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Les forums Internet comme espaces de discussion entre adolescent.e.s sur l’orientation scolaire : vers la construction d’une contre-expertise ?

Internet forums as spaces for discussions between adolescents on career decision – moving towards creation of counter-experience?
Nadia Gauducheau et Michel Marcoccia

Résumés

Cet article porte sur le partage de savoirs sur l’orientation scolaire entre adolescent.e.s dans les forums Internet. Il s’agit d’identifier la nature de l’aide recherchée par les adolescent.e.s dans ces forums et de mettre en évidence les discours et représentations qui apparaissent. Le corpus étudié est un ensemble de discussions menées dans le forum Ados.fr dans la rubrique « Orientation ». Les résultats montrent l’importance de la recherche de soutien social et de comparaison sociale. Ils mettent en avant une forme originale « d’expertise profane » des adolescent.e.s à propos de l’orientation, qui est dialogique, argumentative et basée sur l’expérience.

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Texte intégral

Introduction

1Cet article porte sur le partage de savoirs et l’entraide entre adolescent.e.s sur l’orientation scolaire dans les forums Internet.

2Le groupe des pairs influence la formation et l’évolution des projets d’orientation des adolescent.e.s (Dumora, 2004). En effet, les pairs ont une place centrale dans la vie sociale des adolescent.e.s. Ils vont influencer leurs valeurs et les normes qu’ils.elles construisent et constituent une « source d’information » sur les questions d’orientation (Marquié, 2012).

3À notre connaissance, peu d’études portent sur les échanges et discussions entre adolescent.e.s, lorsqu’ils.elles abordent l’orientation et s’entraident sur ce sujet. Nous avons choisi dans cet article d’aborder ces questions.

4Les adolescent.e.s sont des utilisateur.rice.s massif.ve.s d’Internet, en particulier des dispositifs de communication numérique. Les échanges qui prennent place dans ces dispositifs jouent alors un rôle important dans la sociabilité et l’exploration de différentes problématiques de la vie adolescente (Metton, 2004). On peut donc supposer que les adolescent.e.s abordent l’orientation dans les échanges sur Internet. C’est pourquoi nous avons choisi d’étudier les discussions entre pairs dans un de ces dispositifs numériques, le forum Internet.

5De manière générale, Internet a fait émerger de nouvelles formes d’entraide, de recherche d’information et de construction de connaissances basées sur les discussions et le partage de savoirs entre pairs plutôt que sur le recours exclusif à des expertises habituelles (Flichy, 2010). Il est donc intéressant d’identifier les savoirs des adolescent.e.s sur l’orientation, construits dans ces forums, et de repérer la posture des adolescent.e.s : se présentent-ils.elles comme expert.e.s, proposent-ils.elles une « contre-expertise » sur l’orientation par rapport aux professionnels et / ou aux parents ou bien se conforment-ils.elles au modèle des experts ?

6Ainsi, dans cette étude, nous proposons d’identifier l’aide recherchée auprès des pairs dans le forum Ados.fr et de décrire les discours et représentations sur l’orientation qui émergent des discussions entre pairs dans ce forum. Ce travail s’inscrit à l’intersection des recherches en analyse de discours (en particulier de tradition française, qui analyse la dimension idéologique des discours en faisant appel principalement aux théories de l’énonciation linguistique, de l’argumentation et de l’intertextualité, voir Maingueneau, 1996) et en psychologie (qui analyse les représentations sociales à partir des discours des individus, voir Jodelet, 1989).

Forums de discussion entre pairs et orientation

7Dans cette partie, nous décrirons les usages des forums puis envisagerons le rôle possible de ce dispositif pour les questions d’orientation scolaire à l’adolescence. Cela nous amènera à aborder ensuite deux aspects dans l’orientation : la recherche d’aide auprès des pairs et les discours et représentations des adolescent.e.s.

Adolescent.e.s, Internet et forums de discussion

  • 1 . Étude IPSOS (2015). Les jeunes, Internet et les réseaux sociaux. Synthèse disponible à l’adresse (...)

8Internet et la communication numérique sont devenus depuis une quinzaine d’années des modes d’accès privilégiés aux discussions entre adolescent.e.s, que ce soit à travers les plateformes de réseaux sociaux, les échanges par SMS, par messagerie ou dans les forums. Internet et la culture numérique en général ont en effet pris une place considérable dans la vie des adolescent.e.s. Selon certains, cette culture numérique imprégnerait fortement les adolescent.e.s et les jeunes adultes (la génération Y), dont les pratiques de communication électronique écrite sont encore plus importantes que pour la moyenne de la population. En France, en 2015, par exemple, 78 % des 13-19 ans avaient une page Facebook 1 !

9Internet est essentiellement utilisé par les adolescent.e.s comme un dispositif d’information, de jeu, de téléchargement ou de communication. Comme le montre Gauducheau (2016), le forum présente de nombreux avantages pour la recherche d’information « quotidienne » des adolescent.e.s (sur les loisirs, la santé, etc.) : accès libre, public et à tout moment, anonymat, organisation par thèmes, audience large. Par exemple, selon Puustinen, Volckaert-Legrier, Coquin et Bernicot (2009), les élèves utilisent les forums pour l’entraide scolaire en ligne. Internet est aussi utilisé pour participer à des jeux massivement multijoueurs en ligne (comme League of Legends). Par ailleurs, Internet et le Web sont utilisés pour le téléchargement (légal ou illégal) de musique (Pinet-Fernandes, 2008). Cependant, Internet est avant tout utilisé pour communiquer, que ce soit avec d’autres jeunes inconnus (e.g. dans les forums) ou avec un réseau d’amis sélectionnés, à travers l’usage massif des plateformes de réseaux sociaux (e.g. Facebook).

  • 2 . Selon le Classement CybereStat de mai 2012 (mediatrie.fr), Ados.fr est le trente-deuxième site le (...)

10Le forum de discussion n’est pas le dispositif le plus utilisé par les adolescent.e.s, mais correspond néanmoins à un usage bien inscrit dans les pratiques. On peut ainsi noter que les sites proposant des forums dédiés aux adolescent.e.s (comme Ados.fr) font partie des sites les plus visités sur le Web 2. De manière privilégiée, les forums de discussion permettent aux adolescent.e.s d’échanger sur des sujets qui ont deux propriétés : ce sont des « problèmes » à résoudre, et on ne peut pas en parler aisément avec des adultes (les parents en particulier). Ainsi, le thème de la sexualité est récurrent ainsi que les relations amoureuses, l’apparence physique, les difficultés de relation et les difficultés scolaires et familiales (Quinche, 2008).

11Selon l’étude un peu ancienne de Suzuki et Calzo (2004), basée sur des méthodes d’analyse de contenu, les contributions des adolescent.e.s à ces thèmes de discussion sont de différents types : exposition d’une opinion personnelle (63 %), conseils (44 %), apport d’information concrète (37 %), récit de son expérience personnelle (33 %), soutien émotionnel (12 %), renvoi vers une aide médicale / professionnelle (4 %), etc. La variété des types de discours produits montre que le dispositif est assez peu contraignant de ce point de vue.

12Le forum, en tant qu’espace de discussion entre pairs, semble avoir par ailleurs un rôle particulier pour le développement psychosocial des adolescent.e.s : le dialogue dans les forums est une manière de mettre à l’épreuve son identité ou sa séduction. Le forum possède différents avantages pour l’exploration de l’identité : il permet de communiquer sans les engagements que génère un échange réel (on peut entrer et sortir quand on veut), d’élaborer son identité sous le couvert de l’anonymat et avec le support de pseudonymes (Marcoccia, 2015). De plus, les adolescent.e.s sont réunis dans les fils de discussion par des centres d’intérêts communs et non pas par des relations sociales préétablies. Le forum constitue du même coup un groupe très accessible, sans exclusion a priori. Enfin, les adolescent.e.s peuvent aussi utiliser les forums pour s’engager dans des confrontations sans fin : certain.e.s adolescent.e.s vont avoir systématiquement une attitude dépréciative à l’égard des autres (Atifi, Gauducheau, & Marcoccia, 2015).

13En fait, le forum de discussion est un des dispositifs emblématiques de ce que Flichy (2010) appelle le « sacre des amateurs ». On parle du « sacre des amateurs » pour désigner la place importante qu’ont sur Internet les connaissances des profanes, l’expertise des « personnes ordinaires », favorisant l’émergence des Pro-Am (professionnels-amateurs) et la démocratisation des compétences. Cette tendance s’inscrit dans le champ de la connaissance (avec Wikipédia, par exemple, permettant à chacun de se faire encyclopédiste), de la consommation (e.g. TripAdvisor) et du politique (avec les nombreux commentaires profanes publiés sur les sites de presse écrite). Internet devient en fait un espace de communication polyphonique où peuvent coexister des discours d’autorité traditionnels et des discours ordinaires pouvant fonctionner comme contre-expertises.

14La légitimité des discours « profanes » sera construite sur la base de l’expérience plus que de l’expertise et s’inscrit dans une dynamique d’intelligence collective. Ainsi, certains internautes préféreront faire appel à l’ensemble des expériences individuelles susceptibles d’être sollicitées dans un forum, par exemple, pour trouver des informations, du soutien ou pour résoudre des problèmes.

15Ce processus a été largement étudié dans le champ de la santé. Par exemple, Akrich et Méadel (2009) montrent que les activités des groupes dans les forums sur la santé vont du soutien mutuel à la constitution d’une expertise des patients articulant expériences personnelles et connaissances médicales. Les discussions permettent aux patients de faire le lien entre les expériences des individus et des connaissances plus formalisées.

16Dans certains cas, ce phénomène prend une dimension politique dans le sens où l’expert ordinaire fait descendre l’expert autorisé de son piédestal, il le déstabilise et peut, à travers une dynamique collective, constituer un contre-pouvoir basé sur la capacité qu’ont les internautes de se prendre en charge. Flichy (2010) donne l’exemple de Wikipédia comme forme de contre-expertise scientifique, puisque les articles peuvent rouvrir des controverses, contester certains résultats scientifiques. Dans un autre domaine, Delalandre (2014) observe que les internautes contestent l’expertise scientifique biomédicale en la confrontant à leur expérience personnelle des soins et des médicaments.

Forum et orientation

17Comme nous le verrons, dans notre corpus, l’orientation renvoie pour les adolescent.e.s à choisir une formation, une filière, un établissement.

18Ces décisions sont directement ou indirectement liées à des choix professionnels.

19Par ailleurs, la construction des choix d’orientation s’inscrit dans le développement de l’identité à l’adolescence (Lannegrand-Willems, 2012). Cela renvoie notamment aux représentations que les adolescent.e.s ont de leurs objectifs, de leurs intérêts et de leurs talents, c’est-à-dire à ce que dans d’autres perspectives de recherche on appelle l’identité vocationnelle (Guichard & Huteau, 2006).

20Nous faisons l’hypothèse que le forum peut être un outil utilisé par les adolescent.e.s pour obtenir des informations et discuter des choix d’orientation scolaire. En effet, Internet et les réseaux sociaux constituent une source d’information pour l’orientation très souvent citée par les jeunes (Guéguen & Mourlet, 2013 ; Marquié, 2012). Par ailleurs, le forum est un espace privilégié chez les adolescent.e.s pour le partage de savoirs, de conseils et le soutien social.

21Nous nous intéresserons plus particulièrement à deux questions dans cette étude, qui sont liées à la nature de notre terrain : la recherche d’aide auprès des pairs dans l’orientation (le forum est un lieu d’entraide) et les discours et représentations des adolescent.e.s à propos de l’orientation (le forum est un lieu de construction de savoirs).

Recherche d’aide auprès des pairs et orientation

22Lorsque les jeunes décrivent leurs pratiques pour « trouver » leur orientation, ils déclarent rechercher de l’aide (des informations, des conseils) auprès de leur famille, de leurs ami.e.s, des professionnel.le.s de l’orientation (enseignant.e.s, conseiller.ère.s d’orientation) et rechercher des informations dans des documents et sur Internet (Guigue, 2001 ; Guéguen & Mourlet, 2013 ; Marquié, 2012).

23Les études semblent indiquer que les interlocuteurs privilégiés sont la famille et les pairs (Julien, 2004 ; Marquié, 2012 ; Morel, 2001). L’enquête de Guéguen et Mourlet (2013) montre que 75 % des Bretons âgés de 15 à 19 ans déclarent s’adresser à leur entourage (parents, famille, amis), et 59 % s’adressent aux enseignant.e.s et éducateur.rice.s pour discuter d’orientation. Une enquête menée par Berthet (2008) indique que 84,4 % des élèves interrogés (collège et lycée) déclarent avoir plus ou moins fréquemment discuté de leur orientation avec leurs parents et 68,9 % avec leurs amis.

24Les parents sont perçus par les adolescent.e.s comme un soutien important dans les choix d’orientation, mais le rôle des pairs n’est pas à négliger (Felsman & Blustein, 1999 ; Kracke, 2002). On note que 65 % des jeunes interrogés par Berthet (2008) estiment avoir été aidés par leurs parents et 27,5 % par leurs amis pour le choix d’orientation.

25De manière générale, les pairs occupent une place importante dans la vie des adolescent.e.s. Ces derniers cherchent à acquérir de l’autonomie par rapport à leurs parents (nouvelles valeurs, modes de pensée, etc.), les pairs fournissent alors des références et du soutien, extérieurs à la famille (Cannard, 2010).

26L’influence des pairs se manifeste par l’adoption de comportements conformes aux normes du groupe, renforcés par les pairs ou qui favorisent la popularité, la reconnaissance (Brechwald & Prinstein, 2011). On parle parfois de pression des pairs pour souligner l’importance des phénomènes de conformisme en particulier chez les plus jeunes (Brown, 1982).

27Par exemple, les pratiques et préférences culturelles (musique, usage des médias, lecture, etc.) sont fortement liées aux réseaux de sociabilité (Pasquier, 2005). Pour ce qui concerne l’orientation, les pairs influencent les valeurs et les normes construites par les adolescent.e.s et contribuent donc à façonner les intérêts des jeunes en valorisant certaines activités (Lent, 2008). Les préférences professionnelles et les imaginaires professionnels des collégien.ne.s sont donc généralement ceux du groupe de pairs (Dumora, 2004).

28Par ailleurs, les pairs peuvent apporter du soutien social face à une situation difficile. Le soutien social comporte différentes dimensions : le soutien émotionnel (estime de soi, confiance, affects), l’évaluation (comparaison sociale, feedback, confirmation), le soutien informationnel (suggestions, conseils, informations) et le soutien instrumental (aide matérielle) (Stroebe & Stroebe, 1996). À l’adolescence, le soutien apporté par les pairs augmente et devient aussi important que celui apporté par les parents (qui à l’inverse diminue durant cette période) (Helsen, Vollebergh, & Meeus, 2000). Pour Pasquier (2005), le poids des relations entre pairs dans le processus de socialisation s’est accru avec les transformations de la société (paysage scolaire, relation parent-enfant). Pour faire face à l’anxiété suscitée par les choix d’orientation, les adolescent.e.s peuvent donc s’appuyer sur le soutien apporté par les pairs selon Felsman et Blustein (1999). On observe ainsi un lien entre l’implication des adolescent.e.s dans des activités d’exploration pour leur orientation et la perception d’un soutien social de la part des pairs (fréquence des discussions sur l’orientation, sentiment d’être aidé pour faire des choix) (Kracke, 2002 ; Turan, Celik, & Turan, 2014).

29De plus, les pairs jouent un rôle dans le développement de l’identité, notamment en fournissant des feedbacks renforçant l’estime de soi (Berndt, 2002).

Discours et représentations des adolescent.e.s sur l’orientation

30Cet article propose de mettre au jour les représentations qu’ont les adolescent.e.s sur l’orientation à travers l’étude des discours qu’ils.elles produisent lorsqu’ils.elles sont engagé.e.s dans des échanges numériques entre pairs.

31Les représentations sociales peuvent être définies comme des savoirs plus ou moins partagés par un certain nombre d’individus. Ce sont des savoirs « naïfs » par opposition aux connaissances scientifiques qui s’élaborent et s’expriment dans les activités discursives et communicationnelles (Jodelet, 1989).

32On sait que ces représentations évoluent avec l’âge et sont influencées par de multiples facteurs : les intentions d’avenir des élèves sont liées à l’environnement familial, scolaire, aux pairs, à la construction de l’identité et à l’intégration des normes (sexe, milieu social, hiérarchie scolaire, etc.) (Dumora, 2004 ; Guichard & Cassar, 1998 ; Jacques, 2003).

33Pour identifier ces représentations, quelques rares études s’appuient sur les discours des élèves, par exemple Guigue (2001) et Dumora (2004). Ces études montrent que les élèves adaptent leurs projets aux résultats et normes scolaires (choisir en fonction de ses notes). En quelque sorte, un « bon » choix d’orientation est un choix compatible avec les résultats scolaires.

34L’étude de Dumora (2004) montre qu’avant l’échéance de l’orientation en fin de troisième, les adolescent.e.s font référence à des préférences et à des métiers stéréotypés (devenir sportif, travailler dans la mode, etc.). Lorsque l’échéance des choix se rapproche, les élèves mettent en avant les disciplines d’enseignement et l’ajustement entre leurs préférences et leurs résultats scolaires (discours de rationalisation, parfois de résignation). Guigue (2001) montre également que les critères que les élèves jugent importants dans le choix d’orientation sont les performances scolaires (notes), les capacités et goûts personnels, et les caractéristiques du métier (avantages), elle note peu de remises en cause de l’institution scolaire.

35Les travaux de Dubet et Martuccelli (1996) illustrent aussi ce phénomène d’intégration des normes scolaires. Selon ces auteurs, l’orientation est associée à un phénomène de sélection par les résultats et de hiérarchisation des projets dont les élèves ont conscience. Il existe une forte hiérarchie des filières, notamment entre enseignement général et enseignement professionnel, entre filières scientifiques et littéraires, entre établissements, etc., que les élèves connaissent bien.

Questions de recherche

36Deux questions de recherche guident nos analyses.

37Les pairs sont un soutien possible dans l’orientation, et le forum est un lieu d’entraide. Il sera donc intéressant d’observer, pour les questions d’orientation, dans les forums, si les adolescent.e.s recherchent l’aide de leurs pairs et de décrire les problèmes qui font l’objet des discussions.

38Les discours des adolescent.e.s sur leur orientation témoignent du fait qu’ils.elles intègrent les normes scolaires. En même temps, le forum est un lieu où les discours « profanes » (amateurs), voire les « contre-expertises » peuvent être légitimes. Il sera donc intéressant d’analyser les discours et représentations des adolescent.e.s à propos de l’orientation dans le forum pour déterminer s’ils sont conformes ou non aux normes scolaires (e.g. les adolescent.e.s accordent-ils.elles une place prépondérante aux notes, aux avis de l’institution scolaire ?). Observe-t-on, comme dans certains forums, une forme de « contre-expertise » ?

39Cette étude pluridisciplinaire (analyse du discours et psychologie) est exploratoire et descriptive. Notre propos est d’apporter quelques éléments empiriques pour répondre aux deux questions que nous venons d’exposer. De manière plus générale, l’intérêt de ce travail est de proposer de nouveaux terrains pour l’étude de l’orientation chez l’adolescent.e en s’appuyant sur l’analyse de discussions entre pairs, de discours spontanés, produits par les adolescent.e.s en situation naturelle, alors que les travaux sur l’orientation s’appuient pour l’essentiel sur l’analyse d’entretiens et de questionnaires. Par ailleurs, l’activité des adolescent.e.s en ligne, par exemple les messages qu’ils.elles produisent dans les forums ou sur les réseaux sociaux, est devenue un objet d’étude inévitable, car elle constitue une part essentielle de leur vie.

Méthodologie et corpus

Le forum comme méthode de recueil de données

40Pour cet article, le choix d’analyser des échanges de messages produits dans des forums de discussion répond à deux logiques exposées par Marcoccia (2011).

41Tout d’abord, le forum de discussion est intéressant en tant que dispositif favorisant la production de discours d’expertise ordinaire. C’est à travers l’usage de tels dispositifs que se joue effectivement la question de la mise en place d’autres formes d’expertises, basées non plus sur les formes institutionnelles d’autorité, mais sur l’authenticité de discours et d’expériences ordinaires.

42De plus, les forums de discussion peuvent présenter un intérêt en tant que dispositif de recueil de données. Le chercheur, en observant des forums, a accès à des corpus naturels (les messages résultent d’activités discursives qui auraient lieu en l’absence du chercheur) et déjà transcrits.

43Néanmoins, du point de vue méthodologique, l’analyse des forums doit s’accommoder d’un accès assez faible aux contextes de production des messages : il est impossible d’obtenir plus d’informations sur les auteurs des messages que celles qu’ils présentent eux-mêmes.

Le forum Ados.fr

  • 3 . Après avoir été liés au site Ados.fr, ils sont accessibles depuis 2012 à partir du site Public.fr (...)

44Nous avons extrait des discussions des forums du site Ados.fr qui reçoivent en moyenne quatre millions de visites par mois depuis 2010 (un peu plus de deux millions d’utilisateurs enregistrés avaient posté un message au 15 avril 2016) 3.

45Un forum présente un ensemble de fils de discussion. Un fil est une suite de messages : un message d’ouverture (opinion, question, etc.) et des réponses. Les participant.e.s peuvent se contenter de lire les messages, de contribuer à un fil existant (répondre, continuer la discussion) ou d’ouvrir un nouveau fil (une nouvelle discussion).

46Treize forums thématiques sont proposés dans Ados.fr (actu, études, télé, beauté et mode, santé, musique, ciné, livres bd, beauté mode, people, love, sport, multimédia, 100 % filles), avec à chaque fois plusieurs rubriques.

47Le forum « études » (350 283 messages au 15 avril 2016) comporte six rubriques, dont la rubrique intitulée « orientation » (76 334 messages au 15 avril 2016, soit 22 % des messages dans « études »). Cette rubrique représente 0,5 % des messages du forum (au 12 décembre 2016).

Corpus

48Nous avons sélectionné dans la rubrique « orientation » 120 fils de discussion ayant été actifs entre janvier et décembre 2015.

49Le principe de recueil est le suivant : pour chaque mois, nous avons sélectionné les dix premiers fils affichés par ordre antéchronologique en prenant comme critère la date à laquelle le dernier message du fil a été posté (c’est de cette manière que sont affichés les fils dans le forum). La sélection du corpus a été réalisée le 10 février 2016.

50Parmi les 120 fils sélectionnés, six sont hors sujet (publicité, aide pour devoirs, etc.) et ont été écartés. Le corpus comprend donc 114 fils, soit 859 messages. L’analyse porte sur une partie seulement de ces messages.

Participant.e.s

51Il y a environ 300 participant.e.s différent.e.s (identifié.e.s par des pseudonymes différents) dans notre corpus (pour 859 messages). Ce sont a priori des adolescent.e.s, puisque le forum est explicitement dédié aux adolescent.e.s. Certain.e.s participant.e.s postent un très grand nombre de messages, alors que d’autres interviennent peu, comme cela est souvent le cas dans les forums (Akrich & Méadel, 2009).

52La participation au forum n’exige pas d’afficher son identité « réelle » : les échanges se font sous le couvert de pseudonymes. Il est parfois possible de récupérer des informations sur les participant.e.s lorsqu’ils.elles décident de les dévoiler dans leur profil ou leurs messages (e.g. le sexe, l’âge, le lieu d’habitation) ou à travers leur pseudonyme (dont on pourra par exemple déduire le sexe).

53Dans notre cas, les informations sur le sexe et l’âge n’étaient pas assez complètes pour être traitées. En revanche, il était possible d’identifier le niveau scolaire des adolescent.e.s ouvrant un fil de discussion (114 messages), puisqu’ils.elles l’explicitaient très souvent. Il s’agissait pour l’essentiel de lycéens et en particulier d’élèves de seconde (voir tableau 1).

Tableau 1. Niveau scolaire des participant.e.s ouvrant un fil de discussion

Niveau scolaire

Cinquième

1

Quatrième

3

Troisième

21

Seconde

32

Première

16

Terminale

22

CAP

2

Post-baccalauréat

11

Indéterminé

6

Total

114

Table 1. Academic level of participants opening a message thread

Méthode d’analyse des messages

54Des analyses de type analyse de contenu et analyse du discours en interaction (qui combine dimensions énonciatives et pragmatiques, Kerbrat-Orecchioni, 2005) ont été réalisées manuellement (voir tableau 2). Nous avons partagé les analyses puis discuté des résultats obtenus.

55Pour étudier l’aide recherchée par les adolescent.e.s dans le forum, nous avons analysé les 114 messages qui ouvrent un fil.

  • 4 .  Les extraits des messages ont été reproduits tels quels (avec les fautes notamment).

56Nous avons cherché à voir si ces messages sont des demandes de soutien social. Un message a été classé comme une demande de soutien social lorsque l’auteur explicite une demande d’aide (« j’aimerai vos avis sur tout cela 4 ») et / ou pose une question (« Il y a-t-il une spé favorisée en prépa éco ? ») sur son orientation.

57Nous avons ensuite classé les problèmes rencontrés par les adolescent.e.s à partir d’une analyse de contenu. Nous avons élaboré les catégories à partir de lectures répétées des messages.

58Afin d’étudier les représentations et les discours des adolescent.e.s sur l’orientation, nous avons constitué trois « sous-corpus » composés des messages (demandes et réponses) qui abordent les thèmes suivants : (1) les acteurs de l’orientation (65 messages), (2) les critères de choix (160 messages) et (3) les sources d’informations (104 messages). L’objectif général de ces trois sous-analyses est d’identifier la manière dont les adolescent.e.s, dans le forum, se positionnent par rapport aux discours des experts, de l’institution scolaire.

59(1) Nous avons identifié le rôle que les adolescent.e.s attribuent aux parents, aux enseignant.e.s et aux conseiller.ère.s d’orientation en analysant les termes utilisés pour décrire ce que ces acteurs font : proposer, aider, vouloir, etc. Nous avons également repéré la manière dont ils sont jugés en analysant les termes évaluatifs utilisés pour les décrire : énoncés (« je suis d’accord avec lui ») et adjectifs (« bornés »).

60(2) Nous avons également analysé les critères que les adolescent.e.s déclarent utiliser pour leurs choix d’orientation.

61Dans un premier temps, nous avons identifié et classé ces différents critères qui peuvent être explicites (« choisis celle qui te plaît le plus » « Parce qu’après, la licence en elle-même elle est bien, j’aime bien les cours ») ou implicites (« vas en S. Ça ne te fermera pas de portes » comporte l’implicite suivant : une bonne orientation ouvre de nombreux débouchés).

62Dans un deuxième temps, nous avons analysé la manière dont ces critères et leurs systèmes de valeurs sous-jacents (e.g. mettre en avant les débouchés de l’orientation signale une vision utilitariste de l’orientation) se combinent ou sont en opposition.

63Nous avons repéré les cas où des oppositions entre critères / valeurs apparaissent dans un même message (que dois-je choisir : A ou B ?) et les cas de désaccords entre participant.e.s (par exemple, A suggère une orientation vers un bac ES pour l’intérêt des matières « ça peut être intéressant si tu aimes la “spiritualité” car on fait de la socio, etc. » et B répond en exprimant un désaccord : « S c’est “mieux” dans le sens où tu peux aller dans tous les domaines après le bac. »).

64Une analyse des critères d’orientation décrits dans les brochures de l’ONISEP (considérant qu’il s’agit d’un acteur important) est également proposée pour une comparaison avec le discours des adolescent.e.s.

65(3) Enfin, nous avons identifié les sources d’informations que les adolescent.e.s déclarent rechercher / utiliser ou qu’ils.elles conseillent. Nous avons analysé la manière dont elles sont jugées avec, comme pour (1), une analyse des termes évaluatifs (« c’est pas mal comme site » « va aux portes ouvertes, aux salons mais fais gaffe… » « je te conseille… »).

Tableau 2. Description des analyses

Question, unité et échantillon

Dimensions analysées

Méthode d’analyse

Quelle aide recherchée ?

Unité : le message

114 messages

Demande de soutien ou non

Analyse pragmatique (valeur illocutoire du message)

Situations-problèmes évoqués

Analyse de contenu

Quelles représentations et quels discours sur l’orientation ?

Unité : phrase ou proposition

Taille de l’échantillon variable

Rôle et évaluation des acteurs de l’orientation

Analyse de contenu et analyse des termes évaluatifs

Critères de choix et consensus entre les adolescent.e.s

Analyse de contenu et analyse des interactions

Évaluation des différentes sources d’informations

Analyse de contenu et analyse des termes évaluatifs

Table 2. Description of the analysis

Résultats

L’aide recherchée par les adolescent.e.s

66Les messages qui ouvrent un fil de discussion sont tous, de manière attendue, des demandes de soutien social, en particulier des demandes de soutien informationnel (« je cherche des conseil, astuce, idée, avis et des noms d’écoles ou d’entreprises ou autre dans le pays concerne »). Les adolescent.e.s demandent qu’on leur apporte des informations (« Et la question que je veux poser est ce qu’avec un bac ST2S on peut aller en fac de medecine ? »), des opinions (« Je voudrais avoir les avis des gens qui sont(ou ont été) en 1re ou Tle L ») et des conseils (« Que dois-je faire ? »). On trouve également des demandes de soutien évaluatif (évaluation de la situation problématique), parfois considéré comme un genre particulier de soutien informationnel (« pensez-vous que je prends un risque en choisissant cette voie »). On note que les adolescent.e.s recherchent également parfois du soutien émotionnel de manière implicite lorsqu’ils.elles expriment leur détresse (« Vous l’aurez compris, le problème c’est qu’on sous-estime beaucoup mes capacités à la maison et si ce n’est ma mère, personne ne croit en ma réussite ! »).

67Nous avons classé les problèmes décrits par les adolescent.e.s. Ils correspondent à trois phases dans un choix d’orientation.

(1) Choisir une orientation (30 messages, 26,4 %)

68La première catégorie de problème que les adolescent.e.s exposent est d’arrêter une décision / un choix de formation (série du baccalauréat, formation post-baccalauréat, métier, choix d’un établissement). Dans deux messages, les adolescent.e.s n’ont pas d’idée d’orientation et cherchent des suggestions (« Une idée de métier où l’on voyage beaucoup à grande distance ? »), mais le plus souvent, la situation est présentée comme un problème de choix entre deux alternatives ou plus (« J’hésite entre ces deux bacs là : ST2S-STAV »). Les adolescent.e.s exposent à cette occasion les critères de choix qu’ils.elles ont utilisés pour sélectionner les différentes alternatives (ces critères seront décrits plus loin).

(2) Valider et mettre en œuvre une orientation (68 messages, 59,6 %)

69Dans la deuxième catégorie de problème, les adolescent.e.s exposent un premier choix et recherchent des informations et avis complémentaires (« Bonjour alors voilà j’aimerais devenir kinésithérapeute mais j’aimerais avoir plus d’informations sur… »).

70Les demandes des adolescent.e.s peuvent alors viser à valider / confirmer leur choix par le biais de demandes d’informations sur le contenu des formations (« J’aimerais en savoir un peu plus sur cette formation… Une journée type… ») ou sur les débouchés professionnels, de demande d’évaluation des chances d’être accepté.e dans la formation choisie (« Alors voila, est ce que avec ces résultat j’ai une chance d’aller en ES ? »), de demandes d’évaluation des chances de réussir dans la formation et de demandes de témoignages de ceux qui ont fait le même choix de formation (« Est-ce qu’il y a parmi vous des personnes qui ont tenté les concours communs des IEP… »).

71On trouve également des demandes dont la finalité semble être de savoir comment mettre en œuvre un choix. Il s’agit alors de demandes d’information sur les critères d’admission dans les formations (« J’aimerais savoir combien de moyenne faut-il au minimum pour viser une assez bonne école de commerce ou une prépa économique »), sur le type de formation à suivre et les procédures en fonction du projet choisi.

72Enfin, plus marginalement, quatre messages visent à savoir comment convaincre les parents d’un choix d’orientation (« Je souhaiterai faire une première ES car j’aime bien les langues vivantes (…) sauf que mes parents (et même ma grande sœur) veulent ABSOLUMENT que je fasse une première S. (…) Que dois-je faire ? »).

(3) Changer d’orientation (16 messages, 14 %)

73La troisième catégorie de problème exposée par les adolescent.e.s est le projet de changer d’orientation à la suite d’un choix insatisfaisant. On trouve dans ces messages des demandes de suggestions pour une nouvelle orientation (« Je suis en DUT informatique, la formation ne me plait pas je souhaiterai me réorienter mais je ne sais pas quoi faire j’ai mon bac S niveau moyen »), des demandes d’évaluation du nouveau projet choisi et des demandes de conseils pour changer de lycée suite à une affection non désirée.

74On observe donc que pour un.e adolescent.e, le forum sert surtout à faire valider collectivement un choix qui a déjà été fait.

Les représentations des acteurs de l’orientation

75Nous avons étudié les représentations des adolescent.e.s à propos des conseiller.ère.s d’orientations, des enseignant.e.s et des parents.

76Les adolescent.e.s évoquent le.la conseiller.ère d’orientation (dans 14 fils, 23 messages) pour indiquer généralement qu’ils.elles sont allé.e.s le.la consulter (ou qu’ils.elles vont le faire) ou bien pour recommander d’y aller. Cela semble faire partie de la procédure « normale » lorsque l’on rencontre un problème d’orientation (« Ben va voir un conseiller d’orientation »). De manière attendue, les actions d’un.e conseiller.ère sont dire, proposer, aider. Comme on le verra plus loin, la représentation de la qualité de l’aide apportée est mitigée. D’un côté, recommander d’aller voir un.e conseiller.ère ne suscite pas de réaction, renforçant ainsi l’idée de banalité. On note tout de même une réaction négative d’un.e participant.e : « Je te déconseille la conseillère d’orientation ». Les commentaires des bénéficiaires d’une aide d’un.e conseiller.ère montrent parfois que celle-ci est perçue comme efficace ou du moins non problématique (« bon conseiller ») ou au contraire qu’elle est insatisfaisante.

77Dans l’ensemble, les enseignant.e.s semblent être une référence légitime et appréciée pour les questions d’orientation (14 fils, 24 messages). Le rôle de l’enseignant.e est de conseiller (« je te conseille de parler à ton prof principal pour éclaircir tout ça ») et d’évaluer (« je verrais bien ce qu’ils diront au conseil de classe »). On leur « parle », « demande », et en retour ils.elles « disent », « dissuadent », « conseillent », « encouragent ».

78Il y a peu de qualificatifs négatifs. Cinq messages évoquent des désaccords avec l’avis des enseignant.e.s sur leur orientation, et dans deux cas, cela s’accompagne d’une remise en cause de la légitimité de l’avis formulé (« On voulait me faire redoubler ma seconde parce que je n’avais pas la moyenne dans les matières scientifiques, qui ne m’auraient servies à rien »).

79Le rôle des parents est celui d’un « opposant » au choix d’orientation (11 fils, 18 messages). Les situations évoquées sont toutes (sauf une) celles d’un désaccord entre la famille et l’adolescent.e sur son choix (« je voudrai tant y aller mais mes parents ne veulent pas… comment essayer de les convaincre ? »). On trouve ainsi des termes autour du conflit, de l’autorité et de l’explication : les parents « veulent (ou pas) », « sont d’accord (ou pas) », « choisissent », « mettent la pression », et les adolescent.e.s « parlent », « expliquent », « font comprendre » à leurs parents, « veulent leur faire plaisir », « ne pas les décevoir ». Les parents sont toujours désignés de manière négative (« bornés » / « se trompent »). Le thème de la contrainte versus liberté dans les choix apparaît nettement (« Oui enfin bon c’est pas tes parents qui doivent choisir »).

80Pour résumer, dans notre corpus, le.la conseiller.ère d’orientation suscite des sentiments mitigés, l’enseignant.e est une ressource légitime, et le parent une source de conflit.

Les discours sur les critères d’orientation

  • 5 . Onisep (2017). Après la seconde générale et technologique, choisir son baccalauréat. (p. 1). Pari (...)
  • 6 . Onisep (2017). Après la seconde générale et technologique, choisir son baccalauréat. (p. 30). Par (...)

81Qu’est-ce qu’une bonne orientation ? À cette question, les acteurs professionnels et institutionnels de l’orientation apportent des réponses plutôt complexes et nuancées. De multiples critères doivent être pris en compte lorsqu’on choisit une filière d’études : elle doit, selon l’Onisep, être cohérente avec « vos aspirations, votre investissement, dans une dynamique de projet personnel et professionnel 5 ». Il est nécessaire de tenir compte de nombreux aspects : « durée des études, coût des formations, modalités de sélection, rythme de travail, encadrement 6 ».

82Si l’on s’intéresse aux points de vue des adolescent.e.s sur la question, on observe qu’ils.elles mettent en avant des critères identiques à ceux des acteurs institutionnels de l’orientation, mais qu’ils.elles défendent généralement des points de vue plus exclusifs, en défendant certains critères plus que d’autres et en traitant la question « qu’est-ce qu’une bonne orientation ? » comme un dilemme (entre le critère 1 et le critère 2, lequel est le plus valable ?) et, même, comme un affrontement de valeurs. L’observation du corpus nous permet de voir comment les adolescent.e.s semblent hiérarchiser les critères à partir desquels il est raisonnable de choisir son orientation.

83Le critère le plus souvent cité est celui de la facilité, de l’adéquation entre la difficulté des études envisagées et le niveau supposé de l’adolescent.e. On découvre alors qu’une grande partie des adolescent.e.s sur ce forum considèrent que choisir une bonne orientation revient à opter pour une filière dans laquelle on aura de fortes chances de réussite soit parce qu’elle donne une large place à des matières dans lesquelles on a déjà fait ses preuves, soit parce qu’elle n’exige pas une quantité de travail trop élevée : « choisis aussi en fonction de là où tu es la meilleure », « elle m’a proposé le bac STAV qui est apparemment, beaucoup plus facile ». Il faut noter que ce raisonnement semble avant tout fonder des choix négatifs (choisir de ne pas suivre telle filière) et qu’en fait, dans ce forum, les adolescent.e.s exposent plus souvent leurs limites que leurs points forts (« Droit trop dur pour moi, je pense pas supporter la masse de travail »).

84Le critère des « débouchés », scolaires ou professionnels, joue visiblement un rôle très important dans les choix d’orientation des adolescent.e.s et dans les conseils qu’ils.elles peuvent s’échanger. La métaphore des portes est utilisée très fréquemment : une orientation « ouvre ou ferme des portes » (« Cela t’ouvre les portes vers un maximum de choix d’étude sup »). Les débouchés professionnels, au sujet desquels les adolescent.e.s semblent pourtant avoir peu d’idées, sont souvent évoqués pour justifier un choix : « Évite la traduction, c’est ultra bouché ». Il s’agit de sélectionner l’orientation qui offre le plus de débouchés, en général, ou bien celles qui permettent le plus facilement de trouver un emploi correspondant à son projet professionnel : « j’aimerais devenir auxiliaire vétérinaire je me demande donc quel bac est le plus conseillé ». La question de l’argent est parfois évoquée de manière directe : « je voulais faire un CAP, pour gagner de l’argent ».

85L’intérêt pour le contenu d’une formation joue quand même un rôle dans les choix et les conseils d’orientation. Dans ce cas, on aura alors un discours sur la passion, le plaisir, le goût et l’envie, très éloigné des discours plus « calculateurs » proposant d’évaluer les orientations en matière de « retour d’investissement » : « L’important c’est de faire ce que tu aimes, ou ce que tu veux, peu importe le temps que ça prend. »

86D’autres arguments sont mis en avant, de manière plus marginale : la probabilité d’être admis dans la formation que l’on vise (« Savez vous quelle moyenne faut-il pour y être admis ? ») et la proximité géographique des établissements (« le lycée est un peu loin de chez moi »).

87Il est intéressant de noter que les discours des adolescent.e.s révèlent des désaccords et des conflits entre critères : les adolescent.e.s ont tendance à défendre certains critères plus que d’autres. Ainsi, ces critères entrent moins dans des combinaisons qu’ils ne provoquent des dilemmes ou des conflits. On aura donc de nombreux messages par lesquels les adolescent.e.s exposent des dilemmes et demandent à leurs pairs de les aider à trancher, par exemple entre les chances de réussite ou les préférences (« D’un côté, je suis bonne en sciences avec 15,5 en SVT, 18,3 en maths et 18,8 en physique-chimie. Mais d’un autre côté, ce que j’aime vraiment c’est le français, lire, écrire et parler d’autres langues ») ou entre l’intérêt de la formation et la stratégie (« D’un côté, la spé maths semble la plus stratégique... Mais qu’est-ce qu’elle a l’air chiante ! ») ? On voit en fait s’esquisser des conflits de valeurs, par exemple entre l’ambition et la recherche de la facilité : « Viser au mieux, et changer de voie en cours d’année si mon état ne s’améliore pas ? Ou faire le choix de la facilité ? »

88Ainsi, les discours des adolescent.e.s sur l’orientation mettent au jour de véritables oppositions de valeurs, des conflits de points de vue sur la scolarité (à quoi servent les études ?) et, indirectement, font naître divers débats et échanges d’arguments. L’opposition la plus saillante renvoie à un conflit presque idéologique entre ceux qui défendent une vision « utilitariste » et pragmatique de l’orientation (c’est à ses débouchés qu’on reconnaît une bonne filière) et ceux qui défendent une vision plus basée sur le goût pour la connaissance et le rejet d’arguments professionnels : « Je ne comprends pas vraiment les gens qui regardent ABSOLUMENT les débouchés, les possibilités, à quoi ça sert de faire telle chose par défaut ? Je veux pas plein de fric des débouchés, je veux APPRENDRE, selon moi c’est ce que tout le monde devrait vouloir. »

Les discours sur les sources d’informations

89On trouve de nombreux messages qui évoquent des sources d’informations sur l’orientation qui ne sont pas des sources institutionnelles. Les sources les plus souvent évoquées sont tout d’abord ceux qui ont l’expérience de la formation au sujet de laquelle on désire des informations. En d’autres termes, dans ce forum, lorsqu’un.e adolescent.e s’interroge sur une formation X, il considère généralement que la meilleure source d’information est un.e étudiant.e qui suit déjà cette formation X. D’un point de vue discursif, cela revient à privilégier le témoignage et le récit d’expérience sur le discours d’expert : « Est ce qu’il y a des gens ici qui sont en BTS Com ? J’aimerais en savoir un peu plus sur cette formation (Internet ne me suffit plus, j’ai besoin de “témoignages”. »

90De manière plus générale, l’avis des pairs est toujours apprécié, en particulier dans une logique d’expérience partagée : « Si des personnes sont dans le même cas que moi ça serait sympa de pouvoir partager ? ».

91D’autres sources d’informations sont évoquées dans ce forum, en étant présentées comme fiables : un groupe Facebook (« Je te conseille de rejoindre le groupe Facebook Sciences po : Que choisir? »), le monde scolaire (« Sinon ton professeur principale peut également te conseiller »), l’ONISEP (« tu vas sur le site de l’Onisep »), les salons.

92Les conseiller.ère.s d’orientation font l’objet de jugements contrastés. Certain.e.s adolescent.e.s conseillent d’aller les rencontrer, d’autres évoquent le rôle joué par ces conseiller.ère.s (« J’ai vu la conseillère d’orientation il n’y a pas longtemps ») mais, dans quelques messages, on souligne aussi l’insatisfaction provoquée par la rencontre avec un.e conseiller.ère d’orientation (« J’ai été le voir deux fois, la première fois il m’a dit de réfléchir et de revenir dans deux semaines, j’y suis retourné deux semaines après il m’a dit de réfléchir et de revenir dans l’année »).

93Les « documentations » sont souvent présentées comme incohérentes (« Par exemple dans la documentation il est écrit que les inscriptions sont jusqu’au 31 mars 2015, mais si on va voir le dossier d’inscription il est écrit qu’il faut demander un nouveau dossier d’inscription pour la section 2015 / 2016 À PARTIR d’avril 2015, c’est pas logique ») ou trompeuses (« Faut faire gaffe avec les plaquettes, elles promettent toujours des choses incroyables »).

94Enfin, la famille est très généralement présentée comme une mauvaise source d’informations, mettant l’adolescent.e sous pression ou voulant le.la priver de sa liberté de choix : « MAIS Ils n’ont pas le droit de t’imposer une orientation ou de choisir à ta place. »

95Ainsi, les sources d’informations sont de trois types : les pairs sont considérés comme légitimes, le monde de l’orientation est jugé plus discutable, et l’univers de la famille est rejeté. On a en fait un discours adolescent valorisant l’expérience des pairs, discutant l’expertise institutionnelle et repoussant l’influence familiale.

Discussion et conclusion

96Cette recherche nous a permis d’analyser l’aide recherchée par les adolescent.e.s auprès de leurs pairs dans les forums sur les questions d’orientation.

97Les messages qui ouvrent une discussion sont des demandes de soutien social (information, évaluation, soutien émotionnel). On peut faire l’hypothèse que la fréquence de ces demandes illustre le sentiment d’incertitude et le stress des jeunes qui doivent faire des choix d’orientation (Felsman & Blustein, 1999). Les jeunes mettent en place une stratégie de coping de type soutien social en ligne pour leur problème d’orientation tout comme le font certains internautes souffrant de problèmes de santé (Barak, Boniel-Nissima, & Suler, 2008). Bernaud et Caron (2004) montrent que les adolescent.e.s anxieux face au choix d’orientation privilégient les formes d’aide qui passent par le dialogue avec des proches (amis, famille). Dans notre cas, les jeunes choisissent du soutien auprès de pairs inconnus mais qui partagent des similitudes (mêmes problèmes, mêmes intérêts, etc.).

98L’utilisation du forum pour obtenir du soutien peut être liée à la nature du dispositif qui semble approprié pour réaliser ce type d’activité : accessibilité du média, hétérogénéité des participant.e.s, anonymat, audience large (Barak, Boniel-Nissima, & Suler, 2008 ; Walther & Boyd, 2002). Par exemple, dans notre corpus, l’exposition d’un désaccord parental sur l’orientation témoigne du fait que l’anonymat du forum facilite l’expression de problèmes personnels intimes. Exposer des mauvaises notes ne semble pas poser de problème d’ego aux adolescent.e.s.

99Il serait intéressant de prolonger ce travail en analysant la satisfaction des adolescent.e.s quant à l’aide apportée dans le forum et en étudiant l’articulation avec le soutien fourni par la famille, les amis et les professionnels (e.g. en réalisant une enquête auprès des usagers des forums).

100Par ailleurs, les adolescent.e.s recherchent dans les forums un lieu de comparaison sociale. En effet, nous constatons que les demandes d’aide les plus fréquentes visent à confirmer / valider un premier choix. Cela nous amène à penser que les adolescent.e.s cherchent dans le forum un lieu pour se « confronter » à l’avis des pairs. Ils cherchent à évaluer leur opinion en la comparant à celles des pairs, par exemple, en demandant du partage d’expérience (témoignage de pairs dans la même situation) ou en demandant une évaluation de leur chance de réussir. Ils cherchent également à vérifier la conformité de leur projet avec les idées et valeurs du groupe des pairs, par exemple, en demandant l’avis des pairs sur les alternatives envisagées. Ce résultat illustre le phénomène d’influence des pairs et de conformisme à l’adolescence (Brechwald & Prinstein, 2011), qui apparaît également pour l’orientation (Dumora, 2004).

101Comme pour le soutien social, le forum peut favoriser la recherche de ce type « d’aide ». En effet, la confrontation à l’avis des pairs peut paraître moins risquée dans le forum qu’en face à face (risque de comparaison à l’issue négative, risque de rejet). L’anonymat d’un forum donne aux participant.e.s le sentiment de pouvoir mettre à distance d’éventuelles réactions négatives (Walther & Boyd, 2002), et le caractère asynchrone des échanges permet de limiter la crainte d’un feedback immédiat (Barak et al., 2008).

102Un prolongement de notre travail serait d’analyser les demandes d’aide des adolescent.e.s à partir du modèle de Luyckx, Klimstra, Duriez, Van Petegem et Beyers (2013) inspiré de Marcia (1980). On retrouve la phase d’exploration de surface dans les demandes d’aide des adolescent.e.s, visant à faire un choix (demande de suggestion, etc.). Les demandes d’aide orientées vers la validation d’un choix, qui sont les plus fréquentes, peuvent être rapprochées de la phase d’exploration en profondeur (demande de partage d’expérience, etc.). L’engagement et l’identification à l’engagement apparaissent dans les demandes d’aide pour trouver le moyen de mettre en œuvre le choix effectué (demandes d’informations sur les admissions, les procédures, convaincre les parents).

103On note ainsi que la phase d’exploration en profondeur semble être la plus représentée. Cela semble cohérent par rapport à la classe d’âge de notre corpus composé pour l’essentiel de lycéen.ne.s qui sont donc confronté.e.s à des échéances dans leur orientation (Luyckx et al., 2013). Une étude plus fine des demandes d’aide et une mise en relation avec le niveau scolaire pourraient permettre d’analyser le profil identitaire des adolescent.e.s utilisant le forum.

104Cette recherche contribue également à identifier les discours et représentations des adolescent.e.s sur l’orientation. On observe en partie l’appropriation des normes scolaires par les adolescent.e.s à travers l’importance accordée au critère des résultats scolaires dans le choix d’orientation (comme Dumora, 2004 ; Guigue, 2001). Les normes scolaires semblent connues et partagées par la plupart des participant.e.s, mais elles font aussi l’objet de débats.

105En effet, les adolescent.e.s s’opposent dans leurs discussions tant sur les critères d’une bonne orientation que sur la qualité des sources d’informations. Les échanges entre adolescent.e.s témoignent donc d’oppositions de systèmes de valeurs. Par exemple, on observe un débat entre une vision utilitaire (importance des débouchés) versus anti-utilitaire (importance de l’intérêt d’une formation) dans le choix d’orientation. Ce débat est sans doute atténué dans le discours institutionnel (e.g. dans les brochures de l’Onisep, tous les critères sont dignes d’être pris en compte).

106Par ailleurs, les discussions entre adolescent.e.s laissent apparaître des dilemmes entre critères de choix plutôt qu’une synthèse. L’objectif des adolescent.e.s est de déterminer le critère le plus important pour prendre très concrètement une décision (e.g. faut-il être ambitieux ou choisir une formation facile ?). Dans les discours des professionnels, l’orientation est davantage présentée comme une combinaison de critères, une synthèse à faire.

107Notre analyse se limite à une comparaison avec le discours de l’Onisep Il serait intéressant d’analyser également d’autres discours (enseignant.e.s, conseiller.ères, etc.), car les acteurs de l’orientation ne présentent sans doute pas un discours homogène.

108Nos résultats montrent qu’il y a assez peu de remises en cause des conseils ou décisions d’orientation de l’institution scolaire, mais ces cas de figure apparaissent (colère contre une affectation dans un lycée, exposition d’une orientation non choisie, etc.). Ainsi, le forum ne semble pas être utilisé comme espace de contestation contre l’institution scolaire, mais plutôt comme un lieu de débats sur les choix.

109Enfin, les adolescent.e.s privilégient l’expérience directe et le témoignage de pairs à l’expertise professionnelle, sauf pour l’expertise des enseignant.e.s qui semble faire autorité pour les adolescent.e.s. Les pairs sont des sources d’informations mieux évaluées que les institutionnels, même si nous n’avons pas observé de défiance particulière vis-à-vis de ces acteurs (conseiller.ère.s d’orientation, Onisep).

110Ainsi, l’expertise construite par les adolescent.e.s dans le forum est particulière, différente de celle qu’ils.elles pourraient trouver auprès des acteurs de l’orientation. Il s’agit d’une expérience plutôt qu’une expertise, basée sur les témoignages et le partage d’expérience entre pairs (comme dans le cas des échanges entre internautes sur la santé, Akrich & Méadel, 2009). Il s’agit de l’expression de points de vue antagonistes plutôt qu’un discours consensuel.

111Un dernier résultat remarquable de notre étude est que la famille semble être un « repoussoir » pour les adolescent.e.s en matière d’orientation. Cela semble contradictoire avec les enquêtes qui montrent que les adolescent.e.s recherchent de l’aide et des informations auprès de leur famille. Les discours mis en évidence dans cette étude ne peuvent pas être représentatifs des discours des adolescent.e.s en général (mais seulement des discours entre adolescent.e.s utilisant des forums). Une hypothèse peut être que les adolescent.e.s qui se tournent vers les forums et leurs pairs pour trouver du soutien sont plus souvent ceux qui ne trouvent pas d’aide satisfaisante auprès de leurs parents (Helsen et al., 2000). Ainsi, les situations de conflit parental sont peut-être surreprésentées dans ces espaces de discussion.

112De manière générale, les contradictions ou nuances que nos résultats peuvent apporter par rapport aux travaux antérieurs s’expliquent pour une part par la méthodologie, en particulier par le choix du corpus. En analysant des discussions spontanées entre pairs, nous pouvons plus facilement observer des désaccords et oppositions, l’expression de problèmes intimes, que dans des questionnaires et entretiens qui vont plutôt favoriser un discours de consensus. Par ailleurs, la nature même des échanges produits dans les forums va favoriser cette dimension : on sait que les forums sont le lieu privilégié d’échanges d’arguments, de débats (Marcoccia, 2016).

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Notes

1 . Étude IPSOS (2015). Les jeunes, Internet et les réseaux sociaux. Synthèse disponible à l’adresse http://www.blogdumoderateur.com/etude-ipsos-junior-connect-2015/ (consulté en décembre 2016).

2 . Selon le Classement CybereStat de mai 2012 (mediatrie.fr), Ados.fr est le trente-deuxième site le plus visité par les Français, et jeuxvideo.com qui propose des forums (tous sujets) par classe d’âge (moins de 15 ans, 15-18 ans et 18-25 ans) est le troisième site le plus visité.

3 . Après avoir été liés au site Ados.fr, ils sont accessibles depuis 2012 à partir du site Public.fr, site d’informations people.

4 .  Les extraits des messages ont été reproduits tels quels (avec les fautes notamment).

5 . Onisep (2017). Après la seconde générale et technologique, choisir son baccalauréat. (p. 1). Paris : ministère de l’Éducation nationale.

6 . Onisep (2017). Après la seconde générale et technologique, choisir son baccalauréat. (p. 30). Paris : ministère de l’Éducation nationale.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Nadia Gauducheau et Michel Marcoccia, « Les forums Internet comme espaces de discussion entre adolescent.e.s sur l’orientation scolaire : vers la construction d’une contre-expertise ? »L'orientation scolaire et professionnelle [En ligne], 46/2 | 2017, mis en ligne le 01 juin 2019, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/osp/5398 ; DOI : https://doi.org/10.4000/osp.5398

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Auteurs

Nadia Gauducheau

est Maîtresse de conférences en psychologie, Université de technologie de Troyes. Thèmes de recherche : communication médiatisée par ordinateur, émotions, adolescent.e.s et Internet, entraide. Contact : Université de technologie de Troyes, Institut Charles-Delaunay UMR 6279 / Équipe Tech-CICO, 12 rue Marie-Curie - CS 42060, 10004 Troyes Cedex. Courriel : nadia.gauducheau@utt.fr

Michel Marcoccia

est Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication. Université de technologie de Troyes. Thèmes de recherche : communication numérique écrite, interaction, adolescent.e.s et Internet, « social TV ». Courriel : michel.marcoccia@utt.fr

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Droits d’auteur

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