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À voir, à lire
Challenges GEODATA 2021

MAPLOUP, dispositif d’alerte à destination des éleveurs, des bergers et des élus dans un contexte de prédation par le loup

Frédéric Bray, Audrey Alluin, Anouk Courtial, Fabien Candy, Julien Vilmant et François Finance

Texte intégral

Introduction

  • 1 Le Réseau Pastoral Auvergne-Rhône-Alpes regroupe les services pastoraux de la région et le SUACI. C (...)

1Depuis les années 1990, la prédation des loups sur les troupeaux domestiques s’intensifie fortement dans les Alpes. Face à ce constat, et après de premières initiatives, le Réseau Pastoral Auvergne-Rhône-Alpes1 a créé en 2019 la plateforme https://maploup.fr destinée aux éleveurs, bergers et élus, avec l’appui de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE) de Grenoble. D’une part, l’outil fournit des informations sur les suspicions d’attaque par le prédateur en temps quasi-réel via un onglet appelé [MAP] et un système d’alerte SMS ou mail associé. D’autre part, le site web offre une approche interactive des données fournies par l’État (données géoprédateurs) sur le contexte de prédation depuis 10 ans, avec leur visualisation dans un onglet dénommé [ATLAS].

2Plusieurs territoires ont récemment intégré le dispositif, à l’image de la Région Sud PACA qui est venue, partiellement, s’ajouter en 2021 à Auvergne Rhône-Alpes grâce au concours du Centre d’études et de réalisations pastorales Alpes-Méditerranée (CERPAM).

3Maploup.fr s’étend donc aujourd’hui à l’échelle de l’arc alpin du Léman à la Méditerranée et a trois objectifs :

  • Alerter les éleveurs et les bergers pour anticiper les événements de prédation de loups sur les troupeaux domestiques ;

  • Mettre à disposition de tous et de manière transparente les données objectives concernant les faits de prédation ;

  • Renforcer les partenariats autour de la thématique de la prédation par le loup.

4Ce dispositif repose sur une coopération étroite entre l’État (DDT/M, DRAAF, OFB et DREAL), les services pastoraux et l’INRAE, ainsi qu’une implication forte des élus, des éleveurs et des bergers concernés directement par le risque de prédation sur leurs territoires.

Alerter : un service d’envoi automatisé de SMS et de mails pour prévenir des suspicions d’attaques

5Le système d’alerte repose sur une coopération étroite et rapide des services de l’État et des services pastoraux. Lorsqu’un éleveur ou un berger subit un événement de prédation, il alerte les services de l’État (demande de constat) et il fournit des renseignements tels que la localisation, le nombre de victimes à l’instant t et le type de victimes (ovins, bovins, caprins, équins, chiens ou autres). Les informations sont transmises régulièrement aux services pastoraux (quotidiennement en saison estivale), ceux-ci se chargent de remplir les bases de données associées pour que l’alerte puisse être envoyée aux personnes éligibles et inscrites (élus, bergers, éleveurs et administrations). En parallèle, les services de l’État (la DREAL) engagent les procédures de constatation des dommages sur le terrain donnant lieu à l’indemnisation ou non de l’éleveur (figure 1). Il est à noter que les alertes envoyées par Maploup sont à l’état de suspicion et n’assurent en rien la confirmation d’une attaque par le loup ni d’une décision d’indemnisation.

6Le système Maploup contient deux bases de données (BD) :

  • BD Attaques : relevés ponctuels à l’échelle départementale des suspicions d’attaques, saisis par les services pastoraux.

  • BD Contacts : annuaire de toutes les personnes éligibles à la réception des alertes. À chaque contact est associée une (ou plusieurs) localisation(s) — sous forme d’emprise géographique — pour laquelle la personne inscrite est légitime d’être informée (surface pastorale, commune, EPCI ou Parc, arrondissement ou circonscription, département). En effet, les bergers peuvent, par exemple, demander à recevoir les alertes à propos de l’alpage sur lequel ils sont employés ou un maire sur sa commune. Aussi, un contact peut demander à recevoir les alertes sur plusieurs sites : un éleveur des Alpes-de-Haute-Provence peut, par exemple, recevoir les alertes autour de son siège d’exploitation dans le 04, mais aussi sur son alpage en Savoie.

Figure 1. Fonctionnement de la chaine d’information de la demande de constat à la réception de l’alerte SMS du système d’alerte offert par Maploup

Figure 1. Fonctionnement de la chaine d’information de la demande de constat à la réception de l’alerte SMS du système d’alerte offert par Maploup

7La base de données relationnelle PostgreSQL et son cartouche spatial Postgis sont utilisés pour stocker les informations et pour effectuer les traitements spatiaux. Le schéma relationnel (figure 2) montre les deux tables principales : « Attaques » et « Contacts », avec les relations vers les tables complémentaires. Lorsqu’un point de suspicion d’attaque est saisi dans la BD dédiée, le système récupère automatiquement les localisations concernées dans un rayon de 10 km (Jointure spatiale ST_dwithin) autour du point à l’aide d’un trigger. À partir de ces localisations, la liste des contacts concernés est récupérée pour l’envoi automatique de l’alerte. Le texte décrivant la suspicion indique la localisation, la situation (alpage ou non), le type et le nombre de victimes (espèces disparues, mortes ou blessées). Un lien de visualisation vers l’interface web [MAP] centrée sur le lieu de suspicion d’attaque est également inséré dans le message d’alerte qui se propage sur deux médias, les SMS et les emails. Les SMS (figure 3) sont envoyés via une API dédiée (Primotexto : https://www.primotexto.com/​). Les mails sont envoyés à partir de l’outil disponible sous Debian.

Figure 2. Schéma relationnel de la BD Maploup

Figure 2. Schéma relationnel de la BD Maploup

8Chaque service pastoral dispose d’une URL de flux WFS-T dédiée à la gestion des suspicions d’attaques sur son territoire et l’application empêche la saisie d’information hors périmètre du service via l’utilisation d’une contrainte spatiale dans la base de données.

Figure 3. Capture d’écran des SMS d’alerte

Figure 3. Capture d’écran des SMS d’alerte

MAP et ATLAS : deux géovisualisations pour mieux comprendre l’évolution du contexte de prédation de l’arc alpin

9L’onglet [MAP] se présente sous la forme d’une carte en temps quasi réel (à jour à 48h près) où figurent les points correspondants aux suspicions d’attaque au cours de l’année civile en cours (figure 4). L’affichage se fait point par point, sans agrégation. Dans la représentation de [MAP], des couleurs sont utilisées pour qualifier l’antériorité de la suspicion. Le jaune vif correspond aux événements les plus récents, puis un dégradé orange/rouge/brun est appliqué pour montrer les suspicions les plus anciennes. La taille du cercle est proportionnelle au nombre de victimes : il s’agit de la somme des bêtes tuées, blessées et/ou disparues. Ce choix de représentation de l’information a été le fruit d’un consensus entre tous les services pastoraux.

Figure 4. Visualisation des données d’alerte via l’onglet [MAP]

Figure 4. Visualisation des données d’alerte via l’onglet [MAP]

10Le fond de carte au format Mapbox Tiles est composé de la couche « Satellite » de Mapbox et enrichi des couches Unités Pastorales (UP) et Zones Pastorales (ZP), issues de l’enquête pastorale réalisée en Rhône-Alpes et PACA en 2012-2014. Celle-ci a permis le recensement de l’ensemble des surfaces pastorales via la réalisation d’entretiens auprès des éleveurs pour caractériser leurs utilisations du territoire. Ainsi, ces couches permettent de localiser les surfaces pastorales et leurs fonctions dans le système d’élevage : les UP correspondent à des zones pâturées principalement en été (plutôt en montagne, appelées communément alpages ou estives), tandis que les ZP sont considérées comme des surfaces pastorales de plaine, pouvant être mobilisées à d’autres périodes de l’année (été compris, à condition que ce ne soit pas la seule saison d’utilisation). Celles-ci ont été directement intégrées à l’aide de Mapbox Studio et apparaissent à un niveau de zoom suffisamment élevé pour ne pas donner l’illusion d’une trop grande précision. Une représentation en carte de chaleur à l’échelle de l’arc alpin prend ensuite le relai afin de visualiser l’information de la manière la plus synthétique possible et de mettre en lumière les « foyers d’attaques ».

11Par défaut, les suspicions d’attaques qui s’affichent dans [MAP] correspondent à la période du 1er janvier de l’année jusqu’à la date de consultation. Il est également possible de sélectionner une autre période de l’année en cours (par exemple, l’été) pour visualiser d’une autre manière les faits de prédation.

12Aussi, un bouton « lecture » permet d’animer la succession de suspicions d’attaques sur la période souhaitée.

13L’onglet [ATLAS], quant à lui, présente les données officielles de prédation par les loups issus de la base de données nationale Géoprédateur. En effet, une fois le constat réalisé sur le terrain après le signalement d’un événement de prédation sur un troupeau domestique, les services de l’État indemnisent, ou non, les éleveurs. La base de données Géoprédateur référence les attaques ayant donné lieu à indemnisation (c’est-à-dire les dossiers « loup non écarté »). Ces données sont transmises tous les ans par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement — DREAL Auvergne Rhône-Alpes à l’INRAE, de manière anonyme, à partir d’un fichier localisant chaque fait par un point géographique.

Figure 5. Visualisation de l’onglet [ATLAS] qui présente les données consolidées de la prédation sur les troupeaux domestiques par les loups

Figure 5. Visualisation de l’onglet [ATLAS] qui présente les données consolidées de la prédation sur les troupeaux domestiques par les loups

14Ici les couleurs représentent, selon un gradient allant du jaune au rouge-brun, le nombre d’événements de prédation à l’échelle communale (figure 5). Le fond de carte foncé « Dark » a été choisi pour une meilleure mise en valeur des informations sur cette carte choroplèthe liée aux attaques.

15Dans cet onglet [ATLAS], les utilisateurs peuvent aussi extraire des données en fonction de requêtes : visualiser le nombre d’attaques par commune, le nombre de victimes ou encore le type d’animaux. Ces extractions sont réalisables à plusieurs échelles d’agrégation des données : commune, établissement public de coopération intercommunale (EPCI), parc national ou naturel régional, mais aussi département. De plus, un filtre offre la possibilité de positionner la visualisation sur un ou plusieurs départements, sur une ou plusieurs années. Chaque requête peut donner lieu à l’export d’un fichier au format PDF pour conserver les informations.

16Une barre de recherche permet d’accéder directement à une commune, à un EPCI ou à un parc. Cette fonction existe aussi dans l’onglet [MAP].

17Les deux onglets utilisent Mapbox-GL avec les méthodes JavaScript associées afin de manipuler les entités géospatiales. La bibliothèque Turf.js est utilisée pour réaliser quelques géotraitements directement dans l’interface.

Bilan et perspectives

18Les retours positifs des éleveurs et des élus qui trouvent l’outil utile et simple d’utilisation sont nombreux. La fin de l’année 2021 a été consacrée à une enquête auprès des utilisateurs qui avait pour but de prévoir la mise en place de fonctionnalités et de modes de représentations répondant encore mieux aux attentes et aux besoins des utilisateurs. 439 personnes y ont répondu de manière très constructive. La note de 4,1/5 a été attribuée à la plateforme (4,1/5 à [MAP], 4,1/5 aux alertes et 4,3/5 pour [ATLAS]). Au-delà de ces évaluations, les répondants ont exprimé ce qui était important pour eux. Cette enquête orientera les développements en 2022.

19En 2e année de production, 1 400 personnes sont inscrites aux alertes (éleveurs en majorité). Le nombre d’inscrits au système d’alerte ne cesse de croître au fil des mois. Le site https://maploup.fr est en moyenne consulté par 170 visiteurs/jour (la fréquentation étant maximale durant la saison estivale). À ce jour, 65 000 SMS (moyenne : 100/jour en période estivale où les événements de prédation par le loup sur les troupeaux sont les plus fréquents) et 50 000 mails ont été envoyés. Au-delà de la consultation de l’interface, l’application a favorisé l’entraide entre éleveurs ou bergers « voisins » concernés par la prédation et elle a permis une meilleure compréhension de la problématique par les élus (conclusions issues de l’enquête Maploup de 2021). Aucun système d’alerte automatisé et à cette échelle n’existait, mais des initiatives locales manuelles ont impulsé un développement à grande échelle.

20Les données officielles de prédation par le loup sur les troupeaux sont accessibles en quelques clics, ce qui accroît la disponibilité et la transparence des informations transmises par l’État sur le sujet de la prédation par les loups dans l’arc alpin. Avant la création de maploup.fr, l’accès aux données était réservé à une minorité de personnes, de manière très agrégée (France, régions, départements) et de façon peu réactive (délais de 6 mois, au moins). On peut citer d’autres initiatives parallèles de géolocalisation des faits de prédation développées dans le massif alpin. En Suisse tout d’abord, Proxiloup (https://www.proxiloup.com/​) partage les objectifs de Maploup sur l’alerte des éleveurs et des bergers, mais reste réservée aux personnes inscrites à titre professionnel. Toujours en Suisse, le Canton du Valais présente 3 cartes de monitoring du loup (présence observée du loup/cas avérés de prédation sur les troupeaux/identification des individus) accessibles à tous (https://sitonline.vs.ch/​nature_paysage_foret/​), mais elles ne sont pas reliées à un système d’alerte et ne font pas ressortir cartographiquement l’aspect temporel. Enfin, on peut citer une autre initiative venant d’Italie, fruit d’une coopération européenne : European Predation Map (https://ep-map.com/​), qui intègre de nombreux autres indices de présence (proies sauvages, observations visuelles, présence supposée de meutes). Bien que de grande envergure (européenne) et collaborative, cette plateforme utilise principalement la source de données Maploup pour couvrir la partie alpine de la France. Le soutien politique et institutionnel dont bénéficie maploup.fr confère à la plateforme fiabilité, exhaustivité et réactivité.

21Le développement d’un outil de saisie en ligne est prévu pour compléter celui déjà en place avec QGis qui nécessite, jusqu’à présent, d’avoir un environnement de travail sur poste fixe. Les objectifs sont de simplifier et de sécuriser la saisie. Les services pastoraux pourront effectuer la saisie de points à partir d’un mobile, par exemple, ce qui facilitera les astreintes.

22Une extension du périmètre Maploup est prévue pour la Région Bourgogne Franche-Comté en 2022 ainsi qu’en Ardèche. D’autres départements voisins pourraient également rejoindre le dispositif dans les mois à venir.

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Notes

1 Le Réseau Pastoral Auvergne-Rhône-Alpes regroupe les services pastoraux de la région et le SUACI. Ces structures mutualisent leurs compétences au travers de missions d’intérêt régional. Ainsi, le réseau apporte une vision régionale stratégique unie et renforcée.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Fonctionnement de la chaine d’information de la demande de constat à la réception de l’alerte SMS du système d’alerte offert par Maploup
URL http://journals.openedition.org/mappemonde/docannexe/image/8068/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 281k
Titre Figure 2. Schéma relationnel de la BD Maploup
URL http://journals.openedition.org/mappemonde/docannexe/image/8068/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 159k
Titre Figure 3. Capture d’écran des SMS d’alerte
URL http://journals.openedition.org/mappemonde/docannexe/image/8068/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 297k
Titre Figure 4. Visualisation des données d’alerte via l’onglet [MAP]
URL http://journals.openedition.org/mappemonde/docannexe/image/8068/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 603k
Titre Figure 5. Visualisation de l’onglet [ATLAS] qui présente les données consolidées de la prédation sur les troupeaux domestiques par les loups
URL http://journals.openedition.org/mappemonde/docannexe/image/8068/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 284k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Frédéric Bray, Audrey Alluin, Anouk Courtial, Fabien Candy, Julien Vilmant et François Finance, « MAPLOUP, dispositif d’alerte à destination des éleveurs, des bergers et des élus dans un contexte de prédation par le loup »Mappemonde [En ligne], 134 | 2022, mis en ligne le 27 octobre 2022, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/mappemonde/8068 ; DOI : https://doi.org/10.4000/mappemonde.8068

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Auteurs

Frédéric Bray

INRAE Grenoble UR LESSEM

Audrey Alluin

Réseau Pastoral Auvergne-Rhône-Alpes

Anouk Courtial

Centre d’Études et de Réalisations Pastorales Alpes-Méditerranée

Fabien Candy

Réseau Pastoral Auvergne-Rhône-Alpes

Julien Vilmant

Réseau Pastoral Auvergne-Rhône-Alpes

François Finance

Réseau Pastoral Auvergne-Rhône-Alpes

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-SA-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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