aux circonstances climatiques, politiques, sociales, culturelles. Stendhal se retrouve dans cette contextualisation de l’analyse esthétique qui aboutit à l’historicisme et au relativisme, à la prise de conscience du caractère transitoire du Beau, mais qui fait aussi surgir des tensions au sein de la doctrine néoclassique en questionnant l’exemplarité du modèle, la légitimité de la vocation mimétique de l’art. Au départ fondé sur de simples coïncidences biographiques (Stendhal a pris pour pseudonyme le nom de la ville de naissance de Winckelmann, tous deux ont été transformés par leur découverte de l’Italie et de son patrimoine artistique, etc.), le parallèle entre les deux critiques d’art révèle donc au fil des pages l’ampleur de ses enjeux, du reste très bien mis en avant dès l’introduction. Il faut savoir gré aux éditrices de ce volume d’être ainsi revenues à l’histoire culturelle des premières années du XIXe siècle et d’avoir à leur tour montré que, loin de se réduire à une stérile imitation de l’Antique et à une bouffée de nostalgie, le néoclassicisme avait permis à ceux qui s’en réclament de mieux appréhender leur présent et d’œuvrer à un renouvellement de la littérature et de l’art.

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Pour citer cet article

Référence papier

Fabienne Bercegol, « Stendhal et Winckelmann, textes réunis et présentés par Catherine Mariette et Chantal Massol »Littératures, 80 | 2019, 190-191.

Référence électronique

Fabienne Bercegol, « Stendhal et Winckelmann, textes réunis et présentés par Catherine Mariette et Chantal Massol »Littératures [En ligne], 80 | 2019, mis en ligne le 19 octobre 2020, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/litteratures/2318 ; DOI : https://doi.org/10.4000/litteratures.2318

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Auteur

Fabienne Bercegol

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