- 1 Nous remercions vivement M. Ali Afkada, Procureur de la République, qui nous a conduit au site, ain (...)
1Les sites d’art pariétal sont très nombreux dans la Corne de l’Afrique. Les représentations sont pour l’essentiel des animaux et des signes, peints ou gravés. En République de Djibouti, on reconnaît exclusivement des gravures rupestres exécutées sur les rochers basaltiques. Le nord du pays est l’une des régions les plus riches (Joussaume et al. 1995). C’est dans cette aire qu’un nouveau site nous a été signalé en février 2002, près du village de Guirrori1 (figure 1).
Figure 1 - Localisation du village de Guirrori au nord de Djibouti
2La région de Guirrori, dans les massifs du Dalha, est déjà connue pour les nombreux aowelo (cairns) disséminés dans tout le district. Les gravures ont été repérées dans un des oueds qui passent à proximité du village. Elles sont localisées à deux endroits, à environ 1 et 2 km à l’ouest de Guirrori (figure 2).
Figure 2 - La paroi du site de Guirrori 1 avec la répartition des différentes zones
Photo B. Poisblaud
3Le site de Guirrori 1, le plus éloigné du village, est sur une paroi rocheuse de plus de 200 mètres de long pour une hauteur de près de 10 mètres. Les gravures se répartissent sur une surface de 120 mètres de long et de 6 mètres de haut. Les représentations sont divisées en quatre zones ou groupes répartis en panneaux, mais la paroi s’étant détériorée à plusieurs endroits, on peut supposer que les gravures couvraient à l’origine la totalité de la surface. Ainsi toutes les représentations sont-elles menacées par l’érosion des orgues de basalte.
- 2 Aucun des bovinés gravés des deux sites n’a de bosse.
4La première zone, d’une dimension réduite, comprend cinq représentations animales. De haut en bas, on peut voir : une antilope de couleur noire à l’exception d’un triangle réservé au centre, une antilope plus petite que la précédente, deux bovinés sans bosse2 –dont un à pis marqués et longues cornes. Un dernier plus petit pourrait porter les attributs mâles.
- 3 La situation en hauteur des représentations n’a pas permis un décompte précis.
5À 50 mètres se déroule la seconde zone sur environ 20 mètres et à près de 6 mètres de haut, ce qui n’a pas facilité la première observation. Au moins huit bovinés3 sont représentés sur un premier panneau (2.1), dont un à cornes verticales. Cinq bovinés, d’une forme plus abstraite, constituent le second panneau (2.2). Les panneaux 2.4 et 2.5 (figure 3) montrent au moins douze bovinés dont certains portent des cornes parallèles et courbes orientées vers le bas.
Figure 3 - Les panneaux 2.4 et 2.5
A près de 6 mètres de haut et sur environ 20 mètres se déroule la deuxième zone localisée à 50 mètres de la première.
Photo B. Poisblaud
6La troisième zone, à 10 mètres de la seconde, comprend deux représentations. Elles sont plus abstraites que les précédentes et pourraient s’apparenter à des antilopes ou des girafes. Une autre antilope, isolée, est placée entre cette zone et la dernière (panneau 4.3) ce qui confirmerait la possibilité d’une frise ininterrompue.
7La dernière zone (figure 4) est placée à 30 mètres de la précédente ; seize bovinés entièrement piquetés sont conservés. Sur une longueur de 4 mètres environ, ils s’organisent en deux frises à 3 mètres l’une au-dessus de l’autre. Le registre inférieur est situé entre un et deux mètres du sol actuel. Les figures sont piquetées dans les concrétions blanches qui recouvrent la paroi (figures 5 et 6). Les concrétions ont en grande partie chuté, emportant probablement un certain nombre de représentations.
Figure 4 - La dernière zone avec les différents panneaux
Photo B. Poisblaud
Figure 5 - Détails du panneau 4.1
Photo B. Poisblaud
Figure 6 - Détails du panneau 4.1
Photo B. Poisblaud
8Les bovinés semblent indifféremment orientés vers la droite et la gauche. Leur taille varie entre 10 et 25 cm de long. Le tracé du corps est généralement rectiligne, plus rarement marqué par une courbe. Le corps est allongé ou épais, et toujours terminé par une queue. Il ne porte aucun attribut sexuel. Les cornes sont souvent en forme de pince sur une tête peu marquée, dans le prolongement du dos. D’autres types de cornes ont été repérés : les cornes en forme de boucle, dont le tracé a été accentué postérieurement (figure 6), celles à enroulement intérieur et extérieur, observé dans la frise supérieure, et enfin les cornes en lyre (figure 7). Au-dessus des deux frises, on distingue une antilope et un boviné à 6 mètres environ au-dessus de l’oued.
Figure 7 - Le panneau 4.2
Photo B. Poisblaud
9Une première estimation chiffre le nombre de représentations d’animaux gravés à cinquante et une auxquelles s’ajoutent quelques signes.
10Près du village, le site de Guirrori 2 est plus modeste avec dix-huit représentations exécutées sur une paroi de 3 mètres de haut. La frise se déroule sur 10 mètres de long. La partie inférieure de la paroi semble en contact régulier avec l’eau de l’oued. L’érosion qui en découle détruit ainsi une partie des représentations.
11À la différence du site précédent, aucun animal sauvage n’est représenté. Ici, tous les bovinés sont orientés dans le même sens, vers la droite. Ces images restent asexuées.
12Le premier panneau livre neuf bovinés. cinq sont gravés dans la partie inférieure, quatre entièrement piquetés dans le registre supérieur. Les premiers sont seulement détourés alors que les seconds ont la robe marquée. Le dos est toujours rectiligne avec la tête dans son prolongement, le ventre est formé par un arrondi entre les pattes. Certaines cornes sont en forme de pince. D’autres bovinés ont une corne tournée vers l’intérieur, tandis que la seconde s’étire vers l’extérieur (figure 8).
Figure 8 - Le premier panneau de Guirrori 2, gravé au niveau inférieur, piqueté au-dessus
Photo B. Poisblaud
13Un autre panneau, à proximité, livre quatre bovinés dont un piqueté. Trois ont des cornes en pince, alors que le quatrième a de longues cornes étirées de chaque côté de la tête.
14Trois autres bovinés piquetés sont représentés 6 mètres plus loin. L’un d’eux a une longueur exceptionnelle de 40 cm. Par ailleurs, ils ont les mêmes caractéristiques générales que ceux du premier panneau.
15Les deux derniers bovinés de la frise sont tracés sur une paroi blanchie, à 3 mètres des représentations précédentes.
16Ces représentations de bovinés pourraient appartenir à une même époque, dans une seconde période de gravures à Djibouti. Elles seraient datées entre la fin du 3e et le 1er millénaire av. J.-C. (Joussaume 1989). Ces images ne sont pas sans rappeler celles déjà connues à Dorra ou Balho, au nord-ouest de Djibouti (Joussaume 1989). Une différence pourrait provenir de la représentation des cornes, plus exubérantes dans ces deux sites. Une majorité de celles de Guirrori se rapprocheraient d’exemples plus stylisés de bovinés d’une phase plus tardive. Les quelques antilopes repérées rappelleraient une éventuelle première période consacrée à la faune sauvage. Les références humaines sont absentes.
17Ces représentations forment une ambiance néolithique qu’il est encore difficile à placer précisément dans le temps. Une association avec une culture matérielle est aussi impossible à effectuer. En effet, aucune fouille approfondie n’a été réalisée dans cette région. L’étude de l’ensemble de Guirrori permettrait de mieux cerner les possibles variations et l’étendue des représentations de cette période. Des territoires pourraient alors se dessiner, peuplés par des sociétés d’une même entité culturelle.