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AccueilNumérosVol. 51 - n° 4Comptes rendusVivre à l’Est, travailler à l’Oue...

Comptes rendus

Vivre à l’Est, travailler à l’Ouest : les routes roumaines de l’Europe, S. Potot

L’Harmattan, Paris (2007). 232 p.
Lamia Missaoui
p. 561-563
Référence(s) :

Swanie Potot, Vivre à l’Est, travailler à l’Ouest : les routes roumaines de l’Europe, L’Harmattan, Paris, 2007, 232 p.

Texte intégral

1Cet ouvrage propose un éclairage sociologique des circulations migratoires roumaines en s’appuyant sur de nombreuses enquêtes de terrain. Le constat de départ montre qu’en Europe les migrations internationales sont désormais marquées par un triple processus : d’abord le fait que l’ouverture des frontières des pays de l’Est vers l’ensemble des États du monde dans les années 1990 a permis l’apparition de mobilités jusqu’alors proscrites à l’intérieur même de la grande Europe. Ensuite et en parallèle, la construction de l’Union européenne s’est accompagnée d’une volonté forte de fermeture des frontières externes. Au demeurant, l’évolution du marché du travail occidental dans un contexte de mondialisation économique a favorisé l’exploitation d’une main-d’œuvre bon marché où les travailleurs étrangers en situation précaire jouent un rôle clé.

2C’est à partir de ce constat que l’auteur Swanie Potot pose la problématique de l’émergence de formes migratoires originales basées sur la capacité des acteurs migrants à circuler et à investir de façon temporaire des espaces circulatoires de plus en plus nombreux en dépit des restrictions législatives les concernant.

3Nous apprendrons qu’en réalité ces migrations temporaires de travail prennent une place de plus en plus grande dans la vie sociale et économique de la Roumanie. Constat qui pousse l’auteur à comprendre comment ces nouveaux migrants ont réussi, en quelques années seulement, à construire des espaces de circulations transnationaux en l’absence de toute instance officielle ou structure communautaire les organisant. Ces migrants ont mis à profit une capacité de se « débrouiller » dans des espaces informels, acquise sous la dictature, pour gérer leur situation de clandestins ou de travailleurs au noir à l’étranger. Swanie Potot porte un intérêt particulier aux effets de contexte : l’analyse sociohistorique lui permet ainsi une appréhension sociologique tout à fait pertinente.

4L’ouvrage trouve un intérêt supplémentaire dans l’actualisation de situations que l’on croyait révolues surtout concernant les migrations transnationales venant des pays d’Afrique du Nord ou subsahariens. C’est dans cet espace qu’il analyse la mobilité des travailleurs roumains, et d’abord celle de la classe sociale des migrants roumains qui se rapproche des classes moyennes françaises. Ces derniers migrent pour maintenir un niveau de vie convenable, quitte à se sentir et à être totalement déclassés quand il s’agit des métiers exercés dans les pays d’accueil. Ensuite, le retour dans les villages ou villes d’origine des personnes travaillant temporairement à l’ouest permet de voir des exemples de réussite sociale importante même en cette période de crise. Les nouvelles formes migratoires montrent souvent des populations qui ne retournent pas aussi aisément et aussi rapidement dans les pays, villes ou villages d’origine pour s’y installer. Sans conteste, se pencher sur les pays en « transition » et en comprendre les différentes formes migratoires permet de renouveler les approches sociologiques du point de vue méthodologique mais aussi théorique.

5L’ouvrage de Swanie Potot est organisé en deux parties : la première très descriptive peut paraître parfois longue et trop didactique, mais elle a le mérite de retracer le parcours de plusieurs réseaux de migrants en s’intéressant aux diverses situations d’arrivées et de départs.

6La deuxième partie, quant à elle, analyse les organisations sociales qui rendent possibles les mobilités collectives : les entraides ponctuelles, les collaborations momentanées se caractérisent parfois par leur rareté et obligent à la « débrouille » sur place, à repérer des niches socioéconomiques particulières, supports aux diverses initiatives des migrants roumains. Les réseaux migratoires, supports aux initiatives économiques des populations étudiées, paraissent très clairement lisibles et l’auteur fait preuve d’une véritable inventivité pour appréhender au plus près ces réalités sociales. Ainsi, les parcours de migrants roumains illustrent différentes modalités de construction d’espaces circulatoires en Europe connectant des individus que la « transition économique » a fragilisés chez eux, à des espaces socioéconomiques qui nécessitent de la main-d’œuvre bon marché. La grande mobilité des migrants et la mise en réseau agissent comme des ressources qui les rendent moins vulnérables dans un contexte particulièrement incertain. Dans tous les cas les exemples exposés font apparaître la place de ces migrations dans la structure des emplois des pays développés capitalistes : les migrants roumains investissent des enclaves correspondant aux secteurs économiques qui requièrent une main-d’œuvre particulièrement flexible et peu chère et, surtout, que l’on ne peut délocaliser à l’étranger.

7C’est une véritable sociologie du mouvement que l’auteur veut tout d’abord mettre en avant dans sa volonté d’appréhender le phénomène migratoire dans sa totalité sociale et géographique en l’inscrivant dans un mouvement incessant, à tel point qu’elle-même mimétise son objet de recherche en quittant une certaine forme de sédentarité et en se mettant en mouvement à son tour, seule façon pour discerner comment à travers leurs carrières migratoires les populations concernées par sa recherche conjuguent divers lieux qui correspondent à des emplois, des statuts et des identités variables.

8La richesse de cet ouvrage réside dans une analyse des migrations reposant sur le paradigme des « territoires circulatoires » qui ne se limite pas à l’énoncé des contrastes entre populations locales sédentaires (des pays d’accueil et de départ) et circulants internationaux, mais qui mettent en exergue les multiples articulations entre les unes et les autres.

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Pour citer cet article

Référence papier

Lamia Missaoui, « Vivre à l’Est, travailler à l’Ouest : les routes roumaines de l’Europe, S. Potot »Sociologie du travail, Vol. 51 - n° 4 | 2009, 561-563.

Référence électronique

Lamia Missaoui, « Vivre à l’Est, travailler à l’Ouest : les routes roumaines de l’Europe, S. Potot »Sociologie du travail [En ligne], Vol. 51 - n° 4 | Octobre-Décembre 2009, mis en ligne le 26 novembre 2009, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/sdt/17459 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.17459

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Auteur

Lamia Missaoui

UMR 8085, laboratoire Printemps, université de Versailles–Saint-Quentin en Yvelines, 47, boulevard Vauban, 78047 Guyancourt cedex, France
lamia.missaoui[at]printemps.uvsq.fr

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Droits d’auteur

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Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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