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Actualité de la recherche
Comptes rendus

Ricardo González Villaescusa, Katia Schörle, Frédéric Gayet, François Réchin (dir.), L’exploitation des ressources maritimes de l’Antiquité. Activités productives et organisation des territoires

Laurent Brassous
Référence(s) :

González Villaescusa, R., K. Schörle, Fr. Gayet, Fr. Réchin, L’exploitation des ressources maritimes de l’Antiquité. Activités productives et organisation des territoires, Antibes, Éditions APDCA, 2017, 374 p.

Texte intégral

1Ce livre sur l’exploitation des ressources maritimes de l’Antiquité rassemble les actes communs au XXIIe colloque de l’Association du monde rural gallo-romain AGER et des XXXVIIe Rencontres Internationales d’archéologie et d’Histoire d’Antibes. Le thème sort des thématiques habituelles de l’association AGER mais il est bienvenu. En effet, les 20 contributions réunies dans cet ouvrage portent sur les littoraux du bassin méditerranéen occidentale et sur les littoraux atlantiques, débordant le cadre strictement gaulois des habituels colloques d’AGER. Elles s’intéressent à la production, à la transformation et à la circulation sur le littoral afin d’examiner l’effet de ces activités sur le peuplement et l’organisation des territoires.

2L’ouvrage débute par une série d’études ichtyologiques et malacologiques concernant soit l’ensemble des artéfacts prélevés sur un site défini, soit une catégorie particulière de restes provenant de différents lieux. La première contribution d’A. Borvon livre un aperçu complet et détaillé de la variété des restes de poissons qui ont été mis au jour lors des fouilles du site du port romain de Ratiatum (Rézé, France) [pp. 23-40]. Beaucoup de ces poissons appartiennent à des espèces exclusivement marines, ce qui laisse supposer leur importation sur ce site de fond d’estuaire, probablement sous la forme de sauces de poissons. D’autres espèces correspondent à des refus de pêche. Ces petits poissons trop petits pour être consommés pourraient provenir d’écluses à poissons. L’étude ichtyologique suivante des restes des sites d’Harfleur (Seine Maritime, France) et de Nempont-Saint-Firmin (Pas-de-Calais, France) par T. Oueslati met en évidence de nouvelles formes d’exploitation des ressources halieutiques dans le nord de la Gaule à l’époque romaine en rupture avec les habitudes antérieures tels que la consommation de la morue, l’utilisation du hareng pour la production de garum et l’usage d’offrande de poissons dans les pratiques funéraires (pp. 41-56). Puis l’article de C. Dupont et D. Doyen (pp. 57-70) présente les différentes étapes du processus de production du colorant pourpre, du ramassage des coquillages à leur rejet sur le site de la Pouplinière (Saint-Michel-Chef-Chef, France) au tournant de notre ère. La casse particulière des coquilles du pourpre Nucella Lapilus indique l’emploi d’une technique inédite dans cet atelier. C’est un jalon supplémentaire pour la production de ce colorant sur la façade atlantique. F. Maeder revient ensuite sur l’histoire du byssus ou soie marine, textile original et mythique produit dès l’Antiquité à partir du filament d’ancrage du grand coquillage bivalve de Méditerranée appelé Grande nacre ou Pinna Nobilis (pp. 71-88). Enfin l’équipe de D. Bernal présente les résultats de la campagne de fouilles de 2016 qui ont permis de mettre au jour deux nouveaux ateliers de production de garum dans la ville romaine de Baelo Claudia (Tarifa, Espagne) (pp. 89-104). Le premier apport de cette campagne est de fournir des informations précieuses sur la chronologie de la production qui se poursuit sur ce site jusqu’au ve siècle. Les études ichtyologiques ont par ailleurs permis de caractériser les espèces utilisées dans la production des sauces de poissons de types harengs, sardines et anchois (clupéidés et Engraulidae) et des salaisons de poissons (thon). Ajoutons la contribution dirigée par A. Morales Muñiz qui s’intéresse aux restes ichtyozoologiques indicateurs des activités de pêche artisanales locales sur les côtes atlantiques du sud-ouest de l’Europe dans l’Antiquité, indépendantes des productions de garum et salaisons de poissons (pp. 177-196). Ce travail collectif met en évidence de séries de taxons permettant de différencier les pêches saisonnières et permanentes.

3Plusieurs contributions s’intéressent ensuite aux outils utilisés ou fabriqués sur le littoral. Ainsi D. Bernal et F. G. Rodríguez Martin détaillent une découverte originale provenant du castellum de Tamuda (Maroc) [pp. 105-118]. Il s’agit d’un rabot de charpentier du ive siècle réalisé en os de Baleine franche. J. M. Vargas Girón (pp. 119-138) livre ensuite une synthèse de sa thèse de doctorat sur les outils de pêche en Hispanie. Longtemps négligé, ce matériel est aujourd’hui mieux pris en compte en particulier lors des fouilles archéologiques. L’auteur propose ici un protocole standard d’analyse de ce type d’artéfact (hameçons, poids, outils de tissage de filets, …). J. Á. Expósito présente un ensemble de poids de filets de pêche, en plomb, à décors géométriques exhumés dans les niveaux d’abandons du vie siècle des fabriques de salaisons découvertes en 2007 à proximité de Carteia (San Roque-Cadix, Espagne) [pp. 139-158]. Les découvertes de ces poids sont relativement nombreuses dans le détroit de Gibraltar. Leur utilisation était également importante au Proche-Orient où des artefacts similaires sont abondamment documentés. L’auteur suggère ainsi l’existence de liens étroits entre la région du détroit et l’orient méditerranéen.

4Les contributions suivantes portent sur les structures de productions à l’échelle d’un site ou d’un territoire plus vaste. Ainsi R. La Rocca et C. Bazzano présentent leurs recherches sur la production de garum et salaisons de poissons sur l’île de Femmine au nord de la Sicile (pp. 159-177). Les fouilles et les prospections ont permis d’y mettre au jour quelques structures de production et un nombre conséquent d’amphores associées au transport des productions. Les résultats de ces recherches indiquent que la production s’y étendait de l’époque hellénistique au Moyen-Âge. L’activité la plus importante remontait néanmoins à l’époque impériale au cours de laquelle étaient majoritairement utilisées des amphores de type Dressel 21-22. E. García Vargas et J. Martínez Maganto présentent ensuite une synthèse actualisée sur les activités encore mal connues de production de sel dans les salines d’évaporation solaire dans le monde romain (pp. 197-212). Ils proposent ainsi un premier inventaire des sites de production ainsi qu’une estimation de la consommation de sel des villes et des ateliers de salaisons. Ils concluent que la production des marais salants devait couvrir une large part de l’approvisionnement des villes romaines et rejetent l’existence de « routes du sel ». Cette contribution est suivie par la présentation détaillée de la grande saline romaine d’évaporation solaire d’O Areal-Vigo en Galice (Espagne) construite à la fin du ier s. après J.-C. et abandonnée au ive siècle probablement à la suite d’une élévation du niveau marin (pp. 213-234). D. Bernal et D. Cotti présentent ensuite les résultats des récentes recherches conduites sur ladite Bottega del garum (I, 12, 8) de Pompéi jusqu’alors considérée comme principalement dédiée à la vente de garum et de sauce de poissons (pp. 235-252). Grace à une étude pluridisciplinaire, ils complètent et nuancent l’interprétation traditionnelle de cette boutique et suggèrent que ses activités étaient sans doute plus diverses. La contribution suivante de l’équipe de C. Mougne, grâce à la mise en œuvre d’une méthodologie de tamisage à maille fine systématique sur plusieurs sites de fouilles de la ville de Saintes-Mediolanum (Charente-Maritime) fournit un bilan provisoire de la consommation et l’utilisation des ressources marines dans une agglomération antique située à quelques dizaines de km du littoral atlantique (pp. 253-272). Cette étude apporte des informations autant sur les habitudes alimentaires que sur les pratiques funéraires et cultuelles voire certaines techniques décoratives en milieu urbain. Les fouilles archéologiques conduites en 2014 par E. Botte et S. Tusa sur l’Île de Levanzo à l’ouest de la Sicile ont permis de mettre au jour un important atelier de production de salaisons de poissons comprenant près de 30 bassins et d’une capacité de production minimum de 128 m3 (pp. 273-284). L’activité de l’atelier est située d’après le matériel céramique du iiie s. av. au iie s. ap. J.-C., avec sans doute un point culminant au iie s. av. J.-C. ; bien que les fouilles n’aient pas livré de matériel ichtyologique permettant de préciser la nature de la production, les fouilleurs supposent qu’il était vraisemblablement dédié à la transformation des thons. M. Pasqualini et E. Botte présentent ensuite un bilan sur l’exploitation des ressources maritimes entre le ier s. av et le ve siècle ap. J.-C. sur les territoires d’Arles, Marseille et Fréjus (pp. 285-300). Ce bilan souligne comment la colonisation romaine a suscité localement de nouvelles productions de salaisons de poissons, rapidement concurrencées par les productions espagnoles avec l’intégration de la province dans les réseaux commerciaux méditerranéens. Les prospections terrestres et sous-marines conduites dans le golfe de San Vito Lo Capo au nord-ouest de la Sicile permettent à l’équipe de Ph. Tisseyre d’éclairer d’un jour nouveau les activités de pêche et de transformations des produits maritimes dans cette région longtemps considérée comme un désert humain (pp. 301-318). Quoique les traces de l’occupation restent difficiles à cerner avec précision, les prospections indiquent que la fréquentation de la zone fut relativement importante entre les périodes hellénistique et romaine. Quant aux restes de litages de coquilles de rocher fascié Hexaples trunculus découverts sur l’île de Cavallo au sud de la Corse, ils sont interprétés par l’équipe de L. Vidal comme provenant d’une production de pourpre (pp. 319-340). La faible quantité des dépôts ne permet pas aux auteurs de suggérer mieux qu’une activité d’extraction saisonnière et opportune ; une conclusion qu’ils pensent devoir être confirmée par des fouilles plus extensives du site. La contribution suivante présente la fouille du site littoral de la Turquerie (Pas-de-Calais) par l’équipe de T. Moriceau. Ce travail montre comment les populations de ce site du haut Moyen Âge ont su combiner les ressources agro-pastorales et halieutiques de la plaine maritime (pp. 341-356). Pour finir, B. Costa Ribas et C. Alfaro Giner livrent une mise au point sur la place de la production de la teinture de pourpre dans les îles Baléares à l’époque tardive à partir des données littéraires et des données archéologiques disponibles, une production qui est bien connue par la mention dans la Notice des dignités d’un procurator baphii insularul Balearum (pp. 357-371).

5Au terme de cet ouvrage, on regrettera un peu l’absence d’une conclusion générale qui aurait permis de mettre en perspective l’apport global de ces différentes contributions. Cela n’enlève rien à l’intérêt de cette publication collective dont la lecture montre d’abord la diversité des ressources littorales exploitées par les anciens (pêche et produits dérivés de la pêche, sel marin, agriculture et pastoralisme) et ensuite comment celles-ci ont pu évoluer et se transformer avec l’intégration de ces littoraux dans le territoire impérial. Par-delà l’étude des seules ressources maritimes, l’un des intérêts de ce livre est de rassembler des communications portant spécifiquement sur l’espace littoral dans l’Antiquité, révélant l’originalité d’un territoire dont l’occupation dépendait des opportunités offertes et des contraintes imposées par ce milieu si particulier d’interface entre la terre et la mer. On appréciera le nombre des études consacrées au littoral atlantique, un espace longtemps méconnu. L’ouvrage confirme enfin, s’il en était besoin, l’intérêt des approches pluridisciplinaires pour la caractérisation des productions et des consommations du passé. Les analyses ichtyologiques et malacologiques permettent aujourd’hui d’affiner notre connaissance des activités de production humaines révélant des éléments jusqu’alors insoupçonnés, leur publication montre l’importance de leur systématisation.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Laurent Brassous, « Ricardo González Villaescusa, Katia Schörle, Frédéric Gayet, François Réchin (dir.), L’exploitation des ressources maritimes de l’Antiquité. Activités productives et organisation des territoires »Mélanges de la Casa de Velázquez [En ligne], 51-2 | 2021, mis en ligne le 01 novembre 2021, consulté le 19 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/mcv/15598 ; DOI : https://doi.org/10.4000/mcv.15598

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Auteur

Laurent Brassous

Université de La Rochelle/UMR LIENSs

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