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Dossier thématique
Note de recherche

Reprendre son souffle dans un village cévenol. Ethno-géographie de l’accueil de personnes exilées en milieu rural

Take a Breath in a Small Village in the Cévennes. Ethno-Geography of the Reception of Exiles in Rural Areas
Volver a respirar en un pueblo de las Cévennes. Etno-geografía de la acogida de los exiliados en zona rural
Élise Martin
p. 161-184
Traduction(s) :
Catching One’s Breath in a Small Village in the Cévennes. Ethno-geography of the Reception of Exiles in Rural Areas [en]

Résumés

La présente note de recherche, qui repose sur une méthode ethnographique, propose d’analyser l’accueil de personnes exilées dans un village de moyenne montagne des Cévennes (accueil d’une famille afghane par des citoyens et accueil de huit jeunes Afghans par le biais d’un dispositif étatique). Si dans un premier temps, la forme de la prise en charge impacte les pratiques spatiales des individus et leur intégration dans les territoires, la famille comme les jeunes hommes finissent par être tous totalement accompagnés par un collectif d’une vingtaine de citoyens et être insérés dans le village. La note de recherche révèle les conditions de possibilité de l’accueil en milieu rural, à savoir la disponibilité des logements et l’engagement des retraités, notamment de la communauté protestante. L’analyse met aussi en valeur une singularité locale : la tradition d’accueil historique dans les Cévennes (accueil de protestants persécutés durant les guerres de Religion, de juifs pour la Seconde Guerre mondiale) et donne à voir un véritable espace refuge.

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Texte intégral

  • 1 Le Figaro, 6 février 2017 (Lombard-Latune, 2017).
  • 2 France 3 Bourgogne Franche-Comté, 24 octobre 2016 (Bessard, 2016).
  • 3 France 3 Bretagne, 5 octobre 2016 (Galmiche, 2016).

1« Un village de la Drôme confronté à l’accueil des migrants »1, « La Bourgogne a accueilli plusieurs dizaines de migrants du camp de Calais »2, « Accueil des réfugiés. Trégunc (29) : deux rassemblements se sont fait face »3.

  • 4 « Fait qui attire l’attention par son caractère exceptionnel » (définition du centre national de re (...)

2Au moment du démantèlement de la « jungle » de Calais et des camps situés entre les stations de métro Jean Jaurès et Stalingrad à Paris à l’automne 2016, la médiatisation de la prise en charge des exilés et de leur arrivée dans des espaces éloignés des grandes métropoles françaises est intense. Cette arrivée, vue comme inédite, est érigée au rang d’événement4. Les journaux l’illustrent de façon identique : la population des villages est divisée (les « pro-accueil » s’opposent aux « anti »), les étrangers arrivent en bus dans des espaces inconnus et semblent déphasés.

3Cette note de recherche propose de dépasser la description de l’accueil-événement faite par les médias (Bensa et Fassin, 2002). Elle interroge la façon dont les personnes trouvent leur place dans la société d’accueil et s’intéresse aux questions d’isolement géographique, d’accès aux services et démarches administratives dans des espaces éloignés des grandes métropoles du territoire français. Elle questionne aussi la durée de l’accueil et met en exergue l’idée selon laquelle les espaces ruraux seraient des espaces transitoires, propices à des accueils temporaires. Pour ce faire, elle restitue une enquête ethnographique menée entre mars 2017 et mai 2019 dans le village gardois de Lasalle, commune qui a abrité simultanément une famille afghane accompagnée par un collectif d’habitants et un groupe de huit Afghans suivi par une association mandatée par l’État dans le cadre d’un CAO (centre d’accueil et d’orientation). L’étude qui suit analyse les conditions de possibilité de l’accueil sur le long terme dans une petite commune de moyenne montagne et donne des pistes de réponse aux questionnements suivants : comment les formes et modalités de la prise en charge des exilés influent sur leurs pratiques spatiales et sociales ? De quelle manière les personnes exilées vivent-elles et s’approprient-elles leur nouvel espace de vie et selon quelle temporalité ?

  • 5 Au XVIIe siècle, une grande partie de la population se convertit au protestantisme dans un territoi (...)
  • 6 Les membres du collectif de Lasalle ne se désignent pas systématiquement comme des « bénévoles ». I (...)
  • 7 Les membres du groupe et du collectif sont différents. Quelques individus isolés naviguent entre le (...)
  • 8 L’auteure n’a pas filmé l’accueil de la famille accueillie à Lasalle, mais s’est focalisée sur l’ac (...)

4L’objectif de cette enquête était de mettre en regard les pratiques spatiales quotidiennes des exilés — en les pensant comme des personnes actrices de leur vie et non pas comme des personnes en « transit », « objet de traitement » (Felder, 2016) — et l’action des personnes (militants, retraités, protestants5, salariés) parties prenantes de l’accueil. Pour cela, l’analyse s’appuie sur une vingtaine d’entretiens avec les exilés accueillis dans ces territoires, avec des salariés d’une association mandatée par l’État, un groupe de militants de Saint-Jean-du-Gard, les bénévoles6 d’un collectif de soutien à Lasalle7 et avec le maire de ce village. Les entretiens et l’observation sur le terrain ont été analysés à l’aune de la littérature scientifique sur le parcours migratoire des personnes accueillies en France (Mekdjian et al., 2014), sur la société d’accueil et l’engagement des accueillants (Masson-Diez, 2018 ; Berthomière et Imbert, 2019), sur la cohabitation quotidienne entre Français et exilés (Gotman, 2001 ; Gerbier-Aublanc, 2018 ; Gerbier-Aublanc et Masson-Diez ; 2019) ou encore sur les villes dites « refuge » (Bontemps et al., 2018 ; Boudou, 2018). Ce travail a été enrichi de l’analyse de films documentaires et en particulier celui de Sarah Limorté intitulé Dans l’attente, en prise directe avec le terrain lasallois8.

  • 9 Dans cette note de recherche, il apparaît plus cohérent de parler d’insertion que d’intégration. À (...)

5Après avoir mis en regard deux visions de l’accueil de personnes exilées en milieu rural, celle de l’État et celle de citoyens, nous verrons comment les modalités de l’accueil conditionnent l’insertion9 des personnes dans les territoires. Nous prêterons aussi une attention particulière au profil des habitants qui les accompagnent et à la façon dont se manifeste leur engagement (politique, émotionnel, religieux) et montrerons que l’accueil à Lasalle s’apparente à un rituel puisque le village abrite des personnes étrangères et persécutées depuis plusieurs siècles.

Accueil par l’État et accueil citoyen : une double vision de l’accueil

Lasalle, un village dynamique à la population composite

  • 10 Le village est un lieu de passage, notamment pour des personnes qui vivent dans leur camion ou dans (...)

6L’organisation et les dynamiques qui traversent Lasalle sont symptomatiques des villages et petites villes du piémont cévenol du nord du Gard. Il s’agit d’un village-rue de 1 147 habitants (en 2016, d’après l’INSEE) situé assez loin de villes moyennes comme Alès ou encore Nîmes (à respectivement quarante-cinq minutes et une heure en voiture), mais suffisamment proche de ces villes et de leurs services pour attirer de nouveaux habitants. Lasalle est un exemple typique des villages qui se trouvent dans une phase de « repeuplement » depuis les années 1990 (Dedeire et al., 2011) grâce à un solde migratoire positif. Il est en effet marqué par l’arrivée de nouvelles populations : des citadins avec un fort pouvoir d’achat (actifs en quête d’autres modes de vie, retraités), mais aussi des populations en situation de précarité qui cherchent refuge en milieu rural (Rivière-Honegger, 1998 ; Clavairolle, 2014 ; Cabanel, 2014). Le village n’est pas complètement gentrifié (Richard, 2017 ; Tommasi, 2018), comme cela peut être le cas d’autres espaces de l’arrière-pays méditerranéen (comme l’arrière-pays provençal), dans le sens où l’on n’observe pas le remplacement d’une population aux revenus faibles par une population plus aisée. A contrario, des individus aux profils socio-économiques et géographiques hétérogènes cohabitent à Lasalle10.

Carte 1 : Carte de localisation de Lasalle

Carte 1 : Carte de localisation de Lasalle

Sources : BD ortho IGN 2015.
Crédit : É. Martin (Inkscape), septembre 2020.

7Malgré le faible nombre d’habitants, Lasalle connait une réelle dynamique culturelle et associative toute l’année. De nombreuses associations organisent des événements sportifs et culturels (spectacles, rencontres, fêtes, concerts) qui favorisent l’émergence d’espaces de sociabilité et permettent de pallier l’isolement des habitants (Regourd, 2004 ; Bonini et Clavairolle, 2005). Le village abrite aussi des initiatives atypiques comme une brocante solidaire, tenue par l’association protestante du village, ou encore un dispensaire de soins naturels qui propose des consultations (avec un psychologue, un étiopathe, etc.) à destination de personnes à faibles revenus (Martin, 2020).

  • 11 Réalisateur de métier, il est en partie à l’origine du festival du film documentaire qui a lieu tou (...)

8Le maire, lui-même impliqué dans la vie culturelle du village11 met en avant cette vitalité :

« Y a une vraie vie de village […] ce n’est pas un village-dortoir. […] Les gens se connaissent, se rencontrent, le lien social est extrêmement bien développé ici. Il y a plus de 250 manifestations dans l’année [qui ne sont pas du ressort] de la commune [mais] des associations. » (Entretien, mars 2017, Lasalle)

9C’est dans ce cadre, celui d’un village à la population composite et au tissu associatif dense, qu’ont été accueillies des personnes exilées, à savoir une famille afghane durant deux ans et demi par des habitants du village et huit Afghans dans le cadre d’un dispositif étatique pendant un an (voir Figure 1). Leurs arrivées respectives se distinguent aussi bien par leurs raisons que par la forme concrète de leur prise en charge (logement, encadrement).

Figure 1 : Chronologie de l’accueil de la famille afghane et des jeunes majeurs pris en charge en CAO

Figure 1 : Chronologie de l’accueil de la famille afghane et des jeunes majeurs pris en charge en CAO

Crédit : É. Martin, mars 2020.

L’accueil par des habitants : un accueil sous l’émotion

  • 12 La famille est constituée au moment de l’enquête de la mère de trente-sept ans, d’un fils de vingt- (...)
  • 13 La photographie d’Alan Kurdi retrouvé mort sur une plage turque le 2 septembre 2015 a fait l’effet (...)
  • 14 Les habitants qui ont décidé d’accueillir ont sollicité leurs réseaux notamment parisiens. Des mili (...)

10L’arrivée de la famille afghane — une mère et ses cinq enfants12 — s’est faite dans le contexte particulier de la médiatisation, courant 2015, de l’arrivée en Europe de milliers d’exilés13. Quelques habitants de Lasalle, principalement des protestants engagés localement, ont réagi et décidé d’accueillir dans un élan compassionnel (Zaoui, 2007). Cette « réponse non préméditée à un appel lui-même non prémédité » (Brugère et Le Blanc, 2017) s’est traduite dans les faits par la venue inopinée et improvisée de la famille14 :

« Quelqu’un passe un coup de fil, il se trouve que le presbytère était vide, deux jours plus tard ils étaient là. » (Entretien avec le maire, mars 2017, Lasalle)

11La mère de famille et ses enfants ont rapidement été aidés par les habitants du village :

« Quand ils sont arrivés, ils n’avaient aucun statut […] et n’avaient aucun revenu, entre novembre et février. Le village pendant ces trois mois a pris en charge toute leur nourriture, l’ensemble du village déposait de l’alimentation au supermarché, on avait fait aussi une grosse fête avec un gros bénéfice et la mairie sur cette période était impliquée, la communauté de communes aussi, elle a payé le centre aéré. » (Entretien avec un membre du collectif, mars 2017, Lasalle)

12Le premier accueil de la famille a été soutenu par la mairie qui est restée ensuite plus en retrait, laissant aux bénévoles une certaine marge de manœuvre. Au départ, seules cinq personnes se sont engagées quotidiennement auprès de la mère afghane en formant autour d’elle un collectif informel. Assez souple dans son fonctionnement, le collectif s’est réuni tous les jeudis dans le café de la place centrale du village pour discuter de l’avancée de la situation. Les individus qui l’ont constitué sont des personnes de plus de soixante ans, arrivées pour certaines dans les Cévennes il y a une quarantaine d’années. C’est le cas, entre autres, du prédicateur laïc de Lasalle (ou pasteur), figure majeure de l’accueil dans la commune depuis plusieurs années.

13L’accueil de la famille afghane résulte d’une décision prise de façon soudaine par quelques habitants qui ont réagi « à chaud » à une situation choquante et ont accepté — plus ou moins consciemment — d’entretenir une relation d’une durée indéterminée avec des personnes exilées. Les quelques personnes engagées ont fait preuve de dévouement envers la famille en l’assistant et en lui rendant visite quotidiennement. À l’accueil porté par des habitants, choisi et motivé, s’oppose l’accueil impulsé par l’État. L’accueil institutionnel a pris la forme d’un dispositif CAO dont la mise en place a été imposée et orchestrée par la préfecture du Gard, sans réelle concertation avec les citoyens et les salariés de l’association mandatée par l’État pour sa gestion.

Les CAO et CAOMI, des dispositifs modulables et flottants qui s’ancrent difficilement dans les territoires

14Depuis quelques années, la gestion de ce que l’État appelle la « crise migratoire » a induit la multiplication des formes de dispositifs d’hébergement pour les demandeurs d’asile (Braud et al., 2018). Lasalle a abrité un des derniers en date, un CAO dans l’ancienne gendarmerie du village, de février 2017 à février 2018. Le CAO a ouvert à la suite de la fermeture d’un CAOMI (centre d’accueil et d’orientation pour mineurs isolés) installé dans le village voisin de Monoblet et encadré par la même association gestionnaire. La forme de ce dispositif d’accueil — créé pour répondre à une crise et défini dans les textes comme « un sas temporaire » (Braud et al., 2018) — et les transferts successifs des personnes, de Calais au CAO et du CAOMI au CAO, ont généré beaucoup d’incertitude pour les exilés comme les salariés et des conflits avec certains habitants.

  • 15 L’association choisie par les services de l’État pour intervenir est une association locale, active (...)

15L’enquête de terrain montre que la mise en place du dispositif CAO/CAOMI a déstabilisé les salariés de l’association mandatée par l’État pour gérer le dispositif15. Dans le contexte de l’urgence du démantèlement de la « jungle » de Calais, ceux-ci ont eu connaissance tardivement du profil des personnes qu’ils devraient accueillir. En octobre 2016, alors qu’ils s’attendaient à accueillir des familles dans l’ancien ITEP (institut thérapeutique, éducatif et pédagogique) inoccupé du village de Monoblet (voir Photographie 1) ils ont finalement accueilli une trentaine de jeunes hommes :

« On ne sait toujours pas pourquoi, les vingt-deux places réservées pour quatre à cinq familles venant de Calais n’ont jamais été attribuées et on a été contactés par le ministère de l’Intérieur et les services de l’État… du coup au lieu d’accueillir vingt-deux personnes ils ont proposé très fortement d’accueillir vingt-neuf mineurs isolés à la place. » (Entretien avec un salarié, mars 2017, Lasalle)

  • 16 Entretien avec un salarié, mars 2017, Lasalle.

16Cette arrivée a été tout aussi difficile pour les exilés, vingt-neuf jeunes de nationalité afghane, qui ne savaient pas à l’avance où ils étaient emmenés ni ce qui allait leur être proposé dans les Cévennes. Les salariés ont dû répondre aux questionnements de jeunes qui ne comprenaient pas pourquoi ils avaient été transférés dans un lieu si excentré et « ne voyaient en la France qu’un pays de transit vers l’Angleterre et qui avaient pour seule vision de la France Calais et son système mafieux »16. Cette incompréhension s’est traduite par la fugue du CAOMI de Monoblet d’un tiers des mineurs pris en charge.

  • 17 « Ça a duré que trois mois, mais ça nous a paru durer un an et demi tellement c’était dense. Parce (...)
  • 18 Les militants dont il est question font partie d’un groupe constitué de jeunes adultes et formé au (...)
  • 19 « Les jeunes allaient manger chez l’habitant, des cours se faisaient sur place, des animations de l (...)
  • 20 Entretien avec un salarié, mars 2017, Lasalle.

17L’instabilité et la responsabilité17 qu’implique la prise en charge de mineurs ont eu des répercussions directes sur les relations entre l’association gestionnaire et certains habitants, notamment un groupe de militants locaux18. L’équipe19, qui avait ouvert les portes de la structure à l’extérieur, a rapidement posé des limites et interdit l’accès à quelques individus « très revendicatifs »20. Ceux-ci ont dénoncé la mise en place de « mesures sécuritaires » comme la tenue d’« un registre notant les entrées et les sorties » et reproché à l’association de se borner à « fournir un toit, deux repas par jour, et à faire rentrer des individus dans le cadre administratif qu’on leur [avait] prévu ». La rigueur dont ont fait preuve les salariés de l’association dans la prise en charge des mineurs a été comprise comme une volonté de se fermer à l’extérieur, d’être plus dans « une logique de mise à l’abri » que dans « une logique d’accompagnement » (Braud et al., 2018).

18La fermeture du CAOMI en février 2017 a été tout aussi précipitée et chaotique que son ouverture. Les salariés ont été prévenus de la dissolution du CAOMI seulement quinze jours avant. Sur les seize personnes restantes, huit ont été déclarées mineures et huit finalement majeures. Les jeunes mineurs ont été pris en charge par l’ASE (aide sociale à l’enfance) et l’association, disposant d’une certaine marge de manœuvre vis-à-vis de la préfecture, a réussi à négocier pour continuer à prendre en charge les jeunes déclarés majeurs. Ceux-ci ont été transférés à Lasalle, dans un bâtiment moins excentré que l’ancien ITEP de Monoblet et plus adapté à un petit groupe : l’ancienne gendarmerie du village (voir Photographie 2).

  • 21 Le groupe de militants de Saint-Jean-du-Gard n’est plus intervenu une fois le CAO mis en place à La (...)

19Le dispositif CAO, et son pendant pour les mineurs, le CAOMI, se distinguent d’autres dispositifs d’hébergement comme les CADA (centre d’accueil des demandeurs d’asile) qui sont présents de façon durable et fixe dans les territoires. Le dispositif CAO/CAOMI s’avère flottant d’un point de vue temporel — incertitude sur l’ouverture, la fermeture et la durée — mais aussi d’un point de vue spatial. En effet, la préfecture semble peu prendre en compte les spécificités du territoire pour implanter un tel dispositif, le choix reposant essentiellement sur deux critères : la disponibilité du bâti — et donc la possibilité de loger des personnes en nombre — et l’existence d’une association locale qui accepterait d’encadrer l’accueil des exilés. À cela s’ajoute le fait qu’aucune étude préalable approfondie ne questionne l’emplacement des sites choisis, leur potentiel isolement ou encore leur distance aux commerces de première nécessité. Ce caractère « hors-sol » (Braud et al., 2018) ne favorise pas l’émergence de relations durables entre habitants et accueillis. Le transfert de Monoblet à Lasalle a été mal compris et vécu comme une rupture pour les exilés comme les accueillants. Le groupe qui s’était constitué autour des jeunes Afghans pris en charge à Monoblet — et qui reposait notamment sur le groupe de militants de Saint-Jean-du-Gard — a dû être recomposé après la dissolution du dispositif CAOMI21, ce qui n’a pas facilité l’insertion du groupe d’Afghans dans les territoires d’accueil.

Photographie 1 : Le CAOMI de Monoblet un dispositif hébergé dans un ancien ITEP isolé

Photographie 1 : Le CAOMI de Monoblet un dispositif hébergé dans un ancien ITEP isolé

Crédit : É. Martin, mars 2017.

Photographie 2 : L’ancienne gendarmerie de Lasalle, support pour le dispositif CAO et l’accueil des huit majeurs afghans

Photographie 2 : L’ancienne gendarmerie de Lasalle, support pour le dispositif CAO et l’accueil des huit majeurs afghans

Crédit : É. Martin, mars 2019.

Une insertion dépendante de multiples facteurs

20L’insertion des exilés à Lasalle, pensée comme la participation progressive d’un individu aux activités (emploi et loisirs) d’un territoire et l’entrée dans de nouveaux cercles de sociabilité, a été conditionnée par les modalités de l’accueil ainsi que par des facteurs contingents comme le profil des accueillis.

Modalités d’accueil et répercussions sur les pratiques spatiales des personnes exilées

21Les modalités d’accueil, à la fois juridiques et concrètes, ont induit des différences dans l’appropriation des territoires par les exilés. Le statut de la prise en charge des exilés et ses implications juridiques ont eu un impact sur les mobilités des personnes accueillies. Alors que l’accueil par l’État était encadré par des textes que les salariés devaient imposer aux exilés pris en charge, les citoyens n’avaient pas le droit ni la volonté de contraindre les déplacements de la famille. Dans les faits, celle-ci se rendait à Nîmes en stop pour retrouver d’autres membres de la famille et des amis alors que les huit Afghans n’avaient pas la liberté totale de circuler. Les jeunes hommes devaient être présents dans le logement mis à leur disposition, n’avaient pas le droit de « disparaître » (terme utilisé par un salarié) même quelques jours et pouvaient s’absenter du village seulement pour se rendre à un rendez-vous médical dans une ville proche (Alès, Anduze ou Saint-Hyppolite-du-Fort). Ce « confinement » (Kobelinsky, 2012) et l’interdiction de franchir les limites de la commune ont été difficiles à gérer pour les jeunes majeurs habitués à se déplacer.

  • 22 La mère de famille a investi l’appartement privatif en le décorant à son goût, contrairement au pre (...)
  • 23 Trois mois après son arrivée, la mère de famille a obtenu ses papiers et a pu commencer à toucher l (...)
  • 24 Cette relégation géographique est néanmoins sans commune mesure avec l’isolement du CAOMI de Monobl (...)

22La situation géographique de chaque logement, choisi respectivement par l’association gestionnaire ou par les citoyens, a aussi eu une incidence directe sur la façon dont les exilés se sont insérés dans la société d’accueil. La localisation du logement a induit la fréquence des déplacements des personnes dans le centre-ville. Alors que la famille afghane était logée dans des espaces centraux — dans le presbytère protestant, situé dans la rue principale à proximité des commerces, puis dans un appartement privatif22 proche de la place centrale de la commune23 (Carte 2) — les jeunes Afghans étaient logés plus à l’écart, à la sortie du village, dans l’ancienne gendarmerie louée par l’association mandatée par l’État24. La famille sortait pour de simples promenades plusieurs fois par jour, alors que les huit Afghans fréquentaient eux le centre du village avec un but précis, celui de faire des courses ou de jouer au football.

23L’amplitude et la fréquence des mobilités des personnes accueillies dépendent donc des modalités de leur prise en charge (statut de l’accueil et par voie de conséquence localisation de l’hébergement). Dans l’accueil institutionnel, le lieu de l’accueil se limite au logement qui est pensé comme un lieu multifonctionnel où l’on dort, mange et où l’on se diverti, d’où l’on peut sortir sous certaines conditions. La prise en charge citoyenne marquée par une grande liberté, engendre un mouvement contraire d’ouverture de l’espace public aux personnes exilées. Les personnes accueillies par des habitants le sont dans le village et la multitude des lieux qui le constitue, avant de l’être dans un logement stricto sensu.

Carte 2 : Localisation des logements de la famille afghane (à son arrivée et quelques mois plus tard) et des huit Afghans

Carte 2 : Localisation des logements de la famille afghane (à son arrivée et quelques mois plus tard) et des huit Afghans

Sources : BD Topo IGN 2016, données de terrain.
Crédit : É. Martin (QGIS 2.18.16), mars 2020.

Une famille, le profil d’accueillis idéal ?

24Le profil des accueillis (ici une famille et des jeunes hommes seuls) est indépendant de la forme de la prise en charge et explique aussi le fait que ceux-ci parviennent à s’insérer plus ou moins rapidement dans le village.

25Le fait d’arriver à Lasalle seule, avec des enfants, a paradoxalement été un atout pour la mère de famille. Les habitants se sont sentis investis d’une mission d’accompagnement et de protection envers elle. Ils ont été sensibilisés à l’histoire de la famille avant son arrivée et l’ont entourée dès les premières semaines. L’arrivée des huit Afghans n’a pas provoqué d’élan d’empathie ou du moins pas de la même ampleur que pour la famille. Cela s’explique par le fait que les habitants ne savaient rien de la situation personnelle de chacun des jeunes hommes, mis à part les rares personnes à avoir continué à les suivre du CAOMI au CAO.

26À cela s’ajoute le fait que la prise en charge d’une famille dans la commune a été valorisée par la municipalité qui voyait en elle de potentiels nouveaux habitants. Le maire, lors d’un entretien, fait d’ailleurs de lui-même une distinction entre l’accueil de la famille afghane et du groupe de huit Afghans :

  • 25 Le prénom a été changé pour des questions d’anonymat.

« Ce n’est pas pareil, c’est vraiment deux circuits très différents. [Les] jeunes [ne sont] que de passage. Ça n’a rien à voir. Nasreen25, c’est une famille avec des enfants qui vont à l’école et qui s’intègrent. C’est intégrable. Ça, ça nous plaît beaucoup […] j’ai tendance à privilégier les gens qui restent. » (Entretien avec le maire, mars 2017, Lasalle)

  • 26 Certaines communes des Cévennes sont contraintes de fermer des classes voire de fermer définitiveme (...)

27Le choix d’accueillir une famille est un choix stratégique de la part d’un maire de commune rurale. Accueillir une famille nombreuse permet, entre autres, de remplir les classes de l’école et donc peut-être d’empêcher d’éventuelles fermetures26.

  • 27 Ils ont investi l’apprentissage du français, au point, pour la plus âgée des filles, « d’être propu (...)
  • 28 Entretien avec des voisins du CAO, mars 2017, Lasalle.

28Au quotidien, la famille est également parvenue à s’insérer plus vite, car elle vivait au même rythme que les autres familles du village. Trois des cinq enfants étaient scolarisés à l’école27, ce qui a permis à la mère de famille de côtoyer d’autres parents à la sortie des classes le midi et le soir et tisser des relations plus horizontales non marquées par des rapports d’assistance ou d’aide. La mère de famille emmenait aussi deux fois par semaine ses fils à leur entraînement de football, comme de nombreux parents du village. Les huit Afghans, dont la semaine n’était pas scandée par de tels horaires, vivaient entre eux. Cette absence de cadre temporel faisait qu’ils « vivaient la nuit et dormaient le jour »28.

29Plus globalement, l’enquête montre que la forme de la prise en charge influe sur le rythme auquel les étrangers s’insèrent dans les lieux d’accueil. La prise en charge par l’État, qui appelle un encadrement strict, semble être un frein à l’insertion, au moins dans un premier temps. Au contraire, l’accueil citoyen qui repose sur un accompagnement des personnes plus qu’un encadrement favorise la socialisation et facilite l’insertion dans la société d’accueil.

Fusion des groupes de soutien aux exilés et ancrage local de l’engagement

  • 29 L’engagement de nouveaux habitants a été impulsé par une réunion organisée au printemps 2017 dans l (...)

30Le petit groupe qui entourait la famille a fini par fusionner avec un nouveau groupe de soutien aux jeunes en CAO pour ne plus former qu’un collectif d’une vingtaine de personnes29. Les jeunes Afghans ont alors pu bénéficier d’un soutien durable à Lasalle sous l’influence notamment d’habitants retraités de la vallée.

Un dévouement total des membres du collectif

  • 30 La personne était sous le coup d’une procédure Dublin. Ayant donné (librement ou sous la contrainte (...)

31Le collectif a progressivement mis en place une aide à destination des jeunes Afghans que l’on peut qualifier de « totale ». Celle-ci a concerné tous les domaines de la vie quotidienne (assistance juridique, administrative, psychologique, médicale) si bien que l’association gestionnaire s’occupait essentiellement du pan financier de la prise en charge et de l’hébergement. Les membres du collectif ont secondé les exilés dans toutes les démarches administratives en préparant chaque personne pour son passage à l’OFPRA (Office français de protection des réfugiés et apatrides) et se sont mobilisés autour du « dé-dublinage »30 d’un des exilés (lettres au préfet, baptême républicain, action d’un avocat nîmois, etc.). Ils ont aussi donné des cours de français aux huit jeunes majeurs de façon régulière, jusqu’à cinq fois par semaine. Le reportage de Sarah Limorté (tourné en janvier 2018) donne à voir ces séances d’apprentissage de la langue française qui prennent différentes formes selon les enseignants du jour : répétition orale, construction de phrases à partir de mots notés sur des papiers, entraînement pour un entretien d’embauche. Les jeunes ont également pu bénéficier des réseaux des membres du collectif (Martin, 2020) pour obtenir des stages ou des travaux rémunérés d’une ou plusieurs semaines (cueillette des cerises à la fin du printemps par exemple). Ils ont créé des liens forts avec les bénévoles, mais aussi des liens faibles qu’ils ont pu réactiver au moment de chercher du travail ou un logement, une fois leur situation administrative stabilisée (Gerbier-Aublanc et Masson-Diez, 2019). Enfin, le collectif a aidé les huit Afghans sur le plan financier en payant des billets de train pour se rendre à l’entretien obligatoire de l’OFPRA à Paris.

32L’accompagnement total des jeunes hommes s’explique par la localisation du village. Loin des services et des associations d’aide aux exilés, les membres du collectif ont compté sur les ressources présentes localement. Pour le suivi administratif et l’avancée des dossiers des accueillis par exemple, les bénévoles ne se rendaient pas systématiquement à la Cimade qui se situe à Nîmes, mais essayaient de trouver localement des personnes susceptibles de les aider.

33Dans la vallée de Lasalle, « l’engagement militant, porté par de puissants idéaux [implique] la nécessité de faire front en toutes circonstances » (Lhuilier, 2018) et sur tous les plans. Les habitants engagés dans le collectif ont pris en charge l’accompagnement des exilés au point parfois de se substituer, inconsciemment, à l’association gestionnaire dont c’est le rôle et de ne pas s’apercevoir de leur propre épuisement (psychique et physique). Cet accompagnement soutenu a eu un réel impact sur les jeunes hommes puisque l’enquête montre un élargissement progressif de leur cercle de connaissances, une augmentation de la fréquence de leurs déplacements et une utilisation grandissante des espaces publics.

Les accueillants, des habitants de la vallée

34Le collectif nouvellement formé est constitué de personnes qui vivent à Lasalle ou dans les villages alentour (voir Carte 1 et Tableau 3). Cette concentration des membres du collectif dans des villages proches confirme l’hypothèse selon laquelle les collectifs de soutien aux exilés dans les Cévennes sont polarisés à chaque fois par un village, lieu central de l’accueil, mais aussi l’idée selon laquelle la vallée est le premier maillon géographique du système de solidarité (Martin, 2020).

Tableau 1 : Lieu d’habitation des membres du collectif

Tableau 1 : Lieu d’habitation des membres du collectif

Crédit : É. Martin, mars 2020.

35Le groupe de citoyens lasallois compte à la fois des « archéos », définis localement comme des personnes appartenant à des familles présentes dans les lieux depuis plus de sept générations, et des « néos », personnes arrivées dans les années 1970-1980. On note une homogénéité dans les âges des bénévoles, le collectif comptant seulement quatre personnes de moins de cinquante ans sur dix-huit. La majorité des bénévoles sont à la retraite (voir Tableau 2). Un passage en revue des métiers exercés par les habitants engagés montre une forte représentation d’anciens enseignants et éducateurs spécialisés (voir Tableau 3). Ces retraités « actifs », « ressource pour les territoires ruraux » (Blasquiet-Revol et al., 2018), ont mis à profit leur capital culturel et social afin d’accompagner au mieux les exilés accueillis.

Tableau 2 : Profil des membres du collectif de Lasalle

Tableau 2 : Profil des membres du collectif de Lasalle

* Il a été choisi de ne répertorier que les personnes impliquées dans le collectif entre 2015 et 2018 soit le départ de la famille et des huit jeunes en CAO.

Crédit : É. Martin, mars 2020.

Tableau 3 : Métiers exercés par les membres du collectif en exercice et à la retraite

Tableau 3 : Métiers exercés par les membres du collectif en exercice et à la retraite

Crédit : É. Martin, mars 2020.

36Lasalle n’est pas un cas isolé dans les Cévennes. L’enquête montre que les citoyens engagés dans des collectifs le sont dans le petit pôle urbain le plus proche de chez eux et qu’ils s’engagent rarement dans la vallée voisine pour des raisons pratiques et d’accessibilité (Martin, 2020). L’enquête montre aussi qu’un grand nombre des collectifs de soutien aux exilés dans les Cévennes repose sur des retraités. Ces personnes s’engagent sur la durée, ce qui explique en partie le caractère pérenne des actions solidaires menées.

Accueil collectif et engagement individuel

  • 31 Définition du centre national de ressources textuelles et lexicales — CNRTL.

37L’observation sur le terrain et la fréquentation des bénévoles permettent de réfléchir à leur implication. Au-delà de la forme universelle de l’engagement — « participation active, par une option conforme à ses convictions profondes, à la vie sociale, politique, religieuse ou intellectuelle de son temps »31 —, les trajectoires des bénévoles permettent d’en dégager trois formes singulières : un engagement émotionnel, un engagement politique et un engagement spirituel.

38Peu d’articles mettent en avant l’engagement émotionnel des accueillants. Ceux-ci, en tant qu’accompagnants, ne sont pas « le réceptacle passif » (Lhuilier, 2018) des récits de vie traumatiques et négocient chacun à leur manière ces informations déstabilisantes. Sarah Limorté filme le cas d’une bénévole qui assimile et digère ces trajectoires biographiques en les mettant en dessin. La personne reprend chez elle le parcours des exilés puis revient avec eux sur les éléments douloureux à l’aide des dessins. De façon générale, l’enquête de terrain et les observations prolongées permettent de détecter différents mécanismes réactionnels chez les accueillants : l’empathie, mais aussi une volonté, souvent inconsciente, de surprotéger les personnes.

39Les actions quotidiennes s’accompagnent aussi de moments d’engagement politique à plusieurs échelles. Des membres du collectif se déplacent régulièrement pour manifester devant la préfecture de Nîmes ou dans d’autres villes de la région Occitanie. À l’échelle locale, les citoyens ont mené des actions symboliques comme une opération de sensibilisation à l’exil à travers l’accrochage de morceaux de tissus sur un pont du village pour symboliser le « lien entre les êtres » et lutter contre la politique migratoire de la France.

40Une dernière forme d’engagement est présente chez plusieurs bénévoles protestants : il s’agit de l’engagement spirituel. Certains en font un moteur de leur action. Accueillir des personnes en exil, potentiellement en insécurité physique et émotionnelle, leur apparaît logique et raisonné. Il s’agit, en accueillant, d’actualiser une sorte de contrat moral et spirituel. L’engagement spirituel révèle un engagement sur la durée où chaque action a un lien avec la précédente pour former un tout cohérent (Becker, 2006).

41L’enquête de terrain et l’observation montrent que l’engagement des bénévoles va au-delà d’une simple implication dans des actions quotidiennes. Les bénévoles du collectif rencontrés réfléchissent au sens de leur action et l’intègre dans une réflexion plus générale sur leur rapport au monde et à l’Autre. Bien souvent, cela s’explique — comme l’ont noté Berthomière et Imbert (2019) en Ariège — par des « parcours de vie […] qui présentent des expériences d’engagement souvent précoces, diversifiées et cumulatives ». Plusieurs membres du collectif de Lasalle ont été engagés dans des luttes environnementales, notamment contre la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Martin, 2020).

42L’enquête de terrain montre que les personnes engagées dans l’accueil sont essentiellement des retraités habitant dans la vallée. Derrière cette homogénéité dans les profils des accueillants se cache une pluralité de motivations et de raisons (personnelles et intimes, politiques, religieuses) pour lesquelles les personnes s’engagent. Le dévouement de citoyens pour les exilés que cette étude a mis en valeur n’est pas propre au village de Lasalle et se retrouve dans de nombreux autres espaces ruraux français. La singularité de l’accueil dans les Cévennes, et a fortiori dans la vallée de Lasalle, réside avant tout dans la profondeur temporelle de l’accueil et son héritage historique et religieux.

L’accueil devenu rituel

43Cette dernière partie a pour but d’intégrer l’accueil actuel de personnes exilées dans une temporalité plus large. En effet, l’engagement des citoyens auprès de la famille et des huit Afghans est révélateur d’une dynamique plus profonde.

Lasalle, un territoire-palimpseste pour les exilés

44Ce village, comme d’autres des moyennes montagnes cévenoles, a été un refuge pour des exilés étrangers, mais aussi français. Il a abrité des personnes de façon répétée, dessinant un territoire-palimpseste sur lequel les trajectoires de vie des accueillis s’écrivent et se superposent.

45Depuis plus de dix ans, les accueils de familles et d’hommes seuls de diverses nationalités se sont enchainés sans interruption (voir Figure 2). L’accueil a été encouragé et soutenu par la municipalité au point de ne plus « désigne[r] seulement une pratique (un geste d’hospitalité), mais plus généralement une disposition » (Boudou, 2018).

Figure 2 : Chronologie de l’accueil d’individus exilés à Lasalle

Figure 2 : Chronologie de l’accueil d’individus exilés à Lasalle

Crédit : É. Martin, mars 2020.

46La figure 2 montre la récurrence de l’accueil de personnes de nationalité afghane. Cela s’explique par le fait que plusieurs habitants de la vallée maîtrisent le dari et font office de médiateurs et traducteurs ; mais aussi par un réel intérêt de certains pour la culture afghane, à l’image de ce couple d’habitants :

« On est très sensibilisés, pas aux réfugiés de manière générale, mais aux gens qui viennent de cette partie du monde, d’Afghanistan. Notre fils est très intéressé par le Kirghizistan, l’Afghanistan. Il a beaucoup donné, il travaille pour Médecins Sans Frontières en Iran […] il s’occupe d’une clinique qui vient en aide aux SDF, drogués, prostitués, laissés-pour-compte de la société iranienne. » (Entretien avec des membres du collectif de soutien, mars 2017, Lasalle)

  • 32 La conciergerie était le logement du concierge du temple.

47Il met aussi en valeur le rôle de la communauté protestante. Celle-ci a offert un toit à plusieurs familles accueillies, dans des lieux chargés de sens comme la conciergerie32 ou le presbytère. L’association protestante du village a toujours été un support pour l’accueil. Dans le cadre de celui de la famille afghane et des huit Afghans, l’association a par exemple fait office de support juridique et financier puisque les centaines d’euros de dons collectés ont été stockés sur son compte en banque. Plus globalement, la prise en charge des exilés a toujours été informelle puisqu’elle n’a jamais abouti à la création d’une association spécifique, déclarée en préfecture.

  • 33 « Ici il y a eu des familles de Justes, tout le monde parle du Chambon [-sur-Lignon] sur les Justes (...)
  • 34 Article cité dans Cabanel (2018).

48Lasalle ne s’est pas borné à être une terre d’accueil pour des étrangers exilés ces dix dernières années puisque le village a abrité des Français persécutés, exilés dans leur propre pays. Pendant la Seconde Guerre mondiale, des dizaines de personnes ont été cachées dans le village33 (Joutard et al., 1987). Il y a une dizaine d’années, plusieurs Justes ont été décorés à Lasalle, quelques mois avant le passage de dix-huit Afghans pour les fêtes de Noël (voir Figure 2). Un article du Midi libre du 25 décembre 2009 intitulé « Le village aux Quinze Justes accueille les Afghans »34 fait un lien entre des accueils éloignés de plusieurs décennies :

  • 35 Église protestante.
  • 36 Il fait référence aux protestants qui se sont réfugiés dans les Cévennes lors des guerres de Religi (...)

« “Quiconque sauve une vie, sauve l’univers tout entier”. Cette phrase résonnait mardi après-midi dans la salle de la mairie de Lasalle. Cette devise du Talmud figure sur la médaille remise par Israël aux Justes, ceux qui ont protégé et sauvé des juifs traqués par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Et Lasalle compte aujourd’hui quinze Justes reconnus […]. Un symbole que le maire de Lasalle avait en tête en recevant 18 des 19 Afghans hébergés depuis trois mois à Nîmes. […] À l’initiative du conseil presbytéral de l’Église réformée de France35 du Val de Salendrinque, à laquelle la municipalité de Lasalle s’est associée, l’idée a germé d’accueillir ces Afghans en gîte, et de leur permettre de souffler un peu en Cévennes […]. “C’est la tradition cévenole du devoir de citoyen d’aider les gens qui sont dans le malheur. Dans nos sociétés individualistes, c’est une preuve collective de solidarité, une mobilisation de la population”, explique le maire de Lasalle, Henri de Latour. Des principes encore bien ancrés dans le protestantisme qui baigne cette région, pour ceux qui ont été « persécutés pour avoir exprimé leur foi », rajoute Michel Lafont, le président du conseil presbytéral36. »

49Cet extrait donne à voir les principaux acteurs de l’accueil à Lasalle, à savoir le maire et le pasteur du village. Le maire dont il est question dans l’article était toujours maire en 2015, six ans plus tard, au moment d’accueillir la famille afghane, puis en 2017 à l’arrivée des huit jeunes afghans. Michel Lafont, prédicateur laïc du village est aussi un acteur clé de l’accueil à Lasalle depuis une dizaine d’années. En plus d’honorer sa mission religieuse, c’est lui qui s’occupe de l’association protestante du village et d’initiatives locales comme la brocante solidaire.

50Les accueils dont il est question dans ce texte ont lieu dans la continuité d’actions menées par les habitants des vallées cévenoles depuis des siècles. Les accueillants perpétuent et actualisent l’identité cévenole, en tant que support idéel et idéal de résistance et de solidarité (Basset et Pelen, 2016).

L’espace rural, un espace voué à l’accueil temporaire ?

51Le statut de l’accueil à Lasalle, a fortiori en milieu rural, interroge puisque l’enquête montre que les personnes ne restent pas plus de deux ou trois ans dans le village. C’est le cas pour les exilés dont il est question dans cette étude. Nous allons voir la façon dont s’est déroulée la fin de l’accueil de la famille et des huit Afghans, comment elle a été perçue par les habitants et interrogerons finalement le rôle de l’isolement rural dans ces départs.

  • 37 Celle-ci vivait auparavant à Hérat, grande ville afghane qui compte plus de 400 000 habitants.

52Comme leurs arrivées, les départs de la famille et des huit Afghans diffèrent. Les jeunes hommes n’ont pas eu le choix de partir alors que la famille a décidé de quitter le village de son plein gré. Le CAO de Lasalle a fermé ses portes en février 2018 par décision préfectorale et les huit majeurs ont été transférés à Cendras, près d’Alès, à quarante-cinq minutes de Lasalle. La mère de famille est partie, trois mois plus tard, en mai 2018. Son départ s’explique par le fait qu’elle a voulu se rapprocher d’autres membres de la famille vivant à Nîmes et s’installer dans une ville plus grande37. Aujourd’hui, la famille, qui a obtenu le statut de réfugié, est totalement autonome et installée dans un logement social à Nîmes. La mère de famille n’a pas rompu totalement avec le village puisqu’elle vient régulièrement y consulter le médecin, en stop ou en bus.

53Les médias illustrent l’arrivée d’étrangers exilés, mais peu les modalités de la fin de l’accueil et la façon dont les accueillants la vivent. Qu’est-ce qui explique que ces personnes décident de partir ? Où se dirigent-elles ? Comment les accompagnants gèrent-ils le départ puis l’absence des personnes accompagnées durant des mois ? L’accueillant a un statut incertain (Gotman, 2001) et inconfortable puisqu’il s’engage dans une relation sans savoir si celle-ci va durer. La fermeture du CAO a par exemple laissé les personnes impliquées quotidiennement face à un vide. Du jour au lendemain, elles ont dû réorganiser leur emploi du temps tourné vers les jeunes hommes. Rapidement, celles-ci ont su moduler leur engagement en continuant à suivre les huit derniers jeunes accueillis (visite régulière, proposition de sorties et d’activités, aide administrative). Le départ de la famille afghane en mai 2018 a été aussi synonyme de déception. Contrairement aux jeunes hommes du CAO qu’ils savaient contraints de partir un jour ou l’autre, les membres du collectif ainsi que le maire pensaient que la famille resterait durablement à Lasalle. Au-delà du fait qu’ils projetaient en elle une famille installée durablement dans le village, les membres du collectif se sont fortement attachés à la mère de famille et à ses enfants.

54Ni la famille afghane ni les huit Afghans n’ont émis le souhait de s’installer à Lasalle. Cela s’explique, d’une part, par la situation géographique du village. Vivre à Lasalle demande d’avoir un permis de conduire et une voiture si l’on veut accéder aux pôles urbains qui concentrent services administratifs, médecins spécialistes et loisirs divers. Cela s’explique aussi par la volonté des personnes — et cela vaut pour les Afghans accueillis en 2009, en 2010 et les familles tchétchènes en 2012 — de se rapprocher d’une ville où leur communauté d’origine est plus présente.

  • 38 L’accueil est ici « un condensé de structures » (Mitsushima, 2017).
  • 39 Le rituel ici n’est pas formalisé ni inscrit comme tel. C’est la récurrence de l’accueil et des for (...)

55Sur les dizaines de personnes accueillies depuis plusieurs années, seule une personne est restée habiter dans les environs, dans le village voisin de Soudorgues (voir Figure 2), si bien que la commune rurale semble vouée à l’accueil temporaire. À Lasalle, l’accueil d’étrangers est provisoire, mais ni ponctuel ni exceptionnel pour les habitants. En effet, il s’agit d’un événement qui actualise les structures sociales38 au point de devenir un rituel, un processus réglé39 et habituel.

Conclusion

56La présente note de recherche montre que l’accueil d’étrangers est un révélateur des structures sociales et spatiales du territoire étudié, ici un espace rural peu dense de moyenne montagne, situé à l’écart de la plaine languedocienne. L’accueil de l’autre fait ressortir l’organisation sociale du massif des Cévennes, marquée par la place importante de l’héritage protestant et l’engagement de personnes retraitées. Il fait également ressortir une caractéristique forte des espaces ruraux, à savoir la vacance des bâtiments — qu’ils soient privés, communaux ou appartenant à l’État. Enfin, l’accueil traduit le fonctionnement par vallée du territoire cévenol. Les versants qui entourent Lasalle et abritent les citoyens qui participent à l’accueil des exilés « font système » avec le village qui concentre associations et services.

57Finalement, l’enquête de terrain montre que la vallée de Lasalle, comme de nombreux espaces ruraux français, s’apparente à un espace refuge, espace reculé qui permet à un individu d’obtenir une assistance en cas de détresse (psychologique, matérielle, administrative) et de bénéficier d’une forme de répit. Le faible nombre d’arrivées d’étrangers dans ces territoires permet aux accueillants de ne pas hiérarchiser les personnes selon leur statut juridique et d’accueillir sans distinction ni exception. Les territoires ruraux isolés rompent ainsi avec des espaces urbains souvent vecteurs de stress et de violence pour les exilés et s’apparentent à des territoires d’entre-deux, territoires où l’on ne s’installe pas, mais où l’on vient reprendre son souffle.

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Notes

1 Le Figaro, 6 février 2017 (Lombard-Latune, 2017).

2 France 3 Bourgogne Franche-Comté, 24 octobre 2016 (Bessard, 2016).

3 France 3 Bretagne, 5 octobre 2016 (Galmiche, 2016).

4 « Fait qui attire l’attention par son caractère exceptionnel » (définition du centre national de ressources textuelles et lexicales — CNRTL).

5 Au XVIIe siècle, une grande partie de la population se convertit au protestantisme dans un territoire allant d’Anduze au Pont-de-Montvert (partie gardoise des Cévennes). La révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV en 1685 entraîne une conversion forcée au catholicisme dans ces territoires. Les temples qui ponctuent le sud des Cévennes sont détruits, mais les protestants continuent à se retrouver dans des lieux cachés formant « le désert », et ce, jusqu’à la Révolution française. Aujourd’hui les actes de résistance des huguenots sont encore relayés par les membres de la communauté protestante — communauté encore très ancrée dans la région — qui place l’accueil des étrangers dans le prolongement historique des luttes passées.

6 Les membres du collectif de Lasalle ne se désignent pas systématiquement comme des « bénévoles ». Ils parlent de « collectif » pour désigner l’ensemble des habitants engagés dans l’accueil.

7 Les membres du groupe et du collectif sont différents. Quelques individus isolés naviguent entre les deux.

8 L’auteure n’a pas filmé l’accueil de la famille accueillie à Lasalle, mais s’est focalisée sur l’accueil et l’accompagnement des jeunes pris en charge en CAO durant le mois de janvier 2018 (voir Figure 1). Basé sur une méthode ethnographique, le film a été produit dans le cadre des ateliers Varan et présenté lors du festival du film documentaire de Lasalle en 2018.

9 Dans cette note de recherche, il apparaît plus cohérent de parler d’insertion que d’intégration. À Lasalle, les personnes se trouvent insérées progressivement dans la société d’accueil, mais atteignent rarement une forme pleine et entière d’intégration (Belmessous et Roche, 2018) puisqu’elles quittent souvent le village au bout de quelques mois.

10 Le village est un lieu de passage, notamment pour des personnes qui vivent dans leur camion ou dans des squats.

11 Réalisateur de métier, il est en partie à l’origine du festival du film documentaire qui a lieu tous les ans dans le village.

12 La famille est constituée au moment de l’enquête de la mère de trente-sept ans, d’un fils de vingt-deux ans, d’une jeune fille, de deux petits garçons et d’une petite fille en bas âge. Pour rappel, « 14 % des parents primo-arrivants sont parents seuls et il s’agit quasi exclusivement des mères (94 %) » (Eremenko, 2017).

13 La photographie d’Alan Kurdi retrouvé mort sur une plage turque le 2 septembre 2015 a fait l’effet d’un électrochoc pour plusieurs bénévoles.

14 Les habitants qui ont décidé d’accueillir ont sollicité leurs réseaux notamment parisiens. Des militants leur ont proposé d’accueillir la famille arrivée récemment dans la capitale.

15 L’association choisie par les services de l’État pour intervenir est une association locale, active dans le champ de l’action sociale dans les Cévennes depuis 1979.

16 Entretien avec un salarié, mars 2017, Lasalle.

17 « Ça a duré que trois mois, mais ça nous a paru durer un an et demi tellement c’était dense. Parce qu’avec un fonctionnement totalement particulier par rapport aux mineurs, dans le sens où c’était une équipe qui fonctionnait vingt-quatre heures sur vingt-quatre, avec un veilleur de nuit, avec une équipe très complète, assez importante. » (Entretien avec un salarié, mars 2017)

18 Les militants dont il est question font partie d’un groupe constitué de jeunes adultes et formé au cours de l’année 2016 dans la vallée de Saint-Jean-du-Gard. Le groupe, qui ne se revendique d’aucun parti politique, décrit sa mission comme suit sur son site Internet : « Nous sommes solidaires et nous souhaitons nous organiser avec les exilé·e·s, lutter contre les frontières et affirmer ensemble la liberté de circulation et d’installation pour tous ».

19 « Les jeunes allaient manger chez l’habitant, des cours se faisaient sur place, des animations de loisirs à l’extérieur, du football à Lasalle, à Monoblet ou ailleurs […]. Il y avait quelque chose de très vivant. […] L’isolement n’était pas nécessairement aussi flagrant que [la localisation géographique] ne le laissait penser. » (Entretien avec un salarié, mars 2017, Lasalle)

20 Entretien avec un salarié, mars 2017, Lasalle.

21 Le groupe de militants de Saint-Jean-du-Gard n’est plus intervenu une fois le CAO mis en place à Lasalle, en dehors de quelques individus isolés qui naviguent entre les collectifs.

22 La mère de famille a investi l’appartement privatif en le décorant à son goût, contrairement au presbytère, ce qui témoigne d’une volonté de s’approprier ce lieu intime qu’elle considère comme chez elle.

23 Trois mois après son arrivée, la mère de famille a obtenu ses papiers et a pu commencer à toucher les allocations familiales. Ces aides financières lui ont permis de payer le loyer du logement communal proposé par la mairie.

24 Cette relégation géographique est néanmoins sans commune mesure avec l’isolement du CAOMI de Monoblet qui se trouvait au milieu d’une pinède à une heure de marche de Monoblet et une heure de Lasalle.

25 Le prénom a été changé pour des questions d’anonymat.

26 Certaines communes des Cévennes sont contraintes de fermer des classes voire de fermer définitivement leur école faute d’élèves. En 2015, la population de l’Estréchure (160 habitants), village situé non loin de Lasalle, s’est mobilisée contre la fermeture de l’école du village (Dubault, 2015a). Plus récemment en 2016, les parents d’élèves du Vigan, commune plus importante de 3 800 habitants, ont lutté contre la suppression d’une classe de l’école (Bourrié, 2016).

27 Ils ont investi l’apprentissage du français, au point, pour la plus âgée des filles, « d’être propulsé[e], du fait de cette compétence, dans des rôles d’accompagnement » (Armagnague-Roucher, 2018) auprès de sa mère (discussion/traduction auprès des voisins, dans les commerces). Le fait qu’ils soient accueillis en milieu rural a permis aux enfants d’apprendre dans de bonnes conditions. Alors que les exilés vivent souvent dans des logements précaires (Armagnague et Rigoni, 2018), les enfants de la famille ont bénéficié d’un logement sain et suffisamment grand pour pouvoir s’isoler un minimum et travailler dans de bonnes conditions. Ils ont aussi profité d’un soutien scolaire personnalisé donné par des bénévoles, deux fois par semaine, aide rapprochée qui n’aurait peut-être pas été possible en milieu urbain.

28 Entretien avec des voisins du CAO, mars 2017, Lasalle.

29 L’engagement de nouveaux habitants a été impulsé par une réunion organisée au printemps 2017 dans la salle polyvalente du village qui a regroupé une trentaine de personnes.

30 La personne était sous le coup d’une procédure Dublin. Ayant donné (librement ou sous la contrainte) ses empreintes digitales dans un autre pays de l’Union européenne que la France, elle devait être renvoyée dans le pays dit de premier accueil. Les habitants engagés ont mené diverses actions pour qu’elle passe en procédure dite normale et puisse déposer une demande d’asile en France.

31 Définition du centre national de ressources textuelles et lexicales — CNRTL.

32 La conciergerie était le logement du concierge du temple.

33 « Ici il y a eu des familles de Justes, tout le monde parle du Chambon [-sur-Lignon] sur les Justes, mais il y en a eu plein ici. » (Entretien avec le maire de Lasalle, mars 2017, Lasalle).

34 Article cité dans Cabanel (2018).

35 Église protestante.

36 Il fait référence aux protestants qui se sont réfugiés dans les Cévennes lors des guerres de Religion et précisément des camisards, protestants qui se sont opposés aux troupes de Louis XIV entre 1702 et 1710.

37 Celle-ci vivait auparavant à Hérat, grande ville afghane qui compte plus de 400 000 habitants.

38 L’accueil est ici « un condensé de structures » (Mitsushima, 2017).

39 Le rituel ici n’est pas formalisé ni inscrit comme tel. C’est la récurrence de l’accueil et des formes qu’il prend (accueil dans des lieux du protestantisme, accueil d’Afghans essentiellement) qui lui donne son caractère rituel.

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Table des illustrations

Titre Carte 1 : Carte de localisation de Lasalle
Crédits Sources : BD ortho IGN 2015.Crédit : É. Martin (Inkscape), septembre 2020.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/15120/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 544k
Titre Figure 1 : Chronologie de l’accueil de la famille afghane et des jeunes majeurs pris en charge en CAO
Crédits Crédit : É. Martin, mars 2020.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/15120/img-2.png
Fichier image/png, 148k
Titre Photographie 1 : Le CAOMI de Monoblet un dispositif hébergé dans un ancien ITEP isolé
Crédits Crédit : É. Martin, mars 2017.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/15120/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 361k
Titre Photographie 2 : L’ancienne gendarmerie de Lasalle, support pour le dispositif CAO et l’accueil des huit majeurs afghans
Crédits Crédit : É. Martin, mars 2019.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/15120/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 300k
Titre Carte 2 : Localisation des logements de la famille afghane (à son arrivée et quelques mois plus tard) et des huit Afghans
Crédits Sources : BD Topo IGN 2016, données de terrain.Crédit : É. Martin (QGIS 2.18.16), mars 2020.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/15120/img-5.png
Fichier image/png, 408k
Titre Tableau 1 : Lieu d’habitation des membres du collectif
Crédits Crédit : É. Martin, mars 2020.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/15120/img-6.png
Fichier image/png, 27k
Titre Tableau 2 : Profil des membres du collectif de Lasalle
Légende * Il a été choisi de ne répertorier que les personnes impliquées dans le collectif entre 2015 et 2018 soit le départ de la famille et des huit jeunes en CAO.
Crédits Crédit : É. Martin, mars 2020.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/15120/img-7.png
Fichier image/png, 7,6k
Titre Tableau 3 : Métiers exercés par les membres du collectif en exercice et à la retraite
Crédits Crédit : É. Martin, mars 2020.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/15120/img-8.png
Fichier image/png, 10k
Titre Figure 2 : Chronologie de l’accueil d’individus exilés à Lasalle
Crédits Crédit : É. Martin, mars 2020.
URL http://journals.openedition.org/remi/docannexe/image/15120/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 171k
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Pour citer cet article

Référence papier

Élise Martin, « Reprendre son souffle dans un village cévenol. Ethno-géographie de l’accueil de personnes exilées en milieu rural »Revue européenne des migrations internationales, vol. 36 - n°2 et 3 | 2020, 161-184.

Référence électronique

Élise Martin, « Reprendre son souffle dans un village cévenol. Ethno-géographie de l’accueil de personnes exilées en milieu rural »Revue européenne des migrations internationales [En ligne], vol. 36 - n°2 et 3 | 2020, mis en ligne le 01 janvier 2023, consulté le 29 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/remi/15120 ; DOI : https://doi.org/10.4000/remi.15120

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Auteur

Élise Martin

Doctorante en géographie, laboratoire ART-DEV, UMR 5281, Rue du Professeur Henri Serre, 34090 Montpellier ; elise.martin@univ-montp3.fr

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Droits d’auteur

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés), sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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