1Le Saint-André des Arts d’Axel Huyghe et Arnaud Chapuy, le premier étant l’auteur du texte et le second des photographies, a des objectifs très différents de celles du Casino et l’histoire du cinéma – Saint-Quentin de Frédéric Pillet. Le livre fait partie d’une collection « salles de cinéma » dirigée par Claude Forest qui comporte déjà Rytmann, l’aventure d’un exploitant de cinémas à Montparnasse, Histoire des cinémas à Conflans-Saint-Honorine et Cinéma Beverley, le dernier porno de Paris. D’après Nathalie Simon, journaliste au Figaro (21 mars 2021), l’ouvrage sur Rytmann a été édité avec un « financement participatif ». Il est vraisemblable qu’il en ait été de même des autres titres de la collection, ce qui ne surprendrait pas de la part de L’Harmattan. Avec cette collection, il fait un clin d’œil aux « beaux livres » par son format à l’italienne 21x24, sa couverture illustrée d’une belle photo couleurs pleine page et ses reproductions intérieures, également en couleurs et en grands formats. Il comporte 96 pages divisées en deux parties sensiblement égales : la première comporte le texte avec quelques illustrations « historiques », tandis que la seconde est consacrée exclusivement à des photos couleurs pleine page réalisées récemment, c’est-à-dire neuf ou dix années après la mort du fondateur du Saint-André-des-Arts, Roger Diamantis (15 juin 2010), dont Line Peillon me disait, au cours au cours d’un entretien en 1988, qu’il était l’un des derniers à faire vivre l’esprit des fondateurs de l’Art et Essai. Le récit est alerte, presque journalistique, et Huyghe possède bien le sujet qui avait déjà fait l’objet d’un ouvrage de 252 pages en 2003 (Florence Delporte, Une Vie d’art et d’essais, Roger Diamantis et le Saint-André-des-Arts, Paris, La Dispute, 2003). Le livre actuel allie-t-il « la qualité esthétique d’un beau-livre et la rigueur de la recherche historique », selon le souhait du directeur de la collection, Claude Forest, exprimé au début de l’ouvrage ? L’ambition historienne s’accommode pourtant mal de l’absence de références aux sources qu’une très courte bibliographie ne remplace pas, même dans un livre destiné à un public que l’on souhaite élargi. Quant à l’illustration, sa présence se justifie en premier lieu par son intérêt joint, si possible, à ses qualités esthétiques. Or, le Saint-André-des-Arts, dû à l’architecte Bernard Ceyssac (voir 1895 revue d’histoire du cinéma, n^o 92, 2020), ne brille pas par l’audace architecturale ou décorative de ses salles où prime le confort du spectateur. Ce n’est ni la Pagode, ni le Rex, ni le Louxor ! L’intérêt historique du Saint-André-des-Arts est concentré avant tout sur sa programmation et sur la bataille qu’a toujours menée Roger Diamantis pour un cinéma d’auteur, créatif et non conventionnel. Il semblerait d’ailleurs que le photographe ait rencontré des difficultés pour remplir la partie photographique de l’ouvrage au point qu’une double page est consacrée... aux lavabos des salles 1 et 2, en pleines pages couleurs ! Un honneur surprenant ! En revanche, Chapuy, qui est manifestement un professionnel de talent, a su restituer le mystère des cabines de projection, où de gros appareils sont baignés d’une semi-obscurité interrompue par des lumières colorées. La formule moitié texte / moitié images ne devrait-elle pas être appliquée avec plus de souplesse selon le sujet ? Ce petit livre n’en constitue pas moins une bonne approche pour la génération qui n’a pas connu l’âge d’or de l’Art et Essai au Quartier Latin.

2La multiplication des ouvrages consacrés à des cinémas serait-elle le reflet de l’inquiétude des exploitants indépendants et, parmi eux, plus encore des héritiers des salles qui se sont illustrées dans l’Art et Essai, face à l’appétit des grands groupes qui veulent truster dans leurs vastes usines standardisées à rêves – pardon de paraphraser Ilya Ehrenbourg – tous les genres de films pour tous les publics ?