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Les enquêtes littorales comme indicateur des existences portuaires

Le cas de Nantes et de l’estuaire de la Loire, xviie-xixe siècles
Coastal surveys as an indicator of port existence. The case of Nantes and the Loire estuary between the seventeenth and ninetenth century.
Bernard Michon et David Plouviez
p. 101-116

Résumés

Cet article s’inscrit dans la continuité d’une réflexion collective menée à partir des enquêtes commanditées par l’État français à propos des littoraux entre le xviie et le début du xixe siècle. À partir de la sélection de plusieurs enquêtes – celles de Colbert et de Seignelay (1664, 1665, 1683-1686) et celle de Daniel Chardon entre 1781 et 1785 – il s’agit de déterminer si leur contenu permet d’enrichir nos connaissances sur les ports de l’époque moderne. Ces enquêtes permettent-elles, dans un premier temps, de restituer la trame portuaire, notamment pour le xviie siècle ? En dehors des grands ports, la « poussière portuaire » n’est pas toujours facile à dessiner pendant cette période et la mobilisation de toutes les sources archivistiques s’impose. Une fois les ports identifiés, il s’agit de mesurer la capacité des enquêtes littorales à appréhender leurs infrastructures (quais, grues, lieux de stockage, etc.) et leurs activités.

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Entrées d’index

Noms de lieux :

Nantes, Loire
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Texte intégral

  • 1 Voir les premières contributions relatives à ce dossier (Martine Acerra, Sébastien Martin, (...)
  • 2 Bouyer, Murielle, Les marins de la Loire dans le commerce maritime nantais au xviiie siècle, (...)
  • 3 Renseignement aimablement communiqué par Vincent Bugeaud.
  • 4 Vauthier-Vézier, Anne, « La Basse-Loire : du mot au territoire », Aestuaria, n° 2, 2001, (...)
  • 5 Tanguy, Jean, Le commerce nantais dans la seconde moitié du xvie et au début du xviis (...)

1Ce texte est la traduction d’une réflexion menée dans le cadre d’un projet de recherche animé par Martine Acerra, de l’université de Nantes, intitulé LETO pour Littoral, État, Océan, et qui a pour objet le traitement des enquêtes administratives relatives aux ports et aux littoraux du xviie au début du xixe siècle1. La présente étude a comme terrain d’observation un espace particulier, situé entre Nantes et l’Océan, dont la dénomination n’est pas sans poser des difficultés. On peut ainsi multiplier les termes pour le qualifier : « Rivière, rivière de Nantes, rivière de Loire, Loire maritime, Loire marine, basse Loire, estuaire, Loire estuarienne ». Il faut d’ailleurs souligner la confusion entre les appellations « rivière de Nantes » et « rivière de Loire » dans les archives de l’Amirauté, signe tangible de l’emprise de la ville sur ce territoire2. Il semble que d’une manière générale l’expression « rivière de Loire » désigne le fleuve dans son ensemble tandis que celle de « rivière de Nantes » qualifie sa partie estuarienne, entre Nantes et la mer. Cette dernière dénomination paraît donc la plus pertinente pour signaler l’estuaire. Après la Révolution, une distinction s’opère entre le « pays haut », définissant la partie de la Loire située en amont de Nantes et le « pays bas », la zone localisée en aval3. En tout état de cause, l’appellation de Basse-Loire, « forgée » au xixe siècle, avec une connotation industrielle, est à écarter4. Elle a pourtant été utilisée par plusieurs historiens, dont Jean Tanguy et Olivier Pétré-Grenouilleau par exemple, mais pour nommer un espace dépassant le seul cadre de l’estuaire de la Loire5.

  • 6 La Loire, particulièrement entre Nantes et Paimbœuf, est l’objet de très nombreuses enq (...)
  • 7 Michon, Bernard, Le Port de Nantes au xviiie siècle. Construction d’une aire portuaire, Rennes, (...)

2Estuaire, soumis au régime des marées atlantiques, la « rivière de Nantes » constitue une voie d’eau difficilement navigable et insuffisamment profonde au regard de la croissance des tonnages des bâtiments équipés aux xviie et xviiie siècles, en particulier pour les expéditions transatlantiques. En dépit de quelques travaux réalisés dans la seconde moitié du xviiie siècle6, la situation ne s’améliore guère mais ces tentatives soulignent avec force la volonté de Nantes de conserver son statut de port de mer, ce qu’il n’est déjà plus vraiment aux xviie et xviiie siècles7. Cette zone de contact entre la ville et l’Océan atlantique est l’objet d’une attention toute particulière de la part des Nantais, plus spécialement des négociants et, un peu plus tardivement, des représentants de l’État. Une production documentaire rend compte de ces préoccupations à travers des correspondances, des mémoires et des enquêtes. De prime abord, ces dernières semblent représenter un riche matériau mobilisable pour caractériser les ports et havres de cet espace – infrastructures, organisation, hiérarchie – ainsi que les flux et les activités qu’ils génèrent. Cette hypothèse a été le point de départ de cette communication. Soucieux de trouver des voies archivistiques pour documenter des phénomènes au cœur de nos recherches respectives, nous avons expérimenté l’apport potentiel des enquêtes littorales sur les deux périodes où elles ont été les plus produites, la seconde moitié du xviie siècle et la fin du xviiie siècle.

Les sites de l’estuaire de la Loire dans les enquêtes du xviie siècle

Trois enquêtes mobilisables

3À l’échelle du royaume de France, trois grandes enquêtes sont réalisées au xviisiècle : en 1664, en 1665 puis en 1683-1686.

4L’enquête de 1664 trouve son origine dans la volonté de Jean-Baptiste Colbert (1619-1683), proche conseiller de Louis XIV, pas encore paré du titre de secrétaire d’État à la Marine (1669), de faire de la France une puissance maritime. Cette ambition s’inscrit dans un programme économique plus vaste inspiré des doctrines mercantilistes. Les officiers « et autres juges exerçant les causes maritimes » sont chargés de faire un état des lieux et de recenser, dans tous les ports du royaume :

« […] touts les vaisseaux de quelques fabriques qu’ils puissent estre, françoise ou estrangère, quy se trouveront dans les ports, havres et rades de son obéissance ou occupez à quelque voyage à la Mer, appartenents à des particuliers marchands négocians ou autres, subjects de Sad. Majesté. »

  • 8 Bibliothèque nationale de France (BnF), VC Colbert 199, Procès-verbaux de l’inventaire de (...)
  • 9 Maître, Léon, « Situation de la marine marchande du comté nantais d’après l’enquête de 16 (...)

5Par son ampleur, cette enquête est une première en France. Les procès-verbaux de l’inventaire des vaisseaux de 1664 sont conservés à la Bibliothèque nationale de France dans le fonds Colbert8. Signalons qu’une publication du texte pour l’espace qui nous occupe a été réalisée par l’archiviste municipal de Nantes, Léon Maître, dans la revue des Annales de Bretagne au début du xxe siècle9.

  • 10 L’Amirauté de Bretagne est créée par les édits de Saint-Germain-en-Laye d’avril (...)

6Les ports du comté sont visités par Jacques Charrette, seigneur de Montebert, sénéchal de la cour et siège présidial et comté de Nantes10, accompagné de Jan Le Boucher, premier commis audiencier aux greffes de la sénéchaussée et siège présidial de Nantes, d’après le calendrier suivant :

  • 6 mai 1664 : réception de l’arrêt du Conseil du roi du 21 avril

  • 7-8 mai : la Fosse de Nantes

  • 14 mai : Paimbœuf

  • 15 mai : Saint-Nazaire

  • 16 mai : Guérande

  • 16 mai : Le Croisic

  • Sans date : Bourgneuf, Pornic, La Bernerie, Bouin

  • 20 mai : retour à Nantes

7Dans ces différents lieux, le même rituel se produit :

« Et le landemain septieme jour de may mil six cens soixante et quatre, environ une heure d’apprès midy nous sommes transportez au carrefour de la Fosse, proche de la porte Saint-Nicolas de cette ville [Nantes], où les marchands se trouvent ordinairement à traicter de leur négoce […], où estans nous avons faict publier en nostre présence nostre ordonnance du jour dhier par led. Chartier, apprès le son de la trompette. Et ensuite, ont comparu devant nous, pour obéir aux ordres de SM et à nostre ordonnance rendue en conséquence […]. »

  • 11 Guérande ne fut jamais le siège d’une Amirauté. Cependant, la sénéchaussée royale a la re (...)

8Un aspect particulier aux ports de la presqu’île guérandaise et de ceux localisés à l’embouchure de l’estuaire de la Loire sur la rive droite est de bénéficier d’une double inspection. Les bâtiments de ces sites sont en effet recensés dans une partie rédigée par Jacques Charrette seigneur de Montebert pour le comté de Nantes (folios 221-234 du procès-verbal) et dans une autre écrite par Charles Cady, sieur de Pradois, pour « l’Amirauté11 » juridiction royale de Guérande (folios 343-349).

Tableau 1 – Comparaison des lieux visités en 1664 pour répondre à l’enquête

Dates

Jacques Charrette


Sénéchal de Nantes

Charles Cady


Conseiller du roi


et son alloué à Guérande

14 mai 1664

Paimbœuf

-

15 mai

Saint-Nazaire

Guérande, Le Croisic

16 mai

Guérande, Le Croisic

Le Pouliguen, Piriac

17 mai

-

Mesquer, Saint-Molf

18 mai

-

Saint-Nazaire, Méan

9Le tableau 1 propose une comparaison des visites effectuées par ces deux acteurs. Il convient de souligner la plus grande précision des informations issues de la deuxième source. Dans le premier cas, les unités jaugeant quarante tonneaux et moins ne bénéficient pas d’une description détaillée, c’est-à-dire nominative ; dans le second rapport, Charles Cady descend jusqu’à 25 tonneaux. De fait, 19 unités supplémentaires sont recensées et on précise encore le nombre de barques qui ont un tonnage inférieur et encore si elles sont pontées ou non.

10La deuxième grande enquête est celle de 1665. Sa démarche est différente et complémentaire de la précédente, dans la mesure où l’intérêt est porté aux sites portuaires en eux-mêmes :

  • 12 Service historique de la Défense, Vincennes, SH 48, Enquête sur les havres et ports de Fr (...)

« […] Sa Majesté nous auroit commandé d’aller visitter et faire sonder par personnes intelligentes et capables la profondeur des havres, rades et embouchures des ports et rivieres despendantes et quy sont soubs l’estendue de cette jurisdiction pour en dresser nostre proces verbal du bon ou du mauvais estat. Auquel il fault entendre les plus anciens des lieux et experts que nous pourrions nommer d’office sur l’estat auquel estoient anciennement lesdits ports, havres et rades, et la difference de celuy auquel ils sont à presant, faire enqueste sommaire de leur desperissement et particullierement des lieux où les maistres de navires françois et estrangers deschargent les lests de leurs vaisseaux12. »

11Un problème de taille se pose puisque le procès-verbal consacré à Nantes et à la plupart des ports de l’estuaire de la Loire n’est pas parvenu jusqu’à nous. Fait aussi défaut l’enquête sur la rive sud de l’embouchure. Cependant, sous l’indication « Guérande », on trouve les procès-verbaux sur Le Croisic, Le Pouliguen, Saint-Nazaire, Piriac, Mesquer et l’entrée de la Vilaine. Ils sont rédigés par le sénéchal de Guérande, Guy de La Louayrie. Parmi les sites de l’estuaire de la Loire, seul Saint-Nazaire bénéficie d’une description, au demeurant assez brève :

  • 13 Service historique de la Défense, Vincennes, SH 48, Enquête sur les havres et ports de Fr (...)

« Environ trois quartz de lieues dudict Sainct Nazaire à vis la Bonne Ance il y a bonne rade et a vingt ung pied d’eau à basse mer, à plaine mer trante cinq piedz. Auquel lieu il peult rader vingt cinq à trante navires. Et que la rade dudict Sainct Nazaire contient de proffondeur, à basse mer douze à treize pieds, et de plaine mer antre vingt cinq à trante piedz, et y peult rader vingt à vingt cinq navires. Et en à vis Sainct Nazaire environ trois quarts de lieue dudict Sainct Nazaire vers la pointe de Mindin en la coste de Rests y a bonne rade quy est profonde à basse mer de dix huit à vingt pieds d’eau et y peult rader quatre vingt à cent navires, dans lesquelles rades ne se fait aucun delestage et sont auctant en bon estat que de memoire dhomme on les aict veu.13 »

  • 14 Aubert, Gauthier, Jarnoux, Philippe et Pourchasse, Pierrick (éd.), La Bretagne de Louis X (...)
  • 15 Ibid., p. 223-225.

12Pour pallier cette lacune, il est également possible de solliciter les quelques pages décrivant la côte bretonne jusqu’à l’embouchure de la Loire, rédigées en avril 1665, utilisées par Colbert de Croissy (1629-1696). Il s’agit d’extraits des visites faites « de tous les ports et havres de l’ocean bordant la France commenceant aux costes de Dunkerque jusques à La Rochelle14 ». Des passages contiennent des éléments sur les ports et havres localisés entre Crach (site proche d’Auray) et Paimbœuf. Plusieurs paragraphes évoquent l’estuaire de la Loire, à travers Indret, Paimbœuf et l’entrée en Loire15.

13La troisième grande enquête du xviie siècle, à l’échelle du royaume, est celle menée de 1683 à 1686 pour Colbert de Seignelay (1651-1690). Elle se rapproche de celle de 1664 par l’intérêt porté aux embarcations :

  • 16 Chambre de commerce de Dunkerque, B 19 12787. Une publication de ce manuscrit a été (...)

« Rolle general des bastimens de mer employez au commerce contenant en dix colonnes, leurs noms, ceux des proprietaires, cap[itai]nes m[aitr]es et patrons qui les naviguent, combien lesd. Bastimens portent de tonneaux, le nombre de canons ou pierriers dont ils sont armez, le nombre de leurs equipages, le temps auquel ces bastimens ont esté construicts et le lieu, avec les divers voyages qu’ils ont fait pendant les années 1683, 1684, 1685 et 1686, le tout divisé par départemens suivant l’ordre des classes16. »

14Parmi les sites de l’estuaire de la Loire, sont mentionnés : Saint-Nazaire, « Haute et Basse Indres » et enfin l’isle de « Trente Moux » [Trentemout].

Des enseignements contrastés

15L’enquête de 1664 se révèle, comme attendu, pauvre en éléments sur les différents sites portuaires de l'estuaire. Jacques Charrette, seigneur de Montebert, sénéchal de la cour et siège présidial et comté de Nantes, écrit :

  • 17 Maître Léon, « Situation de la marine… », art. cité, p. 336.

« […] et nous estant soigneusement enquis aux marchands [de Nantes], s’il y avait autres vaisseaux ou barques où les subjects du Roy avoint interérest tant au port de la Fosse qu’aux environs, et nous ayans dict qu’il n’y en a autres que ceux-ci devant mentionnés, nous avons descendu le long de la rivière de Loyre et nous sommes enquis de port en port des vaisseaux quy y pouvoint estre et nous sommes arrivés à la rade de Paimbeuf le xive jour dudit mois de may17 ».

  • 18 Ibidem, p. 337.

16L'expression de « port en port » révèle bien l’existence de havres le long de l’estuaire mais ils ne sont pas nommés dans le procès-verbal, signe sans doute de leur modestie. À Paimbœuf, rien à signaler non plus puisque le rapport se poursuit ainsi : « Et advenant le landemain jeudi xve jour dudit moys, nous sommes rentrés dans notre chaloupe et descenduz dans la ville de Sainct-Nazaire18 ». Jacques Charette retient seulement deux vaisseaux appartenant aux habitants de ladite ville de Saint-Nazaire et qui ne « sont à présent à la rade ». Charles Cady, sieur de Pradois, pour l’Amirauté juridiction royale de Guérande inspecte également le port de Saint-Nazaire. Il se montre pour sa part un peu plus loquace en mentionnant Méan, situé à proximité immédiate de Saint-Nazaire et en donnant les listes plus étoffées de bâtiments. Cela reste malgré tout bien peu de choses.

17L’enquête de 1683-1686 se situe dans la même veine. Elle contient toutefois un peu plus de renseignements, notamment sur des lieux ignorés en 1664.

Tableau 2 – Sites de l’estuaire de la Loire mentionnés dans l’enquête dite Seignelay

Ports et havres

Nombre de bâtiments


de mer, tonnage et équipage

Commentaires

Saint-Nazaire


(folio 110)

20 chaloupes


(5 à 6 tonneaux chacune)


4 à 5 hommes sur chacune

« […] ces gens la qui sont bons pilotes entrent et sortent tous les bastimens […] de la riviere de Nantes et les vont chercher […] au large »

Hautes et Basses Indres


(folio 105)

60 barques


(1,5 tonneau chacune)


2 hommes sur chacune

« […] servent quelque fois à la pesche et le plus souvent à monter de Painbeuf à Nantes et de Nantes à Painbeuf »

Isle de Trente Moux

35 barques


(1,5 tonneau chacune)


2 hommes sur chacune

« […] ne servent qu’à la pesche »

  • 19 Le Bastard, Hubert, Les pilotes lamaneurs ligériens. Essai sur le recrutement et (...)
  • 20 Arch. nat., Fonds Marine C/4 170, descriptions des Amirautés du royaume. Amirau (...)
  • 21 Bouyer, Murielle, Les marins de la Loire…, op. cit., p. 207.

18En dehors des indications chiffrées, l’enquête de 1683-1686 permet de qualifier le rôle de Saint-Nazaire comme station de pilotage à l’entrée de l’estuaire de la Loire, situation confirmée par d’autres sources19. D’un point de vue quantitatif, Saint-Nazaire, de par sa situation géographique notamment, apparaît comme le poste de pilotage le plus important. Sur les 100 pilotes établis par le règlement de janvier 1699 dans toute l’étendue du siège de l’amirauté de Nantes20, Saint-Nazaire en compterait peut-être 4821. Le rôle général révèle également l’intensité du trafic entre Nantes et Paimbœuf, son principal avant-port, même si les bâtiments évoqués sont d’un tonnage modeste et que les gabares de Loire, d’un port beaucoup plus important, assurent une bonne part de ces échanges.

Figure 1 – Plan de Nantes et du cours de la rivière de Loire, depuis la mer jusqu’à Nantes par Jeffrays, xviie siècle

Figure 1 – Plan de Nantes et du cours de la           rivière de Loire, depuis la mer jusqu’à Nantes par Jeffrays, xviie siècle

Source : Archives départementales de Loire-Atlantique, cote 1 Fi 1.

19En confrontant les éléments issus des enquêtes de 1664 et de 1683-1686 avec la carte levée au xviie siècle par l’Anglais Jeffrays, on constate que les enquêtes sont loin de nous donner une cartographie fidèle des différents sites de l’estuaire de la Loire. Qu'en est-il de l’enquête de 1665 ou plutôt des fragments dont nous disposons ? Les informations sont nettement plus précises sur les sites nommés avec la mention de la profondeur d’eau à basse et haute mer et des possibilités d’aménagement offertes selon les lieux. Toutefois, l’objectif de cette enquête pour Colbert de Croissy est la recherche d’un havre d’envergure pour y implanter un arsenal. Il est donc logique que ce que Gérard Le Bouëdec qualifie de « poussière portuaire » échappe aux rédacteurs. On reste toutefois surpris de l’omission dans l’ensemble des sources consultées d’avant-ports primitifs de Nantes comme Couëron et le Port-Launay sur la rive droite du fleuve, ou encore du Pellerin sur la rive gauche.

Des ports plus lisibles à la fin du xviiie siècle ?

L’enquête Chardon et l’espace ligérien

  • 22 Dans le cadre d’un mémoire d’habilitation à diriger des recherches en cours consacré à la (...)
  • 23 L’espace ligérien fait l’objet de très nombreuses enquêtes, complètes ou partie (...)

20À bien des égards, l’apport des enquêtes pour la seconde moitié du xviie siècle peut apparaître décevant au regard des buts visés. La trame portuaire est imparfaitement restituée et il n’est pas question de mener une analyse plus poussée à propos de l’inscription spatiale et des infrastructures de chacun des sites, fussent-ils modestes, pendant cette période. Un siècle plus tard, les ports apparaissent-ils plus nettement ? Ce glissement chronologique répond à la volonté d’éprouver la capacité globale des enquêtes à enrichir nos connaissances sur les ports et, plus prosaïquement, à fournir également des éléments à un travail en cours qui consiste à construire une typologie des espaces de la construction navale, des infrastructures et des objets associés22. Il s’agit donc de tester l’emploi des enquêtes littorales de la fin du xviiie siècle en ce qu’elles peuvent nous permettre de rétablir la matérialité portuaire (le quai, le chantier, les espaces de stockage, etc.) à la veille de la Révolution française, avant des enquêtes postérieures, notamment commandées sous l’Empire23.

  • 24 Arch. nat., Marine, C4/174-176, Procès-verbaux d’inspections des ports et amira (...)
  • 25 Voir l’édition critique de cette enquête, deux tomes actuellement, sous la direction de D (...)
  • 26 Llinarès, Sylviane, « De Brest à Bayonne : l’enquête Chardon dans les ports français à la (...)

21Dans ce contexte, l’historien s’oriente naturellement vers l’enquête du commissaire du roi Daniel Chardon, réalisée entre 1781 et 178524. Depuis l’enquête de François Le Masson du Parc de 1727 et 1728 à propos des pêches25, le royaume de France n’a plus fait l’objet d’une enquête nationale et celle de Daniel Chardon apparaît comme le grand audit des questions littorales au xviiie siècle. Il ne s’agit pas de revenir en détail sur les motivations générales et le déroulé de cette inspection, qui ont fait l’objet du mémoire d’habilitation et de plusieurs publications de Sylviane Llinarès. Mais dans la mesure où il s’agit d’observer plus spécifiquement l’espace ligérien26, revenons sur cette partie de l’enquête. Les amirautés de l’Ouest sont celles qui sont visitées les premières en 1781 et c’est aussi le terrain sur lequel Chardon éprouve les questionnements auquel il doit répondre tout en affinant sa méthode, ce qui explique que les procès-verbaux ne sont pas aussi riches et égaux en informations que ceux de la seconde vague, notamment pour l’espace méditerranéen. C’est d’ailleurs cette raison qui pousse le commissaire à revenir sur les premières amirautés visitées pour compléter son information. C’est justement le cas de celle de Nantes qui est l’objet d’un premier déplacement de Chardon fin janvier 1781 puis d’un second fin novembre 1783 pour y vérifier des points concernant les pêches. C’est à partir de ces documents que s’articule notre propos dans cette seconde partie, deux procès-verbaux qui représentent près de 80 pages, parmi les plus importants selon Sylviane Llinarès.

  • 27 Bonin, Emmanuel, Dallo, Alain, « Hyperbase et Lexico 3, outils lexicométriques pour l’his (...)

22Puisqu’il s’agit aussi d’éprouver des outils variés pour l’analyse de ces enquêtes littorales, c’est une analyse lexicométrique qui a été choisie pour révéler l’intérêt, ou non, de l’enquête Chardon pour la trame portuaire ligérienne. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une méthodologie nouvelle pour l’historien, mais il semble que les enquêtes littorales n’aient pas encore été envisagées à travers ce filtre. Le fait de travailler sur un échantillon – en l’espèce 80 pages – permet d’opter pour cette méthode et c’est sur la base des propositions d’Emmanuel Bonin et d’Alain Dallo, dans leur article publié dans la revue Histoire et Mesures qui présentait l’usage d’Hyperbase et de Lexico à partir des discours du révolutionnaire Saint-Just27, que cet outil a été abordé. En dehors de l’usage proprement dit de ces logiciels, qui nécessite un apprentissage de longue haleine qui n’a pu être conduit à son terme pour cette présentation, une telle analyse contraint à transcrire au préalable le texte, un travail qui ne peut donc être mené qu’à partir d’échantillons.

  • 28 Sylviane Llinarès dénombre 31 droits perçus différents à partir d’un document de (...)

23Quels sont les premiers résultats ? Les vingt premières occurrences qui apparaissent de cette première analyse sont fidèles aux objectifs de Chardon et les révèlent en quelque sorte : il s’agit d’une enquête destinée à réformer la fiscalité maritime et moderniser l’ordonnance de 1681 et dans ce contexte on ne peut guère être surpris d’y retrouver des mots ou des expressions tels que « droit28 » (188 fois), « arrêt du conseil » (42), « perception » (41) ou encore « jugement » (29), ainsi que l’activité de pêche qui est associée à ces aspects fiscaux.

Tableau 3 – Les vingt premières occurrences dans les procès-verbaux Chardon pour l’amirauté de Nantes (1781, 1783)

Mots

Nombre d’occurrences

Droit(s)

188

Pêche, pêcherie

50

Amirauté

47

dont Amirauté de Nantes

44

Conseil (arrêt du)

42

Perception

41

Échelle d’eau

39

Jugement

29

Port/havre

28

Lestage/délestage

13

Bris, naufrage, échouement

12

Rivage, côte

10

Cargaison, marchandises

8

Visite

7

Mer

6

Quai (dont maître de quai)

6

Balisage

6

Congé

6

Ordonnance

4

Filet

4

24La mention récurrente de l’amirauté de Nantes est également importante et nous permet de repréciser que l’enquête de Chardon est avant tout une enquête des amirautés ; nous reviendrons sur cet aspect important.

Une trame portuaire impressionniste

25Où est le port ? L’infrastructure proprement dite ? Force est de constater que la trame portuaire ligérienne est peu perceptible dans ces procès-verbaux. Non seulement le terme est peu mentionné – 28 fois – mais les aspects matériels constitutifs du port n’émergent pas non plus. Pour le mot « quai », c’est surtout du maître de quai et de son rôle dans la perception de la fiscalité dont il est question et le « balisage » concerne avant tout le droit qui en découle et pas l’action proprement dite. Le « chantier » de construction navale n’apparaît qu’à deux reprises, « aménagement » et « nettoyement du port » qu’une seule fois. Pour cette première approche, la trame portuaire est évanescente, à peine en filigrane, et ce qui renforce ce constat est la récurrence de la mention géographique des ports dans ces procès-verbaux.

Tableau 4 – Les vingt premières occurrences « géographiques » dans les procès-verbaux Chardon pour l’amirauté de Nantes (1781, 1783)

Mots ou expressions

Nombre d’occurrences

Nantes

46

Loire (ou « rivière de Nantes »)

31

Paimbœuf

9

Le Croisic

9

Rezé

8

Le Pellerin

7

Bouguenais

6

Le Pouliguen

6

Saint-Nazaire

6

Mesquer

5

Bourgneuf

5

Trentemoult

4

Martigné

4

Port-Launay

4

Donges

4

Vilaine

4

Ingrandes

3

La Guerche

3

Rochefort

3

Poitou

2

26Si le port de Nantes et la Loire sont logiquement mentionnés, les autres ports ligériens sont peu cités et ne le sont pas nécessairement pour leur rôle d’infrastructure portuaire, mais davantage parce qu’ils abritent des communautés, dont beaucoup sont ecclésiastiques, susceptibles de percevoir certains droits. Le dernier élément qui a tendance à mettre la trame portuaire au second plan est le peu d’informations que l’on retrouve à propos des navigations, des marchandises et de la nature de celles-ci. Daniel Chardon consacre deux pages pour indiquer que Nantes est occupé au « commerce des nègres », à la droiture antillaise et réalise quelques armements aux Indes. En dehors de quelques éléments concernant le commerce du sel au Croisic, à Mesquer, Pornic et Bourgneuf, les trafics, tout comme la trame portuaire, sont inexistants dans ces deux procès-verbaux.

27Ces premiers éléments sont à mettre en rapport avec l’ensemble des items que Sylviane Llinarès a repérés et qui correspondent à ceux que Daniel Chardon a lui-même définis en décembre 1779. Dans le cas de Nantes et de l’estuaire, tous les items ne sont pas documentés dans les deux procès-verbaux, en tout cas pas ceux qui permettraient d’approcher le port et sa réalité matérielle.

Tableau 5 – Liste des 34 items structurant la collecte d’information de l’enquête Chardon (en gris les items développés dans les procès-verbaux concernant l’amirauté de Nantes)

Tableau 5 – Liste des 34 items structurant la           collecte d’information de l’enquête Chardon (en gris les items développés dans les procès-verbaux           concernant l’amirauté de Nantes)

28Le constat vient confirmer un aspect qui a été soulevé à maintes reprises dans le cadre des ateliers du projet LETO. Si la demande est uniforme, la réponse ne l’est pas, y compris, et c’est sans doute le plus original, lorsque l’enquêteur est unique, comme c’est le cas avec Daniel Chardon.

Les mécanismes de construction de l’enquête

29L’absence d’informations concernant certains items, qui ont pourtant retenu l’attention du commissaire pour d’autres amirautés, de même que la formulation de réponses incomplètes et évasives conduisent à s’intéresser aux mécanismes de construction de l’enquête, qui ne semblent pas uniforme d’un lieu à l’autre. En l’espèce, il s’agit d’une enquête réalisée à partir de la documentation produite par les amirautés et dans le cas de Nantes, Daniel Chardon ne fait pas mystère de la procédure mise en œuvre. Il indique « se transporter dans l’amirauté de Nantes, à l’effet d’examiner les registres du greffe, vérifier les droits qui se perçoivent à quelque titre que ce soit ». Plus loin :

« Nous nous sommes rendus au port de Nantes, où nous avons trouvé les sieurs Bacher lieutenant général, Cottineau et le Borgne greffiers de la-dite amirauté et nous avons commencé à vaquer en la forme qui suit […]. Nous étant fait représenté les registres du greffe, nous avons fait dresser l’état des bris et naufrage que nous avons annexé à notre présent procès-verbal ».

30Daniel Chardon indique donc avoir auditionné l’ensemble des responsables de l’Amirauté, mais seulement eux. Autrement dit, le commissaire ne semble pas mener une enquête de terrain très poussée – il ne reste d’ailleurs que trois jours – et n’interroge pas les acteurs locaux, comme c’était le cas pour d’autres amirautés, en Méditerranée par exemple.

31Dans le cas du procès-verbal de l’amirauté de Nantes, les questions fiscales dominent logiquement un propos très structuré mais tout autre sujet n’est l’objet que de mentions succinctes susceptibles de conduire à la désinformation du lecteur. C’est patent à propos des questions liées à la construction navale et aux aménagements du fleuve. Dans le premier cas, Chardon consacre un demi-paragraphe en indiquant que :

« L’Amirauté de Nantes n’a qu’un seul chantier pour construire des vaisseaux qui est situé dans la rivière de Nantes. Les plus grands qui en soyent sortis étoient des frégates de 44 canons en batteries dont la première portoit du calibre de dix huit livres de balle. Cependant il a été construit quelquefois des chasses marées dans les ports obliques de cette amirauté. ».

32Ce passage, le seul qui soit consacré à ce sujet, est très évasif, notamment lorsqu’il s’agit de situer précisément les lieux des chantiers. Il s’agit pourtant d’une activité importante pour Nantes et l’estuaire, représentant un poids économique et social majeur, au service du commerce comme de l’État et dont les infrastructures sont clairement localisées. Si le chantier évoqué par Chardon est l’île d’Indret, site appartenant à la Marine où sont installés un entrepôt de bois et une fonderie de canons, la construction des navires a lieu en réalité à Basse-Indre, un site abritant plusieurs chantiers, notamment ceux appartenant au constructeur nantais Nicolas Bourmaud. En outre, les chantiers de la Chézine, de la Piperie et de Paimbœuf ont déjà été des lieux de construction des navires de l’État avant la guerre d’Indépendance américaine. Au moment où Daniel Chardon réalise son enquête, la construction navale est d’ailleurs un sujet central pour Nantes et l’estuaire puisque l’ensemble de cet espace est mobilisé pour répondre aux commandes de la Marine, notamment pour assurer la construction de frégates. En 1781, l’ingénieur constructeur Ollivier est présent pour assurer la supervision de ces constructions. De tous ces éléments, il n’est pas question dans le procès-verbal de Chardon.

33La même imprécision est de mise lorsqu’il s’agit de traiter des aménagements de la Loire et de l’estuaire, un objet de vifs débats pour les Nantais à cette époque. Daniel Chardon indique que « les ouvrages faits pour la sûreté de la navigation de Nantes ont été payés par le Roy et par les États », tout en signalant la construction « d’un môle à Paimbœuf ». Comment interpréter le silence à propos des très nombreux aménagements du fleuve depuis la venue de l’ingénieur Magin à Nantes dans les années 1750, sans compter le contenu et les conclusions de la grande enquête de l’ingénieur des Ponts et Chaussées Perronet en 1770 ? Si les aménagements proprement dits ne sont pas source d’intérêt pour le commissaire, la question des « bris et naufrages » ainsi que l’avenir des activités commerciales locales, liés à la navigabilité du fleuve, sont des enjeux de son enquête.

34Au terme de cette brève et incomplète présentation, il apparaît que les enquêtes sélectionnées pour l’espace ligérien sont bien peu utiles pour tenter une reconstitution de la trame portuaire, son organisation spatiale autant que les équipements qui la caractérisent. En dépit de la qualité formelle du questionnement initial des commanditaires et de la méthodologie employée pour y répondre, les résultats sont inégaux et imposent au chercheur de prendre en compte la disparition de certaines pièces tout comme l’hétérogénéité des acteurs impliqués et leur réponse. Chacune d’entre elles constitue une enquête dans l’enquête et contraint à une constante recontextualisation de la procédure mise en œuvre localement. L’absence des informations escomptées pour Nantes n’implique pas un résultat identique pour d’autres espaces. Ainsi, la très belle enquête de 1665 se révèle traditionnellement un outil de première importance pour appréhender les ports du royaume.

  • 29 L’expression est employée par Jean-Philippe Zanco, Dictionnaire des ministres de la Marin (...)

35De ce premier constat découle la nécessité de croiser plusieurs enquêtes pour construire une information fiable. Dans le cas de la Bretagne, on voit bien la nécessité de compléter les enquêtes colbertiennes de 1664 et de 1665 avec celles de Colbert de Seignelay  et de Béchameil de Nointel, sans compter celle, plus tardive, de Le Masson du Parc (1726-1728). Ce croisement doit d’ailleurs inviter à dépasser les frontières ministérielles car le secrétariat d’État de la Marine n’est pas le seul producteur de connaissances sur le littoral. En poussant le raisonnement et en reprenant l’exemple nantais, il s’agit même de savoir si les enquêtes commandées par la Marine sont les plus à même de renseigner l’historien sur l’activité maritime. Le regard porté sur l’enquête Chardon dans le cas de Nantes et de l’estuaire de la Loire permet de nourrir cette hypothèse. Malgré l’importante modernisation du secrétariat d’État de la Marine qui débouche sur la constitution d’un véritable « ministère de la mer29 », il faut rester prudent sur le caractère omnipotent de cette administration pour tout ce qui a trait aux « choses de la mer ». À Nantes, la mer et ses activités apparaissent au contraire comme un domaine partagé entre le secrétariat d’État de la Marine, le Contrôle général des finances, les États de Bretagne et les acteurs politiques et économiques locaux. Chacun est susceptible d’être producteur d’un savoir et d’une expertise propre qu’il s’agit de confronter. Dans le cas des infrastructures portuaires nantaises à la veille de la Révolution, la production de connaissances la plus fine appartient aux États de Bretagne conjointement avec le Contrôle général des finances et son bras armé, le corps des Ponts et Chaussées.

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Notes

1 Voir les premières contributions relatives à ce dossier (Martine Acerra, Sébastien Martin, Christian Pfister et Thierry Sauzeau) dans ABPO, t. 125-4, 2018, p. 69-130.

2 Bouyer, Murielle, Les marins de la Loire dans le commerce maritime nantais au xviiie siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 16-17.

3 Renseignement aimablement communiqué par Vincent Bugeaud.

4 Vauthier-Vézier, Anne, « La Basse-Loire : du mot au territoire », Aestuaria, n° 2, 2001, p. 133-149. Signalons toutefois que le terme de « Basse-Loire » est présent dans les sources de la première moitié du xixsiècle en tant que synonyme d’estuaire, donc sans revêtir de connotation industrielle ; il se distingue de celui de « Haute-Loire » qui qualifie l’espace localisé en amont de Nantes. Renseignement aimablement communiqué par Vincent Bugeaud.

5 Tanguy, Jean, Le commerce nantais dans la seconde moitié du xvie et au début du xviisiècle, thèse de troisième cycle, dactyl., université de Rennes, 1967, t. 1, p. 22. Par exemple : « Si les ports de la Basse-Loire, de Nantes au Croisic, continuent à fournir l’essentiel de la flotte nantaise du xvie au xviie siècle, il semble tout de même qu’à partir du xviie siècle, les armateurs nantais tendent à sortir de l’estuaire pour élargir leur aire d’approvisionnement » ; Pétré-Grenouilleau, Olivier, Les négoces maritimes français (xviie-xxe siècles), Paris, Belin Sup Histoire, 1997, p. 60 : carte des « “ports” de la Basse-Loire à la fin du xviie siècle », allant de Mesquer au nord jusqu’à Beauvoir au sud.

6 La Loire, particulièrement entre Nantes et Paimbœuf, est l’objet de très nombreuses enquêtes, suivies parfois de travaux. Il faut, par exemple, mentionner celle des États de Bretagne en 1770, qui est menée par l’ingénieur des Ponts et Chaussées Jean-Rodolphe Perronet, Archives municipales de Nantes, DD/162, 1770.

7 Michon, Bernard, Le Port de Nantes au xviiie siècle. Construction d’une aire portuaire, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2011, p. 79-126.

8 Bibliothèque nationale de France (BnF), VC Colbert 199, Procès-verbaux de l’inventaire des vaisseaux de 1664.

9 Maître, Léon, « Situation de la marine marchande du comté nantais d’après l’enquête de 1664 », Annales de Bretagne, t. 17, 1902-1903, p. 326-343.

10 L’Amirauté de Bretagne est créée par les édits de Saint-Germain-en-Laye d’avril et de juin 1691, après plusieurs tentatives infructueuses. La province est divisée en sept sièges particuliers : Saint-Malo, Saint-Brieuc, Morlaix, Brest, Quimper, Vannes et Nantes. Avant cette date, la sénéchaussée royale de Nantes assurait cette fonction. Elle étendait sa juridiction à l’ensemble du comté nantais, à l’exception notamment de la sénéchaussée de Guérande et du duché de Retz.

11 Guérande ne fut jamais le siège d’une Amirauté. Cependant, la sénéchaussée royale a la responsabilité des affaires maritimes avant la création de l’Amirauté de Bretagne en 1691. La sénéchaussée de Guérande, en raison de l’éloignement de Nantes, bénéficie d’une délégation de pouvoir. Ainsi, le sénéchal tient audience comme lieutenant général de l’Amirauté jusqu’en 1692.

12 Service historique de la Défense, Vincennes, SH 48, Enquête sur les havres et ports de France, 1665, f° 502.

13 Service historique de la Défense, Vincennes, SH 48, Enquête sur les havres et ports de France, 1665, f° 508v-509.

14 Aubert, Gauthier, Jarnoux, Philippe et Pourchasse, Pierrick (éd.), La Bretagne de Louis XIV. Mémoires de Colbert de Croissy (1665) et de Béchameil de Nointel (1698), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2016, p. 222.

15 Ibid., p. 223-225.

16 Chambre de commerce de Dunkerque, B 19 12787. Une publication de ce manuscrit a été réalisée par Demerliac, Alain, La marine de Louis XIV. Nomenclature des vaisseaux du Roi Soleil de 1661 à 1715, Nice, Éditions Omega, 1995.

17 Maître Léon, « Situation de la marine… », art. cité, p. 336.

18 Ibidem, p. 337.

19 Le Bastard, Hubert, Les pilotes lamaneurs ligériens. Essai sur le recrutement et l’encadrement du personnel du pilotage sous le régime de l’Ordonnance de la Marine d’août 1681 (1681-1806), thèse de droit maritime, dactyl., université de Nantes, 1976, t. 1, p. 160-164. L’auteur distingue les stations « intérieures », implantées à Nantes et à Indre, des stations « extérieures » à l’estuaire, localisées au Croisic et à Bourgneuf. En suivant les règlements, il inclut Saint-Nazaire dans la deuxième catégorie.

20 Arch. nat., Fonds Marine C/4 170, descriptions des Amirautés du royaume. Amirautés de Quimper, Vannes et Nantes (sans date, peut-être rédigé à la fin de la décennie 1730 ou au début des années 1740).

21 Bouyer, Murielle, Les marins de la Loire…, op. cit., p. 207.

22 Dans le cadre d’un mémoire d’habilitation à diriger des recherches en cours consacré à la sous-traitance des navires de la Marine de la guerre de Sept Ans aux années 1820-1830, l’une des problématiques concerne la réalité du chantier de construction et de ses artefacts.

23 L’espace ligérien fait l’objet de très nombreuses enquêtes, complètes ou partielles, à partir de la Révolution, souvent motivées par la volonté d’implanter un arsenal. Le 3 pluviôse an III (23 janvier 1795), la Commission des travaux publics publie un Rapport sur les nouveaux sites propres à construire des navires de guerre rédigé sur la base du rapport de l’ingénieur des Ponts-et-Chaussées Groleau et de l’ingénieur-constructeur de la Marine Degay. Ce premier rapport est repris et plus ou moins enrichi par l’Enquête pour l’établissement d’un grand établissement de constructions et d’armements militaires à établir au haut de la ville de Paimbœuf menée par l’architecte Mathurin Crucy pour la Marine et l’Examen des rivières de Loire & de Vilaine à l’effet de reconnaître la possibilité d’y établir des chantiers de construction pour les vaisseaux de 74 canons dirigé par le contre-amiral Missiessy, le capitaine La Bretonnière et à nouveau Mathurin Crucy le 25 juillet 1808. Les ports de commerce ne sont pas en reste et figurent dans l’Enquête pour l’attribution des financements des ports de commerce réalisée par les Ponts et Chaussées et la Grande enquête sur le commerce et les moyens de transport Bureau des informations administratives et de statistique du Ministère de l’Intérieur.

24 Arch. nat., Marine, C4/174-176, Procès-verbaux d’inspections des ports et amirautés de France par le commissaire Chardon, 1782-1785.

25 Voir l’édition critique de cette enquête, deux tomes actuellement, sous la direction de Denis Lieppe : Pêches & pêcheurs en Aquitaine au xviiie siècle (tome 1) et Pêches & pêcheurs de Saintonge, d’Aunis et du Poitou au xviiie siècle (tome 2), Saint-Quentin-de-Baron, Les éditions de l’Entre-deux-Mers, 2009.

26 Llinarès, Sylviane, « De Brest à Bayonne : l’enquête Chardon dans les ports français à la fin de l’Ancien Régime », dans Fernandez, Alexandre et Marnot, Bruno (dir.), Les ports du golfe de Gascogne. De Concarneau à La Corogne (xve-xxie siècle), Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2013, p. 61-74 ; Acerra, Martine, Buti, Gilbert, Llinarès, Sylviane et Pfister, Christian, « Inspecter le littoral français à l’époque moderne », dans La maritimisation du monde de la préhistoire à nos jours, Paris, Presses universitaires de Paris-Sorbonne, 2016, p. 497-513.

27 Bonin, Emmanuel, Dallo, Alain, « Hyperbase et Lexico 3, outils lexicométriques pour l’historien », Histoire et Mesures, n° 3-4, 2003, p. 389-402.

28 Sylviane Llinarès dénombre 31 droits perçus différents à partir d’un document de synthèse établi par Chardon en 1787.

29 L’expression est employée par Jean-Philippe Zanco, Dictionnaire des ministres de la Marine, Paris, éditions SPM, 2011, p. 43.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 – Plan de Nantes et du cours de la rivière de Loire, depuis la mer jusqu’à Nantes par Jeffrays, xviie siècle
Légende Source : Archives départementales de Loire-Atlantique, cote 1 Fi 1.
URL http://journals.openedition.org/abpo/docannexe/image/4640/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 444k
Titre Tableau 5 – Liste des 34 items structurant la collecte d’information de l’enquête Chardon (en gris les items développés dans les procès-verbaux concernant l’amirauté de Nantes)
URL http://journals.openedition.org/abpo/docannexe/image/4640/img-2.png
Fichier image/png, 263k
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Pour citer cet article

Référence papier

Bernard Michon et David Plouviez, « Les enquêtes littorales comme indicateur des existences portuaires »Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 126-3 | 2019, 101-116.

Référence électronique

Bernard Michon et David Plouviez, « Les enquêtes littorales comme indicateur des existences portuaires »Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest [En ligne], 126-3 | 2019, mis en ligne le 01 janvier 2022, consulté le 16 avril 2024. URL : http://journals.openedition.org/abpo/4640 ; DOI : https://doi.org/10.4000/abpo.4640

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Auteurs

Bernard Michon

Maître de conférences en histoire moderne, Centre de recherches en histoire internationale et atlantique (CRHIA-EA 1163), université de Nantes

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David Plouviez

Maître de conférences en histoire moderne, Centre de recherches en histoire internationale et atlantique (CRHIA-EA 1163), université de Nantes

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