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1Des études paléoenvironnementales antérieures ont montré que des changements majeurs de la végétation et de l’environnement se sont produits en Afrique centrale à partir de l’Holocène moyen (ex. Maley & Brenac 1998). Plusieurs d’entre elles mettent en évidence une origine humaine et supposent que les grandes migrations de population, les innovations techniques (par exemple, la technologie de la fonte du fer) et/ou le changement des pratiques agricoles, conduisant à la déforestation et au défrichement, sont les moteurs de ces changements (par ex. Bayon et al. 2012 ; Garcin et al. 2018). Cependant, à ce stade, l’absence de reconstitution démographique à l’échelle régionale ne permet pas de soutenir pleinement ces hypothèses. Ici, une base de données archéologiques géoréférencées est utilisée pour déduire la dynamique des populations et l’évolution des pratiques culturelles en Afrique centrale occidentale au cours des 5000 dernières années (Fig. 1). Cette base de données comprend 1139 dates calibrées au ¹⁴C provenant de 425 sites localisés dans le sud du Cameroun, au Gabon, en République du Congo, en Guinée équatoriale et dans la partie occidentale de la République démocratique du Congo. Afin de l’analyser, nous avons utilisé la méthode des SPDs (Summed Probability Distributions) confrontée à des modèles statistiques reproduisant la croissance démographique et intégrant également les pertes taphonomiques. Cette approche a déjà été utilisée dans d’autres aires culturelles et pour d’autres périodes (par ex. Timpson et al. 2014 et Crema et al. 2016). Elle permet de reconstituer les périodes de croissance/décroissance démographiques relatives.

2Les résultats indiquent une possible croissance de la population entre ~2500 et ~1500 ans cal. BP, coïncidant avec l’apparition à l’échelle régionale de techniques et de pratiques spécifiques (Fig. 2). L’augmentation concomitante des fosses dépotoirs, des vestiges d’utilisation de palmier à huile Elaeis guineensis, des rares restes de millet Pennisetum glaucum et de la métallurgie du fer, a eu lieu pendant la seconde moitié du Néolithique (Fig. 2A). Toutefois il n’est pas possible de mettre clairement en lumière l’existence d’un phénomène de diffusion initiale. En effet, les styles céramiques ne montrent pas de gradient d’antériorité permettant de constater l’existence d’un foyer d’origine (Fig. 3, 4). Pour vérifier cette première constatation, nous avons subdivisé de manière objective les sites archéologiques, sur la base de leurs coordonnées géographiques, en trois régions appelées « North Coast », « Hinterland » et « South Coast ». Nous avons ensuite réalisé séparément l’analyse des SPDs pour chacune (Fig. 5). Nous avons enfin procédé à une comparaison statistique régionale au moyen d’un « test de permutation ». Dans les deux régions côtières, la croissance de la population concerne le Néolithique et le début de l’âge du fer (2500-2000 ans cal. BP et 2000-1500 ans cal. BP) ; tandis que dans la région « Hinterland » la croissance de la population semble légèrement plus tardive (2400 et 1300 ans cal. BP) et ne présente pas les mêmes caractéristiques que dans les régions côtières (Fig. 6). Là non plus il n’est pas possible d’identifier un phénomène commun de diffusion à partir d’un centre. Les innovations techniques et les nouvelles pratiques semblent plutôt s’être répandues à travers un large réseau d’interactions culturelles, qui a favorisé la formation des sociétés d’Afrique centrale occidentale au cours du troisième millénaire BP. Cela implique probablement la mise en place antérieure des populations des régions côtières à l’origine de la croissance démographique. La décroissance démographique constatée par la suite dans les trois régions reste d’autant plus énigmatique qu’elle est contemporaine des premiers intermariages entre les ancêtres des populations bantoues et pygmées actuelles, indiqués par les études génétiques (Patin et al. 2014, 2017).