La fabrique d’une ancestralité préhistorique et spiritualiste en France : Jacques Boucher de Perthes (1849 à 1868)
Résumés
Autour de 1859, la reconnaissance des travaux de Jacques Boucher de Perthes engage un bouleversement du regard porté sur les ancêtres les plus lointains. Leurs traces ne proviennent plus de textes sacrés ou antiques, mais d’industries lithiques et d’ossements retirés des sols de carrières, de tranchées d’où les excavent des géologues, paléontologues et archéologues. Ceux-ci puisent dans leurs univers mentaux pour dresser le portrait d’une humanité devenue « fossile ». Jacques Boucher de Perthes, qui défend après d’autres chercheurs la coexistence d’animaux disparus et de vestiges d’origine humaine dans les anciennes couches géologiques, mêle intimement ses observations stratigraphiques à son spiritualisme singulier, alimentant la prégnance de la question religieuse dans les débats qui marquent la première archéologie préhistorique. « L’archéogéologie » de Jacques Boucher de Perthes puise de nombreuses références dans la Bible, en partie pour rassurer les inquiets (démontrer que ses recherches ne contredisent pas les dogmes), orientant dans une large mesure la description d’êtres d’abord considérés comme préadamiques, puis ancêtres antédiluviens, déshérités par le péché originel, qui prouvent néanmoins leur humanité par leurs aptitudes industrielles, artistiques et leurs soucis religieux.
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- 5 Nicolas Viton de Saint-Allais, L’Art de vérifier les dates des faits historiques, des inscriptions (...)
1Si la pratique de la fouille archéologique dans le premier xixe siècle provoque parfois chez ses observateurs ou chez les terrassiers embauchés et leurs familles un certain malaise, c’est que la démarche de vouloir remonter les ancêtres à la surface suscite des interrogations, tant il renvoie à une sorte d’acte sacrilège. Plusieurs conjointes de terrassiers qui excavent dans les carrières d’Abbeville pour le compte du président de la Société d’émulation, Jacques Boucher de Perthes (1788-1868), viennent le trouver pour exprimer « leurs craintes, en priant de ne plus employer leurs maris à ces sortes d’explorations1 ». L’essor triomphant de la géologie et de la paléontologie2 bouleverse, progressivement mais en profondeur, la fabrique de l’ancestralité occidentale qui reposait auparavant principalement sur les sources antiques et bibliques. Les archéologues constituent au xixe siècle de nouveaux intercesseurs qui « ressuscitent des mondes enfouis et font marcher les morts3 ». L’idée de mobiliser conjointement et dans une perspective « traversière4 » la géologie, la paléontologie, l’archéologie classique et l’anthropologie relève d’un processus de maturation collective d’où émerge l’hypothèse d’une humanité fossile par le truchement de l’étude de ses traces matérielles dans les sols (vestiges de faunes chassées, industries lithiques, ossements humains). Les relevés stratigraphiques (voir figure 1) témoignent désormais de l’introduction de l’humanité dans le temps géologique. Tandis que la plus large chronologie biblique admise en 1820 fait remonter l’âge de l’humanité à 6 984 ans5, lors de la création d’Adam et Ève, le développement d’une lecture plus fine des stratigraphies commence à renvoyer les origines humaines plus profondément dans l’abîme du temps.
Figure 1. Mâchoire et coupe de Moulin-Quignon, in Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes. Mémoire sur l’industrie primitive et les arts à leur origine, t. 3, Paris, Treuttel et Wurtz, 1864, planche 3.
- 6 Le retentissement de cette découverte est important à l’Académie des sciences et à la Société géolo (...)
- 7 Paul Tournal, « Observations sur les ossements humains et les objets de fabrication humaine confond (...)
- 8 La thèse actualiste défend une similitude des phénomènes géologiques passés et actuels, récuse l’ex (...)
- 9 Casimir Picard (1806-1841), médecin et archéologue installé à Abbeville, il fonde la Société linnée (...)
- 10 Léon Aufrère, « 1849-1949, le Centenaire des Antiquités celtiques et antédiluviennes », Bulletin de (...)
- 11 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., p. 96.
2À la suite de travaux d’amateurs provinciaux de la fin des années 1820 aux années 1830, comme ceux du pharmacien et géologue narbonnais Paul Tournal (1805-1872), l’association entre vestiges d’ossements d’espèces animales disparues (comme le rhinocéros) et vestiges d’origine anthropique cesse d’être systématiquement attribuée aux Celtes. À l’encontre des travaux du fondateur de la paléontologie des vertébrés Georges Cuvier (1769-1832), qui juge que les observations géologiques s’accordent parfaitement avec la Genèse et que le singe et l’homme sont une création récente, l’ancien avocat Édouard Lartet (1801-1871), fondateur de la paléontologie humaine, met au jour plusieurs singes fossiles de l’époque tertiaire, entre la fin des années 1830 et les années 18506, tandis que Paul Tournal affirme « l’existence d’ossements humains dans les terrains diluviens7 ». Mais les travaux de ce dernier dans les grottes de la Bize (Aude) n’accèdent pas à la reconnaissance. Le catastrophisme de Cuvier est également battu en brèche par les actualistes8 et Charles Lyell qui proclame dans Principles of Geology (1830) la continuité et l’uniformité des phénomènes géologiques passés et présents. Reprenant les travaux de Casimir Picard9 dans la Somme, Jacques Boucher de Perthes recueille le premier biface acheuléen associé à des dents de bœuf et d’éléphants fossiles à Abbeville en 184410. Publiant le premier tome des Antiquités celtiques et antédiluviennes en 1847, il parvient à faire valider ses travaux autour de 1859. Confronté à la recherche d’un nom pour l’étude de cette humanité primitive, il opte pour le terme « archéogéologie » : « L’étude de la géologie appliquée à l’histoire de l’enfance de l’homme et de ses premiers pas dans les arts et l’industrie11. »
3Parmi tous ces matériaux composites, quels sont ceux que Jacques Boucher de Perthes sollicite pour remanier les cadres auparavant admis de l’ancestralité, et faire gagner des galons d’acceptabilité aux nouveaux ancêtres décrits ?
Jacques Boucher de Perthes, archéologue spiritualiste d’esprit indépendant
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4Disgracié pour ses attaches bonapartistes à la chute de l’Empire, Jacques Boucher de Perthes quitte la Direction générale des douanes à Paris, et les salons littéraires où il essayait de faire apprécier ses productions très diverses (du pamphlet à la tragédie, en passant par la chanson et le traité métaphysique), pour être muté aux douanes de Morlaix où il demeure une dizaine d’années, avant de rejoindre Abbeville. À la Société d’émulation locale, fondée naguère par son père amateur de botanique, il découvre les travaux du médecin abbevillois Casimir Picard (1806-1841), qui profite des opérations de terrassements pour mettre au jour dans des couches anciennes des ossements animaux marqués par des traces anthropiques, associés à des silex taillés, nommés « haches celtiques ». Il est l’un des premiers à les considérer comme des outils achevés, et non pas des ébauches de haches polies. Jacques Boucher de Perthes emboîte le pas en débutant ses premières fouilles en 1837, guidé par la méthode de la paléontologie stratigraphique d’Alexandre Brongniart. À la mort prématurée de Casimir Picard, il hérite de sa connaissance technologique des « instruments celtiques12 ». À partir de la publication du premier tome des Antiquités celtiques et antédiluviennes en 184913, il met dix ans à faire valider la thèse de l’ancienneté de l’homme. Sans relâche, il défend l’association stratigraphique d’outils et d’ossements d’animaux éteints dans les alluvions quaternaires de la Somme. Après 1859, la conversion à cette thèse de la communauté scientifique française se révèle rapide. Comme le souligne Claude Blanckaert, la place dévolue à la préhistoire au sein de la Société d’anthropologie de Paris est remarquable dès l’année 185914.
- 15 Claude Blanckaert, « L’association britannique, sœur aînée et modèle ? », in Hélène Gispert (dir.), (...)
- 16 Ibid.
5Loin de l’image de précurseur visionnaire qu’il s’est bâtie, occultant notamment l’héritage de Casimir Picard, Jacques Boucher de Perthes a davantage brillé par sa persévérance que dans l’innovation. Contrairement à Paul Tournal, qui avait radicalement écarté tout apport biblique et ainsi perdu le concours de son principal collaborateur, le géologue créationniste Marcel de Serres, Jacques Boucher de Perthes emprunte la stratégie de la « prudence tactique15 » qui caractérise majoritairement les milieux scientifiques anglais avant 1860. Ces derniers tentent une « sainte alliance » entre science et religion pour permettre « au savoir objectif » de prospérer « sous les apparences d’un finalisme de bon ton16 ». La stratégie de légitimation de Jacques Boucher de Perthes s’ancre résolument dans la recherche du consensus. Choisissant le déluge comme principal axe de repère, il défend une complémentarité entre tradition et archéologie et reprend le schéma biblique traditionnel. Comme Philippe-Charles Schmerling (1791-1836) en Belgique, Boucher de Perthes adopte de plus le système catastrophiste de Georges Cuvier.
- 17 Jean-Yves Pautrat, « L’homme antédiluvien : les vestiges de l’homme et l’avenir des commencements » (...)
- 18 Jacques Boucher de Perthes, De la création, essai sur l’origine et la progression des êtres, Abbevi (...)
- 19 Ibid., 1841, p. 631.
- 20 Ibid., 1841, p. 400.
6Jean-Yves Pautrat confère à Boucher de Perthes la qualité de « métaphysicien anthropologue17 ». En observant la chronologie des publications du directeur des douanes d’Abbeville, nous pourrions ajouter que le métaphysicien précède l’anthropologue. Au moment où il débute ses travaux archéologiques dans la Somme, Boucher de Perthes s’attelle à rédiger un ouvrage en cinq tomes intitulés De la création, essai sur l’origine et la progression des êtres18 où il récuse avec force le matérialisme. Boucher de Perthes, qui a alors cinquante ans, perçoit la croyance religieuse comme le prisme par lequel se juge la qualité humaine d’un individu19 : sans aucune croyance à une divinité, l’humain « retombe à l’état de brute20 ». Jusqu’à la fin de sa vie, sa condamnation du matérialisme est sans appel :
- 21 Jacques Boucher de Perthes, « Rien ne naît, rien ne meurt, la forme seule est périssable », La Soli (...)
De tous les systèmes qu’a inventés la folie humaine, le matérialisme est le plus triste : en enlevant à l’homme son avenir, en le désespérant, il tend à l’abrutir. Celui qui prêche une telle doctrine peut être, à juste titre, regardé comme un ennemi de l’humanité21.
7Boucher de Perthes déclare concevoir son attachement à la religion comme la nécessité de respecter une tradition héritée :
- 22 Jacques Boucher de Perthes, De la création, op. cit., 1841, p. 506.
Le catholicisme fut la religion de nos pères ; comme nos pères nous prétendons y vivre et y mourir. Il n’y a qu’un seul Dieu : immense, éternel, principe de tout ordre, de toute justice, source de tout bien, providence de tous les êtres, appui du faible, espoir du fort, il est le mobile de toute croissance, de tout avenir : telle est la foi chrétienne, telle est la nôtre22.
- 23 Léon Aufrère, Boucher de Perthes, ouvrage présenté par Arnaud Hurel et Yann Potin, Paris, CNRS Édit (...)
- 24 Jacques Boucher de Perthes, De la création, op. cit., 1841, p. 543.
- 25 Ibid., p. 542.
- 26 Ibid., p. 400.
- 27 Jacques Boucher de Perthes, De la création, op. cit., 1838, p. 98.
- 28 Ibid., 1841, p. 539.
- 29 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 288.
- 30 Jacques Boucher de Perthes, De la création, op. cit., 1841, p. 528.
- 31 Laurence Grégoire, « La franc-maçonnerie parisienne (1852-1870) », Parlement[s], Revue d’histoire p (...)
- 32 Charles Fauvety, « Nécrologie : Boucher de Perthes », La Solidarité : journal des principes, 2e ann (...)
- 33 Ibid.
8Le « catholicisme » de Boucher de Perthes est cependant en contradiction avec le dogme puisqu’il revendique l’idée de métempsycose (réincarnation des âmes après la mort), il pense que rien ne naît, rien ne meurt et qu’avant leur naissance, tous les êtres existent sous l’état de germes23. Dans une sorte de panthéisme, il privilégie la conception d’un Dieu immanent et moteur, intimement associé à la nature, plutôt que l’image d’un Dieu personnel et transcendant. Selon lui, Dieu fait un avec l’Univers : il est « le ressort du mouvement éternel », le « régulateur unique24 », « le lien25 », la « force créatrice26 », « l’agent27 », le « mobile et principe d’ascendance28 ». Plus tard dans les Antiquités celtiques et antédiluviennes, il associe intimement la divinité à la continuité de la vie et au progrès : « Pourquoi ne pas nous en tenir au texte de l’Écriture ? Ne nomme-t-elle pas Dieu, le Dieu vivant ? – Vivant, c’est agissant ; car qui dit vie, dit action ; ici dit progrès. – Immobile, Dieu serait nul. Rétrograde, serait-il Dieu29 ? » Dans De la création, il se montre souple sur le respect des dogmes : « Si l’on ne croit pas en Dieu, il faut croire à son analogie, c’est-à-dire à une autre supériorité, à une autre équité, à un autre Dieu. Alors où est la différence30 ? » Sa vision subjective de la métaphysique s’élabore en puisant à diverses sources et à distance de l’Église, mais elle proche des croyances qui émergent dans ces décennies et qui veulent dépasser le christianisme comme la religion spirite qui naît en 1857. Et Charles Fauvety31, philosophe et responsable de la bibliothèque du Grand Orient, partisan d’une religion laïque et du panthéisme au sein de la franc-maçonnerie, revendique d’ailleurs une parenté spirituelle avec Boucher de Perthes. Le considérant comme un « coreligionnaire32 », il écrit dans sa notice nécrologique en 1868 : « M. Boucher de Perthes […] était de la même religion que nous. C’est dire qu’il avait dépassé l’idée chrétienne et qu’il ne pouvait avoir rien de commun avec la forme catholique. Il appartenait à la grande religion de l’humanité33. »
- 34 La théorie des « jours-périodes » veut que les jours de la création dans la Genèse correspondent à (...)
9À part le cardinal Nicholas Wiseman, théologien et géologue britannique artisan de la théorie des jours-périodes34, Boucher de Perthes ne cite presque jamais d’auteurs catholiques contemporains. Les correspondances échangées entre Boucher de Perthes et des ecclésiastiques, que nous avons pu consulter aux Archives du musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, se bornent à évoquer des travaux archéologiques respectifs. Ses archives auraient pu davantage nous renseigner sur son inscription, ou non, dans les milieux catholiques. Elles ont malheureusement été détruites par des bombes incendiaires tombées sur Abbeville en 1940.
La fabrique d’une humanité antédiluvienne ambivalente
- 35 Léon Aufrère, « 1849-1949, le Centenaire des Antiquités celtiques et antédiluviennes », art. cit., (...)
- 36 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 290.
- 37 Ibid., p. 579.
- 38 Ibid.
- 39 Ibid., p. 245.
- 40 Ibid., p. 580.
10Guidé par un « historicisme biblique35 », Boucher de Perthes construit à la croisée des domaines scientifique et métaphysique dans les trois tomes des Antiquités celtiques et antédiluviennes (1849-1863) la figure d’une humanité née avant le déluge. Il réaffirme ainsi l’historicité des événements relatés dans la Bible dans le premier tome des Antiquités celtiques et antédiluviennes : le couple primitif, la tour de Babel, les nations excitant la colère divine, l’anéantissement du Déluge, sauf une famille chargée de repeupler la terre, l’avènement de l’âge d’or des pasteurs et des patriarches36. Tels que Boucher de Perthes les conçoit lorsqu’il publie le premier tome des Antiquités en 1849, les êtres antédiluviens sont pré-adamiques et ne peuvent donc être comptés au nombre des ancêtres de l’humanité. S’appuyant sur la théorie fixiste des créations successives de Cuvier impliquant que les animaux et l’homme aient connu plusieurs anéantissements et plusieurs créations, l’auteur défend l’hypothèse de deux créations : « Adam et sa postérité ne proviendraient donc que d’une seconde création37. » Avant l’arrivée d’Adam, un déluge (avant le déluge relaté dans la Bible), aurait « détruit toutes les races terrestres, y compris la race humaine ou celle qui la représentait alors dans la hiérarchie morale38 ». Boucher de Perthes semble douter de la pleine humanité d’individus, qui malgré une certaine supériorité morale, auraient pu avoir la forme de « quadrumanes dont la charpente osseuse se rapproche si fort de la nôtre39 ». Cette conformation physique expliquerait l’absence encore avérée de fossiles humains dans les couches du quaternaire : les ossements de ces êtres seraient confondus avec ceux d’autres animaux. Après une période de chaos, vide d’homme, une seconde création aurait installé la lignée adamique, notre ancêtre, qui aurait été témoin du Déluge biblique, ou « dernier Déluge », et lui aurait survécu par le biais de Noé, sa famille et leur descendance, Japhet étant considéré comme l’ancêtre ayant peuplé l’Europe40.
- 41 Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829), naturaliste, fondateur du transformisme, défend l’idée d’une con (...)
- 42 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 670.
- 43 Ibid.
- 44 L’école monogéniste, représentée en France par Armand de Quatrefages (1810-1892), naturaliste et an (...)
11Dans le deuxième tome des Antiquités, Boucher de Perthes abandonne la théorie cuviériste des créations successives pour s’appuyer davantage sur les travaux de Lamarck41, même s’il s’en distingue par son spiritualisme. Il fait également sienne la thèse actualiste, qui défend une similitude des phénomènes géologiques passés et actuels, exclut l’idée de cataclysmes destructeurs, pour faire reconnaître une continuité des formes entre espèces actuelles et espèces primitives. Dieu apparaît de plus en plus comme le moteur d’une transformation des êtres. Boucher de Perthes le considère comme une « puissance créatrice ou progressive42 » et cherche ainsi à concilier création et évolution : « Création et progression sont tout un43. » En revanche, alors que certains actualistes critiquent la réalité du déluge, Boucher de Perthes défend sans faute son historicité, et continue invariablement à employer le mot diluvium. Il conçoit désormais une continuité des présences humaines sur la Terre : les hommes antédiluviens sont dorénavant comptés au nombre des ancêtres, avec Adam et Ève comme couple unique à leur origine. Il tire de cette défense du monogénisme44 un argument pour défendre la grande ancienneté de l’homme, avec un Adam à ses yeux forcément blanc :
- 45 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 293.
Est-ce en cinquante siècles, est-ce en cent que de ce type unique des fils d’Adam sont sorties tant de races différentes, de langage, de mœurs, de religion, de couleur ? Qu’on nous dise ce qu’il faut de jours pour d’un blanc faire un nègre, un Tartare, un Indien45 ?
- 46 Ibid., p. 173-174.
- 47 Ibid., p. 300.
- 48 Ibid., p. 58.
12Boucher de Perthes met en revanche à distance la lettre de la Genèse lorsqu’il affirme ne pas concevoir les débuts de l’humanité sous le signe de la perfection. Il évoque des différences de degrés, et non de nature, entre l’homme antédiluvien et l’homme actuel, rejoint Lamarck en mettant ces variations au compte des circonstances d’une vie plus difficile et du climat46, mais il relie également ces variations à une économie chrétienne de la vertu, liée au dogme du péché originel. Boucher de Perthes dresse à cet endroit un portrait ambivalent de ce qu’il nomme « l’ère de la chasse », ou « la période sauvage47 ». L’homme antédiluvien, « déshérité48 », oscille entre la vertu, associée aux périodes de « croissance », et le péché, lié aux périodes de « décroissance » :
- 49 Ibid., p. 285.
Les genres, les espèces, les races ne sont que les degrés ou les âges de cette croissance ou de cette décroissance. Enveloppe éphémère, emprunt d’un jour fait à la matière, notre corps représente toujours l’état de notre âme qui monte ou descend, se perfectionne ou s’abrutit, en d’autres termes, s’éloigne ou se rapproche de Dieu par l’usage bon ou mauvais qu’elle fait de sa volonté, de sa liberté et de cette intuition du bien et du mal qu’elle tient de son origine divine49.
- 50 Ibid., p. 338-339.
- 51 Ibid., p. 300.
- 52 Ibid., p. 293.
- 53 1863, 3 juillet, Abbeville, Jacques Boucher de Perthes à Eugène Robert, in Jacques Boucher de Perth (...)
- 54 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 2, 1857, p. 46.
13L’étude de l’industrie lithique permet de retranscrire ces oscillations entre vertu et péché : « En étudiant les outils et les armes d’un peuple, on peut, jusqu’à un certain point, calculer, par l’amélioration successive des formes, et ensuite par leur dégénérescence, toutes les vicissitudes intellectuelles de ce peuple, ou sa croissance et sa décroissance industrielle50. » Les métaphores associées à l’obscurité et la lumière, à l’éveil et au sommeil, illustrent l’ambivalence du regard porté sur ces premiers humains. Parce que les circonstances d’une survie en milieu hostile oblitèrent les capacités intellectuelles51, cette humanité antédiluvienne, comparée à d’autres peuples actuels, s’enveloppe aux yeux de Boucher de Perthes dans une « longue torpeur entremêlée peut-être de quelques courts réveils pour retomber bientôt dans cette somnolence de la brute52 ». Cependant, Boucher de Perthes rejette l’hypothèse d’une ascendance simienne : « Je ne m’explique pas en quoi la contemporanéité de l’homme avec l’éléphant pourrait donner à croire que l’homme descend du singe53. » L’attention du lecteur est sollicitée sur la nécessité de ne pas mépriser cette civilisation antédiluvienne, germe de la nôtre. Les directeurs des musées d’art sont quant à eux incités à ouvrir leurs vitrines aux ébauches artistiques antédiluviennes : l’artiste « a été enfant avant d’être homme, écolier avant d’être maître […] ne nous cachez pas ce qu’il a été54 ». Boucher de Perthes est d’ailleurs soucieux dès les années 1840 de faire donation d’échantillons de ses collections aux musées du Louvre et de Cluny, mais en vain. Le Muséum national d’histoire naturelle décline également ses offres de dons, jusqu’à les accepter en 1860, une fois ses découvertes attestées. Le musée de Saint-Germain-en-Laye (fig. 2) accueille également les collections de Boucher de Perthes dans ses vitrines.
Fig. 2. Salle de l’âge de la pierre (salle I du musée gallo-romain, château de Saint-Germain-en-Laye), illustration d’Auguste Deroy, Le Monde illustré, 11 janvier 1868.
© Photo musée d’Archéologie nationale/Valorie Gô.
- 55 Ibid., p. 61.
- 56 Ibid., p. 339.
- 57 Ibid., p. 453.
- 58 Armand de Quatrefages, L’Espèce humaine, Paris, Alcan, 1886, p. 318.
14Parallèlement aux descriptions témoignant des tâtonnements de cette humanité ou de son abrutissement, Boucher de Perthes détaille ses qualités propres : « L’homme n’est donc pas né stupide, et le jour qu’il sortit des mains du Créateur, il n’était pas, plus qu’aujourd’hui, en dehors de la raison55. » La fabrication et la maîtrise des outils relèvent d’une capacité innée, propre aux humains : « Cette conscience de l’utilité des haches, des moyens de les faire et de les employer, sorte d’intuition, semble être innée dans l’espèce humaine : elle les fabrique d’instinct, comme l’araignée fabrique sa toile56. » Outre cette aptitude à développer les industries, les soucis artistiques et religieux sont également des dons de Dieu qui dressent une « ligne de démarcation57 » avec l’animal. Il rejoint sur ce point Armand de Quatrefages, titulaire de la chaire d’anthropologie au Muséum national d’histoire naturelle qui fonde la « transcendance taxonomique » du « règne humain58 » en soulignant les manifestations spécifiques de l’âme humaine (aptitude à reconnaître le bien du mal, croyance en des êtres supérieurs, à l’idée d’une prolongation de l’existence après la mort).
- 59 Léon Aufrère, « 1849-1949, le Centenaire des Antiquités celtiques et antédiluviennes », art. cit., (...)
- 60 Ibid., p. 60.
- 61 Ibid., p. 98.
- 62 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 65.
- 63 Léon Aufrère, Boucher de Perthes, op. cit., p. 84.
15Inspiré par les découvertes de l’égyptologie, Boucher de Perthes pense débusquer « les hiéroglyphes d’une langue sacrée59 » et le « goût des arts60 » dans les différents types de « pierres-figures61 » antédiluviennes. À ses yeux, chaque forme d’outils a une signification. Lorsque les marques d’usures ne sont pas attestées, il imagine que les outils ont pu être utilisés comme « ex-voto ou signes commémoratifs62 ». Léon Aufrère juge qu’il est arrivé « à la spiritualisation intégrale des débris de l’industrie », ramenant tout « à des offrandes et à des symboles63 ». Les silex découverts à proximité d’ossements humains attestent la religiosité des hommes préhistoriques et la croyance en une vie après la mort :
- 64 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 65.
On ne peut supposer que des êtres raisonnables, car nos premiers parents devaient l’être puisque c’étaient des hommes, se fussent, de génération en génération et durant des siècles, donné le souci de tailler des pierres, d’en assortir les formes, de les placer sur la sépulture de leurs chefs ou de leurs aïeux, sans que cette manifestation n’eût sa moralité et son but, enfin sans qu’elle ne rappelât un souvenir ou n’invoquât un avenir64.
- 65 Issu d’une famille calviniste, Émile Cartailhac (1845-1921) est le neveu du naturaliste spiritualis (...)
- 66 Jean-Yves Pautrat, « L’homme antédiluvien : les vestiges de l’homme et l’avenir des commencements » (...)
- 67 Léon Aufrère, Boucher de Perthes, op. cit., p. 107.
- 68 Victor Meunier, Les Ancêtres d’Adam, histoire de l’homme fossile, Paris, Fischbacher, 1900, p. 11 ( (...)
16Les incursions de Boucher de Perthes sur le terrain de la métaphysique sont peu appréciées des scientifiques contemporains : Armand de Quatrefages et le préhistorien Émile Cartailhac65 regrettent ses divagations nuageuses66. Léon Aufrère note que les lecteurs ont pu être globalement désorientés par les « oscillations de sa pensée67 » qui pénalisent le crédit qu’ils sont prêts à accorder à ses travaux scientifiques. Le syncrétisme développé par Boucher de Perthes n’est également pas du goût de sa famille catholique très pratiquante, puisqu’elle décide à sa mort d’envoyer au pilon l’ensemble de ses livres mis en adjudication, environ 27 000 volumes68.
- 69 Boucher de Perthes le choisit avec Charles-Joseph Buteux pour le représenter dans la commission qui (...)
- 70 Louis Bourgeois, « Simple causerie sur les découvertes récentes relatives à l’homme fossile », Bull (...)
- 71 Louis Bourgeois, « Note sur le diluvium de Vendôme, lu à la séance 13 juillet 1865 », Bulletin de l (...)
- 72 Ibid., p. 193.
17Cette « spiritualisation » des vestiges est en revanche mieux accueillie chez les chercheurs catholiques, comme l’un de ses correspondants, l’abbé Louis Bourgeois, professeur de philosophie et archéologue à Blois69. Une certaine proximité intellectuelle quant à la façon d’imaginer l’humanité primitive, se manifeste entre eux. En 1863, l’abbé Bourgeois associe, comme Boucher de Perthes, l’état sauvage de l’humanité précédant le Déluge à une déchéance causée par des conditions de vie très rudes (férocité des animaux, stérilité du sol, rigueurs du climat). Il n’évoque pas explicitement une punition divine, cette « barbarie70 » se matérialise à ses yeux par l’oubli des traditions religieuses, artistiques et industrielles. La succession des âges de pierre, du bronze et du fer est regardée chez les deux archéologues comme la reconquête graduelle par une humanité dégénérée de savoirs perdus. L’abbé Bourgeois reprend également l’hypothèse chère à Boucher de Perthes des « silex votifs71 ». Tandis que Boucher de Perthes évoque des rituels proches de l’adoration des « lares », Bourgeois évoque pour sa part un culte rendu à des « mânes ». Leur rejet appuyé du matérialisme, est notamment lié à des « conséquences antisociales72 » redoutées.
Les rapports entre orthodoxie et validation des découvertes
- 73 1849, 7 mars, Amiens, Jean-Marie Mioland à Jacques Boucher de Perthes, in Léon Aufrère, Boucher de (...)
- 74 Ibid., p. 50.
- 75 Anonyme, « Paul Broca », Matériaux pour l’histoire primitive et naturelle de l’homme, 2e série, t. (...)
- 76 Claude Blanckaert, « Les assises provinciales de la science de l’homme », in Hélène Gispert (dir.), (...)
- 77 Édouard Lartet (1801-1871), fondateur de la paléontologie humaine, nommé Professeur de la chaire de (...)
18En 1849, Boucher de Perthes, vraisemblablement soucieux d’avoir l’avis d’un membre de la hiérarchie catholique, fait parvenir le premier tome des Antiquités celtiques et antédiluviennes à l’évêque d’Amiens, Jean-Marie Mioland, qui le félicite en retour d’y avoir lu la confirmation de « la vérité du récit inspiré de la Genèse73 ». La prise en compte des questions religieuses par Boucher de Perthes se renforce dans le temps. Nous remarquons qu’il invoque beaucoup plus fréquemment Dieu dans le troisième tome des Antiquités celtiques et antédiluviennes (1864) que dans le premier (1849). Cette recrudescence de références à la religion peut sans doute se comprendre comme le besoin d’assoir sa légitimité en justifiant son orthodoxie. Léon Aufrère, qui a pu nourrir une belle familiarité avec ses archives avant leur destruction, remarque en outre qu’il peut avoir tendance à « se rapprocher de ses contradicteurs pour faciliter un acquiescement à venir74 ». Si le droit d’être indifférent en matière religieuse existe depuis l’instauration du régime pluraliste des cultes en 1802, concrètement, notamment dans les petites villes, le poids de la réprobation sociale peut sanctionner ceux qui négligent leurs « devoirs » religieux. Avant l’avènement de la IIIe République, les anthropologues peuvent avoir à affronter des attaques publiques. Paul Broca, qui a dû se porter garant devant le préfet de la moralité des premières réunions de la Société d’anthropologie de Paris, s’engageant à être attentif à « tout ce qui pourrait être dit dans les séances contre la Société, la Religion ou le Gouvernement75 », est désigné en 1868 à la tribune du Sénat comme un « suppôt du matérialisme76 ». Signe que la question religieuse n’est pas anecdotique dans cette première archéologie préhistorique, les dernières lignes de l’article d’Édouard Lartet77 sur les fouilles d’Aurignac dans les Annales des sciences naturelles (1861) évoquent la marge de manœuvre que ce dernier s’aménage vis-à-vis du dogme en distinguant science et religion :
- 78 Édouard Lartet, « Nouvelles recherches sur la coexistence de l’homme et des grands mammifères fossi (...)
Il y a, je le sais, des esprits qui, restés sous l’impression de leurs souvenirs classiques, hésiteront à accepter ces révélations inattendues sur l’ancienneté géologique de l’Homme, alors qu’elles leur semblent en désaccord avec des textes placés au-dessus de toute contradiction. Que ceux-là se rassurent ; la cosmogonie biblique échappe à toute application de chronologie positive78.
- 79 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 534.
19De la même manière, lorsque Boucher de Perthes s’adresse aux antiquaires dans le troisième tome des Antiquités, il a recours au récit de la Genèse pour emporter l’adhésion : « Ce que les textes sacrés nous disent, la géologie et la paléontologie nous le montrent, et la réflexion le confirme. […] Dieu dit à Adam et Ève : croissez. Tout le système de progression est là79. »
- 80 Ibid., p. 522.
- 81 Ibid., p. 652.
- 82 Nicholas Wiseman (1802-1865) universitaire et archevêque de Westminster en 1850, il s’intéresse à l (...)
- 83 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 579. L’arti (...)
- 84 Fondateur de la paléobotanique évolutive, le marquis de Saporta (1824-1895) s’intéresse aux espèces (...)
20Les velléités apologétiques de l’archéogéologie de Boucher de Perthes se confirment dans le troisième tome des Antiquités celtiques et antédiluviennes dans lequel il s’attache à démontrer l’existence de Dieu. Jugeant par exemple que « l’âme ne peut naître de la matière80 », il énonce que l’existence de l’homme démontre à elle seule l’existence de Dieu. L’humanité est de même incapable seule de concevoir une divinité qui lui est bien supérieure : « S’il n’y avait pas de Dieu, comment le premier qui a dit qu’il y en avait un, en aurait-il eu l’idée81 ? » Cette apologétique, qui était absente du premier tome des Antiquités, est sans doute une réplique face à la mise en doute de son orthodoxie. Boucher de Perthes tire également une certaine fierté d’apprendre que l’archevêque Nicholas Wiseman82 regarde ses écrits comme une confirmation des « vérités bibliques83 ». Dans une lettre envoyée à Gaston de Saporta84, fondateur de la paléobotanique évolutive, Boucher de Perthes joint la revendication de son indépendance et de son orthodoxie à la satisfaction de voir reconnue la valeur apologétique de son travail :
- 85 1860, 24 février, Abbeville, Jacques Boucher de Perthes au marquis Gaston de Saporta, Archives Gast (...)
Qu’on fasse remonter cette ancienneté de l’homme à 6 000 ans ou à 10 mille, à 100 mille […] je n’ai pas à m’occuper de cette question. L’Église elle-même y accorde une importance très secondaire. Vous savez qu’elle considère aujourd’hui les jours de la création comme des époques géologiques. En mai 1859, Mgr Wiseman dans un discours prononcé en chaire à Londres a défendu mon livre contre les puritains qui y voyaient une attaque à la Bible. Il a dit qu’il y voyait au contraire une nouvelle preuve des vérités bibliques85.
- 86 Le docteur Marcel Jérôme Rigollot (1786-1854) s’est opposé à Boucher de Perthes pendant dix ans, pu (...)
- 87 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 13-14.
- 88 Une mâchoire humaine est découverte dans la carrière de Moulin-Quignon près d’Abbeville en 1863. Qu (...)
21Boucher de Perthes regarde la mise en défaut de son orthodoxie comme l’une des raisons expliquant la difficile validation de ses travaux en France et en Angleterre. Lorsqu’il évoque ses difficultés à tirer profit du revirement en sa faveur de l’archéologue Marcel Jérôme Rigollot en 185486, il écrit : « D’une question purement géologique, on fit un sujet de controverse religieuse. Ceux qui ne mirent pas en doute ma religion m’accusèrent de témérité87. » Boucher de Perthes signale un apaisement des débats ayant trait à l’orthodoxie en France après 1859. Il reconnaît avoir craint que la découverte de la mâchoire de Moulin-Quignon88 en 1863 ne réveille les polémiques de ce point de vue, mais ce n’est selon lui pas le cas :
- 89 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 163.
On n’y a rien vu qui pût froisser les consciences ni troubler l’ordre politique ou religieux. […] En France, la question était devenue ce qu’elle devait être : purement scientifique. Tout ici se bornait donc dans la fossilité ou la non fossilité de la mâchoire89.
- 90 Ibid., p. 287.
- 91 Ibid., p. 163.
22Il se félicite notamment de l’adoption par l’Église de la théorie des jours-périodes90. Mais un an après la controverse de Moulin-Quignon, il dénonce la teneur religieuse que prend l’opposition à laquelle il doit faire face dans le contexte anglais : « L’homme fossile, convaincu de philosophisme, soupçonné d’athéisme et tendant ainsi à ébranler l’édifice social, eut à la fois contre lui l’Angleterre politique et l’Angleterre religieuse91. »
- 92 Cette accusation s’est révélée plusieurs fois fondée, les ouvriers, payés à la journée et au résult (...)
- 93 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3.
- 94 Ibid., p. 201.
- 95 Ibid., p. 156-157.
23Soulignons que les principales objections faites à Boucher de Perthes portent principalement le remaniement des terrains et les falsifications supposées de ses terrassiers92. Ayant constaté des empreintes de doigts récentes sur les silex et des indices d’enfouissement des bifaces, un archéologue anglais accrédite la thèse de la supercherie. Boucher de Perthes incrimine les « idées préconçues93 » de son hôte, forcément influencé par des scrupules religieux : « Peut-être, à l’instant, venait de lire dans quelque journal un de ces articles fulminant contre ce nouvel antéchrist, l’homme fossile et ses adhérents94. » Boucher de Perthes suppose en effet que la découverte de la mâchoire peut déranger les chrétiens : elle ferait remonter l’antiquité de l’homme, nettement moins récusable avec ce fossile humain, « bien au-delà du Déluge de Noé » ce qui impliquerait le fait de « renoncer aux limites de six mille ans95 ».
- 96 Ibid., p. 236.
- 97 Ibid., p. 262-264
- 98 L’abbé Dergny est membre de la Société d’émulation d’Abbeville, vicaire de Saint-Gilles, la paroiss (...)
- 99 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 129.
24Pour défendre l’authenticité des découvertes et la probité des ouvriers, Boucher de Perthes veille à se montrer plus présent lors des fouilles et s’entoure de prêtres, difficilement soupçonnables de complicités de fraude. Mis au courant de la possible présence d’ossements humains avant la sortie de terre de la mâchoire de Moulin-Quignon, Boucher de Perthes veille à effectuer lui-même la suite des fouilles96 et procède à l’extraction de la mâchoire en compagnie de deux prêtres, l’abbé Dergny, à qui il fait rédiger un rapport97, et l’abbé Martin, curé à Abbeville, ancien professeur de géologie. Quant aux ouvriers, rien ne vaut selon Boucher de Perthes l’expertise d’un prêtre pour justifier de leur moralité. Il publie une lettre de l’abbé Dergny98 qui « connaît mieux que personne les ouvriers, leurs habitudes et conséquemment leur moralité. Or, il n’a jamais cru aux accusations de fabrication de haches dont ils étaient l’objet99 ». La validation de la mâchoire humaine de Moulin-Quignon en 1863 par Armand de Quatrefages et Hugh Falconer, avec le soutien de l’abbé Louis Bourgeois, marque l’aboutissement du basculement du rapport de force en faveur des partisans de l’ancienneté de l’humanité.
Les soutiens catholiques de Jacques Boucher de Perthes
- 100 À partir de la publication du deuxième tome des Antiquités celtiques et antédiluviennes (1857).
- 101 Isaac de la Peyrère (1594-1676) élabore le préadamisme, thèse selon laquelle il existait des hommes (...)
- 102 Joseph Chantrel, « Causerie scientifique », L’Univers, n° 289, 21 octobre 1859, p. 2.
- 103 Albert Gaudry (1827-1908) devient évolutionniste autour de 1865, après une lecture passionnée de L’ (...)
- 104 Joseph Chantrel, « Causerie scientifique », art. cit., p. 2.
- 105 Les Annales de philosophie chrétienne (1830-1913), proche du courant de la théologie traditionnalis (...)
- 106 Celui-ci se voit reprocher son refus de reconnaître l’historicité du déluge, et une tendance trop m (...)
- 107 Augustin Bonnetty, « Découverte d’instruments faits de main d’homme antérieurs au déluge », Annales (...)
- 108 Fondateur de la Société française d’archéologie, Arcisse de Caumont renâcle à relayer le débat sur (...)
- 109 Léonce Élie de Beaumont (1798-1874) succède à Georges-Louis Cuvier au Collège de France puis devien (...)
- 110 Victor Meunier, La Science et les savants en 1867, Paris, Germer-Baillière, 1868, p. 211, cité par (...)
25À partir du moment où Boucher de Perthes abandonne l’hypothèse du préadamisme100, marquée du sceau de l’hérésie depuis Isaac de la Peyrère101 (1594-1676), la tradition catholique peut difficilement être objectée à son encontre. Le fait d’énoncer l’existence d’une humanité antédiluvienne ne trouble pas outre mesure les catholiques car la Bible, elle-même, fait état d’hommes ayant vécu avant le Déluge. La recherche de preuves matérielles de cette humanité, châtiée par Dieu, peut même asseoir la croyance en l’historicité de cet épisode biblique. Le journal catholique L’Univers se félicite en 1859 de la validation des thèses de Boucher de Perthes par un nombre grandissant de scientifiques : « Nous enregistrons ces faits comme un précieux témoignage à l’appui de notre thèse, et, ce qui vaut encore mieux, comme une preuve de plus en faveur du récit de Moïse102. » L’Univers évoque aussi avec satisfaction la séance de l’Académie des sciences dans laquelle le paléontologue Albert Gaudry, favorable à cette époque au créationnisme continuiste103, se déclare en faveur de la contemporanéité de l’homme et d’animaux disparus104. Alors que les Annales de philosophie chrétienne105, organe de la science catholique traditionaliste, jugent sévèrement les travaux de Paul Tournal en 1831106, le fondateur de la revue publie en 1859 un article se félicitant des conclusions d’un séjour dans la Somme de Joseph Prestwich, tranchant en faveur de Boucher de Perthes107. En somme, ce dernier achoppe moins, dans un premier temps, sur l’opposition des tenants de la tradition catholique que sur la frilosité au changement des archéologues classiques et des antiquaires, comme Arcisse de Caumont108 (1801-1873), et des derniers partisans de Cuvier, comme Élie de Beaumont109 (1798-1874). Le journaliste scientifique Victor Meunier (1817-1903) souligne avec raison que cette opposition n’a pris une coloration religieuse que dans un deuxième temps110.
- 111 L’abbé Jean-Benoît Cochet (1812-1875) pratique ses premières fouilles en 1835, encore séminariste : (...)
- 112 Ibid., p. 222.
- 113 Jean-Benoît Cochet, « Hachettes diluviennes du bassin de la Somme. Rapport adressé à M. le sénateur (...)
- 114 Jean-Benoît Cochet, « Une visite aux sablières de Saint-Acheul, par M. l’abbé Cochet, membre de la (...)
26Plusieurs catholiques, clercs et laïcs, soutiennent la reconnaissance de ses travaux autour de 1859. Citons le prêtre et inspecteur des Monuments historiques pour le département de la Seine-Inférieure, Jean-Benoît Cochet111 (1812-1875). Ce dernier rencontre Boucher de Perthes à Abbeville en 1851. Les deux hommes estiment leurs travaux et s’échangent des objets archéologiques. Ayant développé une bonne connaissance des milieux archéologiques anglais, l’abbé Cochet lui propose de relayer ses travaux outre-Manche112. Cette aide est précieuse pour Boucher de Perthes car la reconnaissance de ses travaux passe en effet par l’Angleterre. En 1859, ses découvertes controversées dans la Somme trouvent de prestigieux défenseurs parmi les géologues anglais, comme Joseph Prestwich, John Evans et Charles Lyell, qui visitent les lieux et valident les principaux acquis de ses travaux en déverrouillant le débat en sa faveur. L’abbé Jean-Benoît Cochet décide de sortir de son domaine de prédilection de l’archéologie gallo-romaine et médiévale pour pratiquer à son tour des fouilles à Saint-Acheul. Rendues publiques en 1860, les conclusions du rapport de l’abbé Cochet, archéologue aguerri et reconnu, diffusé à 500 exemplaires113, confortent les travaux de Boucher de Perthes. Il parvient même à publier en 1861 le compte rendu des fouilles dans le Bulletin monumental 114, bastion réputé hostile de l’archéologie nationale. Monique Remy-Watté remarque que le prêtre l’a incité à écarter la question religieuse :
- 115 1860, 22 et 27 décembre, abbé Jean-Benoît Cochet à Jacques Boucher de Perthes, Transcription des le (...)
Je ne veux pas de querelle théologique. Science et foi sont deux choses. La foi guide mes mœurs, la science règle mes études. […] Agissez pour le mieux mais de grâce évitez tout ce qui sent la Bible et la théologie. Je veux rester purement scientifique, purement lapidaire et archéologique115.
- 116 Ibid., Monique Remy-Watte.
27Lorsque l’abbé Cochet rédige son rapport sur Saint-Acheul, il demande à Boucher de Perthes s’il peut utiliser le terme « diluvien », qui fait référence au « diluvium » des géologues, plutôt que le terme « antédiluvien » plus associé à la Bible, mais il cède finalement à l’obstination de Boucher de Perthes116.
- 117 Fils d’un aristocrate émigré pendant la Révolution française, devenu pair de France à son retour pe (...)
- 118 Paul de Vibraye, « Note sur les ossements fossiles accompagnés d’une mâchoire humaine, trouvés dans (...)
- 119 Ibid., p. 463.
- 120 Ibid., p. 471.
- 121 Ibid.
28L’archéologue abbevillois reçoit également le soutien inattendu d’une notabilité catholique qui s’est d’abord saisie de la pioche pour le contrer, le marquis Paul de Vibraye117. Coutumier des grands travaux autour de sa propriété de Cheverny (assèchement de marais, travaux d’irrigation, construction de routes), Paul de Vibraye, passionné par la géologie, s’interroge sur « la présence de l’homme dans les cavernes118 ». Il fait effectuer des fouilles dans les grottes d’Arcy-sur-Cure (Yonne) entre 1858 et 1860 et présente le résultat de ses recherches à la Société géologique de France en 1860. Avec franchise, il reconnaît devant l’assistance les « idées préconçues » qui l’animaient avant de débuter les fouilles d’Arcy-sur-Cure : son objectif premier était de « démontrer que l’homme n’avait habité les cavernes que postérieurement à l’enfouissement des ossements fossiles119 ». Il évoque ensuite sa profonde « stupéfaction120 » lorsqu’il voit entre ses mains une mâchoire humaine, tirée d’une couche non remaniée comportant des ossements d’ours des cavernes, de rhinocéros, et de mammouth : « Je voulus essayer d’en douter, y reconnaître une mâchoire de singe : mais non, le doute n’était pas permis121. » Il ajourne néanmoins l’annonce de cette découverte :
- 122 Ibid., p. 473.
J’ai dû faire violence à mes propres convictions pour me rendre à l’évidence, et pourtant un des maîtres de la science m’ayant sollicité de suspendre mes jugements, j’ai dû garder le silence, et renoncer à une communication que je désirais faire à l’Académie des sciences par un motif d’affectueuse déférence pour une de nos éminentes sommités scientifiques122.
- 123 Émile Cartailhac, Henri Breuil, « Les œuvres d’art de la collection de Vibraye au Muséum national » (...)
- 124 Ibid., p. 5.
- 125 Sans consigner scrupuleusement le résultat de ses fouilles, il enrichit sa collection de milliers d (...)
- 126 Émile Cartailhac, Henri Breuil, « Les œuvres d’art de la collection de Vibraye au Muséum national » (...)
- 127 Paul de Vibraye, « De quelques fossiles », Le Monde, 2e année, n° 325, 27 novembre 1861, p. 1-3.
- 128 Paul de Vibraye, Quelques observations sur un article de la « Sentinelle du Jura » reproduit par « (...)
- 129 Paul de Vibraye, « De quelques fossiles », art. cit., p. 2.
- 130 Ibid.
- 131 Émile Cartailhac, Henri Breuil, « Les œuvres d’art de la collection de Vibraye au Muséum national » (...)
- 132 Le docteur Eugène Robert (1806-1882) intervient à de nombreuses reprises entre 1860 et 1865 à l’Aca (...)
- 133 Paul de Vibraye, « Nouvel examen des silex de Pressigny-le-Grand », Comptes rendus de l’Académie de (...)
- 134 Édouard Lartet, Henry Christy, « Sur des figures d’animaux gravées ou sculptées et autres produits (...)
29S’agit-il d’Arcisse de Caumont, qui a été un proche collaborateur123 ? « Converti124 » à l’idée de la haute antiquité de l’homme, Paul de Vibraye fait partie des chercheurs qui viennent confirmer et généraliser les conclusions de Boucher de Perthes. L’enthousiasme porte ensuite le marquis de Vibraye à fouiller un grand nombre de sites125. Occupé à analyser la collection Vibraye du Muséum, Émile Cartailhac juge en 1907 qu’il « fut très utile à la cause de la vérité de voir un savant respecté […] appartenant au parti le plus conservateur, d’apporter son adhésion à “l’homme fossile”. En ce temps-là, c’était un acte de courage126 ». Paul de Vibraye proteste ainsi lorsque Le Monde, journal qui prend la suite de L’Univers, publie un article qui réfute la coexistence de l’Elephas primigenius et de l’homme. Il publie une mise au point dans le même journal127, et dans un tiré à part128. Déclarant ne plus vouloir taire ses convictions et « entrer en lice129 », il exhorte les lecteurs du journal catholique à se rendre à l’évidence : « En présence du nombre et de l’autorité des témoignages, il est impossible de douter encore130. » Et deux ans plus tard, il apporte son soutien à Jacques Boucher de Perthes au sujet de la mâchoire de Moulin-Quignon131, intervenant deux fois devant l’Académie des sciences pour répliquer au géologue Eugène Robert132 qui cherche, notamment, à prouver que les silex taillés attribués aux hommes sont des résidus de taille de pierres à fusil133. Comme Lartet et Christy au même moment134, Vibraye s’appuie sur l’art mobilier pour prouver de manière implacable la haute antiquité de l’homme : sur plusieurs sites, les représentations d’animaux disparus se retrouvent gravées ou incisées sur les ossements mêmes des animaux figurés.
*
- 135 Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris, Armand Colin, 1997, p. 38.
30En s’inscrivant à l’amont des frises chronologiques, l’hypothèse de l’humanité fossile est venue rompre en Occident un quasi-monopole séculaire d’explication des origines de l’humanité qui faisait fusionner traditions historiques et récit chrétien des origines. Comme l’a souligné Marc Bloch, l’histoire est au cœur de la conception chrétienne du temps : la naissance de Jésus ouvre le début d’une ère nouvelle et l’histoire des personnages saints s’ancre précisément dans le temps humain135. La Bible s’apparente à une description de la destinée de l’humanité, entre la chute et le jugement, le péché et la rédemption.
- 136 Adrien Arcelin, « La question préhistorique », Extrait du Correspondant, Paris, Douniol, 1873, p. 3 (...)
- 137 1860, 24 février, Abbeville, Jacques Boucher de Perthes au marquis Gaston de Saporta, Archives Gast (...)
- 138 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 2, p. 338-339.
31Si le récit de la Genèse et l’archéologie préhistorique relèvent de deux régimes de vérités qui paraissent bien distincts aujourd’hui, tel ne fut pas le cas pour Jacques Boucher de Perthes qui situa l’humanité préhistorique dans la perspective du péché originel. Comme d’autres chercheurs spiritualistes après lui, il mobilisa l’archéologie pour suivre les étapes de la reconquête d’un statut privilégié perdu, les vestiges préhistoriques constituant les stigmates de « la chute originelle » et de la « lutte incessante136 » des hommes pour reconquérir leur première place. Soucieux de s’ancrer dans la tradition et la recherche du consensus, Boucher de Perthes construisit dans les trois tomes des Antiquités celtiques et antédiluviennes la figure d’une humanité d’abord préadamique (séparée de nous), puis celle d’une pleine humanité, antédiluvienne et née d’une seconde création. À la croisée des domaines scientifiques et métaphysiques, il se félicita d’apporter une « nouvelle preuve des vérités bibliques137 ». Absentes du premier tome des Antiquités, ses velléités apologétiques furent vraisemblablement liées à la nécessité de répliquer face à la mise en doute de son orthodoxie. Après avoir pris ses distances avec le catastrophisme de Cuvier, Boucher de Perthes élabora ensuite une synthèse entre le transformisme de Lamarck et la Bible, et s’essaya à une archéologie de la vertu et du péché en retraçant les « vicissitudes intellectuelles » des premiers humains grâce à l’observation des périodes de « croissance » et de « décroissance industrielle138 ». Les observateurs catholiques accueillirent dans un premier temps plutôt positivement la thèse de l’existence d’hommes antédiluviens. Les travaux de Boucher de Perthes, dont L’Univers et les Annales de philosophie chrétienne ne trouvèrent rien à redire en 1859, bénéficièrent du soutien de catholiques influents (l’abbé Jean-Benoît Cochet, Albert Gaudry, Paul de Vibraye, l’abbé Louis Bourgois).
- 139 Jean Baubérot, Micheline Milot, Laïcités sans frontières, Paris, Le Seuil, 2011, p. 12.
- 140 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 65.
32En soustrayant progressivement à l’autorité des institutions religieuses les clefs d’un savoir de l’origine qui s’autonomise des textes sacrés, la « préhistoire » naissante – le terme ne s’impose qu’autour de 1900 – écorna les « prétentions englobantes de la spiritualité catholique139 », et ouvrit la voie à un nouveau système d’appréhension des « aïeux140 » et ancêtres qui puisait dans un imaginaire géologique et paléontologique, constituant sur le temps long un vecteur parmi d’autres du processus de sécularisation de la société française.
- 141 Ce terme a été repris de Reinhardt Koselleck par François Hartog : François Hartog, Régime d’histor (...)
- 142 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 2, p. 315.
- 143 Ibid.
33Au même titre que les historiens du xixe siècle qui introduisirent dans le passé un « horizon d’attente141 » pour les contemporains, Boucher de Berthes pensait que « le sol que nous foulons nous dit ce que nous sommes142 ». Étayant le récit biblique, son archéogéologie revendiqua des vertus en termes d’édification morale : « Pour empêcher [l’humanité] de retomber, montrons-lui quels furent, dans cette carrière de recrudescence, ses débuts et ses efforts143. »
Notes
1 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes. Mémoire sur l’industrie primitive et les arts à leur origine, t. 3, Paris, Treuttel et Wurtz, 1864, p. 157 (t. 1, 1849 ; t. 2, 1857 ; t. 3, 1864).
2 Le mot « paléontologie » a été créé par Henri de Blainville en 1822, il désigne la « science des fossiles » ; Goulven Laurent, Paléontologie et évolution en France de 1800 à 1860, une histoire des idées de Cuvier et Lamarck à Darwin, Paris, Éditions du CTHS, 1987, p. 254.
3 Claude Blanckaert, « Chrono-logiques : le tournant historiciste des sciences humaines », in Noël Coye, Arnaud Hurel (dir.), Dans l’épaisseur du temps. Archéologues et géologues inventent la préhistoire, Paris, Publications scientifiques du Muséum national d’histoire naturelle, 2011, p. 61. L’historicisation de la nature influence nettement, comme l’a relevé Claude Blanckaert, le vocabulaire et les problématiques des sciences humaines de l’époque.
4 Claude Blanckaert, « Nommer le préhistorique au xixe siècle. Linguistique et transferts lexicaux », Organon, n° 49, 2017, p. 59.
5 Nicolas Viton de Saint-Allais, L’Art de vérifier les dates des faits historiques, des inscriptions, des chroniques et autres anciens monuments avant l’ère chrétienne, Paris, Moreau, 1820, p. 18.
6 Le retentissement de cette découverte est important à l’Académie des sciences et à la Société géologique de France. Édouard Lartet (1801-1871) reste fidèle au créationnisme et au fixisme, se déclarant contre le catastrophisme de Cuvier et le transformisme de Lamarck.
7 Paul Tournal, « Observations sur les ossements humains et les objets de fabrication humaine confondus avec des ossements de mammifères appartenant à des espèces disparues », Bulletin de la Société géologique de France, t. 1, 1830-1831, p. 211-212.
8 La thèse actualiste défend une similitude des phénomènes géologiques passés et actuels, récuse l’existence de cataclysmes extraordinairement destructeurs, et cherche à faire reconnaître une continuité des formes entre espèces actuelles et espèces primitives.
9 Casimir Picard (1806-1841), médecin et archéologue installé à Abbeville, il fonde la Société linnéenne du nord de la France et participe à la Société d’émulation d’Abbeville.
10 Léon Aufrère, « 1849-1949, le Centenaire des Antiquités celtiques et antédiluviennes », Bulletin de la Société préhistorique française, t. 47, 1950/1-2, p. 52.
11 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., p. 96.
12 Noël Coye, La Préhistoire en parole et en acte. Méthodes et enjeux de la pratique archéologique (1830-1950), Paris, L’Harmattan, 1997, p. 77-80.
13 Il existe un décalage de deux ans entre l’impression (1847) et la publication (1849) causé par un engagement pris par Boucher de Perthes auprès de l’Académie des sciences : Claudine Cohen, Jean-Jacques Hublin, Boucher de Perthes, les origines romantiques de la préhistoire, Paris, Belin, 1989, p. 140.
14 Claude Blanckaert, « Actualités de Boucher de Perthes », Gradhiva. Revue d’histoire et d’archives de l’anthropologie, n° 8, 1990, p. 83-94.
15 Claude Blanckaert, « L’association britannique, sœur aînée et modèle ? », in Hélène Gispert (dir.), « Par la science, pour la patrie ». L’Association française pour l’avancement des Sciences (1872-1914). Un projet politique pour une société savante, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2002, p. 88.
16 Ibid.
17 Jean-Yves Pautrat, « L’homme antédiluvien : les vestiges de l’homme et l’avenir des commencements », in Noël Coye, Arnaud Hurel (dir.), Dans l’épaisseur du temps, op. cit., p. 148.
18 Jacques Boucher de Perthes, De la création, essai sur l’origine et la progression des êtres, Abbeville, Imprimerie A. Boulanger, 1838-1841, 5 vol.
19 Ibid., 1841, p. 631.
20 Ibid., 1841, p. 400.
21 Jacques Boucher de Perthes, « Rien ne naît, rien ne meurt, la forme seule est périssable », La Solidarité : journal des principes, 2e année, n° 1, 1er décembre 1867, Paris, Librairie des Sciences Sociales, p. 11.
22 Jacques Boucher de Perthes, De la création, op. cit., 1841, p. 506.
23 Léon Aufrère, Boucher de Perthes, ouvrage présenté par Arnaud Hurel et Yann Potin, Paris, CNRS Éditions, 2018, p. 45.
24 Jacques Boucher de Perthes, De la création, op. cit., 1841, p. 543.
25 Ibid., p. 542.
26 Ibid., p. 400.
27 Jacques Boucher de Perthes, De la création, op. cit., 1838, p. 98.
28 Ibid., 1841, p. 539.
29 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 288.
30 Jacques Boucher de Perthes, De la création, op. cit., 1841, p. 528.
31 Laurence Grégoire, « La franc-maçonnerie parisienne (1852-1870) », Parlement[s], Revue d’histoire politique, 2008/3, n° HS 4, p. 104.
32 Charles Fauvety, « Nécrologie : Boucher de Perthes », La Solidarité : journal des principes, 2e année, n° 10, 1er septembre 1868, Paris, Librairie des Sciences Sociales, p. 156-157.
33 Ibid.
34 La théorie des « jours-périodes » veut que les jours de la création dans la Genèse correspondent à des époques géologiques.
35 Léon Aufrère, « 1849-1949, le Centenaire des Antiquités celtiques et antédiluviennes », art. cit., p. 50.
36 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 290.
37 Ibid., p. 579.
38 Ibid.
39 Ibid., p. 245.
40 Ibid., p. 580.
41 Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829), naturaliste, fondateur du transformisme, défend l’idée d’une continuité de la vie et d’une transformation graduelle des espèces sous l’influence des « circonstances » (diversité des climats, des milieux, des habitudes et manières de vivre). Jacques Roger, « Le transformisme de Lamarck », in Collectif, Le Darwinisme aujourd’hui. Entretiens menés par Émile Noël, Paris, Le Seuil, coll. « Points sciences » n° 18, 1979, p. 14-31.
42 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 670.
43 Ibid.
44 L’école monogéniste, représentée en France par Armand de Quatrefages (1810-1892), naturaliste et anthropologiste, soutient l’unité du foyer de naissance de l’humanité, et s’oppose à l’école polygéniste, qui défend l’idée opposée d’une humanité divisée en plusieurs races, nées de plusieurs foyers dispersés géographiquement, et qui a comme chef de file en France, Paul Broca. Claude Blanckaert « Monogénisme et polygénisme », Dictionnaire du darwinisme et de l’évolution, t. 2, 1996, p. 3035.
45 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 293.
46 Ibid., p. 173-174.
47 Ibid., p. 300.
48 Ibid., p. 58.
49 Ibid., p. 285.
50 Ibid., p. 338-339.
51 Ibid., p. 300.
52 Ibid., p. 293.
53 1863, 3 juillet, Abbeville, Jacques Boucher de Perthes à Eugène Robert, in Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 630.
54 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 2, 1857, p. 46.
55 Ibid., p. 61.
56 Ibid., p. 339.
57 Ibid., p. 453.
58 Armand de Quatrefages, L’Espèce humaine, Paris, Alcan, 1886, p. 318.
59 Léon Aufrère, « 1849-1949, le Centenaire des Antiquités celtiques et antédiluviennes », art. cit., p. 53.
60 Ibid., p. 60.
61 Ibid., p. 98.
62 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 65.
63 Léon Aufrère, Boucher de Perthes, op. cit., p. 84.
64 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 65.
65 Issu d’une famille calviniste, Émile Cartailhac (1845-1921) est le neveu du naturaliste spiritualiste Armand de Quatrefages. Il cofonde avec lui les Congrès internationaux d’anthropologie et de préhistoire en 1867.
66 Jean-Yves Pautrat, « L’homme antédiluvien : les vestiges de l’homme et l’avenir des commencements », art. cit., p. 97.
67 Léon Aufrère, Boucher de Perthes, op. cit., p. 107.
68 Victor Meunier, Les Ancêtres d’Adam, histoire de l’homme fossile, Paris, Fischbacher, 1900, p. 11 (préface) ; Léon Aufrère, Boucher de Perthes, op. cit., p. 54.
69 Boucher de Perthes le choisit avec Charles-Joseph Buteux pour le représenter dans la commission qui doit examiner les « haches antédiluviennes » et la mâchoire de Moulin-Quignon. L’abbé Bourgeois défend à partir de 1867 l’hypothèse d’une existence de l’homme dès l’époque tertiaire.
70 Louis Bourgeois, « Simple causerie sur les découvertes récentes relatives à l’homme fossile », Bulletin de la Société archéologique du Vendômois, 1863, p. 817.
71 Louis Bourgeois, « Note sur le diluvium de Vendôme, lu à la séance 13 juillet 1865 », Bulletin de la Société archéologique du Vendômois, 1865, p. 191.
72 Ibid., p. 193.
73 1849, 7 mars, Amiens, Jean-Marie Mioland à Jacques Boucher de Perthes, in Léon Aufrère, Boucher de Perthes, op. cit., p. 109.
74 Ibid., p. 50.
75 Anonyme, « Paul Broca », Matériaux pour l’histoire primitive et naturelle de l’homme, 2e série, t. 11, 1880, p. 439-440.
76 Claude Blanckaert, « Les assises provinciales de la science de l’homme », in Hélène Gispert (dir.), « Par la science, pour la patrie », op. cit., p. 150.
77 Édouard Lartet (1801-1871), fondateur de la paléontologie humaine, nommé Professeur de la chaire de paléontologie du Muséum d’histoire naturelle de Paris en 1869. Il met au jour plusieurs singes fossiles de l’époque tertiaire. Restant fidèle au créationnisme et au fixisme, il s’oppose au catastrophisme de Cuvier et au transformisme.
78 Édouard Lartet, « Nouvelles recherches sur la coexistence de l’homme et des grands mammifères fossiles réputés caractéristiques de la dernière période géologique », Annales des sciences naturelles, 4e série (zoologie) t. 15, cahier n° 3, 1861, p. 249.
79 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 534.
80 Ibid., p. 522.
81 Ibid., p. 652.
82 Nicholas Wiseman (1802-1865) universitaire et archevêque de Westminster en 1850, il s’intéresse à l’apologétique et diffuse l’hypothèse de William Buckland des jours périodes élaborée dans l’ouvrage Reliquiae diluvianae (1823).
83 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 579. L’article de L’Abbevillois est daté du 27 octobre 1859.
84 Fondateur de la paléobotanique évolutive, le marquis de Saporta (1824-1895) s’intéresse aux espèces végétales du passé. Comme Albert Gaudry, il met en évidence les enchaînements entre les espèces végétales et diffuse les idées transformistes dans la Revue des Deux Mondes. Ses travaux sur les flores fossiles de l’époque quaternaire sont utilisés par les préhistoriens lorsqu’ils décrivent les contextes environnementaux de la préhistoire.
85 1860, 24 février, Abbeville, Jacques Boucher de Perthes au marquis Gaston de Saporta, Archives Gaston de Saporta, Bibliothèque provençale numérique.
86 Le docteur Marcel Jérôme Rigollot (1786-1854) s’est opposé à Boucher de Perthes pendant dix ans, puis a décidé de fouiller par lui-même les gisements de la Somme pour arriver enfin aux mêmes conclusions.
87 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 13-14.
88 Une mâchoire humaine est découverte dans la carrière de Moulin-Quignon près d’Abbeville en 1863. Quatrefages apporte son crédit devant l’Académie des sciences, intervenant pour la première fois publiquement en faveur de l’antiquité de l’homme. Le soupçon de fraude, diffusé principalement par les savants anglais, prend de l’ampleur et provoque une grande controverse. Des datations du début du xxe siècle accréditent la thèse de la supercherie (la mâchoire daterait du Moyen Âge). La découverte est cependant validée en France en 1863, elle marque l’aboutissement du basculement du rapport de force en faveur des partisans de l’ancienneté de l’homme : Nathalie Richard, Inventer la préhistoire. Les débuts de l’archéologie préhistorique en France, Paris, Vuibert-Adapt-SNES, 2008, p. 80-89.
89 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 163.
90 Ibid., p. 287.
91 Ibid., p. 163.
92 Cette accusation s’est révélée plusieurs fois fondée, les ouvriers, payés à la journée et au résultat, ont parfois truffé les terrains de haches qu’ils avaient eux-mêmes fabriquées, afin d’arrondir leur salaire.
93 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3.
94 Ibid., p. 201.
95 Ibid., p. 156-157.
96 Ibid., p. 236.
97 Ibid., p. 262-264
98 L’abbé Dergny est membre de la Société d’émulation d’Abbeville, vicaire de Saint-Gilles, la paroisse qui comporte le faubourg où se trouve le site de Moulin-Quignon.
99 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 129.
100 À partir de la publication du deuxième tome des Antiquités celtiques et antédiluviennes (1857).
101 Isaac de la Peyrère (1594-1676) élabore le préadamisme, thèse selon laquelle il existait des hommes avant Adam. Son ouvrage est condamné au feu par le Parlement de Paris. Arrêté à Bruxelles en 1656, il est libéré sur la promesse de se rendre à Rome pour signer une rétractation.
102 Joseph Chantrel, « Causerie scientifique », L’Univers, n° 289, 21 octobre 1859, p. 2.
103 Albert Gaudry (1827-1908) devient évolutionniste autour de 1865, après une lecture passionnée de L’Origine des Espèces qui s’ajoute à des années de recueil de données. Nommé professeur de paléontologie à la Sorbonne en 1868, il devient, en 1872, professeur de paléontologie au Muséum national d’histoire naturelle. Ses travaux fondent la paléontologie évolutive moderne. Non darwiniste et résolument finaliste, Albert Gaudry conçoit un évolutionnisme d’où s’absenterait le concept de la lutte pour la vie et qui favoriserait une description de la nature et de ses transformations sous des formes harmonieuses.
104 Joseph Chantrel, « Causerie scientifique », art. cit., p. 2.
105 Les Annales de philosophie chrétienne (1830-1913), proche du courant de la théologie traditionnaliste, se donnent pour objectif d’informer les catholiques sur les possibles concordances entre christianisme et sciences humaines.
106 Celui-ci se voit reprocher son refus de reconnaître l’historicité du déluge, et une tendance trop marquée à vieillir les origines de l’homme : Noël Coye, Arnaud Hurel (dir.), Dans l’épaisseur du temps, op. cit., p. 198.
107 Augustin Bonnetty, « Découverte d’instruments faits de main d’homme antérieurs au déluge », Annales de philosophie chrétienne, n° 116, août 1859, p. 160.
108 Fondateur de la Société française d’archéologie, Arcisse de Caumont renâcle à relayer le débat sur l’antiquité de l’homme. Une dizaine d’années après la reconnaissance de cette question en 1859, il rédige un manuel d’archéologie à destination des écoles primaires qui rend néanmoins compte des temps préhistoriques : Arcisse de Caumont, Archéologie des écoles primaires, Caen, Le Blanc, Hardel, 1868 ; Monique Remy-Watte, « 1859 et la naissance de l’archéologie préhistorique en Normandie », in Noël Coye, Arnaud Hurel (dir.), Dans l’épaisseur du temps, op. cit., p. 236.
109 Léonce Élie de Beaumont (1798-1874) succède à Georges-Louis Cuvier au Collège de France puis devient titulaire de la chaire de géologie de l’École des Mines, et Secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences en 1853.
110 Victor Meunier, La Science et les savants en 1867, Paris, Germer-Baillière, 1868, p. 211, cité par Ernest Hamy, Précis de paléontologie humaine, Paris, Baillière et fils, 1870, p. 33.
111 L’abbé Jean-Benoît Cochet (1812-1875) pratique ses premières fouilles en 1835, encore séminariste : Monique Remy-Watte, « 1859 et la naissance de l’archéologie préhistorique en Normandie », art. cit., p. 218.
112 Ibid., p. 222.
113 Jean-Benoît Cochet, « Hachettes diluviennes du bassin de la Somme. Rapport adressé à M. le sénateur préfet de la Seine-Inférieure », Mémoires de la Société d’émulation historique et littéraire d’Abbeville, 1860, p. 617.
114 Jean-Benoît Cochet, « Une visite aux sablières de Saint-Acheul, par M. l’abbé Cochet, membre de la Société française d’archéologie », Bulletin monumental, t. 27, 1861, p. 65-70.
115 1860, 22 et 27 décembre, abbé Jean-Benoît Cochet à Jacques Boucher de Perthes, Transcription des lettres de l’abbé Cochet conservée à la Bibliothèque municipale d’Abbeville : Monique Remy-Watte, « 1859 et la naissance de l’archéologie préhistorique en Normandie », art. cit., p. 233.
116 Ibid., Monique Remy-Watte.
117 Fils d’un aristocrate émigré pendant la Révolution française, devenu pair de France à son retour pendant la Restauration, le marquis Paul de Vibraye (1809-1878) fréquente plusieurs sociétés savantes et rassemble une très riche collection archéologique, léguée au Muséum en 1894 ; Émile Cartailhac, Henri Breuil, « Les œuvres d’art de la collection de Vibraye au Muséum national », L’Anthropologie : Mémoires originaux, t. 18, Masson et Cie, 1907, p. 1-9.
118 Paul de Vibraye, « Note sur les ossements fossiles accompagnés d’une mâchoire humaine, trouvés dans les grottes d’Arcy-sur-Yonne », Bulletin de la Société géologique de France, 2e série, t. 17, séance du 16 avril 1860, p. 465.
119 Ibid., p. 463.
120 Ibid., p. 471.
121 Ibid.
122 Ibid., p. 473.
123 Émile Cartailhac, Henri Breuil, « Les œuvres d’art de la collection de Vibraye au Muséum national », art. cit., p. 2.
124 Ibid., p. 5.
125 Sans consigner scrupuleusement le résultat de ses fouilles, il enrichit sa collection de milliers d’objets issus des sites de Laugerie-Basse, La Chaise. Sur le site de Laugerie-Basse (Dordogne), il est l’inventeur, en 1864, de la première statuette humaine découverte en France, qu’il baptise la « venus impudique ».
126 Émile Cartailhac, Henri Breuil, « Les œuvres d’art de la collection de Vibraye au Muséum national », art. cit., p. 3-4.
127 Paul de Vibraye, « De quelques fossiles », Le Monde, 2e année, n° 325, 27 novembre 1861, p. 1-3.
128 Paul de Vibraye, Quelques observations sur un article de la « Sentinelle du Jura » reproduit par « Le Monde », Paris, Imprimerie de Divry, 1861.
129 Paul de Vibraye, « De quelques fossiles », art. cit., p. 2.
130 Ibid.
131 Émile Cartailhac, Henri Breuil, « Les œuvres d’art de la collection de Vibraye au Muséum national », art. cit., p. 8.
132 Le docteur Eugène Robert (1806-1882) intervient à de nombreuses reprises entre 1860 et 1865 à l’Académie des sciences pour contester l’ancienneté des vestiges et l’existence d’un âge de la pierre : Nathalie Richard, Inventer la préhistoire, op. cit., p. 89.
133 Paul de Vibraye, « Nouvel examen des silex de Pressigny-le-Grand », Comptes rendus de l’Académie des sciences, séance du 17 juillet 1865, p. 105-108.
134 Édouard Lartet, Henry Christy, « Sur des figures d’animaux gravées ou sculptées et autres produits d’art et d’industrie rapportables aux temps primordiaux de la période humaine », Revue archéologique, t. 9, 1864, p. 233-267.
135 Marc Bloch, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien, Paris, Armand Colin, 1997, p. 38.
136 Adrien Arcelin, « La question préhistorique », Extrait du Correspondant, Paris, Douniol, 1873, p. 36.
137 1860, 24 février, Abbeville, Jacques Boucher de Perthes au marquis Gaston de Saporta, Archives Gaston de Saporta, Bibliothèque provençale numérique.
138 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 2, p. 338-339.
139 Jean Baubérot, Micheline Milot, Laïcités sans frontières, Paris, Le Seuil, 2011, p. 12.
140 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 3, p. 65.
141 Ce terme a été repris de Reinhardt Koselleck par François Hartog : François Hartog, Régime d’historicité, présentisme et expérience du temps, Paris, Le Seuil, 2003.
142 Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes, op. cit., t. 2, p. 315.
143 Ibid.
Haut de pageTable des illustrations
Titre | Figure 1. Mâchoire et coupe de Moulin-Quignon, in Jacques Boucher de Perthes, Antiquités celtiques et antédiluviennes. Mémoire sur l’industrie primitive et les arts à leur origine, t. 3, Paris, Treuttel et Wurtz, 1864, planche 3. |
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URL | http://journals.openedition.org/rh19/docannexe/image/7455/img-1.jpg |
Fichier | image/jpeg, 296k |
Titre | Fig. 2. Salle de l’âge de la pierre (salle I du musée gallo-romain, château de Saint-Germain-en-Laye), illustration d’Auguste Deroy, Le Monde illustré, 11 janvier 1868. |
Crédits | © Photo musée d’Archéologie nationale/Valorie Gô. |
URL | http://journals.openedition.org/rh19/docannexe/image/7455/img-2.jpg |
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Pour citer cet article
Référence papier
Fanny Defrance-Jublot, « La fabrique d’une ancestralité préhistorique et spiritualiste en France : Jacques Boucher de Perthes (1849 à 1868) », Revue d'histoire du XIXe siècle, 62 | 2021, 23-43.
Référence électronique
Fanny Defrance-Jublot, « La fabrique d’une ancestralité préhistorique et spiritualiste en France : Jacques Boucher de Perthes (1849 à 1868) », Revue d'histoire du XIXe siècle [En ligne], 62 | 2021, mis en ligne le 02 janvier 2024, consulté le 17 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/rh19/7455 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rh19.7455
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