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Regards croisés sur les crises médiévales

Vers une archéologie des crises alimentaires ?

Adrien Bayard, Vanessa Bayard-Maret et Gabriel Cordeiro

Résumés

L’étude des crises alimentaires repose aujourd’hui largement sur l’apport des données matérielles. Cependant, on peut s’interroger sur la pertinence d’étudier ces événements sans l'aide des textes. En effet, cette question revêt une réelle importance pour le haut Moyen Âge compte tenu de la rareté des informations disponibles. L'archéothanatologie constitue néanmoins un champ des plus prometteurs permettant de caractériser l’état nutritionnel des populations anciennes. Il convient toutefois de rappeler les spécificités de cette documentation, afin de pouvoir apprécier au mieux les intérêts et les limites de cette approche. Cet article se propose donc de dresser un premier état des lieux des apports de l’archéologie à la compréhension des épisodes alimentaires.

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Notes de l’auteur

Les auteurs du présent article tiennent à remercier tout particulièrement Isabelle Abadie et François Gentili pour avoir autorisé la reproduction des figures ci-dessous.

Texte intégral

  • 1 Zemour 2016.

1Lorsque l’on souhaite étudier les crises alimentaires et plus largement l’état nutritionnel des populations anciennes, l’apport des données matérielles est fondamental et notamment celles issues de l’analyse des restes humains. Ce champ d’investigation, qui fait partie des problématiques de l’archéothanatologie ou archéologie de la mort1, est en effet particulièrement à même de documenter les rythmes biologiques des populations et donc de participer à la compréhension des « crises » (c’est-à-dire des pics) de mortalité, que l’on peut dans un second temps tenter d’interpréter. Il faut toutefois rappeler les spécificités de cette documentation, ainsi que celles de la démarche archéothanatologique afin de pouvoir apprécier au mieux les intérêts et les limites de cette approche.

  • 2 Duday 2005.
  • 3 Leroi-Gourhan 1988.
  • 4 Boulestin 2012 et Boulestin, Duday 2005.

2L’un des principaux apports de chercheurs comme Henri Duday a été de replacer le mort au centre de l’analyse de la sépulture, en rappelant que tous les gestes funéraires sont pratiqués autour du cadavre, en fonction du cadavre2. Avant toute chose, il convient donc de revenir sur la notion de sépulture. La définition première est celle proposée par Jean Leclerc et Jacques Tarrête pour le dictionnaire de la préhistoire d’André Leroi-Gourhan en 19883. Il s’agit du : « Lieu où ont été déposés les restes d’un ou plusieurs défunts, et où il subsiste suffisamment d’indices pour que les archéologues puissent déceler dans ce dépôt la volonté d’accomplir un geste funéraire ; de manière plus restrictive, structure constituée à l’occasion de ce geste funéraire. » Cette définition a depuis été complétée par Bruno Boulestin : « Lieu où sont déposés les restes d’un ou de plusieurs défunts, ce dépôt étant conçu comme définitif et intervenant dans le cadre d’une cérémonie dont la finalité est d’honorer au moins un des défunts au travers de sa dépouille»4.

3Même, si pour les périodes historiques, l’identification d’une structure contenant des restes humains comme une sépulture va souvent de soi, notamment grâce à l’apport des données textuelles qui nous éclairent sur les pratiques funéraires de la période, il existe cependant des cas plus difficiles à identifier. L’archéologue en présence de restes humains doit donc toujours se poser la question : s’agit-il ou non d’une sépulture ? En effet, deux types de pratiques conduisent à la gestion d’un cadavre sans sépulture : le rejet ou l’abandon de cadavre (corps traité comme un déchet, un rejet domestique, il n’a pas de funérailles) et la privation de sépulture (volonté de déshonorer le défunt, dimension négative). Il est à noter qu’il existe également des funérailles qui ne donnent pas lieu à la constitution d’une sépulture (défunt incinéré dont les cendres sont répandues, par exemple). C’est pour cela que sont utilisés aujourd’hui les termes plus neutres d’archéothanatologie, ou archéologie de la mort, afin d’établir une différence entre pratiques funéraires et pratiques mortuaires pour parler des restes humains qui se trouvent hors contexte sépulcral. De même, lors d’une crise de mortalité, l’afflux de cadavres peut aboutir à une modification des comportements funéraires habituels où une structure correspond à un corps. Il se développe alors d’autres modes d’inhumation tels que les sépultures multiples (plusieurs corps enterrés simultanément dans une même fosse). On pense bien évidemment aux charniers mais il peut également s’agir de tombes renfermant deux ou trois corps. Il convient de différencier les sépultures multiples des sépultures collectives, cette dernière appellation étant réservée aux tombes où le dépôt des corps s’effectue au fur et à mesure des décès, ce qui implique une réouverture de la tombe. Un pic de mortalité peut également se traduire par une multiplication des inhumations directement en pleine terre, alors qu’elles sont peu communes au Moyen Âge et à l’Époque moderne, où l’emploi de contenants funéraires (sarcophages, coffrages et cercueils) est quasi systématique.

4Cependant, l’analyse des changements survenus dans les pratiques funéraires présente plusieurs limites. En premier lieu, si la crise était particulièrement bien gérée, elle se traduirait uniquement par une augmentation importante de sépultures individuelles dans un court laps de temps. Or, ces sépultures sont indifférenciables des inhumations classiques, puisqu’on ne dispose pas actuellement de méthodes de datation suffisamment précises pour pouvoir démontrer la contemporanéité de ces dépôts. De plus, face à des sépultures multiples il est extrêmement délicat d’attribuer une cause précise et/ou unique à la crise ayant entraîné ces décès. En effet, guerres, famines et épidémies sont étroitement liées. Une famine peut être, en effet, la conséquence d’un conflit. De même, les organismes affaiblis par une crise alimentaire constituent un terrain favorable à la propagation d’épidémies opportunistes.

  • 5 Morgan 2013.

5Lorsque l’on souhaite étudier les effets des crises alimentaires sur l’état sanitaire des populations anciennes, il faut également rappeler la distinction faite par certains biologistes et démographes entre famine aiguë et famine chronique. La famine aiguë se produit sur une courte période, pouvant atteindre plusieurs mois mais en un seul épisode ; la famine chronique se déroule quant à elle, sur plus d'un an. Elle se caractérise soit par une période de forte mortalité régulière, soit par des épisodes de mortalité exacerbée résultant d’insuffisances cycliques ou saisonnières5. Ces épisodes peuvent entraîner deux types d’effets : la malnutrition, qui est une déficience en vitamines ou en minéraux ; et la sous-nutrition ou dénutrition qui est une déficience face aux exigences caloriques journalières. Il faut toutefois rappeler qu’un individu en sous-nutrition est également malnutri, mais le contraire n'est pas nécessairement vrai.

6De même, lorsque l’on cherche à caractériser ce type de crise par l’analyse archéothanatologique, nous devons garder à l’esprit ce que l’on pourrait appeler le « paradoxe ostéologique » : il est en effet pratiquement impossible de distinguer les effets d’une famine ou d’une épidémie sur le squelette des individus décédés rapidement durant cet épisode puisque seuls les survivants garderont en mémoire sur leurs os les stigmates de cette crise. De plus, les périodes de stress particulièrement puissant (famine, fièvre, traumatisme…) seront plus visibles chez les immatures (les individus n’ayant pas fini leur croissance osseuse), dont le squelette en pleine croissance marquera d’autant mieux l’information.

7Il faut également avoir conscience des nombreux filtres entre la population vivante et la population découverte dans un ensemble funéraire au cours de fouilles archéologiques. En effet, il existe un premier biais de sélection entre la population décédée et la population inhumée, car tous les individus ne font pas forcément l’objet du même traitement après la mort. Dans certaines sociétés, tous n’ont pas accès à la nécropole. De même, le traitement funéraire est différent en fonction de l’âge au décès. Entre la population inhumée et la population archéologique d’autres facteurs peuvent entrer en jeu comme la ré-intervention humaine sur les tombes (pillage, réutilisation de sépulture pour plusieurs défunts…). Il faut également tenir compte des facteurs environnementaux liés à l’érosion des sites (les tombes de jeunes enfants souvent enterrés moins profondément souffriront plus des labours), ainsi que la conservation de l’os en fonction de la nature des sols. Enfin, entre la population archéologique et l’échantillon osseux conservé, il existe là encore une perte importante d’information liée aux conditions de fouille, mais surtout à la mauvaise conservation de l’os qui ne se préservera pas une fois prélevé. La population archéologique n’est donc pas le reflet de la population vivante. Il faut garder à l’esprit l’importance de ces multiples biais avant d’entamer toute étude d’un ensemble funéraire.

8Devant ces réelles difficultés méthodologiques, il convient de multiplier les approches susceptibles de documenter les réactions de sociétés humaines face aux crises alimentaires, en tentant d’appréhender les changements opérés dans les régimes alimentaires ou dans les pratiques funéraires, mais également les indices fournis par l’analyse ostéologique (indicateurs de stress, des pathologies de malnutrition ou tout simplement l’âge de décès).

Crise de subsistance et pratiques alimentaires

9Lorsque la question des crises alimentaires apparaît dans les textes médiévaux, elle est très souvent associée à la mention de cas de cannibalisme de survie. Or pour tenter de répondre à cette périlleuse question, nous possédons pour le haut Moyen Âge un unique exemple. Il s’agit du site de « La Confiserie » située à Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), au nord de Paris, dont les restes humains ont été étudiés par Isabelle Abadie, archéothanatologue à l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP).

  • 6 Voir fig. 1 : Plan de l’habitat carolingien (fin VIIIe-IXe siècle) de « La Confiserie », Villiers- (...)
  • 7 Pour rappel, les silos sont des structures creusées dans le sol servant à stocker les céréales, la (...)
  • 8 Pour plus d'informations sur les cinquante-six silos découverts sur le site de la « La Confiserie  (...)
  • 9 Abadie et al. 2013, p. 189.

10La fouille de « La Confiserie » a été réalisée en 2004 sous la direction de François Gentili ; ce site se situe à environ 17 km de Paris, sur la commune de Villiers-le-Bel, département du Val-d'Oise. Il s’agit d’une occupation rurale mise en place à la fin du VIIIe siècle et mêlant habitat et structures agricoles6. L'occupation est continue sans interruption jusqu'à la fin du Moyen Âge. Le site est divisé en deux par l’actuelle rue Gambetta. Situé dans la portion sud du site, le silo 14417 fait partie d'un ensemble de quatre silos8, datés de la fin du VIIIe et du début du IXe siècle d’après l'analyse des lots céramiques trouvés dans ces structures9. Le silo 1441 a plus spécifiquement livré du mobilier du début du IXe siècle. Sa morphologie présente un profil piriforme et son volume reconstitué est de 1,21 m³. Après avoir été abandonné, ce silo a été utilisé pour le rejet des déchets domestiques (principalement des tessons de céramique et des restes osseux).

  • 10 Concernant la description du contenu du silo 1441, nous nous réfèrerons à l’étude d’Isabelle Abadi (...)

11Dans cette structure ont été trouvés les restes de trois individus provenant du même niveau stratigraphique10 : deux d’entre eux en partie inférieure, le dernier reposait au-dessus des deux autres. Il faut également noter l’homogénéité du comblement principal du silo 1441, composé d’un limon noir compact charbonneux, avec inclusions de terre rubéfiée. Nous nous intéressons ici uniquement aux deux individus retrouvés en partie inférieure du silo. Les corps de ces deux individus sont  incomplets. Du premier individu, il ne reste plus que quatre vertèbres lombaires encore reliées au sacrum, un segment de sept vertèbres thoraciques en connexion anatomique et une vertèbre thoracique isolée. Le bloc craniofacial a été retrouvé sans mandibule, toujours relié aux trois premières vertèbres cervicales. Enfin, la moitié proximale du fémur droit a également été mise au jour. Le second individu est uniquement représenté par son os frontal. Le premier sujet est un individu adulte dont il n’a pas été possible de déterminer le sexe en l’absence des os coxaux. L’âge au décès du second individu a été estimé entre 3 et 6 ans.

  • 11 Voir fig. 2 et 3 : Individu 2, bloc 1 et 2, traces de découpe des processus épineux et transverses (...)

12Le sujet adulte présente de nombreux stigmates résultant d’actions anthropiques. Ainsi, le segment vertébral thoracique porte des traces de découpe qui semblent suivre la courbure naturelle du rachis. Ces traces de découpes se répètent dans la même direction sur la totalité du segment vertébral lombaire11. Les trois premières vertèbres cervicales qui restent attachées au bloc craniofacial sont très usées, elles ne présentent pas de traces de découpe. Le fémur a été brisé au niveau de la diaphyse. De plus, le grand trochanter a été sectionné. Le fragment du fémur montre une érosion marquée, avec des fissures et des concrétions jaunâtres. Les vertèbres et le bloc craniofacial présentent également ces caractéristiques. Toutefois elles sont moins marquées que celles du fémur. Le bloc craniofacial, en plus des concrétions jaunâtres, présente des taches sombres, principalement au niveau du maxillaire, causées par l’exposition au feu. Ces mêmes concrétions jaunâtres se trouvent sur l’os frontal du sujet immature trouvé dans le silo. L’absence de tout autre élément osseux indique qu’il ne s’agit pas d’un dépôt primaire du sujet immature dans le silo 1441.

  • 12 Abadie et al. 2013, p. 213.
  • 13 Voir fig. 4 : Planches de comparaison entre les découpe observées sur les restes osseux de l’indiv (...)

13Les restes des deux individus attirent l’attention car ils constituent, à côté des fragments d’os carbonisés trouvés dans un silo à Villiers-le-Sec, les seules données archéologiques qui peuvent faire état du cannibalisme de survie pour le haut Moyen Âge12. L’hypothèse du cannibalisme de survie pour les restes humains du silo 1441 est soutenue par une série d’évidences mises en lumière par l’étude d’Isabelle Abadie. Les traces de découpe au niveau du rachis et du fémur de l'individu adulte montrent de nombreuses similitudes avec les traces de découpes bouchères de l'époque gallo-romaine, sur des animaux destinés à la consommation humaine13. Les taches sombres causées par l'exposition au feu, en particulier celles trouvées sous le maxillaire supérieur de l'individu adulte, peuvent indiquer que les morceaux de la viande ont subi une cuisson. En effet, ces taches ne correspondent pas à un processus de crémation, auquel cas les traces auraient concerné l’ensemble du squelette. Enfin, les concrétions jaunâtres démontrent que les os ont été exposés à l’air libre pendant un certain temps avant d'être rejetés dans le silo, subissant l'action des intempéries. Il est difficile d’affirmer avec certitude que le second individu bien qu’il soit contemporain ait subi le même processus. Cependant, l’unique fragment du bloc craniofacial conservé porte les mêmes taches jaunâtres présentes sur le premier corps et possède une fine trace d’incision sur l’orbite gauche.

14L’interprétation de ces éléments, le démembrement, la crémation et le rejet des corps dans un silo est extrêmement complexe. En effet, les silos ne sont généralement pas utilisés pour des inhumations à cette époque, hormis de rares cas. En revanche, ils sont régulièrement réutilisés, une fois les grains extraits, pour l'élimination des déchets domestiques. Par conséquent, les premiers corps du silo 1441 ne peuvent pas être considérés comme des sépultures. Il n’y a pas pour les deux premiers individus de geste funéraire, simplement une gestion des corps semblable à celle de déchets domestiques. Ces réflexions permettent, à la suite d’Isabelle Abadie, de retenir le cas du silo 1441 de « La Confiserie » comme un exemple probable et pour l’instant unique de cannibalisme de survie au Moyen Âge, ce qui réduit les possibilités de comparaison.

  • 14 C’est le cas pour les VIIIe et IXe siècles des Annales Mosellanes, des Annales de Fulda, des Annal (...)
  • 15 Vandenberg 2008, p. 217-272.
  • 16 Devroey 2015, p. 75-76.
  • 17 Cândido 2017, p. 192-193

15Toutefois, les sources écrites font état de multiples cas de cannibalisme de survie pour l’époque carolingienne14. La fiabilité de ces récits a été largement discutée et mise en doute. Ainsi, pour Vincent Vandenberg, la présence du cannibalisme de survie souvent associé dans les textes à la punition divine, constitue une allégorie biblique, une narration anecdotique et non la description d'un fait réel15. Les textes carolingiens décrivent les famines comme des tribulationes provoquées par les péchés commis dans le royaume16. Cependant, même si la référence au modèle biblique est évidente, nous ne devons pas en déduire que ces faits n’ont jamais eu lieu, mais plutôt que la Bible a été utilisée comme clé de lecture, un modèle de l’Histoire17.

  • 18 Newfield 2010, p. 395-396.

16Contrairement à Vincent Vandenberg, Timothy Newfield affirme que nous ne pouvons pas ignorer ces récits de cannibalisme bien qu’ils présentent des analogies avec des passages vétérotestamentaires. Newfield interprète les mentions de cannibalisme comme le signe d’un épuisement de toutes les sources de nourriture possibles. Lorsque les aliments habituels font défaut, les herbes puis les animaux de traction sont consommés et enfin les aliments interdits. Certains récits ne mentionnent que la rumeur de cas de cannibalisme, mais ils peuvent nous donner plus de détails sur la manière dont le cannibalisme de survie était pratiqué et surtout perçu au IXe siècle. Or, ces données peuvent être confrontées aux restes humains du site de « La Confiserie »18. En effet, l'analyse comparative, mettant côte à côte les sources écrites et le silo 1441, rend possible l'observation de détails pour établir un parallèle entre la pratique du cannibalisme dans les documents textuels et le cas du silo 1441. Cette comparaison est d’autant plus nécessaire qu’il n’y a pas pour l’instant de cas semblable dans la documentation matérielle. Pour l'analyse du silo 1441, nous pouvons utiliser notamment les Annales Mosellani et les Annales sanctae Columbae Senonensis :

  • 19 Annales Mosellani 1859, p. 498.

Famis vero, quae anno priori caepit, in tantum excrevit, ut non solum alias immundicias, verum etiam, peccatis nostris exigentibus, ut homines homines, fratres fratres ac matres filos comedere coegit. Ostensa autem eodem anno in ipso regno per diversa loca verno tempore falsa annona per campos et silvas atque paludes innummera multitude, quam videre et tangere poterant, sed comedere nullus.19

  • 20 Vulgata 2004, p. 1043 : Ideo patres comedent filios in medio tui, et filii comedent patres suos : (...)
  • 21 Capitulare Francofurtense 1835, p. 71-75.

17Ce fragment des Annales Mosellani datant de 793 est le plus proche chronologiquement du silo 1441. C'est un court passage, mais il révèle que des enfants ont également été consommés, comme dans le cas du second individu, âgé de 3 à 6 ans au moment de son décès. En effet, si la similitude entre le récit de cannibalisme de 793 des Annales Mosellani et le passage du livre d'Ézéchiel 5:10 est indéniable20, il n’en demeure pas moins que cet épisode de famine est attesté par d’autres annales, ainsi que par le Capitulaire de Francfort de 79421.

  • 22 Bonnassie 1989, p. 1049.
  • 23 Cândido 2013, p. 46-47.
  • 24 McCormick et al. 2007, p. 874.
  • 25 En 800, les Annales regni Francorum signalent un gel sévère au début de l'été. La lettre de Charle (...)
  • 26 Slavin 2016, p. 438.
  • 27 McCormick et al. 2007, p. 875.

18Le cannibalisme de survie apparaît dans les sources écrites au cours du IXe siècle plus qu'à aucun autre moment du haut Moyen Âge22. Cette récurrence du thème du cannibalisme associé à des famines intenses au début du IXe siècle intervient paradoxalement dans la période qui correspondrait à « la première croissance économique », une phase de prospérité de l’économie carolingienne23. Les données paléoclimatiques montrent le début du IXe siècle comme une période de réchauffement dans l'hémisphère Nord sans précédent jusque-là24. Un tel réchauffement a généré un climat propice à la production agricole, base de l'économie domaniale. Cependant, il ne faut pas oublier que ces données sont construites sur une large échelle géographique et temporelle. Une tendance générale au réchauffement ne signifie donc pas l’absence d’années difficiles et d’hivers rigoureux. Il existe des sources écrites de la période qui mentionnent des conditions météorologiques extrêmes au tout début du IXe siècle qui pourraient être à l'origine de la crise alimentaire qui a causé le cannibalisme de « La Confiserie »25. Les données paléoclimatiques analysées par Philip Slavin indiquent que les famines des années 805-807 et 820-824 se sont produites durant une période d’instabilité climatique et de refroidissement à court terme26. Ainsi, les hivers du premier quart du IXe siècle ont été, selon toute vraisemblance, très rigoureux27.

  • 28 Ce lien entre l’apparition d’une comète et la famine apparaît dans les Étymologies d’Isidore de Sé (...)

19Les Annales sanctae Columbae Senonensis, 868, fournissent un compte rendu plus détaillé que les Annales Mosellani. La famine dont il est question dans les Annales de Sainte Colombe de Sens aurait été annoncée par le passage d'une comète28:

  • 29 Annales Sanctae Columbae Senonensis 1826, p. 103.

Indicione prima cometes apparuit circa 4. Kal. Febr. dies circiter 25. [...] Inventi sunt etiam ea tempestate in eodem pago masculi et femine pro nefas! homines alios occidisse et comedisse. Nam in Ponto Siriaco quidam onestam feminam ospitio susceptam occidit, membratimque dividens sale condivit, et sibi suisque filiis comedendam coxit. In ipsa urbe quedam femina de quodam adolescentulo similiter fecit. In pluribus etiam locis aliis hoc ipsum ob famis penuriam contigisse fama vulgante compertum est.29

20Dans ce passage, l'auteur mentionne une famine en Aquitaine et en Bourgogne qui aurait tué un si grand nombre d’hommes qu'il n'y avait plus personne pour enterrer les morts. Ainsi, à Sens, 56 personnes seraient mortes en une seule journée. L'auteur mentionne également deux cas de cannibalisme de survie motivés par la famine intense dans la ville. Le premier aurait été pratiqué par un homme qui aurait tué, démembré et cuisiné une femme honorable qui avait été acceptée comme une invitée dans sa maison. Il aurait par la suite offert la viande à ses enfants.

  • 30 Abadie et al. 2013, p. 215. Voir également l'article de Marcelo Cândido da Silva dans le présent d (...)
  • 31 Annales Engolismenses 1859, p. 486 : Tanta inedia in omnium poene fuit provintiarum et exiguitas p (...)

21Deux éléments de ce récit renvoient directement aux restes découverts dans le silo 1441. Tout d’abord la cuisson du corps est un élément central du passage, ce processus peut provoquer les mêmes taches sombres présentes dans les os de l'individu adulte. Deuxièmement, selon les Annales sanctae Columbae Senonensis, le corps de la femme était démembré. Or, dans le cas de l’individu adulte du silo 1441, les sections observées indiquent le retrait des membres. Le schéma des coups présents sur l’individu adulte s’apparente à celui utilisé en boucherie lors du traitement d’une carcasse de porc30. Cela n’est pas sans rappeler un passage des Annales Engolismenses où pour l’année 868 l'auteur rapporte que « des hommes, en multitude infinie, furent tués par leurs semblables et dévorés à la manière des bêtes »31.

Crise alimentaire et indicateurs de stress

22Après cet exemple spectaculaire mais également problématique, il convient de s’intéresser plus précisément aux marques laissées sur le squelette lors d’épisodes de carences alimentaires. Ces marqueurs surviennent en réaction à une malnutrition, une maladie ou une contrainte environnementale et sont ainsi appelés indicateurs de stress non spécifiques. La façon dont un individu parvient à gérer ce stress dépend de la nature et de l’intensité de ce dernier. Ses effets varient également d’un sujet à un autre en fonction de son âge, de son sexe, du caractère répété du stress, mais aussi de prédispositions génétiques. Les plus courants sont les hypoplasies de l’émail dentaire, les lignes de Harris, qui correspondent à un arrêt momentané de la croissance, ainsi que la cribra orbitalia.

  • 32 Maclellan 2005.

23Les hypoplasies sont de fines lignes correspondant à une réduction de l’épaisseur de l’émail des dents. Elles sont dues à des carences en vitamines A et D, mais peuvent également survenir suite à des épisodes de fortes fièvres ou à des infections32. Elles reflètent une période de stress survenue lors de la formation de la dent, c’est-à-dire pendant l’enfance. La dent se forme depuis le sommet de la couronne jusqu’à la pointe de la racine et la chronologie de son développement est bien connue. Elle constitue en effet une méthode d’estimation de l’âge au décès chez les jeunes enfants. Nous pouvons donc estimer l’âge auquel est survenu cet épisode de stress chez l’individu. Les hypoplasies persistent tout au long de la vie car il n’y a pas de remaniement de l’émail dentaire. Il semble toutefois qu’elles soient plus courantes sur les dents définitives que sur les dents déciduales (les dents de lait) ; les germes des dents déciduales se forment eux dès la vie utérine, puis durant l’allaitement. La rareté des hypoplasies dentaires chez le fœtus, puis le nourrisson, peut s’expliquer par le fait que ce dernier puise largement dans les réserves de sa mère, au détriment de cette dernière. C’est donc elle (en quelque sorte) qui absorbera le stress. A contrario, les dents définitives continuent de se former après le sevrage, cette période étant critique pour le développement de l’enfant. Il s’agit en effet d’un moment de forte mortalité infantile pour les populations anciennes.

24La formation des lignes de Harris procède du même mécanisme. Elles se détectent sur les os longs par radiographie et traduisent un déséquilibre de la croissance, suivi d’une période de récupération. Cependant, elles peuvent disparaître au cours de la vie en raison du remaniement osseux. Néanmoins, tout comme les hypoplasies dentaires, les causes d’apparition des lignes de Harris sont multiples. Elles peuvent être dues à une carence en protéines et en vitamine A, une anémie chronique, une maladie infectieuse, un diabète, un traumatisme, ainsi qu’un empoisonnement au plomb… De même une période de stress de plusieurs semaines est nécessaire pour que ces deux indicateurs se marquent sur le squelette.

  • 33 Walker et al. 2009.

25Le dernier indicateur le plus communément observé est l’hyperostose porotique, qui se manifeste par des perforations à la surface de l’os, notamment dans les zones où celui-ci est le plus fin comme les os du crâne. Ainsi, la forme la plus courante se situe à l’intérieur des orbites et est dénommée Cribra orbitalia. Les causes en sont l’anémie, la déficience en protéines, en vitamines B et C, mais aussi de fortes hémorragies (résultant notamment pour les femmes de problèmes survenus lors de l’accouchement)33. Il faut également noter qu’une infestation parasitaire entraînant une anémie provoquera le développement de ce type de marques sur le squelette. D’autres critères peuvent également être pris en compte comme la périostite qui est une inflammation du périoste, le tissu vascularisé qui recouvre la surface de l’os. Elle peut survenir suite à une carence nutritionnelle, une maladie infectieuse ou un traumatisme (bien connu des coureurs à pied, la périostite se développant en particulier sur les tibias suite à une trop grande sollicitation du muscle). Enfin la malnutrition peut également entraîner des retards de croissance, ainsi qu’une plus grande gracilité du squelette.

26Cependant l’utilisation de ces marqueurs présente plusieurs problèmes, car tout stress nécessite une certaine durée avant de s’inscrire dans le squelette. Ainsi, seuls les individus ayant survécu à cet épisode en porteront les stigmates tandis que ceux qui y auront succombé n’auront pas eu le temps de les développer. De plus, si ces indicateurs peuvent résulter d’une malnutrition, d’autres causes sont également possibles. C’est pour cela qu’ils sont nommés non spécifiques. En effet, seules la répétition et la multiplicité de ces marqueurs au sein d’un échantillon osseux important peuvent nous permettre d’émettre l’hypothèse d’une malnutrition ou d’une sous-nutrition. Un cas isolé ne peut être pris en compte. Il existe toutefois des pathologies observables et causées plus spécifiquement par une alimentation déficiente. La malnutrition peut rendre le corps plus sensible aux infections et provoquer un retard de croissance, ainsi qu’une plus grande gracilité du squelette. On peut notamment citer le rachitisme, qui affecte les enfants. Cette maladie résulte d'une déficience en vitamine D causée par une exposition insuffisante à la lumière du soleil, ainsi que par un régime alimentaire carencé. La vitamine D assure l'absorption correcte du calcium et du phosphate par l’organisme. Une carence en calcium empêche donc la minéralisation des os et le durcissement du squelette. Les os restent mous, entraînant la déformation des os longs sous le poids du corps.

27Certaines causes anthropiques ont été identifiées comme favorisant le développement du rachitisme : l’urbanisation (rues étroites et sombres, pollution de l'air par des poussières et des fumées, ainsi que le chauffage domestique au charbon), un régime carencé (des allaitements maternels prolongés suivis d'un sevrage aux féculents), le confinement saisonnier ou permanent des enfants, des habitudes vestimentaires, ainsi que le travail des enfants et des jeunes mères en milieu agricole ou industriel. Une carence en vitamine D chez les sujets adultes a également pour conséquence une déminéralisation du squelette, cette maladie est alors appelée l’ostéomalacie.

Crise alimentaire et identités sociales

28L’étude des marqueurs osseux de malnutrition ne prend tout son sens que lorsque l’on croise ces différents indicateurs sur un grand nombre d’individus, issus dans la mesure du possible de divers contextes archéologiques contemporains. En effet, seule la comparaison de l’état sanitaire d’individus provenant de différents sites permet de dresser un tableau des conditions de vie de ces populations et de leur capacité de résistance face aux épisodes de stress, particulièrement les crises alimentaires. Ces éléments participent à la perception des identités sociales par l’archéologue au même titre que les marqueurs de richesses comme les structures d’habitat, le mobilier ou les restes osseux des animaux consommés. Toutefois, en l’absence de synthèse régionale sur ces questions nous limiterons ici notre propos aux résultats disponibles qui permettent de mesurer l’impact des épisodes de malnutrition en fonction des niveaux socio-économiques.

  • 34 Mafart 1989 ; Mafart 1996.
  • 35 Mafart, 1989, p. 76.

29Nous devons en premier lieu de saluer l’étude pionnière de Bertrand-Yves Mafart sur quatre nécropoles provençales datant du premier Moyen Âge34 : la zone funéraire de l’abbaye Saint-Victor de Marseille datée entre la fin du IVe et celle du VIe siècle (où une quarantaine de sépultures ont été fouillées), la quinzaine de tombes issues du prieuré de Ganagobie (Alpes-de-Haute-Provence) datées du Xe siècle, ainsi que des nécropoles de La Gayole (Var) (XIe- XIIe siècle, 11 individus) et de Beaulieu-sur-Mer (VIe-VIIe siècle, 30 individus). L’intérêt majeur de ce travail réside dans la comparaison effectuée entre des populations ayant des états sanitaires très différents, voire opposés. Ainsi, sur la nécropole rurale de La Gayole de multiples traces de carences, ainsi qu’un fort indice de gracilité des squelettes ont été observés. Inversement, à Saint-Victor dans un contexte monastique et urbain, on est frappé par la présence de nombreux cas de goutte, d’ulcères sur les membres inférieurs et des pathologies liées à des diabètes (en partie causés par l’obésité)35. Les résultats du test, mené sur la radiographie du premier métatarsien, confirme l’opposition nette entre les populations des sites cléricaux où près de 25% des premiers métatarsiens prélevés sur les squelettes ont connu une croissance régulière, et les nécropoles rurales où cette proportion tombe à moins de 10%. Cette dichotomie se retrouve également dans l’analyse d’un marqueur très spécifique, la Spina bifida qui peut être aperta (absence de fermeture du tube neural) ou occulta (hiatus d’un ou plusieurs arcs postérieurs du sacrum, anomalie bénigne). Cette pathologie est directement due à une malnutrition de la mère durant la quatrième semaine de vie intra-utérine, principalement à une carence en acide folique, c’est-à-dire en vitamine B9. Or cette vitamine que l’on trouve dans les légumes verts et la viande est très peu stockée par l’organisme et des carences apparaissent en 4 mois seulement. De plus, les besoins en acide folique sont augmentés durant la grossesse, le fœtus piochant considérablement dans les réserves de la mère. Or, plus des trois-quarts des squelettes de La Gayole présentent un hiatus sur au moins une vertèbre du sacrum. Pour que cette pathologie soit si nettement perceptible sur l’échantillon osseux, cela implique l’existence d’épisodes chroniques de malnutrition ayant notamment touché des femmes enceintes.

  • 36 Fossurier 2016.
  • 37 Perez 2013.
  • 38 Perez 2013, vol. 1, p. 283-316.
  • 39 Fossurier 2016, p. 278.

30Enfin, les résultats obtenus par Carole Fossurier36 et Émilie Perez37 permettent de dresser un premier état de la situation sanitaire et des différences existant entre les populations de la Gaule au haut Moyen Âge, particulièrement entre les sites urbains et ruraux. Ainsi, Émilie Perez a proposé de croiser l’apparition des pathologies dentaires, principalement les caries, mais également l’usure dentaire, le tartre et la parodontose avec deux autres indicateurs de stress, la Cribra orbitalia et l’hypoplasie dentaire pour les immatures présents sur les sites de Notre-Dame de Cherbourg (VIIe-IXe siècle), Larina (Ve-VIIIe siècle), Hières-sur-Amby (VIIIe-Xe siècle), Saint-Martin-de-Fontenay (VIIe siècle), du Michelet à Lisieux (VIIe-VIIIe siècle), Cutry, ainsi qu’à Rouen sur les sites de la Cour d'Albane et de la Cour des Maçons (XIe-XIIe siècle)38. En effet, un enfant souffrant de malnutrition dès les premières années de sa vie verra son immunité diminuer et sera donc plus sensible aux stress environnementaux, ainsi qu’aux pathologies dentaires. Or, les modes d’allaitement particuliers (de nuit, allaitement exclusif) et les épisodes de malnutrition dans la petite enfance font partie des principaux facteurs expliquant la fréquence élevée des caries sur les dents déciduales dans les populations peu favorisées. La forte présence des indicateurs de stress et l’état pathologique buccal médiocre des squelettes plaident en faveur de populations immatures globalement éprouvées, particulièrement pour les sites de Rouen et de Lisieux. En revanche, les enfants issus des sites de Larina et de Cherbourg semblent avoir bénéficié de meilleures conditions de vie et ne pas avoir été soumis à des stress nutritionnels, infectieux ou environnementaux importants. Toutefois, l’influence environnementale est difficile à mesurer, bien que des analyses isotopiques puissent confirmer si une alimentation spécifique, avec une forte dominante halieutique explique le bon état sanitaire global de cette population. De même, Carole Fossurier dans son étude sur les populations carolingiennes du nord-ouest de la Gaule (VIIIe-Xe siècle) a noté que les deux sites présentant les atteintes pathologiques les plus graves sont des sites urbains (Bondy et Amiens). Le milieu urbain se caractérise dans son ouvrage surtout par un indice infectieux très élevé, qui peut être lié au regroupement de populations, caractérisant les conditions de vie urbaines et potentiellement à une plus grande insécurité alimentaire39. Émilie Perez avance des résultats plus contrastés car le site urbain de Cherbourg et ruraux de Larina à La Motte et du Mollard présentent les prévalences les plus faibles. De même, les contextes urbains tardifs de Rouen et de Lisieux présentent des prévalences d’indicateurs de stress particulièrement élevées, ainsi que l’occupation de Saint-Martin-de-Fontenay (qui se distingue des autres sites ruraux par certaines pathologies dentaires, un épais dépôt de tartre, ainsi que par une usure marquée). Ces importantes variations entre des populations résidant parfois sur des sites proches géographiquement incitent à fortement nuancer la question du clivage urbain/rural, même pour les conditions de vie des immatures, d’autant que les corpus numériquement importants d’individus en ville peuvent provenir de contextes très particuliers comme les cimetières jouxtant les hospices et les hôpitaux, ce qui implique des populations particulièrement éprouvées.

Conclusion

31En l’état de la documentation on ne peut que conclure à la difficulté d’identifier une crise alimentaire avec les seules données archéologiques, en partie du fait de l’impossibilité de caractériser précisément une crise ponctuelle de mortalité avec les sources matérielles. Ce premier constat ne fait que renforcer la nécessité d'un dialogue entre les sources matérielles et textuelles et plus largement le besoin d’étude interdisciplinaire pour ce type de questions. Ainsi, l’étude des crises alimentaires demeure néanmoins d’un grand intérêt pour l’archéologue, puisque ces épisodes permettent d’étudier les réponses apportées par les sociétés humaines (l’évolution des pratiques alimentaires et funéraires), lorsqu’elles sont confrontées à des moments de fortes tensions.

32On peut également s’interroger sur la nécessité de différencier les crises alimentaires des épidémies opportunistes (typhus, dysenterie, malaria) qui leur sont souvent associées. Cela est en partie dû aux origines très diverses des indicateurs du stress, qui demeurent les traces les plus fréquemment rencontrées lors de l’analyse des squelettes. De même, il est quasiment impossible de différencier en archéologie une malnutrition chronique d’une famine aiguë.

33Toutefois, la prise en compte des marqueurs de stress nutritionnel constitue aujourd’hui un champ particulièrement prometteur pour appréhender les différents modes de vie existant au sein des populations médiévales et donc les identités sociales. Il convient donc de développer des études paléopathologiques en cas de suspicion, car seule la présence généralisée de ce type de marqueur sur une population archéologique permet de valider l’hypothèse d’un épisode de crise alimentaire. Pour l’archéologue, ce type de conclusion ne peut s’obtenir que par la multiplicité des critères.

Fig. 1 – Plan de l’habitat carolingien (fin VIIIe-IXe siècle) de « La Confiserie », Villiers-le-Bel (Val-d’Oise) - Abadie et al. 2013, p. 188 [© F. Gentili, INRAP].

Fig. 1 – Plan de l’habitat carolingien (fin VIIIe-IXe siècle) de « La Confiserie », Villiers-le-Bel (Val-d’Oise) - Abadie et al. 2013, p. 188 [© F. Gentili, INRAP].

Fig. 2-3 – Individu 2, bloc 1 et 2, traces de découpe des processus épineux et transverses, « La Confiserie », Villiers-le-Bel (Val-d’Oise) - Abadie et al. 2013, p. 205 et 206 [© I. Abadie, INRAP].

Fig. 2-3 – Individu 2, bloc 1 et 2, traces de découpe des processus épineux et transverses, « La Confiserie », Villiers-le-Bel (Val-d’Oise) - Abadie et al. 2013, p. 205 et 206 [© I. Abadie, INRAP].

Fig. 4 – Planches de comparaison entre les découpes observées sur les restes osseux de l’individu 2 du silo 1441 de « La Confiserie », Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), et celles pratiquées en boucherie sur le porc et sur le bœuf, à l’époque gallo-romaine - Abadie et al. 2013, p. 215 [© I. Abadie, extrait de Méniel 1998 ; données de sources : Lignereux – Peters 1996 ; dessins (porc, bœuf) d’après M. Coutureau, INRAP].

Fig. 4 – Planches de comparaison entre les découpes observées sur les restes osseux de l’individu 2 du silo 1441 de « La Confiserie », Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), et celles pratiquées en boucherie sur le porc et sur le bœuf, à l’époque gallo-romaine - Abadie et al. 2013, p. 215 [© I. Abadie, extrait de Méniel 1998 ; données de sources : Lignereux – Peters 1996 ; dessins (porc, bœuf) d’après M. Coutureau, INRAP].


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Sources

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Notes

1 Zemour 2016.

2 Duday 2005.

3 Leroi-Gourhan 1988.

4 Boulestin 2012 et Boulestin, Duday 2005.

5 Morgan 2013.

6 Voir fig. 1 : Plan de l’habitat carolingien (fin VIIIe-IXe siècle) de « La Confiserie », Villiers-le-Bel (Val-d’Oise).

7 Pour rappel, les silos sont des structures creusées dans le sol servant à stocker les céréales, la durée moyenne d’utilisation de ces structures est estimée entre 16 et 32 ans, voir Gentili 2008, p. 121.

8 Pour plus d'informations sur les cinquante-six silos découverts sur le site de la « La Confiserie », voir Catteddu 2009, p. 35.

9 Abadie et al. 2013, p. 189.

10 Concernant la description du contenu du silo 1441, nous nous réfèrerons à l’étude d’Isabelle Abadie avec la collaboration de François Gentili et la participation de Bruno Boulestin, Philippe Charlier et Jean-Hervé Yvinec, publiée en 2013 dans la Revue Archéologique d’Île de France (RAIF).

11 Voir fig. 2 et 3 : Individu 2, bloc 1 et 2, traces de découpe des processus épineux et transverses, « La Confiserie », Villiers-le-Bel (Val-d’Oise).

12 Abadie et al. 2013, p. 213.

13 Voir fig. 4 : Planches de comparaison entre les découpe observées sur les restes osseux de l’individu 2 du silo 1441 de « La Confiserie », Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), et celles pratiquées en boucherie sur le porc et sur le bœuf, à l’époque gallo-romaine.

14 C’est le cas pour les VIIIe et IXe siècles des Annales Mosellanes, des Annales de Fulda, des Annales de Sainte-Colombe de Sens, des Annales d’Angoulême, des Annales de Xanten, des Annales Augsbourg et de la Gesta de l’Église de Sens. Bonnassie 1989, p. 1049.

15 Vandenberg 2008, p. 217-272.

16 Devroey 2015, p. 75-76.

17 Cândido 2017, p. 192-193

18 Newfield 2010, p. 395-396.

19 Annales Mosellani 1859, p. 498.

20 Vulgata 2004, p. 1043 : Ideo patres comedent filios in medio tui, et filii comedent patres suos : et faciam in te judicia, et ventilabo universas reliquias tuas in omnem ventum.

21 Capitulare Francofurtense 1835, p. 71-75.

22 Bonnassie 1989, p. 1049.

23 Cândido 2013, p. 46-47.

24 McCormick et al. 2007, p. 874.

25 En 800, les Annales regni Francorum signalent un gel sévère au début de l'été. La lettre de Charlemagne à l’évêque Ghaerbald mentionne un climat instable et un risque de famine imminente en 805. Voir notamment Annales regni Francorum 1859, p. 110.

26 Slavin 2016, p. 438.

27 McCormick et al. 2007, p. 875.

28 Ce lien entre l’apparition d’une comète et la famine apparaît dans les Étymologies d’Isidore de Séville, 2004, p. 466. : Cometes stella est dicta eo quod comas luminis ex se fundat. Quod genus sideris quando apparauerit, aut pestilentiam, aut famem, aut bella significat.

29 Annales Sanctae Columbae Senonensis 1826, p. 103.

30 Abadie et al. 2013, p. 215. Voir également l'article de Marcelo Cândido da Silva dans le présent dossier : « Les disettes et les prix des denrées alimentaires à l’époque carolingienne ».

31 Annales Engolismenses 1859, p. 486 : Tanta inedia in omnium poene fuit provintiarum et exiguitas panis, ut pro inopia victus homines infinitae multitudinis fuere a conparibus interempti atque bestiarum more dentibus laniati.

32 Maclellan 2005.

33 Walker et al. 2009.

34 Mafart 1989 ; Mafart 1996.

35 Mafart, 1989, p. 76.

36 Fossurier 2016.

37 Perez 2013.

38 Perez 2013, vol. 1, p. 283-316.

39 Fossurier 2016, p. 278.

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Table des illustrations

Titre Fig. 1 – Plan de l’habitat carolingien (fin VIIIe-IXe siècle) de « La Confiserie », Villiers-le-Bel (Val-d’Oise) - Abadie et al. 2013, p. 188 [© F. Gentili, INRAP].
URL http://journals.openedition.org/mefrm/docannexe/image/5303/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 404k
Titre Fig. 2-3 – Individu 2, bloc 1 et 2, traces de découpe des processus épineux et transverses, « La Confiserie », Villiers-le-Bel (Val-d’Oise) - Abadie et al. 2013, p. 205 et 206 [© I. Abadie, INRAP].
URL http://journals.openedition.org/mefrm/docannexe/image/5303/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 1,6M
URL http://journals.openedition.org/mefrm/docannexe/image/5303/img-3.jpg
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Titre Fig. 4 – Planches de comparaison entre les découpes observées sur les restes osseux de l’individu 2 du silo 1441 de « La Confiserie », Villiers-le-Bel (Val-d’Oise), et celles pratiquées en boucherie sur le porc et sur le bœuf, à l’époque gallo-romaine - Abadie et al. 2013, p. 215 [© I. Abadie, extrait de Méniel 1998 ; données de sources : Lignereux – Peters 1996 ; dessins (porc, bœuf) d’après M. Coutureau, INRAP].
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Pour citer cet article

Référence électronique

Adrien Bayard, Vanessa Bayard-Maret et Gabriel Cordeiro, « Vers une archéologie des crises alimentaires ? »Mélanges de l’École française de Rome - Moyen Âge [En ligne], 131-1 | 2019, mis en ligne le 26 septembre 2019, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/mefrm/5303 ; DOI : https://doi.org/10.4000/mefrm.5303

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Auteurs

Adrien Bayard

Laboratório de Estudos Medievais (LEME), Universidade de São Paulo (USP) / FAPESP - LaMOP (UMR 8589) / ArScAn(UMR 7041) équipe TranSphère - bayard.garigliano@free.fr

Vanessa Bayard-Maret

Service Archéologie du Val-de-Marne - ArScAn(UMR 7041) équipe TranSphère - vanessa.bayard@valdemarne.fr

Gabriel Cordeiro

Laboratório de Estudos Medievais (LEME), Universidade de São Paulo (USP) / FAPESP - gabriel.cordeiro@usp.br

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