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Chroniques
Notes de lecture

Sylvain Garel, le FLQ dans la cinématographie québécoise, le Front de libération du Québec en 250 œuvres

Montréal, Éditions Somme toute, 2023, 600 p.
Jean Nicolas De Surmont
p. 250-251
Référence(s) :

Sylvain Garel, le FLQ dans la cinématographie québécoise, le Front de libération du Québec en 250 œuvres, Montréal, Éditions Somme toute, 2023, 600 p.

Texte intégral

1Une mentalité de clocher nous a souvent laissé penser que seuls les natifs de notre « Belle province » pouvaient le mieux parler des sujets qui nous concernent. Voici un contre-exemple. En effet, c’est un Français, qui n’est pas inconnu des Québécois de l’industrie du film, qui signe le plus important répertoire et essai sur le film felquiste au Québec. Sylvain Garel a créé le festival du Cinéma de Blois qui s’est tenu de 1991 à 1996 dans la ville dont Jack Lang fut le maire. C’est d’ailleurs pendant cette première période que l’auteur livre un premier opus sur le cinéma canadien (S. Garel et André Paquet, dir., les Cinémas du Canada, Paris, Centre George-Pompidou, 1992). Depuis lors, Garel a travaillé à une thèse de doctorat sur le sujet mais a abandonné ce projet académique pour le présenter sous la forme d’une somme. Voilà donc ce qu’il publie après trente ans de collectes et d’infatigables recherches. Son objectif n’est pas de rénover l’historiographie du felquisme ou de la Crise d’octobre, opération conjointe la plus documentée, ni de faire l’histoire du Front de libération du Québec (FLQ) comme l’a fait son préfacier Louis Fournier, mais bien de faire une analyse de l’ensemble de la production cinématographique relative au FLQ sous toutes les formes, y compris les balados, émissions de radio, documentaires peu accessibles. Non seulement l’auteur a recensé les sources aisément accessibles, y compris quand les titres sont peu évocateurs, mais il a, en outre, visionné l’ensemble de celles-ci pour les commenter, et il a surtout cherché à retrouver des films inachevés, perdus, peu connus. En plus de ses recherches archivistiques, l’auteur a contacté nombre de réalisateurs pour obtenir des précisions sur un aspect ou un autre du scénario ou du déroulement du financement d’un film ou de sa réalisation proprement dite. Le lecteur ne sera pas surpris d’apprendre que le financement des films est aussi de nature politique et nul ne peut ignorer que certains films de Pierre Falardeau ont eu du mal à sortir en raison des embûches qu’il rencontra sur ce plan. Falardeau, le cinéaste le plus engagé de son temps, est celui dont le nom ressort, avec d’autres de sa période comme Gilles Carle, Denys Arcand, Pierre Perrault qui est aussi poète. Les chansons liées au FLQ sont également citées : parmi celles-ci, Bozo-les culottes (1967) de Raymond Lévesque et l’Alouette en colère (1972) de Félix Leclerc.

2L’essai de Garel se présente ainsi comme un ouvrage de référence incontournable pour l’histoire du film québécois des cinquante dernières années et plus précisément du film politique, car les films recensés englobent ceux qui ont un lien indirect, partiel ou d’autre sorte encore avec le FLQ. Le lecteur y trouvera également une chronologie du FLQ, une chronologie du cinéma québécois, une présentation et une analyse globale du corpus qui tient sur environ 120 pages, une présentation cumulant le résumé et des informations sur les aléas de la réalisation de 207 films terminés, ainsi que de 18 œuvres inachevées, 17 projets et 12 films bonus. Les documentaires font l’objet d’une attention égale à celle qui est accordée aux films de fiction, les longs métrages comme les mini-séries. La perspicacité de l’auteur ne se dément pas s’agissant de l’analyse historique de la cinématographie québécoise, faisant montre d’une érudition encyclopédique à son propos. L’ouvrage se termine par un index onomastique, une bibliographie non exhaustive du FLQ, une filmographie exhaustive. En postface, Félix Rose, fils du militant indépendantiste, politologue et syndicaliste Paul Rose, déplore que des institutions privées et publiques n’aient pas conservé des œuvres jugées « encombrantes » ou « inutiles ». Un autre enjeu polémique soulevé par l’auteur est son constat de l’absence de volonté de la part des autorités de s’excuser auprès des centaines de Québécois arrêtés injustement par l’armée canadienne. Mais en se lançant dans la polémique, l’auteur aborde un sujet qu’un tel ouvrage peut difficilement couvrir. Contentons-nous de mentionner qu’il rapporte les propos de Jacques Rose dans le film de son neveu, le documentaire les Rose (Félix Rose, 2020), où il répond sèchement à la question de savoir si la mort du ministre Pierre Laporte, enlevé en 1970 par des membres du FLQ, résultait d’un accident ou d’une exécution : « Ça appartient au front ». Mais il déclare aussi s’être rendu compte qu’aux niveaux fédéral et provincial on voulait se débarrasser du vice-premier ministre. En dehors de cette option, le maître d’œuvre de ce grand ouvrage n’a pas voulu examiner d’autres pistes permettant de réfuter les hypothèses conspirationnistes liés à l’assassinat de Laporte. Il affirme également que le poème « L’Octobre » de Gaston Miron est postérieur aux événements d’octobre 1970, alors qu’il date de 1956 et a été édité en avril 1970 dans son recueil l’Homme rapaillé. Rappelons en terminant qu’il aurait été opportun que l’auteur explique ou cherche à comprendre pourquoi le poète Gaston Miron a été considéré comme le père spirituel du FLQ par Pierre Vallières, l’un des principaux idéologues du felquisme et auteur d’un livre qui continue à faire polémique sur la mort de Laporte. S’il mentionne que pendant cette période les indépendantistes furent placés sous haute surveillance par certains dispositifs du gouvernement fédéral, il ne va pas jusqu’à se demander qui surveillait les éléments fédéraux du parti libéral. Bien qu’il ne cherche pas à rénover l’historiographie d’octobre, cet immense ouvrage aux qualités indéniables porte à la connaissance du public des faits nouveaux, peu connus, ce qui contraste avec bon nombre d’essais n’exploitant que l’analyse des ouvrages sur le FLQ, confirmant qu’il manquait à notre connaissance du corpus filmographique lié au FLQ. Enfin s’il a perçu en plusieurs endroits la symbolique de l’appel du 18 juin, notamment dans le film de Jacques Godbout, Deux épisodes dans la vie d’Hubert Aquin, il aurait pu la voir dans les heures de l’assassinat, de l’enlèvement et l’exécution de Laporte, souvent présentés tous les deux comme ayant eu lieu à 6h18. Bien entendu il peut s’agir de simples coïncidences comme l’aurait relevé l’auteur à propos des écrits de Georges Langlois qui ne semblent pas remporter sa conviction.

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Pour citer cet article

Référence papier

Jean Nicolas De Surmont, « Sylvain Garel, le FLQ dans la cinématographie québécoise, le Front de libération du Québec en 250 œuvres »1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, 102 | 2024, 250-251.

Référence électronique

Jean Nicolas De Surmont, « Sylvain Garel, le FLQ dans la cinématographie québécoise, le Front de libération du Québec en 250 œuvres »1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 102 | 2024, mis en ligne le 01 juillet 2025, consulté le 09 novembre 2025. URL : http://journals.openedition.org/1895/11355 ; DOI : https://doi.org/10.4000/14vtw

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