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1En novembre 1957, des ouvriers du bâtiment – qui creusaient à Ile-Ife les tranchées de fondation du siège de la société coopérative locale des producteurs de cacao – mirent au jour de rares artefacts en laiton sur le site d’Ita Yemoo (Willett 1959a, 1959b, 2006). La nouvelle de cette découverte, aussi fortuite qu’exceptionnelle, parvint rapidement à Bernard Fagg, directeur du département des Antiquités du Nigéria, qui fit immédiatement cesser les travaux. Il fit appel à Frank Willett, jeune archéologue en poste à Manchester tout juste revenu d’une première mission à Old Oyo et Ile-Ife, pour effectuer une fouille de sauvetage sur le site. Il s’y consacra de décembre 1957 à janvier 1958, et fut rapidement convaincu de son potentiel archéologique. Au vu de ses observations, le projet de construction fut transféré sur un autre lieu, et une partie du site acquis quelques années plus tard par le gouvernement du Nigéria, désormais indépendant. Entre 1958 et 1963, F. Willett y mena des travaux archéologiques de grande ampleur dont les rapports précis ne furent cependant jamais rendus public. En apparence nombreuses, ses publications sur Ita Yemoo portent essentiellement sur la culture matérielle (Willett 2004) et fournissent peu de détails sur les travaux archéologiques réalisés et la nature des dépôts rencontrés. Ces lacunes dans la mémoire savante d’Ita Yemoo ont affecté la production de nouvelles connaissances et la gestion patrimoniale du site. L’absence de publications sur les fouilles rend difficile l’interprétation du site, sa contextualisation et même la localisation dans l’espace de ses structures et de sa culture matérielle, devenue emblématique d’Ife entre le xiii^e et le xiv^e siècle.

2À l’aide des archives inédites de Frank Willett, conservées à l’Université de Glasgow, et d’autres sources publiées ou non, nous proposons une reconstitution et une relecture critique des fouilles archéologiques conduites sur le site d’Ita Yemoo lors de la première saison de six semaines (1957-1958) et lors d’un travail complémentaire effectué en 1962-1963. Grâce au corpus de photographies, aux plans et carnets de terrain, nous replaçons dans l’espace les premières interventions archéologiques, y compris les tranchées I à V et XIV et la mise au jour du premier pavement de tessons (pavement #1), une partie des nombreux puits de sondages et la fouille de l’autel I qui livra quatre des têtes en terre cuite parmi les plus connues d’Ife (Fig. 2).

3Quand F. Willett arriva à Ife en 1957, le lieu où avaient été redécouvert les « bronzes » avait été délimité par une clôture de fortune, mais le site d’Ita Yemoo s’étendait en fait dans toutes les directions sur une vaste zone encore largement recouverte de terres agricoles mais gagnée peu à peu par l’urbanisation (Fig. 3 et 4). La première intervention archéologique sur le site consista en une série de puits circulaires visant à reconnaître largement la zone (Fig. 8). Les puits de reconnaissance permirent la découverte de nombreuses aires pavées de tessons disposés sur chant. C’est ainsi que fut exposé le pavement #1 (Fig. 7 et 10), qui demeure à ce jour le seul vestige archéologique in situ, préservé et encore visible à Ita Yemoo (Fig. 1). De nombreux autres pavements n’ont pas fait l’objet de plan de conservation (Fig. 11). Intrigué par la présence d’une profonde dépression sur le pavement #1, F. Willett sonda ce locus lors de sa dernière campagne en 1962-1963 (Fig. 12). Cette intervention, décrite dans ses notes sous le nom de « tranchée XIV », permit de mettre au jour le pavement #15, l’un des rares cas de fouilles de pavements superposés à Ife (Fig. 13). Une des priorités de la campagne de sauvetage était de retrouver et de fouiller l’endroit précis où les objets en laiton avaient été mis au jour, et de retrouver d’autres fragments de métal. Deux tranchées (IV et V) furent ouvertes sur le site présumé de la découverte (Fig. 17), et la terre déplacée par les ouvriers fut tamisée sans succès (Fig. 4). Finalement, le site d’un autel (Shrine I), en partie détruit pour fabriquer des briques en terre pour la maison voisine dite « d’Adesiyan », fut entièrement fouillé et livra quatre des têtes en terre cuite parmi les plus connues d’Ife (Fig. 14-16).