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Travail et reconnaissance au prisme de l’utilité sociale

Développement anthropogénétique et reconnaissance de l’utilité sociale du travail

Anthropogenetic development and recognition of the social utility of work
Robert Boyer

Résumés

La célébration des héros de la lutte contre la pandémie marque-t-elle la reconnaissance de l’utilité sociale, ou encore de l’utilité commune, comme fondement de la hiérarchie des rémunérations ? Le déclassement du travail dans la santé et l’éducation est le résultat de l’internationalisation, de la déréglementation et de la financiarisation, stratégies poursuivies en France par les gouvernements depuis plus de deux décennies et que les mouvements sociaux ne sont pas parvenus à bloquer. La Covid-19 révèle le sous-investissement dans les équipements et les compétences du secteur de la santé, ce que l’abondance de crédit public consécutif à la sortie de la crise économique de 2008 aurait permis de surmonter. En fait, depuis la Seconde Guerre mondiale, silencieusement, émerge un mode de développement original fondé sur la production de l’humain par le travail dans la santé, l’éducation et la culture. Ce mode anthropogénétique gagnerait à être reconnu comme tel et pourrait devenir l’enjeu d’un débat citoyen. Son épanouissement suppose que les États-Nations puissent discipliner tant l’internationalisation que la financiarisation. Cette histoire n’est pas encore écrite.

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Notes de la rédaction

Premier manuscrit reçu le 28 mai 2021 ; article accepté le 2 novembre 2021.
 

Texte intégral

1. La Covid-19, un révélateur de la configuration du travail

1Alors que l’évolution de la hiérarchie des salaires s’inscrit dans la longue période, il est des événements qui révèlent brutalement des caractéristiques longtemps sous-estimées et donc négligées par les pouvoirs publics. L’irruption de la Covid-19 appartient à cette catégorie puisqu’elle invite à penser à nouveau la question du travail dans les sociétés contemporaines. Dans la plupart des sociétés, même celles dont les gouvernements défendaient traditionnellement une politique libérale, les responsables constatent que les métiers qui sont au premier rang de la lutte contre la pandémie sont aussi ceux qui étaient les plus invisibles et par conséquent au bas de l’échelle salariale. Les métiers du soin apparaissent comme essentiels (Fleury, 2019). L’opinion publique prend conscience du rôle que jouent le personnel soignant, les salariés de la distribution, de la logistique, tout comme l’importance de l’alimentation et des produits agricoles. C’est dans ce contexte que réapparaît une notion centrale à l’issue de la Seconde Guerre mondiale : les rémunérations devraient refléter l’utilité sociale appréciée au niveau de la société et non pas le pouvoir de marché dont jouit chaque individu ou profession (Naszalyi, 2008).

2Dans la pensée économique, l’adoption du concept d’économie de marché conduit à opposer travail marchand et travail domestique ou, plus généralement, toute activité non rémunérée par le marché, telles les activités de service public. De leur côté, les auteurs qui se réfèrent au concept de capitalisme mettent en avant la distinction entre travail productif, c’est-à-dire rapportant profit, et travail improductif, catégorie qui regroupe activités domestiques, travail pour le compte de l’État ou au sein d’une association. Les théories économiques proposent d’autres types de séparation encore : par exemple, chez Piero Sraffa, entre biens essentiels, au sens où leur caractère productif contribuerait au taux de profit de l’ensemble de l’économie, et autres biens, notamment de luxe, qui se limitent à redistribuer le profit, ou, chez les successeurs de Joseph Schumpeter, entre biens traditionnels faisant l’objet de production routinière et innovation de produit ou de procédé, seuls les biens issus de l’innovation générant un profit net positif.

3La congélation de l’activité économique, décidée pour répondre par des moyens non médicaux à un virus inconnu et présumé dangereux, a posé en 2020 un problème nouveau (Boyer, 2020). Quelles sont les activités permettant d’assurer la survie d’une population, l’impératif sanitaire se substituant à l’impératif économique ? Voilà que ressort en positif le travail de différentes catégories de la population qui étaient invisibles ou négligées, comme en témoigne la faiblesse des rémunérations dont celles-ci bénéficiaient. En quelque sorte, quelle devrait être la hiérarchie des salaires dans une société dominée par la « biopolitique », entendue comme gestion de la sécurité sanitaire, et non plus nécessairement par la maximisation de la consommation de biens et de services ?

4Le présent article propose une rétrospective de la problématique qui a resurgi du fait de la Covid-19. Dans un premier temps il importe de souligner la multiplication des conflits sociaux qui ont porté sur le manque de personnel et d’équipement et la faiblesse des rémunérations, principalement dans le secteur de la santé et de l’hospitalisation en particulier, mais aussi dans l’éducation, la recherche et la culture. On peut même y rattacher le malaise du monde paysan, du fait de la pression sur les coûts de production liée à l’accentuation de la concurrence sur des marchés déréglementés (titre 2). Il faut ensuite s’interroger sur les raisons d’un renversement aussi brutal des représentations qu’invoquent les politiques depuis 2020. Paradoxalement, c’est le long travail d’érosion du statut des salariés et des modes de régulation institutionnalisée qui rendent compte du fait qu’une série de transformations silencieuses et réputées marginales finissent par se cumuler en engendrant des situations nouvelles qu’un événement réputé fortuit vient révéler. Deux mécanismes au moins sont à l’œuvre : le durcissement de la concurrence sur les marchés pour les activités traditionnelles, et l’impératif de contrôle des dépenses publiques afin de limiter les prélèvements obligatoires (titre 3).

5L’heure du mode de développement anthropogénétique aurait-elle sonné, puisque l’impératif de conservation de la vie humaine façonne de longue date la dynamique des systèmes de santé ? Dans cet article, on qualifiera ainsi le mode de développement fondé sur la production de l’humain par le travail dans la santé, l’éducation ou encore la culture. Rappelons que, dans la théorie économique de la régulation, le concept de mode de développement, défini comme une articulation du régime d’accumulation et du mode de régulation, permet de rendre compte des fondements sur lesquels les économies peuvent asseoir leur croissance dans une phase de leur développement et faire jouer à des activités un rôle central et moteur. Au-delà de la santé, le mode de développement anthropogénétique implique aussi de façon déterminante l’éducation mais aussi la culture. C’est un facteur essentiel pour analyser comment une pandémie peut ou non renforcer une tendance quasi-séculaire à la croissance des dépenses d’éducation, de santé et de culture, c’est-à-dire de production de l’humanité par le travail (titre 4). Dès lors, comment faire émerger un tel mode de développement ? Si les économistes comptent traditionnellement sur la concurrence marchande et des incitations pour corriger d’éventuelles failles du marché, la comparaison internationale suggère de façon récurrente que les systèmes de santé et d’éducation sont d’autant plus inefficaces qu’ils reposent, précisément, sur de purs mécanismes marchands. A contrario, les économies dominées par des systèmes à vocation universelle organisés par le secteur public enregistrent une plus grande efficacité et de moindres inégalités (titre 5). Dès lors, quels pourraient être les mécanismes alternatifs permettant d’assurer la pleine reconnaissance de l’utilité sociale comme base de la rémunération du travail ? La négociation collective, la délibération politique et l’imposition étatique de règles du jeu peuvent contribuer, sous certaines conditions, à cet objectif. Cela ouvre d’autres perspectives à l’intervention publique en vue de faire prévaloir une forme ou une autre d’intérêt général (titre 6). Il ne faut pas pour autant sous-estimer l’ampleur de la tâche, après plusieurs décennies dominées par la croyance en le caractère autorégulateur des marchés. En effet, l’État, qui était supposé être le problème du fait de sa mauvaise gestion, peut-il devenir le vecteur d’un mode de développement qui n’a pas de précédent historique ? La réorientation de la consommation en faveur des biens publics et tutélaires appelle un compromis institutionnalisé fondateur, orientant le mode de développement vers une priorité accordée à la santé, à l’éducation mais aussi à la culture (titre 7).

2. Un paradoxe : le travail le plus essentiel est le moins rémunéré

6La décennie 2010 avait été marquée par la difficile sortie de la crise de l’euro et par une série d’ajustements liés au ralentissement de la croissance et à l’adoption de mesures de contrôle des dépenses publiques. Il en avait résulté certaines revendications des salariés du secteur public, tout particulièrement à l’hôpital et au sein du système éducatif : les revendications soulignaient l’intensification du travail et les difficultés de recrutement, en particulier du fait de la faiblesse des rémunérations. Le pouvoir politique avait invoqué l’impossibilité de les satisfaire du fait de la dureté des contraintes économiques et de la situation des finances publiques.

7L’irruption de la Covid-19 marque une rupture, puisque la décision de confinement conduit à une congélation de l’activité économique à l’exception des secteurs clés dans la survie et la vie quotidienne de la population. C’est dans ce contexte qu’émerge la distinction entre activités essentielles et non essentielles. Les travailleurs hier invisibles voient reconnue leur utilité sociale : personnel soignant, caissières, agriculteurs et travailleurs du secteur agro-alimentaire, transporteurs. Or il ressort que ce sont en général les catégories socio-professionnelles qui sont les plus mal rémunérées (tableau 1).

Tableau 1. Salaires mensuels nets moyens selon le secteur d’activité en France en 2017

Tableau 1. Salaires mensuels nets moyens selon le secteur d’activité en France en 2017

France hors Mayotte, salariés en équivalents temps plein du secteur privé et des entreprises publiques, compris les bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation. Sont exclus les apprentis, stagiaires, salariés agricoles et salariés des particuliers employeurs.
Code de couleur : rouge : salaires les plus bas dans les secteurs à forte utilité sociale ; bleu : salaires typiques du mode de croissance du passé, dit fordiste ; vert : salaires les plus élevés, secteur émergent, financier.

Source : INSEE, DADS.

8Si l’on excepte le secteur de l’hébergement et de la restauration, les travailleurs des secteurs essentiels à la lumière de la lutte contre la Covid-19 (en rouge dans le tableau 1) sont effectivement au bas de la hiérarchie des revenus : administration publique, enseignement, santé humaine et action sociale, fabrication des denrées alimentaires, commerce et réparation. Le pouvoir politique est contraint de reconnaître cet écart entre la contribution au bien-être de la population et la reconnaissance de la société à travers le prestige et la rémunération.

9Le présent article développe une hypothèse centrale : la pandémie révèle brutalement l’émergence contrariée d’un mode de développement original dans lequel le travail se dirige essentiellement vers la production de l’humain à travers l’éducation, la formation, la santé et la culture. On peut le qualifier d’anthropologique au sens de la production de l’homme par l’homme et non pas du capital pour le capital. Or, en France et dans nombre de pays européens, les services correspondants sont produits au sein du secteur public et ils ont fait l’objet de mesures d’économie pour des raisons tenant à la politique générale visant à la compétitivité de l’économie. Après plusieurs décennies, leur organisation et leur système de rémunération enregistrent ce déclassement. En effet, le mode de développement fordiste entre en crise et son impact macroéconomique s’érode. Cependant, il continue à assurer des revenus relativement élevés comme en témoigne par exemple, en bleu dans le tableau 1, la fabrication de matériel de transport. Par ailleurs, la domination de la finance tend à instaurer un nouveau mode de développement impulsé par l’innovation et la globalisation financière. Même si ce mode ne parvient pas à s’établir en France — contrairement aux cas des États-Unis et du Royaume-Uni (Boyer, 2015a) —, la hiérarchie salariale s’en trouve transformée par la forte croissance des revenus tirés de la finance (en vert dans le tableau 1). En quelque sorte, par le passé, le mode anthropogénétique n’est pas parvenu à s’exprimer du fait de ce double mouvement : le statut, dominé, de ses artisans est la conséquence de cet échec.

10Est-il concevable que la Covid-19 marque une rupture ? Répondre à la question appelle une mise en perspective de la situation présente.

3. La conséquence de deux décennies de transformations silencieuses

11Un bref retour historique s’impose. L’après Seconde Guerre mondiale marque une rupture majeure en matière d’organisation économique. Les évolutions catastrophiques des années 1930 ne doivent plus se reproduire grâce à de vigoureuses et complémentaires interventions de l’État dans les relations professionnelles, le crédit, la production et la couverture sociale. Le préambule des constitutions réaffirme un principe présent dans la déclaration des droits de l’Homme : « Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». En l’occurrence, ce principe se décline dans le domaine des rémunérations : elles ne doivent plus dériver d’une régulation concurrentielle mais résulter des négociations et des conventions collectives, mais aussi de règles édictées par les autorités publiques, par exemple en matière de salaire minimum. La hiérarchie des salaires tend à obéir à une logique d’institutionnalisation, modulée par les hauts et les bas de la conjoncture économique. De fait les inégalités en sont fortement réduites, ce qui contribue à la dynamique d’une consommation de masse contrepartie de la production de masse, mais aussi à la légitimité de ce régime socio-économique.

12Le dynamisme des gains de productivité, typique de cette synergie, autorise de plus l’insertion à titre viager des salariés dans la société grâce à une progressive extension de la couverture sociale : allocations familiales, indemnisation du chômage, assurance santé, retraites, sans oublier l’accès à l’éducation puis la formation professionnelle. En France, l’État est au cœur de ce processus non seulement en tant que garant des droits sociaux mais aussi comme producteur des services de santé, d’éducation et même culturels (Delorme et André, 1983). Tel est l’un des ressorts de l’exceptionnelle croissance observée jusqu’aux années 1970. On le sait, cette époque s’achève du fait du tarissement des gains de productivité et de l’accélération de l’inflation, soit une crise qui implique la recherche tâtonnante d’un autre mode de développement.

13Déréglementation restaurant progressivement des mécanismes concurrentiels et ouverture à la concurrence internationale, qui implique d’amples restructurations industrielles, conjuguent leurs effets pour éroder l’efficacité d’une configuration fondée sur l’intermédiation par l’État dans la plupart des domaines. La décentralisation et l’individualisation de la formation des salaires remettent en cause la hiérarchie qui résultait de compromis socio-politiques de l’après-guerre. La couverture sociale et la fiscalité sont alors mobilisées pour corriger la distribution primaire des revenus. Or l’innovation et la globalisation financière permettent une mobilité sans précédent du capital, ce qui finit par réduire la base taxable. Il est donc de plus en plus difficile de financer non seulement les transferts sociaux mais aussi les services publics tout particulièrement de santé, dont les coûts croissent plus vite que dans le reste de l’économie (figure 1).

Figure 1. De la reconnaissance des services publics à la négation de l’utilité sociale de ceux qui les produisent

Figure 1. De la reconnaissance des services publics à la négation de l’utilité sociale de ceux qui les produisent

14Ainsi s’opère un renversement historique dans le principe de formation des revenus. Dans le passé, le financement par l’État des services publics se justifiait par la prise en compte des priorités fixées par le politique, et le dynamisme de l’économie autorisait cette relative autonomie. Depuis les années 2000, ce sont les contraintes pesant sur les finances publiques qui font du traitement des fonctionnaires, des enseignants et du personnel médical public autant de variables d’ajustement. Cette évolution paraissait inéluctable, car elle était perçue comme la conséquence d’une logique systémique, celle impulsée par le néolibéralisme. Elle avait fini par s’imposer, au-delà des protestations des personnels dont s’intensifiait le travail et se détériorait la rémunération relativement au secteur privé.

4. La Covid-19 rend possible la reconnaissance du mode de développement anthropogénétique

15Cet événement, inattendu pour la plupart des gouvernements mais pas pour les experts de l’épidémiologie, vient souligner que le système de santé n’est pas qu’un coût qu’il conviendrait de limiter car c’est un actif essentiel dans la lutte contre les maladies et tout particulièrement les épidémies (Boyer, 2020). Les économistes redécouvrent que le secteur de la santé contribue à la qualité de la vie en réduisant la morbidité, en étendant l’espérance de vie en bonne santé et donc en permettant l’activité économique. Il a pour fonction de produire un bien fondamental, prémisse aux activités de l’homme en société, la sécurité sanitaire. Le travail des soignants devrait donc être reconnu comme contribuant au bien commun.

16Il en est de même pour les enseignants. La fermeture des écoles lors du premier confinement convainc nombre de parents que l’éducation est un métier à part entière et qu’il est essentiel dans la transmission du savoir et l’organisation des temps sociaux. Traditionnellement, l’investissement dans l’éducation générale et la formation est crucial et son rendement croît avec l’allongement de la durée du cycle de vie, permis par les politiques de santé. Ainsi le succès du développement résulte-t-il d’un processus circulaire : les entreprises forment le capital productif mis en œuvre grâce aux dépenses d’éducation qui contribuent à un capital social. Si l’on adopte cette problématique, une stratégie en matière de santé et d’éducation peut être constitutive d’un mode de développement original — d’autant plus qu’elle contribue à former la citoyenneté, si essentielle dans la formation des compromis qui légitiment tout mode de développement viable (figure 2).

Figure 2. Santé et éducation au cœur du mode de développement anthropogénétique

Figure 2. Santé et éducation au cœur du mode de développement anthropogénétique

17Au-delà même de la récurrence des pandémies que la Covid-19 laisse augurer, la pleine reconnaissance de cette logique de production de l’humain par le travail fournit une boussole et un critère dans la reconnaissance de l’utilité sociale. C’est redécouvrir les vertus d’un mode de développement anthropogénétique qu’il était possible de détecter dès les années 1990 (Boyer, 2015a). Cependant, son plein épanouissement suppose des processus d’institutionnalisation suffisamment robustes pour contenir la domination d’une logique marchande de concurrence.

5. Les failles d’une régulation purement marchande : le contre-modèle américain

18En effet, à leur façon les États-Unis explorent ce mode de développement, longtemps passé inaperçu tant les analystes se sont concentrés sur les raisons de la croissance de la part des dépenses de santé dans le Produit intérieur brut (PIB), entendue comme phénomène préjudiciable au dynamisme de l’économie américaine. De fait, l’ensemble des dépenses contribuant à la santé, l’éducation, la culture, n’a cessé de croître depuis l’entre-deux-guerres au point de représenter dans les années récentes un tiers du PIB. Cette trajectoire mérite réflexion car elle illustre les conséquences de la mise en œuvre du principe de concurrence sur toutes les composantes du système : entre les différentes assurances privées, entre les divers prestataires de soins, y compris même certaines formes innovantes intégrant le caractère bénéfique des mesures de prévention. Contrairement à l’attente des tenants de la supériorité des marchés, les États-Unis sont le pays le plus dispendieux et simultanément le plus inégalitaire (Henriet et Rochet, 1998).

19En effet, il est frappant qu’au sein des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ressorte une corrélation a priori surprenante : l’importance du financement public de la santé tend à modérer la part des dépenses totales de santé dans le PIB, un exemple frappant étant celui du Royaume-Uni et de son National Health Service (NHS) — voir la figure 3. Ce résultat est très général puisqu’on le retrouve aussi pour des pays en voie de développement, par exemple en Amérique Latine car plus il est fait appel à une couverture individuelle du risque de santé, plus importantes sont les dépenses totales de santé. De la même façon, dès lors que l’essentiel du système de santé est privé, les inégalités d’accès s’en trouvent renforcées. Les données pour les pays de l’OCDE confirment cette relation (figure 4).

20Ainsi, efficacité et justice sociale ne sont pas garanties par le recours au marché mais par des procédures organisant la solidarité au niveau de la nation. Les recherches les plus récentes confirment la divergence des espérances de vie en fonction du degré de couverture du risque d’accident de santé (Case et Deaton, 2021). Lorsque l’on prend en compte le caractère de bien public lié à la santé publique, on comprend mieux cet échec des stratégies inspirées par le néolibéralisme.

Figure 3. Plus la part du financement public est importante, moindres sont les dépenses totales de santé

Figure 3. Plus la part du financement public est importante, moindres sont les dépenses totales de santé

Source : Dominique Henriet et Jean Charles Rochet (1998), « Les justifications des interventions publiques dans les systèmes de santé », Économie publique, n° 2, p. 17.

Figure 4. La part des dépenses publiques de santé est corrélée avec la redistribution des revenus

Figure 4. La part des dépenses publiques de santé est corrélée avec la redistribution des revenus

Source : Dominique Henriet et Jean Charles Rochet (1998), « Les justifications des interventions publiques dans les systèmes de santé », Économie publique, n° 2, p. 18.

21Au demeurant, la concentration de certains fournisseurs de biens contribuant à la santé, par exemple l’industrie pharmaceutique, peut construire un pouvoir de monopole qui renchérit le coût de la santé tout en constituant un obstacle à l’accès aux soins pour les plus défavorisés. Par contraste, les soignants peuvent subir de plein fouet leur mise en concurrence en modérant leur rémunération. L’inégalité se retrouve aussi au sein des prestataires des soins médicaux.

22La configuration française est bien différente mais elle confirme la détérioration des résultats de santé publique pour les patients, et le décrochage des rémunérations par rapport aux secteurs qui s’intègrent au commerce mondial et/ou bénéficient de la financiarisation. Les données du tableau 1 supra sont éclairantes. Deux mécanismes contribuent à ouvrir une brèche entre les rémunérations des travailleurs de la santé et leur utilité sociale. D’un côté, le chômage apparaît comme un régulateur des rémunérations, mais de l’autre c’est l’intervention publique dans la modération salariale qui explique un décrochage durable par rapport aux évolutions beaucoup plus favorables lors des Trente Glorieuses. L’arrivée de la pandémie révèle brutalement cet écart et montre comment une succession d’ajustements inspirés par une bonne gestion comptable peut déboucher sur une crise sanitaire : insuffisance des équipements médicaux, réduction des lits d’hospitalisation, pression sur le temps et l’intensité du travail des soignants dont le recrutement avait été rendu difficile par la modestie des rémunérations comparées à l’importance des responsabilités (figure 5).

23Trois autres facteurs aggravent encore le statut du personnel soignant. D’abord à l’hôpital, l’application des techniques de gestion du secteur privé vise à une taylorisation du travail médical et de soin, quitte à heurter le sens du travail bien fait sans pour autant bénéficier des gains de productivité typiques de l’industrie (Velut, 2020). Ensuite, les patients eux-mêmes souffrent de la primauté accordée à une approche technique au détriment de l’humanité du soin en réponse à leur vulnérabilité, ce qui en retour choque l’éthique professionnelle des soignants (Fleury, 2019). Enfin, les processus de décision sont essentiellement technocratiques et font peu de place aux demandes des citoyens qui pourraient défendre l’intérêt commun et donc contribuer à faire reconnaître l’utilité sociale du travail de soin (Gaudillière et al., 2021).

Figure 5. Les deux vecteurs de la dévalorisation des métiers essentiels

Figure 5. Les deux vecteurs de la dévalorisation des métiers essentiels

6. La délimitation des activités contribuant au mode de développement anthropogénique

24Il importe d’abord de lever une ambiguïté : pour nombre de lecteurs des travaux sur ce mode, la santé serait en fait le secteur crucial, car éducation et culture joueraient un rôle secondaire. La présentation synthétique de la figure 2 donne au contraire le primat à l’éducation puisque, d’une part, celle-ci façonne les attitudes concernant la prévention et la santé publique et, d’autre part, la formation des compétences et des talents est l’un des déterminants de la capacité d’adaptation au changement et à l’innovation qui sont autant de ressorts de la croissance. À son tour, cette dernière fournit les moyens financiers de mise en œuvre de la logique anthropogénétique, qu’ils soient publics ou privés. Quant à la culture, si elle contribue de façon majeure à livrer des représentations collectives, jusqu’à aider à pacifier ainsi les conflits typiques de sociétés individualistes, c’est aussi un secteur économique dynamique stimulé par les technologies de l’information et de la communication. Éducation, santé et culture ont en commun d’impliquer une transformation des individus et non pas de la matière. C’est leur conjonction qui est susceptible de soutenir un régime socio-économique anthropogénétique dans lequel les activités marchandes seraient l’auxiliaire et non pas le cœur de l’activité économique.

25La modalité d’exercice de ces trois activités ne se résume pas l’alternative entre État et marché, comme le pourrait le laisser entendre la section 4 supra. En effet, la société civile intervient à plus d’un titre. D’une part le travail domestique est primordial dans l’humanisation des individus au sein de la famille. Par ailleurs la santé mobilise associations et mutuelles et la culture ne se résume pas au secteur public ou privé. Une part de l’économie sociale et solidaire se développe au titre de ces activités. Conceptuellement, un mode anthropogénétique pourrait reposer sur les initiatives de la société civile ; en pratique pourtant, la capacité du capitalisme à pénétrer tous les domaines de l’activité humaine bride considérablement la possibilité d’un régime régi par la logique de l’économie sociale et solidaire.

26Il serait aussi envisageable d’inclure la filière agroalimentaire, la gestion des déchets, la distribution de l’eau et autres services, dans liste des activités contribuant au bien-être d’une population. Ce serait une façon de faire le lien avec un autre mode de développement, centré sur la prise en compte des contraintes écologiques, au moins celles qui s’expriment au niveau local, mais pas à la lutte contre le changement climatique qui fait appel à la constitution d’un commun qui dépasse les choix internes propres à chaque nation. Ce serait explorer les conditions de la reproduction matérielle et non plus seulement immatérielle des sociétés, dont éducation, formation, santé et culture sont porteurs. Enfin, la défense de la sécurité sanitaire mondiale par le renforcement du pouvoir de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en matière de recherche, de normes et de financement pourrait servir de modèle pour la création d’une institution internationale en charge de la lutte contre le changement climatique.

7. Comment faire triompher le principe d’utilité sociale en matière de rémunération ?

27C’est la question centrale dès lors que les gouvernements prendraient à nouveau au sérieux une nouvelle règle dans la formation de rémunérations, en fonction de la contribution à ce mode de développement anthropogénétique. Dans ce but, il importe de mettre en relation les caractéristiques précises de la division du travail avec les mécanismes susceptibles de faire prévaloir ce principe. C’est le propos du tableau 2 : il croise une taxonomie des relations de travail, résultat d’une analyse des transformations du rapport salarial depuis les années 1990 (Beffa et al., 1999), avec les différents mécanismes qui façonnent la formation des revenus (marché concurrentiel, pouvoir de marché, compromis entre logiques et intérêts, ordre professionnel et imposition étatique). Pour chaque configuration, il est proposé plusieurs figures emblématiques, dans l’espoir de faciliter la compréhension de ce schéma d’analyse. Le lecteur est invité à rechercher d’autres exemples car le tableau ne prétend pas à l’exhaustivité, ce n’est qu’une illustration.

Tableau 2. Selon quels processus se dégage l’utilité (sociale) d’un travail ?

Tableau 2. Selon quels processus se dégage l’utilité (sociale) d’un travail ?

28Lorsque les compétences sont faibles et transférables, le marché s’avère incapable de prendre en compte le caractère nécessaire du travail des salariés les plus modestes dont la pandémie a fait ressortir le rôle, tels les livreurs, les chauffeurs d’Uber, les caissières et dans une moindre mesure les travailleurs de la logistique. Les données statistiques du tableau 1, supra, confirment que ces catégories sont les plus mal payées. Dans ce cas, deux stratégies alternatives sont concevables. En premier lieu, c’est le concept de travail décent qui doit venir au secours des plus basses rémunérations, à travers des dispositifs assurant un mode de vie acceptable même au bas de l’échelle salariale (BIT, 1999). Mais ce principe doit être incorporé dans le code du travail de chaque pays et le processus n’est en rien automatique. En second lieu, l’instauration d’un salaire minimum vient reconnaître la valeur des types de travail concernés, à défaut d’une pleine reconnaissance de leur caractère essentiel.

29Si au contraire les compétences sont transférables mais essentielles, il se peut néanmoins que la concurrence conduise à un effondrement des revenus des actifs qui participent pourtant à des activités vitales. On songe aux agriculteurs, aux petits commerçants et aux artisans. Les enquêtes de revenus confirment que ces travailleurs ont les rémunérations les plus faibles. La solution est alors une intervention publique rééquilibrant la répartition de la valeur ajoutée. En quelque sorte, la viabilité de l’activité dont la contribution au bien-être ne peut être niée doit être assurée par une action collective. De longue date, l’activité des médecins et des infirmiers à l’hôpital public met en œuvre cette logique, pourvu que la prospérité économique générale permette la reconnaissance du secteur correspondant. En effet, un mode de développement anthropogénétique suppose la synergie entre santé publique / éducation et dynamisme économique.

30Les porteurs de compétences élevées et idiosyncratiques — compétences qu’ils sont les seuls à détenir — sont les premiers bénéficiaires de l’ouverture internationale et de la financiarisation. Traders, quants (analystes quantitatifs) et assureurs appartiennent à cette catégorie et jouissent des rémunérations les plus élevées (tableau 1, supra). Le paradoxe est que le marché, loin d’être un juge de paix impartial, permet aussi l’expression d’un pouvoir oligopolistique. Ce n’est pas la seule configuration puisque, dans les professions à statut, un ordre professionnel fixe les règles en matière d’activité, de déontologie et de rémunération. Médecins libéraux mais aussi avocats, commissaires aux comptes, notaires appartiennent à cette troisième catégorie. Il est cependant difficile de tracer la frontière entre la juste rémunération d’un service qui bénéficie à la collectivité et l’exploitation d’un pouvoir asymétrique des producteurs par rapport aux acheteurs.

31Dans les processus industriels, prévaut une polarisation mais aussi une complémentarité des tâches qui contribuent à l’élaboration d’un produit complexe. Tel était le pilier des relations d’emploi qui ont joué un rôle crucial dans le fordisme, à savoir la synchronisation entre production et consommation à travers un compromis entre capital et travail. Même si la désindustrialisation a érodé le poids de cette forme d’emploi, celle-ci demeure présente : en un sens, c’est un principe de partage institutionnalisé des gains de la division du travail au sein d’un secteur ou d’une filière. Les salariés correspondants continuent à jouir d’une rémunération médiane entre les deux extrêmes que seraient les traders d’un côté, les livreurs et les chauffeurs d’Uber de l’autre.

32Il apparaît ainsi difficile de faire prévaloir un même principe fondé sur l’utilité sociale… à moins que les conflits sociaux et les négociations consécutives à la victoire sur la pandémie ne mettent au premier plan la logique anthropogénétique. L’impératif de reconnaissance peut-il aider à son établissement (Caillé, 2007) ? Cet idéal est-il réalisable ou risque-t-il de demeurer une utopie ?

8. Les multiples obstacles à la reconnaissance de l’utilité sociale du travail

33En fait, la conjoncture comporte autant de freins que de stimulations à une refondation du mode de développement à partir des activités essentielles révélées par la pandémie.

34Les craintes d’une forte croissance du chômage lorsque seront levées les aides publiques au soutien des activités bloquées par les confinements successifs ont toutes chances d’orienter les stratégies des gouvernements, de longue date accoutumés à l’idée que le long terme n’était que la succession de décisions de court terme. De plus, le Plan européen « Nouvelle génération » se préoccupe plus de développer les techniques numériques et la lutte contre le changement climatique que de mettre au centre la question de la sécurité sanitaire et le bien-être des populations.

35La pandémie a inhibé le dynamisme de l’investissement productif, de sorte que la croissance potentielle prévisible à moyen terme a peu de chance de retrouver les rythmes élevés qui permettraient de financer simultanément la compétitivité des secteurs productifs et l’extension des dépenses de santé, d’éducation et de culture. En effet, le mode de développement anthropogénétique n’a pas les mêmes rendements croissants que le capitalisme de plateforme. On peut même imaginer que les multinationales géantes de l’information deviennent les vecteurs d’une nouvelle vague d’innovations médicales qui alimenterait plus les rentes d’innovation que la reconnaissance du travail du personnel médical et des enseignants.

36Au demeurant il ne faut pas sous-estimer l’écart entre l’organisation actuelle de l’éducation et de la santé et l’idéal du mode anthropogénétique. Dans le cas de la France par exemple, des dépenses publiques importantes consacrées à ces deux secteurs ne vont pas de pair avec l’impératif d’efficacité et de justice sociale. En effet, la qualité de leur contribution au bien-être n’est pas soumise au même contrôle par les citoyens que celui qui est institutionnalisé dans les sociétés scandinaves et tout particulièrement le Danemark (Boyer, 2015b). De même, la politique de contrôle des coûts de la santé a impliqué non seulement une compression des salaires mais encore une taylorisation du travail préjudiciable à la qualité des soins (Velut, 2020). Le secteur éducatif subit une politique analogue qui ne permet pas d’adapter les méthodes pédagogiques aux nouvelles générations et qui tarit le recrutement faute d’une rémunération suffisante. Bref, tout est affaire de mise en œuvre et de choix organisationnels et non seulement de volume des dépenses. C’est un enseignement majeur de la pandémie (Boyer, 2020).

37Alors que les gouvernements avaient été réduits à procéder à des ajustements à la marge d’un mode de développement qui s’imposait à eux, la reconnaissance de la production de l’humain par le travail suppose une progressive synchronisation entre des réformes affectant tous les pans des économies contemporaines. Mettre au premier plan la santé et l’éducation suppose une recomposition des modes de vie en faveur des services publics plutôt que des innovations privées typiques du numérique. Cela appelle aussi un réajustement des priorités gouvernementales et des budgets publics, alors que l’expérience passée montre la grande inertie des choix correspondants. Plus encore, cela implique un accord politique original dans le domaine de la fiscalité, de l’orientation des crédits, de la place de la division internationale du travail — bref, une rupture historique dont les seuls précédents se produisirent à l’issue des deux guerres mondiales (figure 6).

Figure 6. Le nécessaire réajustement de l’ensemble du mode de développement

Figure 6. Le nécessaire réajustement de l’ensemble du mode de développement

9. Conclusion

38Le concept d’utilité sociale s’inscrit dans une approche holiste des sociétés, par opposition avec celle, typiquement individualiste, en vertu de laquelle le principe de concurrence suffit à dégager un équilibre structurellement stable, tout en incorporant un principe de justice sociale : chaque travailleur devrait être rémunéré en fonction de sa productivité. La pandémie de la Covid-19 a montré la limite d’une telle conception qui débouche sur un sous-investissement dans les secteurs les plus essentiels, tout particulièrement en termes de sécurité sanitaire et de vie en bonne santé.

39Cet épisode marque un mouvement de balancier compensant plusieurs décennies au cours desquelles les travailleurs, perçus en 2020 comme essentiels, avaient vu leurs salaires et perspectives de carrière limités par la lutte contre les déficits publics. Ces politiques de réduction des coûts se sont avérées compromettre la résilience d’un système de santé et par voie de conséquence de l’économie toute entière. Réagir à l’inattendu, en particulier à la possible répétition de pandémies, exige donc une politique de long terme de formation, d’investissement en santé, et l’acceptation de certaines surcapacités qui seront mobilisées dans les situations d’urgence. Au cœur de ces processus se trouve donc la motivation des travailleurs dont l’utilité doit être reconnue non seulement symboliquement mais pécuniairement.

40Une relecture de l’histoire économique depuis la Seconde Guerre mondiale suggère que, de façon silencieuse, derrière l’explosion réputée problématique des dépenses de santé et d’éducation, émerge un mode de développement qui n’est plus centré ni sur la production et la consommation de masse, ni sur l’innovation financière, ou encore l’insertion dans les chaînes de valeur globale. Selon cette interprétation, la Covid-19 ne serait pas un simple accident révélant les faiblesses d’un régime économique, mais un accélérateur de transformations s’inscrivant en longue période. Hélas, le retard des représentations savantes pèse sur les chances d’un tel mode de développement. Il suppose la recherche d’une théorisation et d’une présentation permettant le redéploiement de stratégies individuelles qui pourraient aboutir à la maturation et reconnaissance de divers modes anthropogénétiques nationaux.

41En effet, les États-Unis donnent l’exemple d’une configuration dans laquelle la primauté du principe de concurrence a longtemps empêché la reconnaissance des inégalités croissantes tant en termes de patrimoine que d’espérance de vie. À l’opposé, les capitalismes de type social-démocrate montrent, malgré les réformes qui ont touché le modèle depuis les années 1990, que des investissements publics massifs dans l’éducation et la santé assurent non seulement la légitimité politique des gouvernements mais aussi la compétitivité des entreprises. Les inégalités de revenus sont atténuées grâce à la reconnaissance d’un large secteur public financé par une intense redistribution. Cette configuration s’oppose à celle des pays anglo-saxons dans lesquels les rentes d’innovation, en particulier dans le domaine médical, explosent alors qu’une fraction significative des travailleurs demeure sous le seuil de pauvreté.

42Ainsi, la reconnaissance du principe de l’utilité sociale n’est en rien un amendement marginal à une économie de marché : c’est plutôt une alternative, en fait assez radicale. La valeur accordée à la vie humaine devrait se répercuter dans la rémunération de tous les actifs qui contribuent au bien-être de la population. Mais la logique ne suffit pas à fonder un mode de développement car les choix politiques importent comme le montre la nouvelle présidence américaine. Une couverture sociale à vocation universelle peut-elle être le fondement d’une économie centrée sur l’innovation ? La fiscalité peut-elle être mobilisée pour redistribuer les rentes des monopoles, et ainsi mettre fin à la socialisation des risques et privatisation des profits ? Quelles sont les innovations organisationnelles qui permettraient l’épanouissement du mode de développement anthropogénétique ? Les luttes sociales et politiques décideront car nul impératif catégorique ne s’impose.

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Bibliographie

Références

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Table des illustrations

Titre Tableau 1. Salaires mensuels nets moyens selon le secteur d’activité en France en 2017
Légende France hors Mayotte, salariés en équivalents temps plein du secteur privé et des entreprises publiques, compris les bénéficiaires de contrats aidés et de contrats de professionnalisation. Sont exclus les apprentis, stagiaires, salariés agricoles et salariés des particuliers employeurs.Code de couleur : rouge : salaires les plus bas dans les secteurs à forte utilité sociale ; bleu : salaires typiques du mode de croissance du passé, dit fordiste ; vert : salaires les plus élevés, secteur émergent, financier.
Crédits Source : INSEE, DADS.
URL http://journals.openedition.org/sdt/docannexe/image/40685/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 264k
Titre Figure 1. De la reconnaissance des services publics à la négation de l’utilité sociale de ceux qui les produisent
URL http://journals.openedition.org/sdt/docannexe/image/40685/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 139k
Titre Figure 2. Santé et éducation au cœur du mode de développement anthropogénétique
URL http://journals.openedition.org/sdt/docannexe/image/40685/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 120k
Titre Figure 3. Plus la part du financement public est importante, moindres sont les dépenses totales de santé
Crédits Source : Dominique Henriet et Jean Charles Rochet (1998), « Les justifications des interventions publiques dans les systèmes de santé », Économie publique, n° 2, p. 17.
URL http://journals.openedition.org/sdt/docannexe/image/40685/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 104k
Titre Figure 4. La part des dépenses publiques de santé est corrélée avec la redistribution des revenus
Crédits Source : Dominique Henriet et Jean Charles Rochet (1998), « Les justifications des interventions publiques dans les systèmes de santé », Économie publique, n° 2, p. 18.
URL http://journals.openedition.org/sdt/docannexe/image/40685/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 92k
Titre Figure 5. Les deux vecteurs de la dévalorisation des métiers essentiels
URL http://journals.openedition.org/sdt/docannexe/image/40685/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 160k
Titre Tableau 2. Selon quels processus se dégage l’utilité (sociale) d’un travail ?
URL http://journals.openedition.org/sdt/docannexe/image/40685/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 252k
Titre Figure 6. Le nécessaire réajustement de l’ensemble du mode de développement
URL http://journals.openedition.org/sdt/docannexe/image/40685/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 176k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Robert Boyer, « Développement anthropogénétique et reconnaissance de l’utilité sociale du travail »Sociologie du travail [En ligne], Vol. 64 - n° 1-2 | Janvier-Juin 2022, mis en ligne le 02 mai 2022, consulté le 16 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/sdt/40685 ; DOI : https://doi.org/10.4000/sdt.40685

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Auteur

Robert Boyer

EHESS, Institut des Amériques
Campus Condorcet Paris-Aubervilliers
5, Cours des Humanités
93322 Aubervilliers Cedex
r.boyer2[at]orange.fr

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