Jacques Richard (1931-2018)
Texte intégral
1Jacques Richard vient de décéder, vendredi 9 février, des suites d’une longue maladie dégénérative. Il était né en 1931. Les historiens du cinéma des premiers temps n’ont pas oublié qu’il a été, avec Jacques Deslandes, l’auteur de ce prototype de la nouvelle façon d’écrire l’histoire du cinéma qu’était l’Histoire comparée du cinéma parue en 1968 chez Casterman. Le « Deslandes et Richard » est devenu une référence emblématique pour tous les historiens de la génération « post Brighton ».
2Ce qu’on sait moins, c’est que Jacques Richard fut avant tout critique de cirque. Venu au journalisme après des études de lettres, il s’est trouvé en charge de la rubrique « cirque » à l’Aurore de mars 1968 à décembre 1979, puis au Figaro de mars 1982 à avril 1992, réalisant ainsi une passion qui remontait à sa petite enfance. Lorsque le cirque devint un sujet de prédilection de la télévision populaire au temps de l’ORTF avec la Piste aux étoiles de Gilles Margaritis, il se chargea aussi des comptes rendus de ces émissions. Après sa retraite il poursuivit ses chroniques dans le Cirque dans l’Univers (1993-1997). Philippe Goudard et moi-même préparons l’édition intégrale de ces textes, accompagnée de plusieurs études, aux Presses Universitaires de la Méditerranée (Montpellier) (https://www.pulm.fr/) sous le titre Trente ans de cirque en France 1968-1992 : chroniques de Jacques Richard, journaliste dont la sortie est programmée pour le courant de l’année 2018.
3Jacques Richard fit toujours le lien entre les spectacles de la piste et ceux de l’écran, même quand il parla de télévision, comme on le lira dans ce recueil. Cela le prédestinait à sa collaboration avec le mystérieux Jacques Deslandes, historien de formation, lui. Leur attelage fit merveille. L’Histoire comparée du cinéma innovait profondément, non seulement en mettant à jour de façon systématique les réseaux et les dynasties de forains qui diffusèrent le spectacle naissant, mais encore et surtout en étudiant méthodiquement les personnalités qui passèrent d’un univers à l’autre. Deslandes rédigea seul le tome 1, « De la cinématique au cinématographe, 1826-1896 », pour bien signifier que le cinéma ne commençait pas avec les Lumière et ancrer l’invention dans la longue durée, en quoi il était bien un historien de sa génération. Mais il ne faut pas oublier l’apport de Richard à cette entreprise. Il co-rédigea le tome 2 « Du cinématographe au cinéma, 1896-1906 » (on prendra bien garde aux dates), qui revendiquait, par son intitulé, une périodisation novatrice. Deslandes et Richard inauguraient ainsi, en quelque sorte, les études intermédiatiques et celle des « séries culturelles » dont on parlera plus tard. Surtout, ils rompaient avec l’histoire qui était en train de s’académiser, téléologique et linéaire, dont Georges Sadoul figurait pour eux le repoussoir. Mais leur entreprise titanesque s’arrêta en 1906 et ne dépassa pas la sphère européenne.
4Jacques Richard continua dans l’étude du cinéma des premiers temps comme en témoigne le Dictionnaire des acteurs du cinéma muet (De Fallois, 2011), incomparable outil d’information, et ses textes dans diverses revues notamment Archives et 1895. Dans cette dernière il écrivit sur les Tréville (no 14) et sur la troupe de Feuillade (Hors série, octobre 2000). Dans la revue perpignanaise il publia « Les Acrobates du rire » (no 89, 2001) et « Prince Rigadin » (no 92, 2002). Homme discret et modeste, Jacques Richard ne cherchait pas la lumière des sunlights mais la communauté historienne sait ce qu’elle lui doit.
Pour citer cet article
Référence papier
François Amy de la Bretèque, « Jacques Richard (1931-2018) », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze, 84 | 2018, 259-260.
Référence électronique
François Amy de la Bretèque, « Jacques Richard (1931-2018) », 1895. Mille huit cent quatre-vingt-quinze [En ligne], 84 | 2018, mis en ligne le 10 juillet 2018, consulté le 12 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/1895/6348 ; DOI : https://doi.org/10.4000/1895.6348
Haut de pageDroits d’auteur
Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-SA 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.
Haut de page