Wojciech Zamecznik
Texte intégral
- 1 Tous ces artistes ont été primés à la fin des années 1950 et dans les années 1960-1980 dans des Bie (...)
1Wojciech Zamecznik (1923-1967) est l'auteur de plus de 200 affiches pour le cinéma, le cirque, les concerts de musique. Il fait partie de ce qu'on a pu appeler « l'école polonaise de l'art de l'affiche » avec Henryk Tomaszewski, Eryk Lipiski, Walsemar Swierzy, Franciszek Starowjeyski, Wiktor Sadowski, Stasys Eidrigeviius, Wieslaw Walkuski1.
- 2 Wladyslaw Strzeminski, « a.r. 2 », manifeste paru à Lódz en 1932 (dans W. Strzeminski, K. Kobro, l' (...)
- 3 Le film de Wajda, Powidoki (les Fleurs bleues, 2016), évoque la dernière période de la vie de Strze (...)
- 4 S. Bojko, « Le graphisme de WAG et les problèmes de la communication visuelle », Projekt, no 5-6, 1 (...)
2Cette « école » se développe après la guerre et, à partir de 1956, elle renoue avec l'avant-garde polonaise des années 1920-1930 et ses courants constructivistes, notamment celui qu'emmène Wadysaw Strzemiski (originaire de Minsk en Biélorussie puis formé à Moscou, Smolensk, Vitebsk auprès de Tatlin et de Malévitch notamment, jusqu'à ce qu'il se rende en 1922 en Pologne où le rejoint Katarzyna Kobro, son épouse, peu après). Soucieux de dépasser l'art pour l'art, l'ornementation, pour faire assumer une fonction sociale au travail artistique, il ne s'agit pas pour lui de « reproduire des fragments de la réalité mais d'expérimenter de façon créatrice et d'inventer une forme susceptible d'enrichir les possibilités de la vie quotidienne »2 : Strzemiski édite des Principes de la composition publicitaire ; après la guerre il enseigne le design industriel à Lódz, fait des propositions urbaines pour une Lódz fonctionnalisée en 1947 avant de s'opposer au réalisme socialiste, se voir taxé de « formalisme » et être exclu de l'enseignement3. Dès les années 1960 les acquis, notamment graphiques, du constructivisme russe sont connus en Pologne, entre autres grâce aux publications de Szymon Bojko qui analysera d'ailleurs le travail de Zamecznik4 et collaborera avec Borowczyk pour un documentaire sur l'art de l'affiche, Sztuka ulicy (Art de la rue, 1957).
3À dix-sept ans Zamecznik est raflé par les nazis et déporté, en août 1940, à Auschwitz dans le premier convoi à quitter Varsovie pour le camp de concentration. Il y rencontre Eryk Lipiski, affichiste, illustrateur et dessinateur avec qui il se lie d'amitié jusqu'à sa mort. Libéré fin 1941, il suit des études clandestines d'architecture qu'il achèvera en 1947. Dès 1945 il réalise des affiches (« Nettoie les ordures, Laisse entrer le printemps dans ta cour »), et dès 1946 des scénographies théâtrales (pour le théâtre Maly à Varsovie – notamment pour la Théorie freudienne des rêves, mis en scène par Zbigniew Sawan – et le théâtre dramatique municipal de Varsovie). Comme architecte, il participe à la reconstruction de Varsovie tout en poursuivant ses activités artistiques, en particulier dans la scénographie et les parties visuelles de l'exposition « Varsovie accuse » au Musée national de la ville, qu'il accompagne ensuite dans tout le pays avant qu'elle ne soit reprise à Paris, Londres, New York. Puis il travaille dans des expositions collectives auxquelles participent graphistes et architectes telles « Les terres retrouvées » (Pavillon du Charbon), le Salon de l'alimentation à Londres en 1954 (avec Lenica et Tomaszewski), la 2e exposition nationale d'architecture d'intérieur à la galerie Zacheta, le pavillon polonais à la foire internationale de Milan (1958-9), l'exposition Henry Moore à Varsovie (1959), la foire de Turin (1961). En 1959 c'est lui qui est chargé de mettre en place l'exposition internationale d'Edward Steichen, « The Family of Man », quand elle est présentée à Varsovie.
4Ayant acquis un appareil photo allemand (Balda Rigona 35mm), il recourt rapidement à la photographie comme moyen de réaliser des images complexes et de développer des expérimentations : photogramme, solarisation, inversion négatif-positif, agrandissement de détails, flous, jeux sur la couleur, trames, anamorphoses, etc. À partir de 1955-6, il intègre ses propres photographies dans ses affiches : collages de négatifs, double exposition, photo-montage et enregistrement de corps et objets en mouvement, jusqu'à l'abstraction.
5Affiches, brochures, logo pour des maisons d'édition, pochettes de disques, couvertures de magazine font partie de ses activités. Il devient, en 1956, le directeur artistique du magazine Architektura qu'il marque d'une empreinte forte relevant de la tendance moderniste de la « Nouvelle Vision » de László Moholy-Nagy dans un premier temps, puis du côté d'une esthétique plus éclatée et plus « gestuelle ». Il travaille également dans Projekt, revue de design polonais et enseigne, à partie de 1960, à la faculté de peinture et des arts graphiques de l'Académie des Beaux-Arts où il dirige l'atelier de design photographique : il y enseigne l'utilisation de la photo appliquée aux arts graphiques, à la télévision et au film et réalise, dans ce domaine, le générique de Pegaz, programme culturel de télévision diffusé pendant une dizaine d'années.
6Zamecznik conçoit également des génériques de films, en particulier celui de Matka Joanna od aniolów (Mère Jeanne des Anges, Jerzy Kawalerowicz, 1961), de Pasaerka (la Passagère d'Andrzej Munk, 1963). Ce dernier film, qui dut résonner pour lui de manière particulièrement forte en tant que rescapé d'Auschwitz, combine très intelligemment photogrammes fixes et séquences filmées, rendant compte par là et des incertitudes de la mémoire – sujet du film – et de la mort accidentelle du réalisateur.
7Il a, pour le cinéma, un intérêt particulièrement vif comme l'attestent ses cours où il se dirige vers le cinéma d'animation. Il réalise avec Jan Lenica Italia '61 montré à Turin dans le cadre d'une exposition sur le thème du travail. On peut, à cet égard, souligner combien le type d'approche à laquelle il participa, mêlant la photographie, le graphisme et la prise de vue cinématographique, a été féconde dans le cinéma d'animation polonais – ce dont l'œuvre de Borowczyk (avant 1968) et de Lenica témoigne – et dans le tchécoslovaque aussi bien.
8En 1962 une exposition d'affiches du cinéma a lieu dans le cadre d'une Semaine du cinéma polonais organisée par la Cinémathèque suisse à Pully et c'est Zamecznik qui la réalise jouant sur des formes lumineuses abstraites intermittentes.
- 5 Anne Lacoste (dir.), Wojciech Zamecznik la photographie sous toutes ses formes, Lausanne-Paris, Mus (...)
9L'ouvrage publié à l'occasion de l'exposition qui lui est consacrée propose un ensemble très significatif de reproductions de qualité de son œuvre graphique et photographique ainsi que des textes historiques et analytiques5.
Notes
1 Tous ces artistes ont été primés à la fin des années 1950 et dans les années 1960-1980 dans des Biennales nationales ou internationales, des expositions d'affiches de cinéma.
2 Wladyslaw Strzeminski, « a.r. 2 », manifeste paru à Lódz en 1932 (dans W. Strzeminski, K. Kobro, l'Espace uniste, Lausanne, L'Âge d'Homme, 1977, p. 129).
3 Le film de Wajda, Powidoki (les Fleurs bleues, 2016), évoque la dernière période de la vie de Strzeminski (mort en 1952) en omettant toute cette dimension avant-gardiste et fonctionnaliste du peintre et lui faisant incarner une figure d'artiste spiritualiste face à un pouvoir politique obtus et brutal. Dès 1956 on organise une rétrospective de son œuvre et de celle de Katarzyna Kobro, en Pologne.
4 S. Bojko, « Le graphisme de WAG et les problèmes de la communication visuelle », Projekt, no 5-6, 1965. Bojko publie plusieurs articles sur les affiches constructivistes soviétiques et un ouvrage traduit plus tard en anglais : New Graphic Design in Revolutionary Russia (Londres, Lund Humphries, 1972).
5 Anne Lacoste (dir.), Wojciech Zamecznik la photographie sous toutes ses formes, Lausanne-Paris, Musée de l'Élysée/les Éditions Noir sur Blanc, 2016. Biographie de Karolina Puchala-Rojek, analyse de la photographie par Anne Lacoste, « Un créateur graphique moderne en République Populaire de Pologne » par Agnieszka Szewczyk, « Une position révolutionnaire » par Karolina Ziebinska-Lewandowska.
Haut de pagePour citer cet article
Référence papier
François Albera, « Wojciech Zamecznik », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, 81 | 2017, 157-160.
Référence électronique
François Albera, « Wojciech Zamecznik », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 81 | 2017, mis en ligne le 01 mars 2020, consulté le 16 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/1895/5290 ; DOI : https://doi.org/10.4000/1895.5290
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page