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Dossier thématique

Mobilisations syndicales et statactivisme institutionnel

Les syndicats face aux indicateurs d’égalité professionnelle femmes-hommes (2014-2019)
Mobilisation and institutional statactivism. Trade unions face to professional gender equality indicators (2014-2019)
Movilización sindical y estadactivismo institucional. Los sindicatos frente a los indicadores de igualdad profesional entre mujeres y hombres (2014-2019)
Vincent-Arnaud Chappe

Résumés

Cet article s’intéresse au rôle des grandes confédérations syndicales dans l’élaboration des politiques publiques d’égalité professionnelle entre femmes et hommes : il vise à montrer comment, à partir du cadrage statistique et des outils proposés par l’État, se crée un espace de mobilisation autour de la mesure statistique. Bien loin de rester passives face à ces enjeux d’apparence techniques, les organisations syndicales développent au contraire une réflexivité forte, assise sur la mobilisation de compétences d’experts issues des sciences sociales, et soulèvent les enjeux politiques liés à l’usage des mesures d’égalité (formules, indicateurs, outils), même si le résultat effectif est limité par des rapports de force largement défavorables. Trois moments de controverse sont décrits, qui touchent aussi bien à la défense du cadre statistique qu’à son élaboration. L’article propose la notion de statactivisme institutionnel, dans la mesure où le cadrage statistique de l’égalité professionnelle et les arènes de discussion des pratiques de quantification sont le produit du droit et de l’État.

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Texte intégral

Introduction

1La question de la mesure statistique, bien que n’épuisant pas la question de l’égalité dans sa dimension relationnelle (Rosanvallon, 2011), est au centre des réflexions sur la justice sociale au travail. Elle découle d’une appréhension arithmétique de la distribution des ressources entre les individus et les groupes, nécessitant un travail de commensurabilité et de quantification visant à comparer des populations par rapport à des critères d’évaluation dans le cadre d’épreuves du marché du travail (rémunération, embauche, promotions, etc.) (Boltanski & Chiapello, 1999) et permettant de pointer vers d’éventuelles différences de traitement et situations non justifiées. L’histoire de la lutte pour l’égalité et contre les discriminations, en France comme dans beaucoup d’autres pays, est jalonnée d’outils de quantification produits par divers acteurs (porte-parole de groupes minorisés, syndicalistes, entreprises, administrations, etc.) et mobilisés dans diverses arènes, comme outils de prévention (Dagiral et al., 2016) ou de preuve judiciaire : reporting et monitoring dans les entreprises (Dobbin, Schrage, & Kalev, 2015), tests de situation (Calvès, 2007), méthode des panels (Chappe, 2011), régressions multilinéaires (Coron & Pigeyre, 2018), évaluation analytique des emplois (McCann, 1994), etc.

2En France, cette centralité de l’instrumentation quantitative est particulièrement évidente dans l’action publique en matière d’égalité professionnelle entre femmes et hommes. Elle est institutionnalisée directement par l’État qui, depuis 1983 et la loi Roudy (du nom de la ministre des Droits des femmes de l’époque), oblige les entreprises de plus de 50 salariés à produire un rapport quantifié – nommé « rapport de situation comparée » (RSC) pour les entreprises de plus de 300 salariés – portant sur les inégalités sexuées selon plusieurs domaines (conditions générales d’emploi, rémunération, formation, condition de travail, etc.). Le principe d’objectiver les inégalités sexuées au sein des entreprises est une vieille revendication syndicale dont on retrouve les traces dès les années 1960 (Chappe, 2017). Ces données doivent servir de support informationnel à la mise en place d’une politique d’égalité au niveau de l’organisation. Depuis 2001, le RSC sert d’appui à l’établissement d’un « accord d’égalité professionnelle » négocié entre direction et représentants syndicaux (à défaut, l’entreprise doit se munir d’un simple « plan d’action ») : il s’est ainsi vu confirmer sa place de pierre angulaire d’une « égalité négociée » entre partenaires sociaux (Laufer, 2003).

3Depuis sa création se pose néanmoins de façon constante la question de son effectivité, aussi bien concernant le respect de l’obligation légale de le produire que la performativité des données qu’il contient. Entre 1983 et aujourd’hui, le RSC, appréhendé comme « outil circulant » dans les arènes administratives et politiques (Chiapello & Gilbert, 2013), a été l’objet d’un constant « travail normatif » (Dodier & Barbot, 2016, p. 426) visant à remodeler ses contours et son inclusion dans le dispositif de l’égalité professionnelle (Chappe, 2017). Ces controverses se sont accélérées depuis la fin des années 2000 à mesure que les contraintes se resserrent sur les entreprises, de plus en plus pressées à agir sur l’égalité en raison à la fois de la pression administrative et de la montée des contentieux (Laufer, 2014). Cette intensification de l’enjeu de la mesure s’observe à travers la mobilisation d’un ensemble d’acteurs professionnels (cabinets de conseils) et syndicaux (Blanchard, 2016 ; Pochic et al., 2019), investissant l’objet du RSC à travers la création d’une expertise et d’outils dérivés (formations, guides méthodologiques, tableurs Excel) ainsi que par leur participation de plus en plus active aux processus d’élaboration des outils de quantification de l’égalité.

  • 1 Je me centre notamment sur le cas de la CGT qui, à travers son collectif « femmes mixité », investi (...)

4Cet article s’intéresse plus particulièrement au rôle des grandes confédérations syndicales dans l’élaboration des politiques publiques de l’égalité professionnelle1. Il vise à montrer comment, à partir du cadrage statistique et des outils proposés par l’État et les politiques publiques, se crée un espace de mobilisation autour de l’enjeu de la mesure statistique concernant la cause de l’égalité professionnelle. Bien loin de rester passives face à ces enjeux d’apparence techniques et à l’instrumentation des politiques publiques au sein desquelles les nombres jouent une place de plus en plus forte (Bezès, Chiapello, & Desmarez, 2016), les organisations syndicales développent au contraire des formes importantes de réflexivité : celles-ci s’incarnent dans la promotion d’équipements « qualculatoires » (Callon, 2017), des propositions de calculs, des indicateurs ou des instruments, qui participent conjointement à une qualification alternative de ce que recouvre l’égalité professionnelle et à sa mesure. Ces équipements s’assemblent avec des compétences d’experts issues des sciences sociales, pour former ce que Callon et Muniesa appellent une « agence calculatoire » (Callon & Muniesa, 2003) qui soulève les enjeux politiques liés à l’usage des mesures d’égalité et vise à rouvrir l’espace des possibles par rapport aux cadrages dominants de la problématique, même si le résultat effectif est limité par des rapports de force largement défavorables aux syndicats. Contre l’idée d’une hégémonique « gouvernance des nombres » (Supiot, 2015), il s’agit ici de montrer au contraire la pluralité des problématisations du réel et des usages politiques et légaux qui peuvent s’y articuler (Amossé, 2016 ; Desrosières, 2014 ; Espeland & Vannebo, 2007). L’article s’inscrit ainsi dans un ensemble de travaux portant sur le « statactivisme » (néologisme issu de la contraction entre « statistique » et « activisme ») défini comme « expériences visant à se réapproprier le pouvoir émancipateur des statistiques » (Bruno et al., 2014, p. 7).

5Les mobilisations dont il est ici question apparaissent néanmoins comme paradoxales à certains égards : elles se déploient principalement au sein d’arènes de négociation institutionnalisées par l’État afin de discuter les technologies de quantification et leur agencement avec le droit et elles ne contestent pas tant le principe même de ces technologies que les inflexions politiques actuelles, notamment dans la mesure où elles viennent fragiliser la place des syndicats dans les dispositifs de mise en œuvre de l’égalité professionnelle. Je propose ici de qualifier ce mouvement de statactivisme institutionnel, dans la mesure où ces pratiques émancipatrices des nombres ne se déploient pas à contre-courant de l’activité étatique – contrairement à la majorité des cas sur lesquels les études sur le statactivisme ont jusqu’ici porté – mais s’inscrivent pleinement au sein du cadre juridique et politique de l’égalité professionnelle comme politique publique fortement structurée par des outils de quantification. La conceptualisation de cette notion de statactivisme institutionnel permet de penser les conséquences de ce cadrage statistique sur les marges de manœuvre dont les mouvements sociaux disposent pour défendre des politiques réellement émancipatrices.

6L’article décrit ainsi trois moments de controverses autour du RSC et de la quantification de l’égalité professionnelle depuis 2014, qui dessinent trois modalités d’intervention et de mobilisation syndicale au sein du cadre de l’égalité professionnelle : une mobilisation visant à proposer la création d’un nouvel indicateur d’évolution professionnelle sous la forme d’un nuage de points permettant de faire le lien entre discriminations individuelles et collectives ; une mobilisation visant à défendre la pérennité du RSC menacé par une loi réformant le dialogue social ; enfin une mobilisation visant à infléchir le processus administratif lié à une nouvelle obligation de résultat pour les entreprises en tentant d’imposer un cadrage large des inégalités sexuées.

  • 2 Cette position avait déjà été adoptée dans un cadre différent, dans la mesure où j’avais accompagné (...)

7L’article s’appuie sur l’analyse d’archives administratives appartenant à différentes institutions en lien avec les droits des femmes et notamment sur celles du Conseil supérieur à l’égalité professionnelle (CSEP), ainsi que sur des rapports et débats parlementaires et des documents syndicaux. Concernant la période plus contemporaine, j’ai procédé à 42 entretiens avec des fonctionnaires, avocate, syndicalistes au niveau de l’entreprise, fédération ou confédération, etc. J’ai également pu participer à plusieurs réunions syndicales ou intersyndicales où ont été discutés les nouveaux outils de quantification : ma position au sein de ces réunions, obtenue notamment grâce à la confiance acquise par des longues relations d’enquête auprès des acteurs engagés contre les discriminations au sein de la CGT, m’a permis d’accéder à des espaces privés de discussion et d’élaboration de stratégies politiques. Au-delà de l’accès à ce terrain extrêmement riche, j’ai décidé d’assumer une forme de participation, ne visant pas tant à être une force de proposition (ou critique) dans le processus de mobilisation, qu’à accompagner la réflexivité des actrices et acteurs mobilisés, notamment à partir de mes connaissances issues de mes enquêtes au croisement de la sociologie de la discrimination, du droit et de la quantification2. J’ai assumé le prolongement de cette mobilisation au sein de l’espace public en rédigeant une tribune pour Le Monde et en acceptant d’en signer une autre (cf. infra), dans l’optique d’élargir une réflexion sur l’espace des possibles quant à la configuration des politiques d’égalité professionnelle.

Proposer un indicateur : les controverses autour de la mesure de l’évolution professionnelle

8À l’occasion d’une modification législative visant à mieux intégrer la question de l’évolution professionnelle dans les indicateurs du RSC, la CGT, soutenue en partie par les autres grandes confédérations syndicales, défend un outil de visualisation des inégalités sous forme de « nuage de points ». La proposition de cet outil de régulation des inégalités va se heurter à d’autres propositions concurrentes, privilégiées pour leur simplicité et attestant de l’existence d’un espace concurrentiel des indicateurs justifiés par des logiques d’action différentes.

Le principe d’un nouvel indicateur de l’évolution professionnelle

  • 3 Il oblige également à mener une analyse sexuée des enjeux de sécurité et santé au travail, point qu (...)

9Le 4 août 2014 est votée la « loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes », portée par Najat Vallaud-Belkacem, alors ministre des Droits des femmes. Cette loi comporte plusieurs mesures importantes sur des domaines variés (pensions alimentaires, lutte contre les violences, extension de la parité, etc.) mais aussi à propos de l’égalité professionnelle, dont un point apparemment plus anecdotique concerne directement le RSC : la loi institue en effet l’obligation pour le rapport d’« analyse[r] les écarts de salaires et de déroulement de carrière en fonction de leur âge, de leur qualification et de leur ancienneté. Il décrit l’évolution des taux de promotion respectifs des femmes et des hommes par métiers dans l’entreprise »3. L’objectif est ainsi d’étoffer le RSC grâce à une appréhension plus dynamique des écarts de rémunération en lien avec des déroulés de carrière différenciés. Il s’inscrit dans le contexte d’un renforcement des obligations de négociation des entreprises notamment sur la thématique de la rémunération (domaine de négociation obligatoire), conjugué aux premières sanctions administratives depuis 2013 ciblant les entreprises n’ayant pas entamé de démarches pour établir un accord ou plan d’égalité.

10Ce nouveau domaine de mesure correspond à une demande portée depuis longtemps par les syndicats : elle était ainsi présente dans l’accord national interprofessionnel (ANI) sur la qualité de vie au travail du 19 juin 2013, signé du côté des syndicats de salariés par la CFDT, la CFE-CGC et la CFTC réclamant un « indicateur de promotion sexuée ». Cette appréhension dynamique fait écho à l’augmentation des contentieux en matière de discrimination liée au sexe le long de la carrière. Rachel Silvera, économiste « hétérodoxe », maîtresse de conférences à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, publie ainsi en 2014 un ouvrage analysant ces contentieux, expliquant l’écart salarial femmes-hommes par des effets dynamiques de carrière et proposant la mise en place d’indicateurs sexués permettant de saisir cette dimension (Silvera, 2014). Il s’agit ainsi de dépasser une vision « à l’instant T » des discriminations, pour comprendre que les écarts salariaux sont la conséquence d’épreuves cumulées aboutissant à des carrières différenciées entre femmes et hommes (maternité, plafond de verre, etc.). Cette demande fait écho au succès de la « méthode des panels » (Chappe, 2011) déjà utilisée par des militants CGT pour prouver la discrimination syndicale et sexiste. Elle permet, par le truchement d’une représentation graphique, de prouver et quantifier devant les tribunaux l’écart divergent de salaire produit par le passage du temps entre un individu et un panel « témoin », recruté au même moment dans des conditions équivalentes (figure 1).

Figure 1. Graphique schématique présenté au sein du guide d’aide de négociation de la CGT

Figure 1. Graphique schématique présenté au sein du guide d’aide de négociation de la CGT

Source : CGT « Gagner l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », p. 110

11Ces demandes d’indicateur s’inscrivent dans un contexte de savoirs accumulés sur les processus menant à la production des inégalités salariales, ainsi que sur l’expérience militante au plan judiciaire concernant l’importante de bénéficier de techniques d’objectivation des discriminations sur la carrière.

Nuage de points et indicateurs concurrents

12Si la loi fixe le principe de produire un nouvel indicateur, la prescription de la forme qu’il prendra reste néanmoins très floue, et sa formulation exacte est déléguée à la production d’un décret qui sera produit par la direction générale du travail (DGT). Le 4 décembre 2014, le ministère propose au CSEP une mission de réflexion concernant la production des nouveaux indicateurs. Le CSEP, alors dirigé par l’inspectrice générale des Affaires sociales Brigitte Grésy, est une arène publique d’expertise existant depuis 1983, qui comporte des représentants de l’administration, des ministères et des partenaires sociaux ainsi que des « personnalités qualifiées » (principalement des universitaires ou des personnes connues pour leur engagement pour l’égalité professionnelle). Le rapport rendu par la commission le 26 mai 2015 permet de restituer l’éventail des propositions et les controverses qu’elles ont suscitées. Sont interrogées notamment les questions de la définition du « déroulement de carrière » ainsi que de la « qualification » à partir de laquelle on compare les femmes et les hommes, à la croisée de définitions légales, sociologiques et conventionnelles. Trois indicateurs sont ainsi proposés :

  • Le premier, porté directement par la DGT, vise à comparer « à ancienneté, qualification, âge comparables » sur « X années » et concernant un groupe « présents-présents » (c’est-à-dire de salariés étant présent du début à la fin de la période des X années), le pourcentage d’évolution salariale ou de promotions entre femmes et hommes. C’est un indicateur dynamique dans la mesure où le calcul des données s’établit non à un instant T mais sur une période glissante.

  • Le deuxième indicateur est porté par François Clerc, chargé de la discrimination à la CGT et qui a participé à l’élaboration de la méthode des panels. Cet indicateur se veut une comparaison salariale à instant T, âge et qualification égale, la qualification étant saisie à travers la nomenclature légale de 1969 liant cinq « niveaux » aux années de formation. Cet indicateur peut prendre la forme d’un nuage de points pour un niveau de qualification donnée, où chaque individu représenté par un point et colorié différemment selon qu’il soit femme ou homme, figure à l’intersection d’une abscisse représentant l’âge et d’une ordonnée représentant la rémunération ou la classification (figure 2).

Figure 2. Exemple de graphiques présentés au sein du guide d’aide de négociation de la CGT

Figure 2. Exemple de graphiques présentés au sein du guide d’aide de négociation de la CGT

Source : CGT « Gagner l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », p. 41

13Cet indicateur défendu par la CGT permet plusieurs choses : il offre tout d’abord une visualisation graphique puissante et totalisante permettant de repérer le positionnement général du nuage de points des femmes par rapport à celui des hommes (ce que François Clerc appelle les deux « plumes »), tout en permettant d’observer au niveau individuel comment, à un âge donné et pour une certaine qualification, un individu est situé par rapport à ses collègues du même âge. Le positionnement « bas » d’une femme par rapport aux hommes pour un âge donné peut être ainsi considéré comme un élément troublant qui, s’il ne caractérise pas une discrimination, peut néanmoins inciter la salariée à demander des comptes à l’entreprise et cette dernière à mener l’enquête sur les raisons de ce positionnement pour éventuellement le réparer. L’outil est présenté par la CGT comme un instrument de prévention, prolongeant les usages judiciaires de la méthode des panels en permettant d’appréhender les inégalités sexuées conjointement à un niveau individuel (paradigme juridique de la discrimination) et collectif (paradigme de l’égalité professionnelle). Il permet ensuite implicitement de renforcer la notion instituée de « qualification » garantie par un certain niveau de diplôme, à laquelle se substitue progressivement une définition de la qualification et des compétences plus liées au poste et déterminées par l’entreprise (Dubar, 1996 ; Monchatre, 2007). La défense de cet indicateur par la CGT est aussi une défense du principe de qualification attachée à l’individu plutôt qu’au poste. L’adoption de la comparaison par âge plutôt que par ancienneté au sein de l’entreprise permet enfin de défendre l’idée d’une expérience cumulée « portable » entre entreprises à partir de laquelle engager les comparaisons.

  • Le troisième indicateur est présenté par Dominique Meurs, économiste, chercheuse associée à l’Ined et professeure à l’Université Paris Ouest Nanterre La Défense, spécialiste de ces questions. Si Dominique Meurs utilise régulièrement des méthodes économétriques pour déterminer les écarts salariaux aussi bien sur données agrégées (Meurs & Ponthieux, 2006) qu’au niveau de grandes entreprises dans le cadre de contrats de recherche, elle défend ici au contraire un indicateur de répartition des femmes et hommes en nombre et pourcentages selon leur position dans l’entreprise. Cet indicateur est jugé comme beaucoup plus simple à produire, à la fois dans sa réalisation graphique et parce qu’il ne nécessite pas que soit renseignée la qualification des salariés dans le système d’information des ressources humaines de l’entreprise. Il peut être présenté sous forme d’un tableau et a les vertus de la simplicité ainsi que celui d’être adapté aux grilles de classification des entreprises sans qu’il soit question de la qualification du salarié. Il peut ensuite être croisé avec d’autres données dans l’optique de mieux explorer les causes des inégalités.

14Le rapport du CSEP décrit l’absence de consensus au sein du groupe. La méthode proposée par la DGT n’est pas retenue, probablement en raison de sa plus grande complexité notamment dans la possibilité de déterminer des groupes « présents-présents », du fait de la rotation des emplois et des salariés dans les entreprises post-fordistes. Une majorité se rallie à la proposition de Dominique Meurs avec l’argument que celui-ci est le plus adapté aux grilles de classification dites « à critères classants » qui ont abandonné la référence aux qualifications pour se fonder sur une décomposition des compétences engagées dans le travail (Saglio, 1991). Si le MEDEF accepte la version de l’indicateur présentée par l’économiste, le CSEP va plus loin en proposant à titre d’exemple un tableau synoptique permettant de regrouper un ensemble d’informations (effectif, rémunération, ancienneté, âge) en fonction du coefficient rapporté à différentes variables et ventilées selon le sexe (figure 3).

Figure 3. Exemple de tableau présenté par le CSEP pour faire figure d’indicateur d’évolution professionnelle

Figure 3. Exemple de tableau présenté par le CSEP pour faire figure d’indicateur d’évolution professionnelle

Source : avis du CSEP publié le 26 mai 2015 portant sur « les nouveaux indicateurs devant figurer dans les rapports de situation comparée et de situation économique de l’entreprise ».

15L’exploitation d’un tel tableau permet ensuite de produire facilement différentes représentations graphiques offrant de visualiser notamment des effets de « plafond de verre », à l’exemple de la figure 4 où le coefficient 160 est le dernier coefficient non-cadre.

Figure 4. Graphique en barres de répartition des femmes et des hommes par coefficient ou par niveau (données fictives)

Figure 4. Graphique en barres de répartition des femmes et des hommes par coefficient ou par niveau (données fictives)

En abscisse les coefficients ou niveaux et en ordonnées le pourcentage de femmes et d’hommes

Source : avis du CSEP publié le 26 mai 2015 portant sur « les nouveaux indicateurs devant figurer dans les rapports de situation comparée et de situation économique de l’entreprise ».

16Malgré la majorité qui se dégage pour cet indicateur, la CGT cherche à défendre le nuage de points en arguant du consensus intersyndical autour de sa proposition. Ce consensus a été obtenu au sein d’un autre groupe de travail, le « groupe de dialogue inter-partenaires sur la lutte contre les discriminations en entreprises », présidé par Jean-Christophe Sciberras. Le syndicat s’appuie ainsi sur ce consensus obtenu dans une autre arène pour défendre la légitimité de sa proposition au CSEP. Il obtient alors l’adoption d’une phase de test des deux indicateurs dans les entreprises permettant de garder les possibles ouverts plutôt que de tout de suite les restreindre autour de l’indicateur choisi. Cette phase de test n’aura néanmoins jamais lieu. Le 28 novembre 2015, le ministère du Travail présente au CSEP une proposition de décret qui reprend largement la proposition de Dominique Meurs, proposant notamment l’inclusion de la « rémunération moyenne ou médiane mensuelle par niveau ou coefficient hiérarchique » (à moins que la taille des catégories porte atteinte à la confidentialité des salaires). Ce projet est approuvé par la CFDT, la CFE-CGC et FO. Dans un communiqué de presse du 6 novembre, la CGT redéveloppe néanmoins ses arguments, arguant que l’indicateur retenu « présente les choses de façon statique, sous forme de photo, alors que pour identifier les discriminations sur la carrière il faut un film en dynamique », reprenant ainsi une expression de l’économiste Rachel Silvera.

17La proposition de la CGT relève ainsi d’une volonté d’implanter au sein des entreprises des outils permettant d’aller au-delà de la seule exploration descriptive des inégalités : dans la continuité de la méthode des panels, il vise à imposer aux entreprises un outil de représentation graphique permettant une visualisation simple du soupçon de discrimination individuelle, tout en s’intégrant dans la logique collective de l’égalité professionnelle. Dans l’esprit de ses concepteurs, cet outil doit permettre, bien mieux que les outils descriptifs classiques, d’activer une démarche de régulation de la part des entreprises en même temps qu’il offre un point d’appui aux salariées pour visualiser leur propre position relative dans la hiérarchie salariale et entamer une procédure de contestation. Le refus d’adopter cet outil au profit de formes de classement plus classiques des données dans la logique du RSC atteste, au-delà de l’argument de la simplicité, de la difficulté de passer d’une logique « exploratoire », propre aux origines du RSC, à une logique plus directe de contrôle et de régulation active des inégalités sexuées dans l’entreprise. Malgré cet échec, la CGT continue à porter son indicateur dans d’autres arènes : elle atteste ainsi de la continuité des revendications articulées à des outils formalisés, au-delà de la mobilisation ponctuelle au sein d’arènes spécifiques, alors même que l’outil du RSC au cœur du modèle d’égalité va être remis en cause.

Défendre le RSC : une mobilisation réactive en faveur du cadre statistique

18Les évolutions de la législation concernant le dialogue social vont remettre en cause l’existence même du RSC : cette menace sur la pièce maîtresse du dispositif de l’égalité professionnelle provoque en retour une mobilisation réactive de défense du cadre statistique menée par une coalition d’acteurs engagés.

Le RSC menacé

19Les discussions sur les indicateurs au sein du CSEP vont être heurtées de plein fouet par une autre controverse. Le 7 avril 2015, le CSEP est saisi d’un projet de loi porté par le ministre du Travail François Rebsamen portant sur la « modernisation du dialogue social ». Cette saisine, très tardive par rapport au calendrier d’élaboration législative, est obligatoire dans la mesure où le projet de loi comporte plusieurs mesures qui impactent l’égalité professionnelle, en réorganisant notamment en profondeur le dispositif de négociation. L’égalité professionnelle est désormais incluse dans un bloc « qualité de vie au travail » (QVT) au titre de la simplification des obligations pesant sur l’entreprise.

20La rédaction provisoire de ce projet loi fait peser de grosses incertitudes concernant le devenir du RSC qui en l’état disparaît des obligations des entreprises, alors qu’au sein du même CSEP et au même moment on discute de la mise en forme des nouveaux indicateurs du RSC issus de la loi du 4 août 2014. Implicitement, il semble que le gouvernement prévoit que les informations auparavant contenues dans le RSC seront reversées dans la « base de données économiques et sociales » (BDES) créée par la loi du 14 juin 2013, mais sans que ne soit précisée la nature de ces informations. Les syndicats craignent que les entreprises utilisent des indicateurs ad hoc (alors que la tendance allait depuis les années 2000 à leur plus grande formalisation), et plus largement dénoncent de manière unanime la suppression du lien entre diagnostic, analyse et négociation. L’avis du CSEP du 18 avril 2015 précise ainsi que :

Il ressort du projet de loi que le changement majeur réside dans le fait qu’il n’est plus mentionné que la négociation doit s’appuyer sur l’analyse des informations et des indicateurs chiffrés recueillis en matière de situation comparée entre les femmes et les hommes. Il n’existe plus de lien entre l’exercice visant à diagnostiquer et à analyser la situation dans l’entreprise et celui de la négociation.

Pour la CFE/CGC, le RSC et RSE [rapport de responsabilité sociale d’entreprise] sont les instruments obligatoires et indispensables pour établir un diagnostic sur l’égalité professionnelle dans une entreprise. Enlever cet instrument reviendrait à demander à un médecin de soigner son patient sans aucune consultation et auscultation. Pour FO, la suppression du RSC est absolument inadmissible et la CGT dit s’opposer à la remise en cause du RSC induite par le projet de loi.

Une mobilisation réactive

21Cette question de la suppression du RSC, d’abord confinée dans « l’arène discrète » (Gilbert & Henry, 2012) du CSEP, acquiert une publicité importante à partir du 11 mai 2015. Le CSEP se réunit ce jour-là sous la direction de la secrétaire d’État chargée des droits des femmes Pascale Boistard : Sophie Binet, responsable CGT de l’égalité professionnelle et membre du CSEP, y fait un discours offensif critiquant l’incohérence du gouvernement concernant le RSC. Ce même jour est publié le site SOSegalitepro.fr (et son hashtag #sosegalitepro) monté par des associations féministes et notamment par Caroline de Haas, militante féministe cofondatrice de « Osez le féminisme » et consultante en égalité professionnelle (figure 5). Cette mobilisation en ligne se fait de concert avec les syndicats, notamment avec Sophie Binet qui a connu Caroline de Haas à l’Union nationale des étudiants de France (UNEF). Le site relaie ainsi l’ensemble des informations sur la mobilisation en cours, appelle à interpeller les ministres, à utiliser le hashtag sur Twitter et enjoint à signer une pétition lancée par l’ancienne ministre des droits des femmes Yvette Roudy (sollicitée par Caroline de Haas) déplorant les évolutions législatives à venir.

Figure 5. Capture d’écran d’une partie de la page d’accueil du site SOSegalitepro.fr

Figure 5. Capture d’écran d’une partie de la page d’accueil du site SOSegalitepro.fr

Source : http://www.ugict.cgt.fr/​articles/​actus/​sosegalitepro

22Y. Roudy, figure tutélaire des politiques d’égalité professionnelle, en appelle à la défense de l’esprit de la loi de 1983, affirmant que « le texte prévoit de supprimer purement et simplement tous les outils de l’égalité professionnelle du Code du travail », dont le RSC et la négociation, caractérisés comme les « fruits de nombreuses batailles syndicales, féministes et politiques ». La pétition obtient très rapidement un grand succès en collectant 40 000 signatures. Parallèlement, les cabinets de conseil spécialisés en égalité professionnelle, pour lesquels le RSC est à la fois un outil d’action et un objet de prestation facturé aux entreprises, se mobilisent à travers la publication de communiqués.

23Dans un communiqué conjoint publié le même jour, François Rebsamen, Marisol Touraine (ministre des Affaires sociales) et Pascale Boistard tentent de rassurer face à cette mobilisation, en promettant que toutes les données du RSC seront transmises dans la BDES et regroupées au sein d’une rubrique « égalité professionnelle » permettant de clairement les distinguer. Mais ces propos n’apaisent pas totalement la mobilisation : le 13 mai, Yvette Roudy répond à Rebsamen en l’accusant d’une « faute politique » et affirmant que ses « réponses ne [l]’ont pas convaincue » dans la mesure où la BDES ne remplace pas à l’identique la « pierre angulaire de la loi » qu’était le RSC (expression qu’elle avait déjà utilisée en 1983 pour le qualifier), véritable « document dédié à l’égalité, de mesure, d’analyse et de propositions d’action », mais le substitue par une « base statistique ». Parallèlement, le 15 mai, vingt chercheuses et chercheurs spécialisés sur l’égalité professionnelle, « sociologues, économistes, juristes, politistes » dont certains très proches de la CGT, publient une tribune dans le journal Les Échos. Ils y rappellent l’importance du RSC et le danger de supprimer cette « analyse spécifique » assurant le « lien entre diagnostic sexué et négociation collective ».

24La loi sur la modernisation du dialogue social est finalement votée le 17 août 2015, retenant le principe du reversement des informations du RSC dans le BDES au sein d’une rubrique spécifique. Elle vient se télescoper avec le projet de décret concernant le nouvel indicateur d’égalité professionnelle dont le CSEP avait été saisi le 28 novembre 2015, avant que le gouvernement décide de le suspendre pour adapter sa formulation législative à la nouvelle BDES. Le CSEP est alors ressaisi le 30 mai 2016 : la majorité des représentants des syndicats s’estime alors globalement satisfaite du maintien des données du RSC, tout en continuant à déplorer la disparition symbolique du rapport en tant que tel. Au sein du CSEP, la CGT en profite pour proposer à nouveau son indicateur de nuage de points, seul à même selon le syndicat « d’identifier les situations individuelles » qui composent la discrimination et de mettre « la partie syndicale et patronale à égalité lors des négociations », au profit d’une logique présentée comme préventive.

25A posteriori, cette séquence, plus qu’une volonté directe et consciente de supprimer le RSC révèle le manque d’attention politique accordée au sujet de l’égalité professionnelle de la part du ministère du Travail. La réactivité et l’ampleur de cette mobilisation témoignent de l’attachement des syndicats et de leurs alliés au principe de quantification des inégalités et de standardisation des indicateurs et, au-delà, au modèle même de l’égalité négociée qu’incarne le RSC. Le projet d’une « obligation de résultat » porté par le nouveau gouvernement à partir de 2018 place alors les syndicats dans une position paradoxale, entre soutien d’une politique plus contraignante envers les entreprises et anticipation d’un outil de quantification qui marginalise leur place dans le dispositif de l’égalité professionnelle.

Comment calculer l’égalité salariale ? Les mobilisations autour de l’instrumentation d’une obligation de résultat

26La proposition gouvernementale d’une nouvelle obligation de résultat pour les entreprises s’inscrit dans un cadrage minimaliste des inégalités sexuées comme inégalités salariales « résiduelles ». Les syndicats, alliés à différents experts, soutiennent eux un cadrage plus large des inégalités comme produits d’un système organisationnel. La solution alternative finalement retenue par le gouvernement engage les syndicats dans des négociations concernant le paramétrage du nouvel outil de quantification imposé aux entreprises, tout en éveillant des critiques sur son caractère potentiellement trompeur.

Inégalités « résiduelles » et obligation de résultat

27Le 8 mars 2018, quelques mois après l’affaire MeToo, la nouvelle ministre du Travail Muriel Pénicaud annonce une réforme majeure du dispositif de l’égalité professionnelle, avec l’ajout d’une « obligation de résultat » pour les entreprises à l’ancienne « obligation de moyen » (c’est-à-dire l’obligation de négocier). Cette annonce se fait autour du chiffre répété dans la communication gouvernementale de 9 % d’inégalités salariales en défaveur des femmes « à travail égal » : si l’écart global est en défaveur des femmes à hauteur de 26 %, deux tiers de cet écart s’expliquerait en fait par la surreprésentation des femmes dans le temps partiel et par des effets de structure (écarts d’âge, de catégorie socio-professionnelle et de secteurs d’activité). Il s’agit donc, en proposant l’obligation de résultat, de s’attaquer à ce qui est considéré comme la « discrimination pure » subie par les femmes dans la valorisation de ce travail.

  • 4 Deux méthodes existent : l’une consiste à produire une équation de salaire où l’on isole le poids d (...)

28Pour traduire ce chiffre de 9 % au niveau national par son équivalent au niveau de l’entreprise, la ministre propose l’adoption d’un logiciel libre : le logiciel doit permettre de calculer les inégalités salariales toutes choses égales par ailleurs à travers une régression multilinéaire isolant le poids de la variable « sexe » sur la rémunération par rapport à d’autres variables explicatives (âge, ancienneté, diplôme, poste, etc.4). Cette proposition s’inscrit dans une dynamique de transfert technologique et politique : un tel instrument est déjà développé en Suisse (et dans certains pays de l’Union européenne) sous le nom de Logib, et dont l’utilisation conditionne l’accès aux marchés publics. Il est porté sous le nom d’EqualpacE par l’Institut de recherches économiques de Cologne et les cabinets de conseil PersonalMarkt et Roland Berger, grâce à un financement de la Commission européenne (ainsi qu’un soutien du gouvernement allemand). Les concepteurs de l’outil tentent de convaincre les entreprises de son adoption en proposant des séminaires à Paris à destination des responsables des ressources humaines. Cet outil suscite déjà depuis un certain temps l’intérêt des acteurs publics : les responsables sont reçus au CSEP et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) produit en juillet 2016 un rapport sur « l’évaluation des outils de mesure par les entreprises des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes » qui consacre une part importante à cet outil tout en soulignant ses limites. Certaines entreprises, éventuellement accompagnées par des experts comme ceux de l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) ou par des chercheur·e·s comme Dominique Meurs, utilisent les mêmes méthodes de régression multilinéaire depuis quelques années notamment dans l’optique de calcul d’enveloppes de rattrapages, sans que cela suffise néanmoins à éviter tout conflit sur la fixation de ces chiffres au niveau de l’entreprise (Pochic & Chappe, 2019). L’objectif recherché est de produire un « indicateur prégnant » (Boussard, 2001), calculé toutes choses égales par ailleurs en écho au 9 % proposé au niveau national, et consolidé par une méthode statistique censée produire une « objectivité mécanique » incontestable (Porter, 1996).

La défense d’une interprétation large des inégalités

29En réaction à ce projet, une mobilisation intersyndicale se met rapidement en place afin de peser sur l’instrumentation de ce nouveau dispositif. Si les syndicats approuvent totalement l’obligation de résultat – complémentaire à l’obligation de moyen – qui faisait partie de longue date de leur revendication, ils adoptent néanmoins un point de vue très critique de la focalisation du gouvernement sur les 9 % d’écart résiduel. Cette critique, portée notamment par la CGT, repose sur le refus d’une lecture « toute chose égale par ailleurs » des inégalités salariales. Elle est notamment appuyée sur les travaux de Rachel Silvera et de Séverine Lemière qui insistent sur la part des inégalités liées au produit de l’évolution professionnelle différenciée, et à la sous-valorisation des emplois féminisés dont les compétences sont invisibilisées et pour lesquelles les syndicats se sont historiquement peu mobilisés dans les négociations des conventions collectives et grilles salariales. En s’appuyant sur le guide produit par les deux chercheuses à destination du Défenseur des droits (2013), ils insistent sur la nécessité de parler, en accord avec le droit, de salaire égal pour travail de valeur égale et non simplement de travail égal. Plus globalement, les syndicats, et notamment la CGT, défendent la nécessité de lutter contre l’ensemble des inégalités salariales sexuées, appréhendé sous l’angle des discriminations et inégalités systémiques, et non uniquement contre les discriminations « pures » (figure 6).

Figure 6. Capture d’écran de la page « Chiffres » du site egalite-professionnelle.cgt.fr

Figure 6. Capture d’écran de la page « Chiffres » du site egalite-professionnelle.cgt.fr

Source : http://www.egalite-professionnelle.cgt.fr/​les-chiffres/​, consultée le 11 mars 2019

30Des réunions intersyndicales, pilotées principalement par les responsables de la CGT et la CFDT, vont rapidement se mettre en place afin de produire une position commune. Sont présents cinq experts universitaires – sociologues (dont moi) et économistes – et juristes professionnels pour caler les revendications : il s’agit ainsi d’appréhender les enjeux statistiques de la mesure en lien avec les soubassements théoriques concernant l’explication des inégalités salariales, ainsi que leur traduction juridique au sein du dispositif d’égalité professionnelle. Au sein de ces réunions, un consensus se dégage rapidement autour d’une proposition visant à déléguer la responsabilité de produire les indicateurs d’entreprise à une autorité nationale – éventuellement composée d’experts de l’INSEE ou de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du Travail (DARES) – à partir des données remontées par les entreprises auprès des administrations publiques via la « déclaration sociale nominative » (DNS, ancienne DADS-U pour « déclaration annuelle de données sociales unifiée », qui sert habituellement à la gestion des cotisations sociales). Cette proposition avait été formulée en juin 2016 par Thomas Breda, économiste au CNRS, membre expert du CSEP et dont les travaux ont plusieurs fois croisé les intérêts de la CGT concernant notamment la quantification de la discrimination salariale subie par les délégués syndicaux (Breda, 2014). Outre l’allègement de la charge administrative des entreprises, cette suggestion est défendue dans la mesure où elle permet la standardisation des informations et des indicateurs synthétiques calculés. En faisant ainsi de l’administration publique un point de passage obligé dans le calcul des inégalités salariales, elle enlève un possible pouvoir discrétionnaire aux entreprises dans leur capacité à manipuler les chiffres. Le 25 avril, un collectif de 21 économistes et sociologues (dont moi-même) publie dans Le Monde une tribune explicitant cette proposition.

  • 5 Je publie ainsi le 8 mars dans l’édition électronique du journal Le Monde une tribune intitulée « L (...)

31Si ce principe fait consensus parmi les syndicats, les discussions soulèvent néanmoins une tension : comment produire un indicateur prégnant suffisamment solide assurant l’obligation de résultat, sans rentrer dans une logique « toutes choses égales par ailleurs » qui a tendance à minimiser le calcul des inégalités salariales en évacuant leurs dimensions systémiques ? Cette question de la fixation d’un tel indicateur se pose d’autant plus que les ordonnances Macron adoptées en septembre 2017 ont ouvert la voie à la négociabilité des indicateurs de la BDES, nécessitant pour les syndicats de contre-attaquer sur le front de la standardisation. Dans l’optique d’y répondre, les discussions intersyndicales se tiennent principalement autour des variables à retenir dans le modèle si le choix d’une régression multilinéaire est effectivement retenu, sachant que ces variables doivent être renseignées dans la DSN. L’interrogation porte notamment sur le niveau de catégorisation socio-professionnelle à retenir, dans la mesure où une catégorisation trop fine, centrée sur des groupes aux profils extrêmement proches, créerait des groupes de comparaison homogènes et empêcherait la comparabilité « à valeur égale » en créant des sous-catégories trop étroites. La question de la transparence des données et indicateurs est également posée afin d’éviter le risque qu’indicateurs et logiciels ne se transforment en « boîte noire » masquant des jeux d’acteurs autour des données5

32Le 2 mai, une déclaration intersyndicale est publiée précisant ainsi l’ensemble des revendications syndicales : la production des indicateurs par une agence nationale à partir de la DNS ; l’utilisation des diplômes dans le modèle de régression, diplômes qu’il faudra alors renseigner dans la DSN à partir de la nomenclature des qualifications de 1969 ; le choix de catégories socio-professionnelles « larges » (cadres ; techniciens et professions intermédiaires ; ouvriers ; employés) afin de ne pas limiter la comparabilité ; le raisonnement à partir de la rémunération totale incluant primes, bonus, etc. ; l’obligation des entreprises de mettre en place d’une enveloppe de rattrapage indexée aux écarts de rémunération et sous peine d’un risque renforcé de sanctions ; une négociation sur les classifications de branche et leurs biais de genre ; la publication à côté de l’indicateur synthétique d’un « écart de rémunération global » ainsi qu’un certain nombre de données croisées. Ce dernier point vise à compléter la vision restrictive des inégalités sexuées par une vision plus large, à laquelle sera toujours indexée une obligation de moyen à travers la négociation d’un accord d’entreprise.

Conflits de paramétrage

  • 6 Parallèlement, la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » qui fixe entre autres (...)

33Devant l’opposition du MEDEF, qui préfère une logique de cas par cas appuyé sur une autorégulation des entreprises à la standardisation des indicateurs, le gouvernement abandonne finalement l’idée avancée en grande pompe d’un logiciel unique. Il décide de déléguer à Sylvie Leyre, directrice des ressources humaines à Schneider Electric, une mission concernant la détermination de l’instrumentation à adopter pour l’obligation de résultat et qui prendra la forme d’un décret6. Leyre refuse d’emblée le principe de l’utilisation des DSN qu’elle juge trop compliquée à mettre en place. Fin juin, constatant la difficulté à produire un indicateur unique, elle prend la piste d’une solution intermédiaire : celle d’un indicateur synthétique sous forme de « note » regroupant un certain nombre de sous-indicateurs et incluant, au-delà de l’égalité salariale contrôlée par un certain nombre de variables, d’autres dimensions de l’égalité professionnelle (promotions, plafond de verre, etc.). Les syndicats ne sont pas hostiles au principe, qui permet d’échapper à une vision trop statique de l’égalité en y incluant une dimension évolutive, mais ils restent néanmoins très vigilants concernant le paramétrage effectif d’un tel indicateur. Un certain nombre de débats techniques sont ainsi soulevés concernant la construction des sous-indicateurs, la ventilation des points entre eux, les seuils de calculabilité et la transparence des données.

34Le gouvernement et Sylvie Leyre annoncent les solutions retenues le 26 novembre. Pour les entreprises de plus de 250 salariés, il s’agit du regroupement de cinq indicateurs (quatre pour les entreprises ayant entre 50 et 249 salariés) répartis ainsi :

  • Sur quarante points, un indicateur concernant les écarts des moyennes des salaires femmes et hommes, à partir des rémunérations totales ventilées selon des tranches d’âge fixées et les catégories des classifications de branche ou d’entreprise (ou à défaut des grandes catégories socio-professionnelles),

  • Sur vingt points, un indicateur concernant l’écart de probabilité concernant l’obtention d’une augmentation,

  • Sur quinze points, un indicateur concernant l’écart de probabilité concernant l’obtention d’une promotion,

  • Sur quinze points, un indicateur binaire (l’ensemble des points ou aucun) concernant le respect strict de la règle d’une augmentation systématique des femmes à leur retour de congé maternité à la hauteur de leur catégorie socio-professionnelle dans l’entreprise,

  • Sur dix points, un indicateur concernant le nombre de femmes et d’hommes dans les dix plus hautes rémunérations de l’entreprise.

35Les entreprises doivent publier leur index global sur leur site Internet, tandis que les sous-indicateurs sont réservés aux seuls syndicats représentatifs. Celles obtenant moins de 75 sur un total de 100 ont alors trois ans pour repasser au-dessus de ce seuil, sous peine d’une sanction pouvant aller jusqu’à 1 % de leur masse salariale. Les entreprises de plus de 1000 salarié·e·s doivent publier leur index d’ici le 1er mars 2019, celles ayant entre 250 et 999 salarié·e·s d’ici le 1er septembre 2019, et celles entre 50 et 249 d’ici le 1er mars 2020.

36Pour les syndicats, l’annonce apparaît dans un premier temps comme satisfaisante dans la mesure où la méthode retenue n’aboutit pas à une neutralisation totale des inégalités mais adopte au contraire une vision systémique (tout en restant focalisée sur la question salariale). Dans sa communication, le gouvernement reprend ainsi le principe de « travail à valeur égale », ainsi que les écarts de rémunération de 9 % « net » et de 26 % global. Plusieurs critiques subsistent néanmoins, portées notamment par la CGT et la CFDT. Elles concernent à la fois l’absence de transparence totale sur l’index, le seuil de 75 jugé trop haut, les points « positifs » attribués à l’obligation légale d’augmentation après le congé maternité, et surtout le seuil de « tolérance » des inégalités salariales : les entreprises ont obtenu que, au titre des imprécisions des calculs et de l’absence de prise en compte de l’ensemble des variables influant sur les salaires, une décote de 5 points de pourcentage soit réalisée sur le résultat du calcul d’écart salarial à âge égal et catégorie socio-professionnelle équivalente (cette décote est de 2 points quand ce sont les catégories plus fines des conventions collectives qui sont utilisées). Ainsi, une entreprise qui calculerait un écart de 10 % de salaire au détriment des femmes cadres ayant entre 30 et 40 ans (deuxième tranche) retiendrait finalement le résultat de 5 %.

37Les premiers résultats donnés par les grandes entreprises avivent ces critiques. Selon la communication gouvernementale, sur la moitié des entreprises ayant respecté le délai, seules 16 % sont en dessous du seuil de 75, la moyenne des notes étant de 80, la note la plus faible concernant le dernier indicateur alors que celui concernant l’écart de salaire est très bien respecté avec une moyenne de 37/40. Une déclaration intersyndicale est ainsi publiée le 6 mars critiquant le rôle joué par la décote dans ces bons résultats apparents, tandis que la CGT parle désormais d’« opacité organisée » affirmant que « le gouvernement a retenu des modalités de construction de l’index leur permettant de dissimuler des écarts de rémunération » (déclaration de la CGT du 1er mars 2019).

38Cette critique annonce la persistance d’un débat sur les pratiques de quantification, au-delà de leur fixation dans des normes légales. La qualification de « nuage de fumée » portée par des professionnels du droit proches de la CGT (Boussard-Verrecchia, 2019) reflète la crainte des syndicats devant un outil qui, contrairement au RSC, n’appuie pas une logique d’exploration collective et de mobilisation des partenaires sociaux face aux inégalités sexuées et porte in fine le risque de les marginaliser dans la configuration de mise en œuvre de l’égalité professionnelle. Ils craignent ainsi que cet index ne soit d’abord approprié et instrumentalisé par les entreprises pour justifier de leur inaction ou se défendre dans le cadre de contentieux judiciaires (individuels ou collectifs) en matière de discrimination liée au sexe, à l’opposé donc de la logique régulatoire et incitatrice mise en avant par le gouvernement.

Conclusion

39Les mobilisations syndicales dont il a été question ont plusieurs objets : défendre le cadre et les outils statistiques liés au modèle de l’égalité négociée, chercher à les étoffer, influencer leurs paramétrages (autour de la construction d’un ou plusieurs indicateurs prégnants et performatifs). Les syndicats, dans le sillage d’une tendance longue à la professionnalisation de leurs acteurs, ont largement intégré les enjeux politiques et concrets de l’usage des nombres et indicateurs ainsi que de la pluralité de leurs agencements avec le droit, que ce soit à des fins exploratoires et mobilisatrices comme initialement prévu par le RSC, régulatrices ou préventives comme l’atteste le développement d’un ensemble de nouveaux outils ou plus directement accusatoires comme dans les procès en discrimination (Leclerc, 2013). Ces mobilisations autour de la quantification sont ainsi également des mobilisations autour de la « juridicisation » des entreprises (Pélisse, 2009), dans la mesure où il s’agit à la fois d’y assurer le passage du droit (Weller, 2018) et de renforcer ou défendre la performativité de catégories juridiques (à l’instar de celle de non-discrimination ou de qualification) participant à l’équipement des épreuves du monde du travail.

40Ce travail normatif témoigne d’une réflexivité et d’une continuité importante des confédérations syndicales sur ces questions, capables d’articuler des analyses et propositions extrêmement fines pour contrebalancer les usages opaques des chiffres et des sentiers de dépendance qu’ils peuvent participer à créer. Il est ainsi possible de parler d’un véritable « statictivisme institutionnel », dans la mesure où les syndicats déploient une activité critique autour de et par les nombres, mais en résonance à un cadrage statistique institué par les pouvoirs publics et au sein même d’arènes décisionnelles où sont discutés les agencements des politiques publiques.

41Si les syndicats développent cette forme de statactivisme, c’est aussi parce qu’ils bénéficient de l’appui d’experts enrôlés au sein de coalitions leur permettant d’appréhender ces questions calculatoires dans toutes leurs dimensions techniques, juridiques et politiques. Ces experts, issus des sciences sociales, n’apportent pas qu’un savoir spécialisé où le sociologue (ou l’économiste) s’effacerait derrière le statisticien : les pratiques de quantification qui sont promues reposent sur des théorisations du monde social et notamment des causes de l’égalité professionnelle, appréhendées différemment selon les disciplines et leurs courants. La traduction de ces théories, au sein de normes, d’instruments d’action publique et d’outils de gestion, participe alors de leur performativité (Muniesa & Callon, 2013).

42En même temps, en raison de l’équilibre des rapports de force et du pouvoir de cadrage des pouvoirs publics, ces mobilisations ont des allures souvent réactives (que ce soit pour défendre un RSC menacé ou pour contrer les effets restrictifs d’un certain usage de la régression) ou peu efficaces (comme on le voit avec les difficultés qu’a la CGT à imposer le nuage de points ou comme semblent en témoigner les premiers résultats de l’index). Les outils de quantification peuvent provoquer des effets d’inertie et présentent des risques, que ce soit ceux de l’invisibilisation d’enjeux moins facilement quantifiables (concernant par exemple les violences ou le harcèlement sexuel), du développement de politiques superficielles ne remettant pas en cause en profondeur les « régimes d’inégalité » (Acker, 2009) ou de la possible manipulation des pratiques de quantification (que ce soit en amont dans leur conception ou en aval dans leur déploiement) en fonction des prises dont disposent les acteurs. À ce titre, le statactivisme institutionnel, dans la mesure où il est fortement déterminé par les cadres statistiques imposés par des acteurs en position de force, reste fortement associé à ce que Luc Boltanski qualifie de « critique réformiste » (2014). Prolonger cette réflexion nécessite de se déplacer dans l’entreprise : c’est à ce niveau que se pose la question du pouvoir d’agir des militants syndicaux de terrain, plus souvent à distance des compétences d’experts, et n’ayant que peu de prises au sein des arènes où se façonnent les indicateurs qui donnent corps aux politiques d’égalité.

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Notes

1 Je me centre notamment sur le cas de la CGT qui, à travers son collectif « femmes mixité », investit largement la question de l’égalité professionnelle et de ses instruments et apparaît au regard des autres grands syndicats, comme principale force de proposition sur ce sujet.

2 Cette position avait déjà été adoptée dans un cadre différent, dans la mesure où j’avais accompagné un cabinet de conseil dans une expertise commanditée par un comité d’entreprise concernant l’adoption d’une technologie statistique spécifique par la direction pour mesurer les inégalités salariales sexuées (Pochic & Chappe, 2019).

3 Il oblige également à mener une analyse sexuée des enjeux de sécurité et santé au travail, point qui ne sera pas abordé dans le présent article.

4 Deux méthodes existent : l’une consiste à produire une équation de salaire où l’on isole le poids de la variable « sexe », l’autre proposée par les économistes Oaxaca et Blinder où l’on produit deux équations de salaire différenciées pour les femmes et les hommes et dont la comparaison permet de distinguer les effets expliqués et non expliqués de l’écart global.

5 Je publie ainsi le 8 mars dans l’édition électronique du journal Le Monde une tribune intitulée « Les indicateurs ne peuvent se substituer à une réelle politique d’égalité professionnelle » où est souligné le risque d’enfermer la quantification des inégalités salariales dans des « boîtes noires » inaccessibles aux syndicats.

6 Parallèlement, la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » qui fixe entre autres le principe d’obligation de résultat est débattue dans les chambres parlementaires, mais sans que soit discuté précisément le mécanisme à appliquer.

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Graphique schématique présenté au sein du guide d’aide de négociation de la CGT
Crédits Source : CGT « Gagner l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », p. 110
URL http://journals.openedition.org/rac/docannexe/image/2588/img-1.png
Fichier image/png, 235k
Titre Figure 2. Exemple de graphiques présentés au sein du guide d’aide de négociation de la CGT
Crédits Source : CGT « Gagner l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », p. 41
URL http://journals.openedition.org/rac/docannexe/image/2588/img-2.png
Fichier image/png, 390k
Titre Figure 3. Exemple de tableau présenté par le CSEP pour faire figure d’indicateur d’évolution professionnelle
Crédits Source : avis du CSEP publié le 26 mai 2015 portant sur « les nouveaux indicateurs devant figurer dans les rapports de situation comparée et de situation économique de l’entreprise ».
URL http://journals.openedition.org/rac/docannexe/image/2588/img-3.png
Fichier image/png, 169k
Titre Figure 4. Graphique en barres de répartition des femmes et des hommes par coefficient ou par niveau (données fictives)
Légende En abscisse les coefficients ou niveaux et en ordonnées le pourcentage de femmes et d’hommes
Crédits Source : avis du CSEP publié le 26 mai 2015 portant sur « les nouveaux indicateurs devant figurer dans les rapports de situation comparée et de situation économique de l’entreprise ».
URL http://journals.openedition.org/rac/docannexe/image/2588/img-4.png
Fichier image/png, 80k
Titre Figure 5. Capture d’écran d’une partie de la page d’accueil du site SOSegalitepro.fr
Crédits Source : http://www.ugict.cgt.fr/​articles/​actus/​sosegalitepro
URL http://journals.openedition.org/rac/docannexe/image/2588/img-5.png
Fichier image/png, 794k
Titre Figure 6. Capture d’écran de la page « Chiffres » du site egalite-professionnelle.cgt.fr
Crédits Source : http://www.egalite-professionnelle.cgt.fr/​les-chiffres/​, consultée le 11 mars 2019
URL http://journals.openedition.org/rac/docannexe/image/2588/img-6.png
Fichier image/png, 837k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Vincent-Arnaud Chappe, « Mobilisations syndicales et statactivisme institutionnel »Revue d’anthropologie des connaissances [En ligne], 13-4 | 2019, mis en ligne le 01 décembre 2019, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/rac/2588 ; DOI : https://doi.org/10.3917/rac.045.1097

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Auteur

Vincent-Arnaud Chappe

Membre du Centre d’étude des mouvements sociaux (EHESS).
https://orcid.org/0000-0002-4814-0729

Adresse : CEMS, EHESS, 54 boulevard Raspail, FR-75006 Paris (France)
Courriel : vincent.chappe[at]gmail.com

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