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Contribution à la chronostratigraphie du gisement paléolithique inférieur de Menez-Dregan 1 (Plouhinec, Finistère, France). Corrélations avec les dépôts pléistocènes de la falaise de Gwendrez.

Contribution to the chronostratigraphy of the lower paleolithic site of Menez dregan 1 (Plouhinec, Finistère, France). Correlations with the Gwendrez cliff Pleistocene deposits.
Marine Laforge  and Jean‑Laurent Monnier 
p. 91-104

Abstracts

One of the main objectives of research on the Lower Paleolithic site of Menez Dregan 1 (Plouhinec, Finistere, France) is to propose a chronostratigraphic and paleoenvironmental interpretation of the history of this cave, during which human occupations alternated with marine inrushs. Radiometric datings have been carried out, but results diverge depending on the employed method (ESR or TL). However, the proximity of a section with a larger sedimentary record (the Gwendrez cliff) enables us to attempt correlations between the different deposits by means of a sedimentologic study applied to sandy marker beds (dunes…). Thereby new facts allow us to draw up a more precise chronostratigraphy of this site and contribute to validate radiometric datings. In fact the Gwendrez section preserves several paleosoils as well as coastal deposits and may imply a long chronostratigraphy for this cliff. These results lead us to choose ESR datings which notably attribute a holsteinian age to the occupation complex 5 of the Menez Dregan 1 site.

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Full text

Les auteurs souhaitent remercier particulièrement Bernard Hallégouët pour son aide et sa grande connaissance du littoral du Cap Sizun, Jean-Pierre Toularastel pour nous avoir fait partager ses découvertes archéologiques le long des falaises de la région, et François Pustoc’h pour son soutien et son aide sur le terrain au moment des échantillonnages.

1 - Présentation du site de Menez Dregan 1

1Menez Dregan 1 se situe sur le promontoire rocheux de la pointe du Souc’h à Plouhinec (Finistère), sur le littoral septentrional de la baie d’Audierne, au sud de la plage de Gwendrez (fig. 1). A l’abri dans un couloir d’érosion marine, le gisement est une ancienne grotte marine dont le toit s’est progressivement effondré. Le substrat géologique dans lequel cette grotte a été façonnée est l’Orthogneiss œillé de Pors-Poulhan. Les autres roches environnantes ayant pu alimenter les formations sédimentaires du gisement sont notamment le Leucogranite à muscovite et biotite de la Pointe du Raz-Quimper constituant le plateau de Plouhinec et les Métagreywackes du groupe de Languidou-Penhors présents dans les fonds de la baie d’Audierne (Plaine et al., 1981).

2Le contexte géomorphologique du site, au niveau de la plage de Gwendrez jusqu’à Pors-Poulhan, présente un étagement de quatre plates-formes d’abrasion marine, qui témoignent des variations du niveau marin au cours du Quaternaire (fig. 2). Le site de Menez Dregan 1 se situe sur la plate-forme moyenne.

3D’autres occupations humaines situées sur la pointe du Souc’h constituent des sites analogues au gisement principal de Menez Dregan 1. Il s’agit notamment des sites de Menez Dregan 2 et 3, répartis dans des couloirs d’abrasion et des grottes effondrées à l’est du site principal. Tous les deux ont fourni un matériel lithique important et comparable, au moins pour les niveaux supérieurs de Menez Dregan 1 (Hallégouët et al., 1996).

4Le gisement de Menez Dregan 1, découvert en 1987 par B. Hallégouët (cf. Hallégouët et al., 1992), a livré plusieurs niveaux d’occupation humaine rapportés au Paléolithique inférieur. Les datations absolues menées sur les sédiments et silex posent problème. Les âges proposés divergent de plus de 100 000 ans pour un même niveau (voir infra). Cependant, ce site doit notamment son intérêt à la grande richesse des vestiges conservés : des milliers de pièces lithiques, quelques restes d’ossements d’animaux, des structures de combustion, des charbons de bois… Il fait partie d’un faciès régional de l’Acheuléen, le « Colombanien » (Monnier, 1989 ; Monnier et al., à paraître), auquel se rattachent plusieurs sites du littoral méridional du Massif armoricain, dont le site éponyme de Saint-Colomban à Carnac.

5La séquence sédimentaire du site, bien que d’un très faible bilan sédimentaire, est assez bien conservée grâce aux blocs éboulés obstruant l’accès au couloir par la mer (fig. 3). Dans l’état actuel des recherches, cette séquence correspond à une succession de formations marines et littorales dans lesquelles viennent s’interstratifier des dépôts de versant, des paléosols et des niveaux d’occupation humaine (fig. 4). L’observation de surfaces d’érosion (platier entaillé dans les roches meubles et fossilisé sous les dépôts plus récents) au sommet de formations plus anciennes met en évidence le fait que plusieurs transgressions marines successives sont venues éroder ce site et laisse supposer que de nombreux hiatus sont à prendre en compte dans l’interprétation stratigraphique, ce qui plaide en faveur d’une chronostratigraphie longue.

6Les vestiges anthropiques correspondent à un minimum de 6 niveaux d’occupation : les industries dites « colombaniennes » se retrouvent dans les couches 4 et 5 et au sommet de la plage 6, avec des structures de combustion. Les couches 7 et 9 sont également des niveaux anthropisés, ayant livré structures de combustion et outillage lithique. Quatre niveaux de plage ancienne sont représentés par les couches 11-10, 8 et 6 et alternent avec ces niveaux d’occupation humaine. Les hommes s’installaient au sommet de ces cordons littoraux, en début de régression marine. En outre, les lits composant en particulier la couche 5 témoignent de plusieurs petites occupations du site, interrompues par des apports d’arènes limoneuses. L’occupation associée à la couche 4 a été recouverte par le sable éolien de la couche 3, correspondant sans doute à un apport dunaire témoignant d’un niveau marin proche ou un peu plus bas que l’actuel (Monnier et al., 1996b).

7En 2007, une couche lenticulaire sableuse, la couche 5e-d a attiré notre attention. Cette couche, par sa position stratigraphique, entre une première occupation humaine installée directement sur les galets de la couche 6 et la suite des occupations humaines de la couche 5, marque un événement climatique notable. D’abord interprété comme une dune, ce dépôt peut avoir une origine plus complexe, comme le montrent les analyses sédimentologiques (voir infra). Cette couche est donc retenue comme un élément important pour des corrélations avec la falaise de Gwendrez.

Fig. 1 : Localisation de la zone d’étude (A) et des sites étudiés (B).

Fig. 1 : Localisation de la zone d’étude (A) et des sites étudiés (B).

Fig. 2 : Principaux niveaux d’abrasion nettement observables dans les falaises de la pointe du Souc’h

Fig. 2 : Principaux niveaux d’abrasion nettement observables dans les falaises de la pointe du Souc’h

1 - Niveau d’abrasion et accumulations de galets actuels. 2 - Niveau d’abrasion inférieur, avec localement creusement de grottes dans la falaise. 3 – Grotte. 4 - Niveau d’abrasion moyen sur lequel reposent les niveaux de plages anciennes et de sols, et le gisement de Menez Dregan 1. 5 – Niveau d’abrasion supérieur. 6 - Head. 7 - Versant et sol actuels.

d’après A. Hénaff in Monnier et al., 1996a).

Fig. 3 : Coupe stratigraphique E-F et E’-F’ du gisement de Menez Dregan 1.

Fig. 3 : Coupe stratigraphique E-F et E’-F’ du gisement de Menez Dregan 1.

Cartouche : localisation de la coupe sur le plan de la fouille

relevé : S. Hinguant & R. Colleter ; D.A.O. : R. Colleter/INRAP

Fig. 4 : Colonne stratigraphique synthétique du gisement de Menez Dregan 1

Fig. 4 : Colonne stratigraphique synthétique du gisement de Menez Dregan 1

2 - Grands blocs légèrement flués (éléments de la voûte de la grotte), 2b - Head sablo-graveleux, 2c - Lentille limoneuse à texture loessique, 3a - Sable argileux d’origine dunaire, 3b - Encroûtement polygoné à la base de la dune, 4a - Head lité avec galets dispersés et industrie remaniée, 4b - idem, présence de blocs anguleux, 4c - idem, présence de lits noirâtres déformés, 5a à 5d’ - Strates alternativement brun-noir et brun foncé, abondance de débris végétaux carbonisés et d’industrie lithique, 5e-d - Lentille de sable fin, 6 - Epandange de galets fortement anthropisé au sommet (présence d’industrie lithique), matrice argileuse, base constituée de galets de très petit module (industrie absente ou rare), 7 - Couche très noire, alternance d’horizons argileux et de passées sablo-graveleuses très organiques, blocs en partie émoussés à la base et au sommet, 8b - Sédiment sablo-argileux gris-verdâtre, industrie lithique parfois roulée, quelques galets, charbons de bois et restes osseux, 8a - Sable homogène avec quelques petits cailloux anguleux, 9a - Sédiment sablo-graveleux noir-brunâtre, fortement induré, ossements, charbons de bois et industrie lithique, 9b - idem, plus argileux et de teinte plus claire, rares charbons de bois et graviers ; 9c - idem à 9a, os, charbons de bois, 10 - Galets de petit module figés dans une matrice sablo-graveleuse extrêmement indurée, 11 – platier rocheux.

modifiée d’après S. Hinguant in Monnier et al., 1996a

2 - Objectifs, problématique et méthodologie

8L’une des orientations des recherches concernant le programme Menez Dregan est la datation et l’établissement d’une chronostratigraphie dans le but de proposer une interprétation chronologique de l’histoire de ce gisement, qui servira de base à une meilleure connaissance des paléoenvironnements ayant affecté la région durant le Pléistocène. Des datations absolues ont été proposées, mais il existe des divergences entre les résultats par Résonance Paramagnétique Electronique (RPE) et Thermoluminescence (TL). Les datations RPE pratiquées sur les quartz du sable dunaire de la couche 3a par la méthode du blanchiment, sur les sédiments et galets chauffés de la couche 5e et sur les sédiments brûlés de la couche 9 par la méthode du quartz chauffé, donnent des âges respectifs de 141±16 ka, d’environ 380 ka et de 465 ka (Monnier et al., 1994). Les datations TL sont réalisées sur des sédiments rubéfiés des couches 5e, 7 et 9 et sur des silex chauffés des couches 4c et 5a-b’-c-d. Elles donnent des âges de 145±75 ka, 105±35 ka et 110±60 ka pour les couches 5e, 7 et 9, et des âges de 167±16 ka à 230±23 ka pour les couches 4c et 5a-b’-c-d (Mercier et al., 2004). Le décalage observé, de l’ordre de 100 000 ans, est un phénomène identique à ce que l’on trouve à Hoxne, Angleterre (Gladfelter et al., 1993). Ce décalage est vraisemblablement à mettre au compte d’incertitudes concernant le contexte radioactif du gisement ou de contaminations (Miallier, 2001). En outre, les datations TL obtenues présentent une certaine incohérence au point de vue de leur succession stratigraphique. Le travail engagé ici a donc pour but d’apporter des arguments géologiques qui permettent d’appuyer l’une ou l’autre des hypothèses de datation.

9L’objectif est de contribuer à l’élaboration d’une chronostratigraphie de Menez Dregan 1 par corrélations entre la stratigraphie de ce gisement et celle, à plus fort bilan sédimentaire, de la falaise voisine de Gwendrez. Au vu des grandes variations latérales de faciès dans les dépôts continentaux périglaciaires, nous avons choisi d’utiliser comme niveaux repères les paléosols et les couches sableuses d’origine marine littorale. Seulement ces dernières ont fait l’objet d’études sédimentologiques dans l’optique de corrélations entre elles. En effet, la démarche se fonde sur un postulat selon lequel la composition de ces couches sableuses d’origine littorale caractérise des phases sédimentaires bien distinctes.

10L’analyse sédimentologique est basée sur trois approches : la granulométrie (Pomerol, 1963), la morphoscopie des grains de quartz et les minéraux lourds (Parfenoff et al., 1970 ; Tourenq, 1987). Le travail porte sur la fraction sableuse des échantillons puisqu’elle seule est représentative du dépôt originel. Les particules les plus fines sont exclues des analyses sédimentologiques, car elles proviennent d’infiltrations postérieures au dépôt sableux, de phénomènes d’illuviation ou de pédogénèse.

3 - Eléments de stratigraphie des dépôts associés à la falaise de Gwendrez

11La plage de Gwendrez se situe à environ 700 m à l’ouest du site de Menez Dregan 1, à l’ouest d’un vallon, au nord de la pointe du Souc’h (fig. 1). Une falaise morte est fossilisée par d’importants dépôts pléistocènes, surmontés par des dunes holocènes. Ces dépôts sont entaillés en falaise. Celle-ci limite la plage au nord-est et est orientée essentiellement nord-ouest – sud-est. La stratigraphie est complexe et comporte de nombreuses variations latérales et verticales. Nous avons distingué une coupe ouest et une coupe est, séparées par un petit retour nord-sud au niveau d’un éperon rocheux (fig. 5). L’interprétation des corrélations de part et d’autre de celui-ci est délicate.

Fig. 5 : Coupe stratigraphique schématique de gwendrez et localisation des stations et des échantillons étudiés.

Fig. 5 : Coupe stratigraphique schématique de gwendrez et localisation des stations et des échantillons étudiés.

3.1 - Historique des recherches

12Plusieurs fois observée et étudiée par divers auteurs, la coupe de Gwendrez laisse de nombreuses hypothèses en suspens. Pour certains, les dépôts correspondent au dernier cycle interglaciaire/glaciaire (Haslett & Curr, 2001) ; d’autres envisagent des corrélations possibles avec des périodes plus anciennes et donc avec les couches de Menez Dregan 1. A noter que des éléments d’industrie paléolithique découverts en certains points de la falaise sont comparables (Monnier et al., 2001).

13L’un des premiers articles consacrés à la falaise de Gwendrez fut celui de J.‑P. Pérennou et J.-C. Bodéré (1975). Dans la coupe est de Gwendrez, les auteurs identifient deux niveaux marins. Le niveau inférieur est caractérisé par des lentilles sableuses, un sable fin (88,5 %) très bien classé (So de Trask = 1,10), correspondant à un bas de plage et surmonté par des gros blocs aplatis et émoussés correspondant à un haut de plage. Un head vient recouvrir cette plage inférieure. La plage supérieure repose sur une surface d’abrasion marine qui tronque la formation périglaciaire de head. Cette plage est surmontée par un second head, puis le sol et la dune holocènes. Selon les auteurs ce second head serait weichsélien. Les niveaux inférieurs sont plus difficiles à interpréter. Deux possibilités sont proposées. Selon la première hypothèse, la plage supérieure pourrait être attribuée à un interstade du Weichsélien, la plage inférieure serait ainsi éémienne, et la coupe correspondrait alors au dernier cycle interglaciaire/glaciaire. Mais la seconde hypothèse propose des âges plus anciens pour ces formations : la plage supérieure pourrait être attribuée à l’Eémien, le head intercalé entre les deux formations marines serait donc saalien et la plage à gros blocs serait holsteinienne.

14D’autres chercheurs se sont penchés sur la question de Gwendrez en raison de la présence d’industries paléolithiques, de charbons ou de grains brûlés dans les paléosols. La plage inférieure visible sur la coupe en falaise daterait des stades isotopiques 9a et 9b. Cette hypothèse est basée sur les ressemblances entre la position de cette plage et celles d’autres formations du littoral de la Manche datées de cette époque. Le head qui la surmonte pourrait ainsi être attribué aux stades 7 et/ou 8. L’interprétation de la plage supérieure est plus difficile : elle serait à rattacher soit au dernier interglaciaire, soit au stade isotopique 7 (Hallégouët & Van Vliet-Lanoë, 1997). Selon ces auteurs, toute la stratigraphie de la coupe de Gwendrez serait plus récente que les dépôts observés à Menez Dregan 1. Seules la plate-forme d’abrasion marine inférieure à l’ouest de l’éperon et l'encoche pourraient avoir un lien avec Menez Dregan 1 : ces deux éléments seraient du même âge que le sable dunaire du site, soit la couche 3.

3.2 - Description stratigraphique de la falaise de Gwendrez

15Pour cette étude, 6 stations ont été étudiées. Elles se répartissent le long du profil visible en falaise de la manière suivante (fig. 5) : les stations 0, 4 et 5 qui ont fait l’objet d’un levé détaillé de log et de plusieurs prélèvements, et les échantillons sableux GD0-0, GD1, GD2 et GD3 prélevés individuellement. Les colonnes stratigraphiques n’ont été levées qu’au niveau des stations présentant un important bilan sédimentaire (fig. 6).

Fig. 6 : Colonnes stratigraphiques synthétiques de la falaise de Gwendrez, corrélations et interprétation chronostratigraphique.

Fig. 6 : Colonnes stratigraphiques synthétiques de la falaise de Gwendrez, corrélations et interprétation chronostratigraphique.

3.2.1. - Description des unités, interprétations paléopédologiques et sédimentologiques (interprétations en italique)

16« Station 0 », localisée dans la section est de la coupe :

    1. Sable carbonaté. (Dune actuelle).

    2. Horizon humifère. (Ranker actuel, sur « head »).

    3. Cailloutis à matrice sablo-limoneuse. (« Head », solifluxion).

    4. Cailloutis à matrice légèrement structurée, traces d’illuviation, présence de blocs redressés. (« Head », solifluxion).

    5. Cailloutis à matrice limono-argileuse et humifère. (Eléments du ranker sous-jacent flués dans un « head »).

    6. Cailloutis à matrice sablo-limoneuse friable. (« Head », solifluxion).

    7. Cailloutis à éléments plus petits que ceux du head sus-jacent, horizon humifère. (Ranker développé sur un « head »).

    8. Sable argileux. (Solifluxion).

    9. Cailloutis à matrice sablo-argileuse friable. (« Head », solifluxion).

    10. Cailloutis à matrice sablo-argileuse humifère. (Trace de ranker sur un « head »).

170-11 Cailloutis à matrice sablo-argileuse friable. (« Head », solifuxion).

18Sédiment sablo-limono-argileux légèrement feuilleté, friable, structuré, plus brun que la formation sus-jacente. (« Head », solifluxion, traces de pergélisol ?).

190-13 Sable fin, un peu argileux. (Solifluxion).

200-14 Sable argileux contenant des galets redressés au sommet, avec des petits galets à la base. (Haut de plage ou dune, cryoturbation).

210-15 Sédiment sablo-graveleux argileux orangé. (Solifluxion).

220-16 Sédiment limono-argileux gris-clair. (Podzol hydromorphe).

230-17 Sédiment limono-graveleux gris violacé, un peu structuré. (Podzol hydromorphe, solifluxion).

240-18 Sable brun, friable, avec des galets épars. Echantillon GD0-2. (Haut de plage ou dune, solifluxion).

250-19 Galets abondants dans une matrice sablo-argileuse. Echantillon GD0-1. Latéralement, à quelques mètres vers le nord-ouest, sous cette plage à galets se trouve, en lentille résiduelle, un sable fin prélevé sous la dénomination GD0-0. (Haut de plage ou dune).

260-20 Cailloutis très arénacé, compact, localement grisâtre. (« Head », solifluxion).

27« Station 4 », située sur l’éperon rocheux séparant les sections est et ouest :

284-1 Horizon humifère sur couche à cailloux et blocs. (Ranker sur « head » grossier : horizon A du sol de surface).

294-2 Cailloutis à éléments lités quasi-horizontaux et à matrice limono-sablo-graveleuse brun foncé. (« Head », solifluxion).

304-3 Horizon humifère. (Trace de ranker très laminée mais continue).

314-4 Sédiment limono-sablo-graveleux brun clair, avec des graviers assez lités. (Solifluxion).

324-5 Cailloutis à éléments horizontaux, très arénacé. (« Head », solifluxion).

334-6 Cailloutis à blocs et à matrice limono-sablo-argileuse. (« Head », solifluxion).

344-7 Horizon humifère. (Ranker sur head graveleux).

354-8 Cailloutis arénacé, présence locale d’un lit de gros blocs à la base. (« Head », solifluxion).

364-9 Horizon humifère sur horizon gris clair, substrat sablo-argileux. Echantillon GD4-2. (Horizons A1 et A2 d’un podzol hydromorphe).

374-10 Cailloutis très compact. (« Head », solifluxion).

384-11 Sable oxydé, tacheté. Echantillon GD4-1. (Horizon B de podzol hydromorphe sur sable dunaire).

394-12 Lit de galets. (Plage).

404-13 Sable légèrement argileux. (Plage ou dune).

414-14 Sable avec galets mélés. (Plage ou dune).

424-15 Sable graveleux à petits galets. (Plage ou dune).

434-16 Sable jaune très peu argileux, très friable. Echantillon GD4-0. (Haut de plage ou dune).

44« Station 5 », localisée dans la section ouest de la coupe :

455-1 Cailloutis. (« Head », solifluxion).

465-2 Horizon humifère sur matériel sablo-limoneux friable. (Ranker).

475-3 Limon sablo-graveleux de couleur brun chamois. (Solifluxion).

485-4 Horizon humique brun chocolat, remanié dans un head à matrice sablo-limoneuse. (Horizon A1 de paléosol podzolique).

495-5 Horizon sablo-limoneux brun grisâtre lité, devenant brun orangé vers la base. (Horizons A2 et Bh de podzol hydromorphe).

505-6 Matériel sablo-limono-graveleux, brun chocolat au sommet, passant à gris clair puis brun orangeâtre à la base, feuilleté et durci. (Horizons A1, A2 et Bh d’un podzol hydromorphe ; traces de pergélisol ou colluvionnement).

515-7 Sable jaune à gris, très friable. Echantillons GD5-3 et GD5-4. (Plage ou dune).

525-8 Horizon sableux humique, chocolat-gris, légèrement lité. Echantillon GD5-2. (Paléosol gleyifié, colluvié et flué au sommet).

535-9 Sable très friable, oxydé et concrétionné (Fe et Mn) à la base. Présence de galets épars et d’artefacts lithiques. Echantillons GD5-1 et GD5-5. (Plage ou dune, illuviations ferriques et manganiques).

545-10 Localement, présence de galets marins reposant sur le platier rocheux. (Plage).

3.2.2 - Lithostratigraphie et morphostratigraphie générale

55L’étude stratigraphique des colonnes sédimentologiques étudiées à Gwendrez a permis la mise en évidence d’une stratigraphie complexe dont la puissance totale peut atteindre 5 m environ. L’enregistrement sédimentaire visible le long de cette falaise est constitué d’une succession de 5 séquences climato-sédimentaires :

56- Séquence 1 : elle est visible à la base des trois colonnes stratigraphiques étudiées. Elle débute par le façonnage d’une plate-forme d’abrasion marine. L’optimum interglaciaire est ensuite caractérisé par la mise en place de sables fins (unité 4-16) interprétés comme des dépôts transgressifs et par le dépôt d’une plage à galets et matrice sableuse (unités 4-15, 4-14, 5-10 et 0-19) visibles tout au long de la section ouest et dans la partie orientale de la section est pour la plage ancienne. Viennent ensuite des dépôts de sables marins de haut de plage ou de dune caractérisant la fin de l’interglaciaire et la régression marine associée (unités 4-13 à 4-11, 5-9, 0-18). La phase périglaciaire consécutive est visible, d’une part, par les phénomènes de solifuxion affectant le sommet de la dune déposée précédemment (graviers, litages, enrichissement en argiles et limons), et d’autre part, au niveau de la petite coupe NS sur l’éperon rocheux (station 4) sous forme d’un dépôt de pente (4-10), conservé à cet endroit où la falaise rocheuse est proche.

57- Séquence 2 : l’optimum climatique de cette séquence est caractérisé par la formation d’un podzol hydromorphe (0-17, 0-16, 4-9, 4-11 et 5-8) sur la dune fluée que l’on suit de la station 5 à la station 4. Au niveau de la station 5, un épisode dunaire vient coiffer ce paléosol et témoigne donc à cet endroit du maximum de la transgression de cet interglaciaire (5-7). La fin de cette séquence est marquée par des dépôts de pente périglaciaires (0-15 et 4-8).

58- Séquence 3 : l’optimum interglaciaire se caractérise par un haut de plage au niveau de la dépression de la coupe est (unité 0-14) ou par une pédogenèse sur les hauteurs sous forme de ranker (voir infra) au niveau de la station 4 (4-7) et sous forme d’un paléosol podzolique hydromorphe vers la station 5 (5-6 à 5-4). L’épisode périglaciaire suivant est marqué par la cryoturbation du haut de plage, le remaniement du podzol et des dépôts de pente (0-13 à 0-8, 5-3, 4-6 à 4-4).

59- Séquence 4 : cette séquence débute par la formation d’un paléosol de rang interglaciaire caractérisé par un ranker (0-7, 5-2 et 4-3). Les dépôts de pente le surmontant sont les témoins de la dégradation climatique consécutive due à l’installation de conditions périglaciaires (0-6 à 0-3, 4-2 et 5-1).

60- Séquence 5 : en sommet de coupe, développement d’un ranker sur lequel vient se déposer une dune. Ces dépôts illustrent une phase transgressive d’un interglaciaire (0-2, 0-1 et 4-1).

4 - Données sédimentologiques et corrélations entre les coupes de Menez Dregan et de Gwendrez

61Nos observations de terrain ainsi que les analyses sédimentologiques nous conduisent à de nouvelles hypothèses quant aux corrélations possibles entre les dépôts de la falaise de Gwendrez et ceux de la pointe du Souc’h. Il faut noter que les différences d’altitudes relatives des dépôts littoraux entre Menez Dregan et Gwendrez s’expliquent par la position des observations (falaise de dépôts meubles dans le vallon comblé de Gwendrez et grotte dans la falaise morte à Menez Dregan). L’altitude maximale de ces dépôts se situe au niveau de la falaise morte enfouie sous les sédiments pléistocènes. La plate-forme d’abrasion marine visible à Gwendrez a été occupée de manière cyclique par la mer.

62Au total, 18 échantillons ont été prélevés et analysés. Deux d’entre eux proviennent du site de Menez Dregan 1, deux autres viennent des sites de Menez Dregan 2 et 3. Les quatorze autres sont issus de la coupe de Gwendrez.

4.1 - Les corrélations internes à la falaise de Gwendrez

63Les sables GD2, GD3 sont corrélés avec ceux des unités 4-11 et 5-9. Ils sont situés sur l’éperon rocheux de la falaise de Gwendrez et reposent sur la plate-forme d’abrasion marine ou sur une plage à galets surmontant cette dernière. Ils sont tous les quatre recouverts par un paléosol.

64Les formations GD3 et 4-11 (éch. GD4-1) sont identiques en granulométrie (tab. 1) et pour les minéraux lourds (tab. 2). Ce sont des sables assez fins, bien classés, montrant un meilleur classement des particules grossières, et dont les cortèges de minéraux lourds sont dominés par l’andalousite, le grenat et la staurotide.

65Les sables GD2 et 5-9 (éch. GD5-1) ressemblent à ces deux derniers à quelques différences près. Ils sont en effet plus grossiers et mieux classés, et leurs cortèges de minéraux lourds sont voisins (grenat, andalousite et staurotide).

66La morphoscopie (tab. 3) nous indique que ces quatre sables sont d’aspect surtout non usé, avec tout de même la présence non négligeable de grains picotés pouvant indiquer que ces sables sont d’origine dunaire, si l’on exclut que ces stigmates puissent avoir une origine chimique ou pédologique.

67A ces sédiments, on peut encore corréler un sable situé dans la section orientale de Gwendrez : celui de l’unité 0-18 (éch. GD0-2). Ses caractéristiques sédimentologiques sont identiques à celles citées précédemment. Ces cinq sables correspondent donc à la même formation sableuse.

68Stratigraphiquement et sédimentologiquement, ces formations peuvent en effet être corrélées. Elles témoignent d’un haut niveau marin, dont les vestiges se situent au contact de la plate-forme d’abrasion marine que forme l’éperon rocheux ou à la base de la section est de la falaise sous la forme d’une dune ancienne. Toutefois le sédiment n’est absolument pas mélangé à des limons ou à du head ; il ne peut donc avoir subi un long déplacement et la position des artefacts paléolithiques qu’il contient (tout à fait comparables à ceux des couches 4 ou 5 de Menez-Dregan 1) (Monnier et al., 1997) ne peut être mise en doute. Les témoins du refroidissement climatique ayant suivant le dépôt de la dune sont d’une part le fluage du sommet de la dune (unités 5-8 et 4-9), et d’autre part, le head que l’on trouve au niveau de la station 4 : le cailloutis 4-10. Son absence sur les autres sections de la coupe peut être expliquée par un éloignement plus important de la falaise morte, roche-mère des gélifracts de ce head.

69Les sables des unités 0-19 et 4-16 (éch. GD0-1 et GD 4-0) sont également corrélables et appartiennent à la même formation que les sables vus ci-dessus. Leurs caractéristiques sédimentologiques sont en effet semblables et leur position stratigraphique indique qu’il s’agit de la base de la formation décrite plus haut.

70Des études statistiques ont été menées pour tenter de mieux argumenter les corrélations. Des analyses en composantes principales (ACP) ont été réalisées. Les résultats obtenus permettent de renforcer l’interprétation, confirmant le rapprochement des unités 0-19, 0-18, GD2, GD3, 4-16, 4-11 et 5-9 (fig. 7).

71Les unités 4-9 et 5-8 (éch. GD4-2 et GD5-2) sont des paléosols à matrice sableuse formés sur la dune fluée (voir supra). Sédimentologiquement, ce sont des sables assez fins, bien classés et montrant un meilleur classement des particules fines (Asq = -0,3). Cet enrichissement en particules fines indique le remaniement de la dune par solifluxion et donc sa remobilisation lors d’une période froide. L’aspect picoté des grains de quartz est dominant, quoique que l’on distingue également un fort taux de non-usés. Les minéraux lourds majeurs sont l’andalousite, la staurotide et le grenat, soit un cortège identique à celui de la dune non-fluée sous-jacente. On note cependant une forte présence d’épidote dans 4-9. Leurs caractéristiques sont très proches de celles des sables cités précédemment.

72En coupe, on retrouve ce niveau pédogénéisé dans la section est, au-dessus de la dune 0-18 : le niveau podzolisé contenant des graviers (solifluxion) 0-16 et 0-17. On retrouve donc la même succession qu’au niveau des stations 4 et 5.

73Le sédiment GD5-5, constitutif de la base de l’unité 5-10, est également intéressant : son cortège de minéraux lourds ressemble à ceux des sables précédemment cités. Cependant il montre un net enrichissement en tourmaline et épidote. Il s’agit d’un sédiment très bien classé et assez fin. La morphoscopie montre une répartition variée des différentes catégories de grains avec environ 36 % de luisants, 35 % de picotés et 27 % de non-usés.

74Les écarts observés avec les autres sédiments sont sans doute à attribuer à un phénomène de concentration par densité (13 % de minéraux lourds dans la masse totale contre à peine 3 % pour tous les autres échantillons analysés). Ce sable fait donc partie du dépôt 5-10, mais s’en différencie par l’accumulation de minéraux lourds qui s’est produite au sein de cette dune ancienne sans doute par effet de « placer » (Scaon, 2002).

Tab. 1 : Indices granulométriques des formations sableuses étudiées.

Tab. 1 : Indices granulométriques des formations sableuses étudiées.

Granulométrie sur les particules comprises entre 50 et 2000 μm. Md = médiane ; Q25 = premier quartile ; Q75 = troisième quartile; Hq = indice d’hétérométrie interquartile ; Asq = indice d’asymétrie interquartile.

Tab. 2 : Minéraux lourds. Comptage d’environ 180 minéraux par échantillon.

Tab. 2 : Minéraux lourds. Comptage d’environ 180 minéraux par échantillon.

Zir = zircon ; Rut = rutile ; Ana = anatase ; Sph = sphène ; Tourm = tourmaline; Gr = grenat ; Stau = staurotide ; And = andalousite ; Sill = sillimanite; Disth = Disthène ; Ep = épidote ; Chlde = chloritoïde ; Chlte = chlorite ; Hb v = hornblende verte ; Hb b = hornblende brune ; Glau = glaucophane; Mon  = monazite ; Aug = augite ; Enst = enstatite.

Tab. 3 : Morphoscopie des grains de quartz

Tab. 3 : Morphoscopie des grains de quartz

Comptage de 150-200 grains par échantillon. NU = non-usés; CAL = coins arrondis luisants ; AL = arrondis luisants ; CAP = coins arrondis picotés ; AP = arrondis picotés ; CAM = coins arrondis mats; AM = arrondis mats.

Fig. 7 : Analyse en composantes principales des sédiments sableux de cette étude.

Fig. 7 : Analyse en composantes principales des sédiments sableux de cette étude.

Les variables utilisées ici sont les données de granulométrie (médiane, Hq et Asq) et de minéraux lourds (sauf les chlorites). Projection des individus sur le plan factoriel (1 x 2). Observations avec la somme des cosinus carrés >= 0,00.

4.2 - Les liens entre les dunes de Menez Dregan 1, 2 et 3 et Gwendrez

75En premier lieu, les sables de Menez Dregan 2 et 3 (MD2-d, MD3-d) et le sable 3b de Menez Dregan 1 (MD1-3b) sont identiques. Mais on constate également qu’ils sont sédimentologiquement très proches des sables de l’unité 5-7 (GD5-3 et GD5-4) situés dans la coupe ouest de Gwendrez, au niveau de la station 5.

76Ce sont tous des sables assez fins et bien classés, comme le montrent leurs courbes granulométriques très proches (fig. 8). Ils sont mieux classés dans les particules grossières, à l’exception de MD2-d. Leurs cortèges de minéraux lourds sont semblables avec une dominance de l’andalousite, du grenat et de la tourmaline. La morphoscopie montre un aspect globalement picoté pour ces sables, mis à part MD2-d et GD5-4, qui contiennent une plus forte proportion de non-usés. Ces cinq sédiments sont des sables dunaires, aux caractéristiques sédimentologiques proches et mis en place lors d’une même phase dépositionnelle.

77En stratigraphie, trois d’entre eux se situent sur la pointe du Souc’h et surmontent des niveaux archéologiques ayant livré de l’industrie (MD1-3b, MD2-d et MD3-d). L’unité 5-7 (GD5-3 et GD5-4) se situe au sein de la coupe ouest de Gwendrez au-dessus du sable pédogénéisé 5-8.

78Les analyses multivariées (ACP) soulignent les rapprochements stratigraphiques et sédimentologiques entre ces cinq sables, et ce quelles que soient les projections.

Fig. 8 : Courbes granulométriques des sables MD1-3b, MD2-d, MD3-d, GD5-3 et GD5-4.

Fig. 8 : Courbes granulométriques des sables MD1-3b, MD2-d, MD3-d, GD5-3 et GD5-4.

4.3 - Le niveau repère 5e-d de Menez Dregan 1 correlé à des sables de Gwendrez

79Les analyses sédimentologiques mettent en évidence de nets points communs entre le sable de la couche 5e-d de Menez Dregan 1 (MD1-5ed) et celui situé sous la base de la station 0 de Gwendrez (GD0-0 sous l’unité 0-19).

80Tout d’abord, leurs caractéristiques granulométriques sont très proches. Ce sont des sables fins (Md = 186 μm), montrant un meilleur classement dans les particules fines. GD0-0 est cependant bien classé, contrairement à MD1-5ed. Le mauvais classement de ce dernier (Hq = 1,8) et en particulier dans les fractions grossières (Asq = -0,4) est sans doute dû à un enrichissement en particules fines dans cette formation par ruissellement ou colluvionnement (le sédiment présente en effet des litages et des grains d’arène granitique).

81De plus, leurs cortèges de minéraux lourds sont tous les deux dominés par l’andalousite, l’épidote et le grenat. L’épidote et la hornblende sont assez fortement présentes dans la composition de ces sables. Si ces deux minéraux sont retenus comme marqueurs importants, il est alors possible de considérer que ces deux sédiments ont une origine commune et simultanée. On note cependant une forte représentation des chlorites et chloritoïdes dans GD0-0 (15 %). Mais la chlorite ne sera pas retenue ici comme un marqueur important du fait de sa plus faible densité et des possibles biais liés aux décantations des minéraux lourds.

82Les grains de quartz de ces sables sont surtout picotés et indiquent une origine éolienne. On note cependant une plus forte proportion de grains non usés dans MD1-5ed, sans doute due aux phénomènes de colluvionnement que ce sédiment a connus. Ces sables sont peu évolués, avec de faibles taux de grains arrondis. Les grains luisants sont assez bien représentés dans MD1-5ed (21,5 %).

83Stratigraphiquement, à Gwendrez, le sable fin GD0-0 est situé sous le pied de falaise actuel et il est surmonté directement par de gros blocs, d’origine glacielle (Hallégouët & Van Vliet-Lanoë, 1989). Il se situe latéralement et de manière très résiduelle sous les dépôts littoraux inférieurs (0-18 et 0-19) constituant la base actuelle de la section est. Un head est cependant visible sous ces niveaux sableux à l’endroit où a été relevé le profil stratigraphique de la station 0. Mais on ignore ses relations géométriques avec le sable lenticulaire GD0-0.

84Les différentes ACP réalisées permettent d’étayer cette hypothèse de corrélation. Ces deux sables se trouvent très souvent groupés, quels que soient les axes choisis.

4.4 – Le cas de GD 1

85Un seul échantillon ne paraît correspondre à aucun autre. Il s’agit du sable GD1, prélevé dans la section est de la coupe de Gwendrez. Stratigraphiquement, il ne peut en effet être corrélé à aucun autre dépôt. Celui-ci se situe entre les deux complexes de head et est positionné sur une surface d’érosion tronquant le head inférieur.

86Sa composition sédimentologique est également très différente de celle des autres sables : il n’est quasiment constitué que de grenat (74 %), il est très mal classé (avec un Hq de 3,05) et moyennement fin avec une médiane proche de 300 µm. Sa morphoscopie montre une dominance des grains non usés et une bonne représentation des grains picotés.

87Sur la projection choisie pour illustrer l’ACP, GD1 se trouve groupé avec d’autres individus. En réalité, sur la plupart des projections et quels que soient les facteurs pris en compte, cet échantillon se trouve isolé, très éloigné des autres, ce qui confirme l’absence de corrélation selon les critères sédimentologiques retenus.

88Aucun point commun n’a été trouvé entre ce sable et les autres sédiments de cette étude. Cette difficulté de corrélation souligne les incertitudes déjà signalées (Hallégouët & Van Vliet-Lanoë, 1997) concernant l’interprétation du dépôt situé entre les deux heads : soit il correspond au dernier interglaciaire, soit il se rapporte au stade isotopique 7.

4.5 – L’origine des minéraux lourds

89L’origine géologique des minéraux présents dans les sédiments échantillonnés reste une question difficile à résoudre. En effet, le peu de connaissances sur la géologie des fonds marins de la baie d’Audierne ne permet pas d’établir de conclusions fiables. Les minéraux principaux des sédiments prélevés sont de plus généralement également présents dans les roches du substrat environnant. C’est le cas par exemple du grenat et de l’andalousite présents parmi les minéraux accessoires des micaschistes du Groupe Languidou-Penhors, dans l’Orthogneiss œillé de Pors-Poulhan et dans le Leucogranite de la Pointe du Raz-Quimper. D’autres minéraux paraissent être d’origine plus distale : l’épidote notamment, selon Louis Chauris (1992), mais on note sa présence au sein des micaschistes du Groupe Languidou-Penhors. Par contre, la sillimanite, l’amphibole et la staurotide, présentes en quantités notables dans les sédiments prélevés, sont totalement absentes de minéraux accessoires des roches environnantes (Plaine et al., 1981). Ces minéraux sont donc probablement d’origine distale prépondérante.

5 - Essai de révision chronostratigraphique de la falaise de Gwendrez

90Les études sédimentologiques et stratigraphiques contribuent à de nouvelles propositions d’interprétation pour la falaise de Gwendrez (fig. 5). La stratigraphie de cette coupe en falaise montre une séquence complexe et un fort bilan sédimentaire. On identifie ainsi plusieurs couches de head séparées par des horizons de paléosols de type « rankers » (Hallégouët & Van Vliet-Lanoë, 1997). Ces paléosols peuvent correspondre à des sols interglaciaires, par analogie avec les sols actuels en sommet de falaise. Ces derniers se développent en effet sous forme de ranker, en période tempérée sur les côtes à genêts, ajoncs et bruyères du littoral atlantique (landes). Et, au cours des périodes d’optimum interglaciaire, les conditions environnementales (présence de la mer, vent, sel) étaient semblables à l’actuel. Aucun sol forestier ne pouvait se développer, conformément à ce que l’on observe aujourd’hui. La prise en compte de ces marqueurs pédostratigraphiques, ainsi que de probables hiatus d’érosion, conduit à une hypothèse chronostratigraphique longue pour la falaise de Gwendrez.

91De ce fait, en sommet de falaise, la séquence 5, caractérisée par le développement d’un ranker surmonté par une dune et illustrant la phase transgressive d’un interglaciaire, est à rattacher à l’Holocène (MIS 1).

92Dans la section est de la falaise, la séquence 4, conservant un ranker surmonté par une coulée de solifluxion, est interprétée comme le témoin du dernier cycle interglaciaire/glaciaire. En effet, le ranker est considéré comme un sol interglaciaire et marque donc l’Eémien (MIS 5). Le head qui le recouvre est ainsi le seul dépôt témoin de la dernière glaciation.

93La plage ancienne supérieure de la section est, les rankers associés, le sable GD1 (correspondant latéralement à cette plage) et le podzol visible en section ouest de la falaise correspondent à la première phase de la séquence 3. Ces dépôts de rang interglaciaire sont attribués au second interglaciaire saalien, le MIS 7. L’épisode périglaciaire suivant (cryoturbation et solifluxion) marque le MIS 6.

94Ainsi, la séquence 2, soit le podzol hydromorphe (des sections est et ouest) ainsi que la dune de la section ouest, surmontés par des dépôts de pente, est rattachée au premier interglaciaire saalien, le MIS 9 et à la période glaciaire saalienne consécutive, le MIS 8.

95Enfin, la séquence 1, conservant la plate-forme marine et les dépôts sableux littoraux inférieurs et les dépôts de pente les surmontant, est à rattacher à l’Holsteinien (MIS 11) et à la première phase glaciaire du Saalien, le MIS 10. Le sable lenticulaire GD0-0, situé sous les sables littoraux inférieurs, est donc plus ancien ou correspond à une première phase de l’interglaciaire holsteinien.

96En résumé, cinq séquences de type interglaciaire/glaciaire ont ainsi pu être mises en évidence à Gwendrez. Cette cyclicité permet, par corrélation avec les courbes de variations climatiques, de proposer les interprétations chronostratigraphiques suivantes :

97- Séquence 1 : interglaciaire Holsteinien (MIS 11) / glaciaire Saalien (MIS 10)

98- Séquence 2 : interglaciaire Saalien (MIS 9) / glaciaire Saalien (MIS 8)

99- Séquence 3 : interglaciaire Saalien (MIS 7) / glaciaire Saalien (MIS 6)

100- Séquence 4 : interglaciaire Eémien (MIS 5) / glaciaire Weichsélien (MIS 4 à 2)

101- Séquence 5 : interglaciaire Holocène (MIS 1).

6 - Interprétations chronologiques et paléoenvironnementales des sites de Menez Dregan

102Les analyses sédimentologiques montrent des liens forts entre certaines formations sableuses de Gwendrez et la couche 5e-d de Menez Dregan 1. Les couches sableuses MD1-5ed et GD0-0 sont attribuées à l’interglaciaire holsteinien. Cette interprétation permet de proposer un âge pour la couche 5 e-d de Menez Dregan 1 (épisode dunaire suivi par un colluvionnement) : elle peut être le témoin d’une première phase de la transgression de l’Holsteinien (MIS 11). Alors, les vestiges présents dans les complexes 4 et 5 du site et les dépôts sableux inférieurs de Gwendrez (0-19, 0-18, GD2, GD3, 4-16 à 4-11, 5-10 et 5-9) sont à attribuer à la fin de cet interglaciaire et au début de la glaciation suivante.

103De plus, la présence d’artefacts paléolithiques de type « Colombanien » (choppers) dans l’unité 5-9 (Monnier et al., 1997), et aussi dans 0-19 et 0-18 , est un argument archéologique incontournable. Les corrélations fondées sur les observations de terrain et sur les analyses sédimentologiques montrent que ces niveaux se situent virtuellement (puisque ce sable n’existe pas à Menez-Dregan 1) au dessus de MD1-5ed. On en déduit que ce niveau archéologique correspond à l’ensemble des couches 5 et 4 à Menez-Dregan 1, sans plus de précisions pour le moment.

104Cette hypothèse concorde également avec les résultats apportés par l’anthracologie. En effet, les charbons de la couche 5 du site ont été étudiés, mettant en évidence un contexte paléoclimatique tempéré, proche de l’Holsteinien, associé à un niveau marin régressif (Lefort et al., 2007).

105Dans cette configuration, les âges proposés par RPE (Monnier et al., 1994), autour de 380 000 ans, sont en accord avec les données géologiques et archéologiques et en accord avec les résultats de l’anthracologie.

106La régression consécutive à l’optimum climatique du MIS 9 a conduit au dépôt des sables dunaires de la couche 3b de Menez Dregan 1, des sites de Menez Dregan 2 et 3, et de ceux de la coupe ouest de Gwendrez (unité 5-7). Les industries rencontrées sous ces sables dunaires sont donc contemporaines des industries des couches 4 et/ou 5 du gisement principal de Menez Dregan 1, situées au-dessus des dépôts du stade isotopique 11.

7 - Conclusion – discussion

107Une chronostratigraphie longue est privilégiée pour la falaise de Gwendrez, au vu du grand nombre de paléosols et dépôts littoraux qu’elle conserve. Les corrélations sédimentologiques avec les gisements de Menez Dregan confirment la grande ancienneté de ces occupations (l’une des plus anciennes occurrences de l’homme préhistorique dans le Massif Armoricain et parmi les plus anciens vestiges de foyers dans le Monde), avec une présence préhistorique il y a près de 500 000 ans. En effet, les plages anciennes 8 et 10 du site sont antérieures à l’interglaciaire Holsteinien et conservent cependant de l’industrie, des restes osseux et des traces de foyers.

108Des questions restent cependant en suspens. La datation par RPE de la couche 3a de Menez Dregan 1 pose notamment problème. Celle-ci est basée sur les quartz de cette dune, sur des quartz non chauffés, par la méthode du blanchiment, et lui donne un âge de 141±16 ka (Mercier et al., 2004). Cette datation ferait correspondre le dépôt de cette dune avec le stade isotopique 6. Les corrélations sédimentologiques et l’interprétation chronostratigraphique données ici supposent un dépôt de cette couche lors du MIS 7.

109De nouvelles études sont nécessaires dans ce secteur pour confirmer l’interprétation chronostratigraphique des dépôts. Des datations par OSL seraient essentielles pour confirmer ou infirmer ces hypothèses et pour préciser les âges des dépôts sableux de Gwendrez et de Menez Dregan.

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List of illustrations

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URL http://journals.openedition.org/quaternaire/docannexe/image/5896/img-1.jpg
File image/jpeg, 44k
Title Fig. 2 : Principaux niveaux d’abrasion nettement observables dans les falaises de la pointe du Souc’h
Caption 1 - Niveau d’abrasion et accumulations de galets actuels. 2 - Niveau d’abrasion inférieur, avec localement creusement de grottes dans la falaise. 3 – Grotte. 4 - Niveau d’abrasion moyen sur lequel reposent les niveaux de plages anciennes et de sols, et le gisement de Menez Dregan 1. 5 – Niveau d’abrasion supérieur. 6 - Head. 7 - Versant et sol actuels.
URL http://journals.openedition.org/quaternaire/docannexe/image/5896/img-2.jpg
File image/jpeg, 36k
Title Fig. 3 : Coupe stratigraphique E-F et E’-F’ du gisement de Menez Dregan 1.
Caption Cartouche : localisation de la coupe sur le plan de la fouille
Credits relevé : S. Hinguant & R. Colleter ; D.A.O. : R. Colleter/INRAP
URL http://journals.openedition.org/quaternaire/docannexe/image/5896/img-3.jpg
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Title Fig. 4 : Colonne stratigraphique synthétique du gisement de Menez Dregan 1
Caption 2 - Grands blocs légèrement flués (éléments de la voûte de la grotte), 2b - Head sablo-graveleux, 2c - Lentille limoneuse à texture loessique, 3a - Sable argileux d’origine dunaire, 3b - Encroûtement polygoné à la base de la dune, 4a - Head lité avec galets dispersés et industrie remaniée, 4b - idem, présence de blocs anguleux, 4c - idem, présence de lits noirâtres déformés, 5a à 5d’ - Strates alternativement brun-noir et brun foncé, abondance de débris végétaux carbonisés et d’industrie lithique, 5e-d - Lentille de sable fin, 6 - Epandange de galets fortement anthropisé au sommet (présence d’industrie lithique), matrice argileuse, base constituée de galets de très petit module (industrie absente ou rare), 7 - Couche très noire, alternance d’horizons argileux et de passées sablo-graveleuses très organiques, blocs en partie émoussés à la base et au sommet, 8b - Sédiment sablo-argileux gris-verdâtre, industrie lithique parfois roulée, quelques galets, charbons de bois et restes osseux, 8a - Sable homogène avec quelques petits cailloux anguleux, 9a - Sédiment sablo-graveleux noir-brunâtre, fortement induré, ossements, charbons de bois et industrie lithique, 9b - idem, plus argileux et de teinte plus claire, rares charbons de bois et graviers ; 9c - idem à 9a, os, charbons de bois, 10 - Galets de petit module figés dans une matrice sablo-graveleuse extrêmement indurée, 11 – platier rocheux.
Credits modifiée d’après S. Hinguant in Monnier et al., 1996a
URL http://journals.openedition.org/quaternaire/docannexe/image/5896/img-4.jpg
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Title Fig. 5 : Coupe stratigraphique schématique de gwendrez et localisation des stations et des échantillons étudiés.
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Title Fig. 6 : Colonnes stratigraphiques synthétiques de la falaise de Gwendrez, corrélations et interprétation chronostratigraphique.
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Title Tab. 1 : Indices granulométriques des formations sableuses étudiées.
Caption Granulométrie sur les particules comprises entre 50 et 2000 μm. Md = médiane ; Q25 = premier quartile ; Q75 = troisième quartile; Hq = indice d’hétérométrie interquartile ; Asq = indice d’asymétrie interquartile.
URL http://journals.openedition.org/quaternaire/docannexe/image/5896/img-7.jpg
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Title Tab. 2 : Minéraux lourds. Comptage d’environ 180 minéraux par échantillon.
Caption Zir = zircon ; Rut = rutile ; Ana = anatase ; Sph = sphène ; Tourm = tourmaline; Gr = grenat ; Stau = staurotide ; And = andalousite ; Sill = sillimanite; Disth = Disthène ; Ep = épidote ; Chlde = chloritoïde ; Chlte = chlorite ; Hb v = hornblende verte ; Hb b = hornblende brune ; Glau = glaucophane; Mon  = monazite ; Aug = augite ; Enst = enstatite.
URL http://journals.openedition.org/quaternaire/docannexe/image/5896/img-8.jpg
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Title Tab. 3 : Morphoscopie des grains de quartz
Caption Comptage de 150-200 grains par échantillon. NU = non-usés; CAL = coins arrondis luisants ; AL = arrondis luisants ; CAP = coins arrondis picotés ; AP = arrondis picotés ; CAM = coins arrondis mats; AM = arrondis mats.
URL http://journals.openedition.org/quaternaire/docannexe/image/5896/img-9.jpg
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Title Fig. 7 : Analyse en composantes principales des sédiments sableux de cette étude.
Caption Les variables utilisées ici sont les données de granulométrie (médiane, Hq et Asq) et de minéraux lourds (sauf les chlorites). Projection des individus sur le plan factoriel (1 x 2). Observations avec la somme des cosinus carrés >= 0,00.
URL http://journals.openedition.org/quaternaire/docannexe/image/5896/img-10.jpg
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Title Fig. 8 : Courbes granulométriques des sables MD1-3b, MD2-d, MD3-d, GD5-3 et GD5-4.
URL http://journals.openedition.org/quaternaire/docannexe/image/5896/img-11.jpg
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References

Bibliographical reference

Marine Laforge  and Jean‑Laurent Monnier , Contribution à la chronostratigraphie du gisement paléolithique inférieur de Menez-Dregan 1 (Plouhinec, Finistère, France). Corrélations avec les dépôts pléistocènes de la falaise de Gwendrez.Quaternaire, vol. 22/2 | 2011, 91-104.

Electronic reference

Marine Laforge  and Jean‑Laurent Monnier , Contribution à la chronostratigraphie du gisement paléolithique inférieur de Menez-Dregan 1 (Plouhinec, Finistère, France). Corrélations avec les dépôts pléistocènes de la falaise de Gwendrez.Quaternaire [Online], vol. 22/2 | 2011, Online since 01 September 2014, connection on 17 April 2024. URL: http://journals.openedition.org/quaternaire/5896; DOI: https://doi.org/10.4000/quaternaire.5896

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About the authors

Marine Laforge 

Centre de Recherche en Archéologie, Archéosciences, Histoire - UMR 6566 CReAAH (CNRS - Universités Rennes 1, Rennes 2 & Nantes - Ministère de la Culture - INRAP), Laboratoire Archéosciences, Université Rennes 1, Campus de Beaulieu, bât. 24-25, 263 avenue du Général Leclerc, CS 74205, F-35042 RENNES cedex. Courriel : marine.laforge@univ-rennes1.fr

Jean‑Laurent Monnier 

Centre de Recherche en Archéologie, Archéosciences, Histoire - UMR 6566 CReAAH (CNRS - Universités Rennes 1, Rennes 2 & Nantes - Ministère de la Culture - INRAP), Laboratoire Archéosciences, Université Rennes 1, Campus de Beaulieu, bât. 24-25, 263 avenue du Général Leclerc, CS 74205, F-35042 RENNES cedex. Courriel : jean‑laurent.monnier@univ‑rennes1.fr

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