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Entreprises privées et psychiatrie dans la France des années 1930

L’exemple de l’asile psychiatrique de Plouguernével
Private hospitals and psychiatry in 1930s France: the example of the psychiatric asylum of Plouguernével
Joris Guillemot
p. 105-124

Résumés

Cet article a pour objectif d’étudier les nouvelles modalités de prise en charge des malades mentaux dans la France des années 1930, avec en toile de fond la question des rapports entre les pouvoirs publics et les entrepreneurs privés dans le domaine de la médecine de façon générale et de la psychiatrie en particulier. Nous avons choisi ici d’étudier le cas d’un asile, celui de Plouguernével (Côtes-du-Nord) qui ouvre en 1934 grâce à un industriel de la Troisième République : Justin Perchot. La création de cet établissement vise tout d’abord à réduire l’encombrement des asiles, notamment dans la Seine. Elle se veut également une réponse à la crise économique du moment, les pouvoirs publics ne disposant pas, ou plus, des fonds nécessaires à l’entretien des malades. Ces derniers se montrent néanmoins extrêmement critiques à l’encontre de l’entreprise chargée de gérer l’établissement. La mortalité, mais aussi la création du cimetière, sont des questions autour desquelles les tensions gravitent. Il y a une forme de paradoxe à voir les pouvoirs publics se montrer véhéments contre une entreprise dont ils ont pourtant besoin. La question qui se pose est donc de savoir si la psychiatrie française dans les années 1930 peut constituer un révélateur d’enjeux de pouvoirs.

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Entrées d’index

Chronologie :

XXe siècle

Noms de lieux :

Plouguernével, Côtes-d’Armor
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Texte intégral

  • 1 Voir à ce sujet la bibliographie de l’ouvrage d’Olivier Faure (Faure, Olivier, Les cliniques privé (...)
  • 2 Dans son travail sur les cliniques privées, Olivier Faure expliquait que, contrairement « à ce que (...)
  • 3 Sur l’asile de Saint-Rémy, le lecteur pourra notamment consulter l’ouvrage suivant : Aulas, Noëlli (...)

1Malgré quelques ouvrages publiés dans les années 1970, l’intérêt des historiens pour la question de l’hospitalisation privée est relativement récent et date, pour l’essentiel, de la fin des années 1990 et du début des années 20001. La plupart de ces travaux s’intéressent à la question de l’articulation, dans la période la plus récente, entre la question des soins apportés aux malades et celle des bénéfices engrangés. Cette problématique n’est toutefois pas neuve. L’initiative privée dans le domaine de la médecine et dans celui de la psychiatrie est ancienne et remonte au xixe siècle2, mais c’est la crise économique des années 1930 et la problématique, récurrente, de l’encombrement asilaire qui font considérablement évoluer la manière de considérer cette question. Il s’agit désormais de repenser le modèle, alors en vigueur depuis le siècle précédent, de la prise en charge de ceux que l’on nomme des « aliénés ». Les pouvoirs publics envisagent alors d’avoir recours à des entrepreneurs qui disposent de moyens financiers qu’ils n’ont pas ou n’ont plus. Les asiles psychiatriques de Plouguernével (Côtes-du-Nord) et de Saint-Rémy (Haute-Saône), gérés tous les deux par la même entreprise, et dont les créations remontent respectivement à 1934 et 1937, illustrent parfaitement cette évolution3.

  • 4 Sur la loi de 1838, voir : Quétel, Claude, Histoire de la folie. De l’Antiquité à nos jours, Paris (...)
  • 5 Faure, Olivier, Les cliniques privées…, op. cit., p13.

2Mais cette mutation dans les pratiques n’est pas sans créer des réticences, voire des oppositions. En première ligne dans la gestion des malades depuis la loi de 18384, les départements se voient ainsi dépouillés d’un certain nombre de leurs prérogatives et sont contraints de « collaborer » avec des entrepreneurs privés. Dans le cas de Plouguernével, les débats sont parfois très virulents et les autorités publiques tentent de mettre à mal le dispositif mis en place par l’entreprise chargée de gérer l’établissement. Sont alors évoquées, dans les premières années durant lesquelles l’asile fonctionne, les problématiques d’accueil des malades ou de la mortalité que l’on juge alors comme étant tout à fait inquiétante. Plus encore, c’est la responsabilité de l’entreprise qui est directement mise en avant, cette dernière étant accusée de vouloir réaliser un maximum de bénéfices aux dépens des malades en effectuant seulement un minimum d’entretien et d’aménagement des bâtiments. Mais derrière ces considérations matérielles et médicales, se cachent, semble-t-il, de véritables enjeux politiques. En effet, si la conjoncture particulière des années 1930 nécessite de prendre des mesures nouvelles, elle contribue également à mettre en avant des « rivalités » ou des tensions entre les différents protagonistes. Nous pourrions donc faire nôtre la phrase d’Olivier Faure qui parle d’un « paradoxe […] celui d’une hospitalisation privée aussi importante que contestée5 ».

3C’est donc à une forme de paradoxe que souhaite s’intéresser cet article : la réticence, de la part des pouvoirs publics, à confier la gestion des malades à des entreprises privées dont ils ont pourtant besoin. Outre la question de l’encombrement asilaire et celle de la mortalité au sein de l’établissement de Plouguernével qui feront ici l’objet d’un développement, un troisième paragraphe sera consacré à un objet d’étude singulier : le cimetière de l’asile dont la création date des années 1930. Ce lieu ne peut être considéré comme une simple annexe des établissements psychiatriques dans la mesure où il est la conséquence logique, dans les années 1930, des difficultés liées à la surpopulation asilaire. Son installation ne s’est pas faite sans heurts entre l’entreprise chargée de la gestion de l’établissement et les autorités locales notamment. Ainsi, le cimetière peut donc être considéré comme un révélateur des enjeux de pouvoir en psychiatrie.

  • 6 Ces rapports sont disponibles sur Gallica.

Figure 1 – Localisation des asiles/hôpitaux psychiatriques bretons d’après les rapports de l’Assistance publique (1934-1938)6

Figure 1 – Localisation des asiles/hôpitaux psychiatriques bretons d’après les rapports de l’Assistance publique (1934-1938)6

La création de l’asile de Plouguernével en 1934 : une réponse à l’encombrement des établissements de la Seine

  • 7 Voir par exemple le travail de Firmin Lagardelle : Lagardelle, Firmin, Étude sur les colonies agri (...)
  • 8 À ce sujet, le lecteur pourra se reporter aux dossiers de l’avocat Augustin Rioche qui géra les bi (...)
  • 9 À titre d’exemple : en 1863, la contribution imposée aux familles des aliénés du département de la (...)

4Pour les années 1920-1930, les historiens de la psychiatrie et de l’assistance publique retiennent essentiellement l’importance de la question de l’encombrement des divers asiles ou hospices que compte alors le territoire français. Mais cette problématique n’est pas nouvelle. En effet, dès le xixe siècle, les autorités et les aliénistes se sont attachés à trouver des solutions à ce qui posait déjà un vrai problème financier et de gestion des effectifs aux départements, alors en première ligne dans la prise en charge des malades7. Dès les années 1860-1870, il est question d’inciter les familles à participer aux frais de leurs malades placés dans les asiles. Dans cette perspective, les maires reçoivent des questionnaires dont l’objectif est de déterminer ce que l’on nomme alors la « part contributive » des familles8. On s’intéresse alors principalement aux ressources dont disposent les parents des aliénés9.

  • 10 Séance du conseil municipal de Loudéac, le 24 novembre 1929 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X11).
  • 11 Ibidem.

5Problématique ancienne et récurrente, l’encombrement ne touche d’ailleurs pas uniquement les asiles. Dès la fin des années 1920, le département des Côtes-du-Nord se trouve dans l’obligation de trouver une solution pour loger les vieillards du département. Dans sa séance du 24 novembre 1929, le conseil municipal de Loudéac affirme ainsi que « le nombre des vieillards, infirmes et incurables assistés en vertu de la loi du 14 juillet 1905 […] devient tous les jours plus grand10 ». Il demande alors au « Conseil général de bien vouloir étudier dans sa prochaine séance, les possibilités de construction ou d’aménagement d’un hospice départemental qui serait spécialement affecté aux vieillards, infirmes et incurables11 ».

6Très rapidement, on pense alors à la commune de Plouguernével qui présente un certain nombre d’avantages, dont celui de posséder un bâtiment d’une taille imposante en plein milieu de ce qui est alors un village d’environ 2 000 habitants.

  • 12 Ce graphique a été réalisé grâce aux chiffres fournis par le site de l’institut national de la sta (...)

Figure 2 – Évolution de la population à Plouguernével entre 1876 et 193612

Figure 2 – Évolution de la population à Plouguernével entre 1876 et 193612
  • 13 Voir à ce sujet la séance du Conseil général du 27 octobre 1928 au cours de laquelle est évoquée l (...)
  • 14 Séance du conseil municipal de Plouguernével, le 13 juillet 1930 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X (...)
  • 15 Arch. dép. des Côtes d’Armor, 1X11.

7Occupé depuis le début des années 1910 par une école d’agriculture, ce bâtiment est disponible à la fin des années 1920 quand les autorités envisagent la fermeture de l’école dont les effectifs n’ont cessé de diminuer depuis dix ans13. Ainsi, assez rapidement, l’idée d’installer un hospice départemental pour vieillards en Centre Bretagne prend forme et le 13 juillet 1930, le conseil municipal de Plouguernével, sous la présidence du maire Jules Le Men, donne un avis très favorable au projet14. Enfin, le décret du 30 novembre 1932 autorise la création d’un hospice départemental à Plouguernével15. L’objectif du projet est alors de désengorger les hospices du département, dont les plus importants sont ceux de Saint-Brieuc et de Guingamp.

  • 16 Ce graphique a été réalisé grâce à un rapport anonyme en date du 4 octobre 1932 sur les hospices d (...)

Figure 3 – Part des hospices bretons dans le nombre de vieillards hospitalisés dans les Côtes-du-Nord (octobre 1932) (en %)16

Figure 3 – Part des hospices bretons dans le nombre de vieillards hospitalisés dans les Côtes-du-Nord (octobre 1932) (en %)16
  • 17 Dans le document anonyme en date du 4 octobre 1932 cité précédemment, on peut lire : « En résumé, (...)
  • 18 Dans un rapport adressé au conseil général en mai 1933, le préfet explique : « Vous avez décidé, l (...)

8Néanmoins, pour diverses raisons, le projet est abandonné au début des années 1930. Cela s’explique notamment, selon certains observateurs, par le refus qu’opposeraient des vieillards à un éventuel transfert d’un hospice quelconque des Côtes-du-Nord vers Plouguernével17. Il faut également évoquer des raisons strictement financières qui poussèrent visiblement à mettre un terme à l’aménagement des bâtiments18.

  • 19 Séance du Conseil général du 8 octobre 1932 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X11).
  • 20 Ibidem.

9Dans ce contexte, les autorités de la Seine prennent les devants et engagent des tractations avec le Conseil général des Côtes-du-Nord dans l’objectif de louer les bâtiments. Ainsi, dès l’automne 1932, une offre de location des bâtiments est formulée auprès du département breton. On évoque alors un montant situé entre 175 000 et 200 000 francs19. Toutefois, le Conseil général semble davantage intéressé par un achat des bâtiments20.

  • 21 Séance du Conseil général du 11 mai 1933 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X11).
  • 22 À ce sujet, le lecteur pourra consulter les rapports de l’Assistance publique à l’intérieur desque (...)

10Comment expliquer les démarches entreprises par le département de la Seine ? Au cours de la séance du 11 mai 1933, les membres du Conseil général des Côtes-du-Nord font très clairement référence à la nécessité, pour les asiles de la Seine, de faire face à un nombre toujours plus important de malades à intégrer les structures du département21. La lecture des rapports de l’Assistance publique, entre 1900 et 1938, est à ce titre assez révélatrice. En effet, pendant la période, la courbe est ascendante avec une accélération du nombre des admissions à partir de 1925. Il est alors souvent difficile, pour les asiles parisiens, de faire face à cet afflux de malades, bien souvent victimes de la crise de la fin des années 1920, qu’ils ne peuvent accueillir et soigner dans des conditions décentes22.

  • 23 Ce graphique a été réalisé à partir des rapports de l’Assistance publique disponibles sur Gallica.

Figure 4 – Évolution des admissions dans les asiles / hôpitaux du département de la Seine d’après les rapports de l’Assistance publique (1900-1938)23

Figure 4 – Évolution des admissions dans les asiles / hôpitaux du département de la Seine d’après les rapports de l’Assistance publique (1900-1938)23
  • 24 Guillemain, Hervé, « Des institutions privées d’histoire. Enquête sur les archives d’entreprises c (...)

11Pour faire face à cette situation d’urgence, l’État initie alors des discussions avec le secteur privé, espérant ainsi limiter les frais de prise en charge24.

  • 25 Le principe de ces conventions est relativement simple : la Société a à sa charge les différents a (...)
  • 26 Séance de la commission départementale des Côtes-du-Nord, le 8 novembre 1934 (Arch. dép. des Côtes (...)
  • 27 Rapport de l’Assistance publique pour l’année 1933, p. 45-46 [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bp (...)

12À Plouguernével, l’idée d’une location par le département de la Seine est progressivement abandonnée au profit de deux conventions passées avec la société L’Abri-Foyer entre juillet et novembre 193425. La première, approuvée par la commission départementale le 8 novembre 1934, obligeait L’Abri-Foyer à recevoir à Plouguernével 200 malades du département des Côtes-du-Nord26. La seconde, entre l’entreprise et le département de la Seine, approuvée par le ministre de la santé publique le 27 juillet 1934, prévoyait que l’asile de Plouguernével puisse entretenir 400 aliénés pour le département27.

  • 28 Document anonyme et non daté (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117). À noter que le siège social de (...)
  • 29 Document anonyme et non daté (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

13Filiale de la société Commentry-Oissel, la Société L’Abri-Foyer se nommait, avant février 1934, « Compagnie foncière normande »28. L’entreprise, dont l’objet était, à l’origine, « l’acquisition, la mise en valeur, l’exploitation directe ou indirecte, le lotissement, le morcellement, la location, la promesse de vente, la revente, l’échange en bloc ou en détail de tous immeubles […], l’édification de toutes constructions, l’exploitation de toutes carrières, l’ouverture de tous crédits hypothécaires et autres, notamment pour construire », complète son panel de compétences en y ajoutant la « création, l’aménagement et l’exploitation de centres hospitaliers privés en France, en Algérie, en Tunisie et au Maroc29 ».

  • 30 Session extraordinaire du conseil général, le 5 mars 1934 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).
  • 31 Son père était sabotier à Gézier (Arch. dép. de la Haute-Saône, état-civil, 1863/1872, naissances- (...)
  • 32 Il soutient en 1892 une thèse dont la publication est réalisée en 1893 ; elle s’intitule : « Sur l (...)
  • 33 Les premiers travaux auxquels Justin Perchot participe semblent dater des années 1899-1900. Cette (...)
  • 34 Extrait du Dictionnaire des Parlementaires français de Jean Jolly. Disponible sur [www.senat.fr].

14L’Abri-Foyer avait à la tête de son conseil d’administration Justin Perchot30. Né en 1867 à Gézier (Haute-Saône), Justin Perchot, issu d’un milieu semble-t-il relativement modeste31, entame une carrière scientifique entre la fin des années 1880 et le début des années 189032. À la fin des années 1890 et au début des années 1900, il devient un entrepreneur de travaux publics reconnu à qui les autorités font appel dans le cadre de nombreux travaux33. Enfin, il faut mentionner ses responsabilités politiques puisque Justin Perchot devint député des Basses-Alpes à partir de 1910 et sénateur à partir de 191234.

15Personnalité politique et industrielle d’importance, Justin Perchot doit néanmoins faire face, dès l’ouverture de l’asile de Plouguernével en 1934, à des critiques parfois très virulentes visant à remettre en cause sa capacité à assurer une gestion appropriée des malades parisiens qui arrivent alors en Centre Bretagne. Le personnel de l’asile est en effet confronté à une situation particulière : l’importante mortalité qui sévit dans l’asile.

La mortalité à l’asile : une exception plouguiste ?

16Dès l’ouverture de l’asile de Plouguernével en 1934, les récriminations des membres du personnel à l’encontre de l’entreprise chargée de gérer l’établissement permettent de saisir un certain nombre de tensions liées, notamment, à l’accueil et aux soins apportés aux malades. On met alors en avant la mortalité au sein de l’asile. Pouvons-nous parler, pour autant, d’une spécificité plouguiste dans ce domaine ?

  • 35 Rapport du sous-préfet de Guingamp, le 29 novembre 1934 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).
  • 36 Rapport du docteur Pierre Humbert, octobre 1936 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

17Les causes évoquées pour expliquer les décès au sein de l’asile sont diverses. L’état, entendu au sens matériel du terme, de l’hôpital est mis en cause dès le mois de novembre 1934. En effet, le sous-préfet de Guingamp, à la suite d’une visite de l’établissement en novembre 1934, explique dans son rapport : « La visite des locaux démontre que l’idée dominante de la société a été d’exécuter un retapage minimum des vieux bâtiments35 ». Il précise son propos en évoquant notamment des installations défaillantes et une trop grande promiscuité entre les malades. Ainsi, entre février et mars 1936, ce sont 16 malades qui décèdent lors d’une épidémie de grippe qui s’est diffusée au sein de l’établissement36.

  • 37 Dans son rapport pour la période allant du 1er mai 1936 au 31 octobre 1936, le docteur Pierre Humb (...)
  • 38 Ces religieuses appartenaient à la congrégation des sœurs hospitalières du Sacré-Cœur de Jésus. On (...)
  • 39 Rapport du docteur Humbert, octobre 1936 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).
  • 40 Ibidem.
  • 41 Ibidem.
  • 42 Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117.

18Quant aux médecins-chefs, s’ils mettent le plus souvent en avant des explications médicales37, ils n’hésitent pas non plus à pointer l’insuffisance, à la fois qualitative et quantitative, du personnel infirmier. Le docteur Humbert rend notamment compte de conflits avec les religieuses38, accusées, en quelque sorte, de « saborder » le travail du médecin39. Il explique ainsi, au sujet de la surveillante générale, qu’elle considère la maladie comme « comme une persécution divine, elle ne sait parler que d’expiation aux malades dont elle se fait détester40 ». Il ajoute que son état d’esprit « lui interdit la compréhension de mes tentatives thérapeutiques auxquelles elle oppose une force d’inertie difficile à vaincre41 ». Les responsabilités de la préfecture de la Seine et de la société L’Abri-Foyer, toutes deux en première ligne dans la gestion de l’asile de Plouguernével, sont également évoquées. Accusée de vouloir faire du soin des fous une activité strictement rentable, L’Abri-Foyer est ainsi mise en cause face à la vétusté de certaines parties de l’établissement. Le docteur Humbert va même plus loin en admettant « qu’il est profondément regrettable de confier à des entreprises commerciales des œuvres d’assistance telles que celle-ci42 ».

  • 43 Lettre du ministre de l’Intérieur au préfet des Côtes-du-Nord en date du 8 décembre 1936 (Arch. dé (...)
  • 44 Ibidem.
  • 45 Lettre du sous-préfet de Guingamp au préfet des Côtes-du-Nord en date du 16 décembre 1936 (Arch. d (...)
  • 46 Ibidem.

19Les relations entre le docteur Humbert et L’Abri-Foyer semblent avoir été extrêmement tendues. Le 8 décembre 1936, le ministre de l’Intérieur, par le biais de la direction générale de la Sûreté Nationale, adresse une lettre au préfet des Côtes-du-Nord dans laquelle il demande des renseignements sur Pierre Humbert43. Il justifie ainsi cette demande : « L’intéressé m’est signalé comme se livrant à une active propagande révolutionnaire…44 ». Dans un échange de courriers entre le sous-préfet de Guingamp et le préfet, en date du 16 décembre 1936, le premier explique au second qu’il connaît bien Humbert et le décrit alors comme sérieux, dévoué, « à l’aspect presque timide45 ». Il a, malgré tout, demandé à la gendarmerie de procéder à une enquête. Celle-ci est réalisée par le lieutenant commandant de la section de Guingamp. De son rapport il ressort « qu’il n’est pas à la connaissance du public que le Docteur Humbert se soit livré à des manifestations dénotant des idées révolutionnaires en faveur de l’action directe…46 ».

  • 47 Pour le développement qui suit, le lecteur pourra se rapporter à : Julliard, Jacques, Autonomie ou (...)
  • 48 Garvasoni, Marco, « L’invention du syndicalisme révolutionnaire en France (1903-1907 »), Mil Neuf (...)

20Il est difficile de savoir exactement à quoi cette expression fait référence. Nous pouvons néanmoins émettre l’hypothèse selon laquelle elle renvoie à un ensemble d’idées défendues par une partie de la gauche à partir des années 188047. En effet, dès cette époque, l’« action directe » entretient un rapport étroit avec le syndicalisme d’action directe, dont la CGT deviendra le principal porte-étendard à partir du début du xxe siècle, et dont le projet essentiel est de mettre en œuvre la grève générale. Il existe alors un lien très fort entre le syndicalisme révolutionnaire et la critique du parlementarisme ou de la démocratie que certains considèrent alors « comme un régime politique et social périmé48 ».

  • 49 Pour le développement qui suit, nous renvoyons à : Ponsard, Nathalie, « Sur les traces… », art. ci (...)

21Pourquoi porter de telles accusations ? Les accusations formulées à l’encontre de Pierre Humbert, fondées ou non, permettent d’instaurer un rapport de force entre deux « modèles » antagonistes dans un contexte, celui des années 1930, marqué par une relative instabilité dans le domaine politique49. Ainsi, outre les actions menées par l’extrême droite à cette époque, une partie de la gauche s’organise autour d’une revue : La Révolution prolétarienne. Héritiers du syndicalisme révolutionnaire du début du siècle, ses membres lancent, en février 1934, une campagne sur le thème « Au syndicat le pouvoir ». Antiparlementaires, ils refusent la République bourgeoise, dont Justin Perchot pourrait d’ailleurs être un représentant, et se montrent extrêmement critiques à l’encontre du personnel politique. Accuser en 1936 Pierre Humbert de se livrer à des activités relevant de « l’action directe » avait donc un sens et devait permettre de lui coller une étiquette et, ainsi, de le discréditer. Derrière cette affaire, il y a donc des enjeux politiques et idéologiques qu’il importe de saisir.

  • 50 Lettre du sous-préfet de Guingamp au préfet des Côtes-du-Nord en date du 16 décembre 1936 (Arch. d (...)
  • 51 Ibidem.
  • 52 Lettre du préfet des Côtes-du-Nord au ministre de la Santé Publique en date du 24 décembre 1936 (A (...)
  • 53 Lettre du ministre de la Santé Publique au président de la Société l’Abri-Foyer en date du 30 déce (...)

22Toutefois, chez les autorités, c’est, semble-t-il, la surprise qui domine. Au fil de la correspondance entre le préfet et le sous-préfet, on en apprend davantage sur la relation que le médecin avait avec le groupe chargé de gérer les bâtiments de Plouguernével. Selon le docteur Bellec, membre de la commission de surveillance et conseiller général de Rostrenen, la mésentente n’était un secret pour personne et, visiblement, Humbert n’était pas le premier à entretenir des relations houleuses avec l’entreprise de Justin Perchot50. Le sous-préfet termine sa lettre en expliquant : « J’estime donc que la plainte dont M. le Docteur Humbert est l’objet ne saurait être qu’une farce, l’œuvre d’une de ses malades aliénées ou bien encore une manœuvre destinée à nuire et à porter atteinte à ce praticien51 ». Sans le nommer, le sous-préfet vise ici directement Justin Perchot et son entreprise. Quoi qu’il en soit, Pierre Humbert est visiblement contraint de quitter Plouguernével à la date du 1er janvier 193752 ; il occupe, à partir du mois de février de la même année, un poste à l’asile de Quimper53.

23Mais, de façon générale, c’est bien l’incapacité de l’établissement, d’un point de vue strictement matériel, à accueillir des malades dont l’effectif croît, au cours des premières années, de manière relativement rapide, que les autorités mettent en avant. À ce propos, entre 1934 et 1937, l’asile voit sa population parisienne multipliée par 1,5, passant de 469 à 746 malades.

Figure 5 – Nombre de patients en moyenne à Plouguernével (1934-1941) d’après les rapports des médecins chefs de l’asile/hôpital de Plouguernével

Figure 5 – Nombre de patients en moyenne à Plouguernével (1934-1941) d’après les rapports des médecins chefs de l’asile/hôpital de Plouguernével

24Dispose-t-on, concernant le nombre des décès, d’éléments de comparaison ? À Plouguernével, le taux de mortalité oscille, pour la période 1934-1938, entre 0,5 % et 6,9 %. Le taux le plus élevé concerne l’année 1936 durant laquelle le taux de mortalité atteint 7,6 %.

Tableau 1 – Évolution du taux de mortalité à Plouguernével (1934-1938)

Année

Taux de mortalité

1934

0,5 %

1935

1,9 %

1936

7,6 %

1937

5,2 %

1938

6,9 %

  • 54 En 1937, le chef du service de Phtisiologie du même établissement qualifie son pavillon de « mouro (...)
  • 55 Marescaux, Anne, « Un établissement épargné par la famine ? L’asile privé Saint-Jean de Dieu de Ly (...)

25À l’échelle du département, le cas plouguiste n’apparaît pas comme exceptionnel. À l’asile de Saint-Brieuc, à la fin du xixe siècle, il n’est pas rare d’observer des taux de mortalité de 18 ou 19 % pour les internés placés d’office54. La mortalité à Plouguernével est en revanche comparable à celle d’autres établissements français, comme celui de Saint-Jean de Dieu de Lyon. Pour les placés d’office à Lyon, les taux oscillent en effet, sur la période 1935-1939, entre 7,5 et 8,5 %, « ce qui place d’ailleurs l’établissement dans une moyenne élevée pour l’époque…55 ». Qu’en est-il au niveau national ?

  • 56 Nous n’avons pas pris en compte l’année 1934 dans la mesure où l’asile ouvre au mois de juillet.

26Pour les années 1934-1938, la mortalité au sein de l’établissement se situe globalement sous la moyenne nationale. Ainsi, en 1935, le taux est de 1,9 % quand, à l’échelle nationale, en fonction des calculs, il se situe entre 6,3 et 8 %. Le même constat pourrait être effectué pour l’année 193756. En réalité, seules les années 1936 et 1938 obligent à nuancer le propos. En effet, pendant ces années, le taux de mortalité à Plouguernével est beaucoup plus élevé et se rapproche des bornes les plus hautes.

  • 57 Ce tableau reprend les informations fournies par Isabelle von Bueltzingloewen (von Bueltzingsloewe (...)

Tableau 2 – Évolution des taux de mortalité annuelle dans les hôpitaux psychiatriques français de 1935 à 1946 (bornes supérieure et inférieure) (1935-1946)57

Année

Taux de mortalité annuelle 1 (%)

Taux de mortalité annuelle 2 (%)

1935

6,3

8

1936

6,2

8

1937

6,1

7,7

1938

6,3

8,2

1939

6,6

8,6

1940

9,9

12,8

1941

17,6

23,3

1942

17,8

24,9

1943

12,7

16,3

1944

11,8

15,4

1945

7,6

9,8

1946

6,5

8,5

27Comment, dès lors, considérer la situation de Plouguernével dans les années 1930 ? Surtout, comment interpréter les récriminations des médecins chefs de l’établissement à l’encontre des responsables de L’Abri-Foyer ? Sont-elles exagérées quand on observe qu’au cours de la décennie, la mortalité au sein de l’établissement n’a rien d’exceptionnel ? Dans les faits, on peut aisément envisager le désarroi des responsables de santé qui, sur place, constatèrent l’augmentation sensible de la mortalité au sein de l’asile de Plouguernével dans les premières années de sa mise en service. Le taux passe ainsi de 1,9 % en 1935 à 7,6 % en 1936, pour se maintenir ensuite autour des 5-6 %. On ne dispose pas, à l’échelle nationale, de croissance équivalente sur la même période. L’originalité du cas plouguiste se situerait donc davantage ici. Cette évolution défavorable de la mortalité pourrait d’ailleurs être analysée comme une des conséquences directes du contexte des années 1930, période durant laquelle la psychiatrie française, et en particulier parisienne, doit faire à un certain nombre de défis urgents comme le placement de malades qu’il s’agit d’évacuer vers des structures de province afin de soulager celles de la Seine.

28L’observation de ces chiffres contraint dès lors l’historien à tenter de se dégager de la lecture des archives dont il dispose, notamment les rapports des médecins chefs, qui ne cessent de mettre en cause L’Abri-Foyer. À ce sujet, s’il ne s’agit pas d’exclure une quelconque responsabilité de l’entreprise quant à la situation que connaît l’asile dans les années 1930, il importe, semble-t-il, de prendre également en compte le contexte tout à fait particulier de la décennie.

29Dans cette situation, on comprend dès lors aisément la nécessité, pour les autorités, de créer un cimetière dédié aux malades de Plouguernével. Il s’agirait ainsi de répondre à des considérations pratiques liées, d’abord, à la mortalité dans l’asile. Son installation est dès lors un exemple tout à fait intéressant des tensions qui pouvaient exister entre L’Abri-Foyer et les pouvoirs publics.

La création du cimetière de Plouguernével : une illustration des tensions entre L’Abri-Foyer et les pouvoirs publics

30L’objectif de cette troisième et dernière partie est de considérer le cimetière susceptible de faire l’objet d’un développement mettant en valeur les enjeux politiques qui peuvent graviter autour de ce lieu.

  • 58 Le plus souvent, les cimetières ne font pas l’objet d’un développement particulier dans des ouvrag (...)
  • 59 Le cimetière de l’hôpital de Cadillac, qui a accueilli des milliers d’individus à partir des année (...)

31Force est de constater que les travaux sur les cimetières des asiles psychiatriques, tant chez les historiens que chez les aliénistes ou psychiatres, sont peu nombreux58. L’essentiel des études sur cette question a été mené par des associations dont l’objectif était d’abord la conservation de ces lieux. Au cours des dernières années, des initiatives ont été menées pour organiser la préservation des cimetières dans lesquels des malades ont été enterrés pendant des décennies. Souvent dans un état d’abandon complet, certains de ces cimetières sont même parfois directement menacés par des travaux d’aménagement du territoire. Des associations se sont ainsi attachées à défendre ce qu’elles estiment être une part importante d’un patrimoine qu’il s’agirait de conserver ou de mettre en valeur. À Cadillac, en Gironde, le cimetière de l’hôpital, dans lequel des soldats de la Première Guerre mondiale reposent, a dû faire face au projet de restructuration initié par la mairie au début des années 2000. Face à cela, l’association « Les Amis du Cimetière des Oubliés de Cadillac », née en avril 2009, s’est organisée et a obtenu, un an plus tard, l’inscription d’une partie du cimetière au titre des monuments historiques59.

  • 60 Gouarec se situe à environ 6 kilomètres de Plouguernével.

32À Plouguernével, il existe un emplacement, attenant au cimetière de la ville, dans lequel de très nombreux malades décédés à l’asile ont été enterrés. Pour s’y rendre, il suffit de sortir un peu de la ville et d’emprunter la route qui mène à Gouarec, commune qui se situe à seulement quelques kilomètres de Plouguervével60. Il est possible de pénétrer dans le cimetière soit par la route qui longe le cimetière, soit en poussant une porte qui fait la jonction entre le cimetière communal et celui de l’hôpital. Aujourd’hui, le lieu est laissé complètement à l’abandon et s’apparente à un terrain vague. S’étendant autour du cimetière communal, il est occupé par plusieurs dizaines de tombes qui, usées par le temps, ne laissent plus, pour certaines d’entre elles, apparaître une quelconque information sur ceux et celles qui y furent enterrés. En outre, nombreux sont les caveaux à s’être affaissés.

Figure 6 – Le cimetière de Plouguernével

Figure 6 – Le cimetière de Plouguernével

Décembre 2018, cliché : J. Guillemot

  • 61 Lettre du directeur de l’asile au préfet, le 17 novembre 1934 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X118 (...)
  • 62 C’est ce que demande notamment le directeur de l’établissement dans sa lettre au préfet, le 17 nov (...)
  • 63 Lettre du préfet des Côtes-du-Nord au directeur de l’asile, le 24 novembre 1934 (Arch. dép. des Cô (...)
  • 64 Bertoglio, Louis, Les cimetières au point de vue de l’hygiène et de l’administration, Paris, Libra (...)
  • 65 Lassere, Madeleine, « Les cimetières de Nantes au xixe siècle : un impossible transfert », Annales (...)
  • 66 Voir par exemple : Renoir, Emmanuel Victor, Les eaux potables causes des maladies épidémiques, Par (...)

33Les premiers débats sur l’ouverture d’un cimetière pour les « fous » de l’asile de Plouguernével datent de 1934, au moment de l’ouverture de l’asile. En effet, le 17 novembre de cette année, le directeur de l’établissement adresse au préfet des Côtes-du-Nord une demande d’autorisation d’ouverture d’un cimetière « dans la parcelle de terrain que nous a vendue l’Hospice de Rostrenen et qui se trouve enclavée dans les murs de l’Asile…61 ». À cette époque, les premières discussions sur le projet de cimetière à Plouguernével s’orientent vers une installation à proximité immédiate de l’asile psychiatrique62. Néanmoins, un problème se pose d’emblée : la distance entre l’établissement et les habitations. Ainsi, dès le 24 novembre, le préfet des Côtes-du-Nord informe le directeur de l’établissement que la création d’un cimetière est régie par un ensemble de textes, notamment le décret du 7 mars 1808 selon lequel une distance de 100 mètres doit être respectée entre le cimetière et les premières habitations63. Le décret stipule que « nul ne pourra, sans autorisation, élever aucune habitation, ni creuser aucun puits, à moins de 100 mètres des nouveaux cimetières transférés hors des communes64 ». En réalité, le texte s’avère être un complément au décret du 12 juin 1804 qui imposait alors une distance de 35 à 40 mètres entre les lieux habités et les cimetières65. Il s’agit donc de répondre à une préoccupation majeure du xixe siècle : l’hygiène publique. La mise en cause des cimetières dans ce domaine était alors récurrente66.

  • 67 C’est la société L’Abri-Foyer qui envisage d’acheter cette parcelle (lettre du directeur de l’asil (...)
  • 68 Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X118.
  • 69 Séance de la commission de surveillance du 19 février 1938, (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

34Les autorités sont donc dans l’obligation de réviser leurs positions. À l’initiative de L’Abri-Foyer, elles choisissent alors une parcelle de terrain attenante au cimetière communal67. Finalement, l’autorisation de créer un cimetière annexe pour les malades de l’asile est formulée par l’arrêté du 5 juillet 193768. Ce choix contraint dès lors à la séparation entre le cimetière et l’établissement. Quant aux inhumations, elles débutent, semble-t-il, dès le début de l’année 193869.

Figure 7 – Plan d’agrandissement du cimetière communal

Figure 7 – Plan d’agrandissement du cimetière communal

La partie prévue pour les malades est attenante au cimetière déjà existant (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X118).

  • 70 Sur les débats suscités par la création de cimetières pour les aliénés, le lecteur pourra notammen (...)
  • 71 Lettre du préfet au directeur de l’asile, le 24 novembre 1934 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X118 (...)
  • 72 Ibidem.
  • 73 À ce propos, on peut noter le relatif désintérêt de la population pour cette affaire. En effet, le (...)

35Reste une question : comment interpréter ce décalage entre les premières discussions, en 1934, et la réalisation effective du projet en 193770 ? D’un point de vue strictement administratif, les autorités ne cessent de le rappeler, il y a un certain nombre de règles à respecter. Le 24 novembre 1934, le préfet fait ainsi connaître au directeur de l’asile que les cimetières aménagés pour les malades décédés « doivent satisfaire pleinement aux conditions imposées aux cimetières publics par les règlements en vigueur71 ». Il y a également un dossier à adresser au préfet comprenant un rapport géologique, le plan du cimetière projeté ou encore les documents constatant que L’Abri-Foyer est bien propriétaire du terrain72. Or, ce n’est qu’en août 1936 que la municipalité accorde le terrain à la Société. Enfin, un registre d’enquête est ouvert entre le 19 et le 26 avril 1937. Il doit notamment permettre de consigner les observations des habitants de la commune73.

  • 74 C’est le cas, par exemple, des travaux qui devraient permettre d’améliorer la sécurité des malades (...)
  • 75 Arch. dép. des Côtes d’Armor, 1X118.

36Plus généralement, il importe de replacer la question du cimetière dans le cadre plus large des tensions entre la société L’Abri-Foyer et les autorités locales. En effet, les premières années de mise en service de l’asile sont marquées par les demandes sans cesse formulées de la préfecture des Côtes-du-Nord ou de la commission de surveillance afin que des travaux soient entrepris dans l’établissement74. Réticente, l’entreprise cherche à limiter les investissements afin de garantir une rentabilité maximum. En outre, il en va de son indépendance. Dans le cas du cimetière, il faut d’ailleurs mentionner que, selon l’article 4 de l’arrêté du 5 juillet 1937, « Le personnel propre à la Société « L’Abri-Foyer » sera soumis à la surveillance de l’autorité municipale en tout ce qui concerne son intervention à l’occasion des inhumations et du service du cimetière75 ».

37Cet article avait pour objectif principal d’appréhender les nouvelles modalités de prise en charge des malades internés en psychiatrie dans les années 1930, la création d’asiles en province durant la décennie devant permettre de régler la question de la surpopulation asilaire en région parisienne. Assez rapidement néanmoins, des tensions voient le jour entre les pouvoirs publics et Justin Perchot, les premiers accusant le second de ne pas se soucier de la santé des patients. Ces tensions concernent d’abord la question de la mortalité dans l’asile de Plouguernével qui, en réalité, n’est pas exceptionnelle au regard de la situation dans d’autres établissements à la même époque. Elles sont également mises en exergue lors des débats autour de la création d’un lieu de sépulture pour les malades. Toutefois, au-delà de ces problématiques, c’est bien la question des enjeux de pouvoirs qui gravitent autour de la psychiatrie qui s’exprime ici.

  • 76 Vermorel, Henri, Vermorel, Madeleine, « De l’asile à la politique de secteur : l’évolution des ins (...)

38La prise en charge des malades mentaux par des groupes privés, incarnée notamment par la création d’asiles en province dans les années 1930, ainsi que les oppositions qui voient le jour face à ces projets, doivent être replacées dans le cadre des profonds changements, et des réflexions institutionnelles, dont la psychiatrie française fait l’objet au cours de la période. Ces évolutions concernent tout d’abord les personnels. Les infirmiers sont par exemple dotés d’un véritable statut avec une échelle de salaires et des congés annuels. Mais des évolutions sont aussi sensibles dans les pratiques et dans la manière d’envisager les soins apportés aux malades. On propose ainsi de créer dans les centres les plus importants des dispensaires d’hygiène mentale, ou encore de développer les services fermés et d’instaurer des services libres76. C’est donc tout un monde, celui de l’asile tel qu’il était dessiné depuis le xixe siècle, qui est appelé à évoluer.

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Notes

1 Voir à ce sujet la bibliographie de l’ouvrage d’Olivier Faure (Faure, Olivier, Les cliniques privées. Deux siècles de succès, Rennes, PUR, 2012, p. 273-275).

2 Dans son travail sur les cliniques privées, Olivier Faure expliquait que, contrairement « à ce que l’on pourrait croire a priori, l’hospitalisation privée ne naît pas brutalement aux lendemains de la Seconde Guerre mondiale » (Les cliniques privées…, op. cit., p. 17).

3 Sur l’asile de Saint-Rémy, le lecteur pourra notamment consulter l’ouvrage suivant : Aulas, Noëllie, Une épopée contemporaine en psychiatrie. L’hôpital de Saint-Rémy de 1937 à nos jours, Saint-Rémy, Association hospitalière de Bourgogne Franche-Comté, 2017, 256 p.

4 Sur la loi de 1838, voir : Quétel, Claude, Histoire de la folie. De l’Antiquité à nos jours, Paris, Éditions Tallandier, 2012, p. 277-293.

5 Faure, Olivier, Les cliniques privées…, op. cit., p13.

6 Ces rapports sont disponibles sur Gallica.

7 Voir par exemple le travail de Firmin Lagardelle : Lagardelle, Firmin, Étude sur les colonies agricoles d’aliénés, Moulins, Imprimerie de C. Desrosiers, 1873, p. 17.

8 À ce sujet, le lecteur pourra se reporter aux dossiers de l’avocat Augustin Rioche qui géra les biens des malades de l’asile de Saint-Brieuc entre les années 1880 et les années 1930. (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X119).

9 À titre d’exemple : en 1863, la contribution imposée aux familles des aliénés du département de la Somme s’élève à 2 000 francs. En 1864, ce chiffre passe à 14 000 francs (Labitte, Gustave, Des divers modes d’assistance des aliénés, 1886, Clermont (Oise), impr. de Daix frères, 1886, 15 p., voir p. 3).

10 Séance du conseil municipal de Loudéac, le 24 novembre 1929 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X11).

11 Ibidem.

12 Ce graphique a été réalisé grâce aux chiffres fournis par le site de l’institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) [https://www.insee.fr/fr/recherche?q=1876&debut=0].

13 Voir à ce sujet la séance du Conseil général du 27 octobre 1928 au cours de laquelle est évoquée l’évolution de l’effectif des élèves entre 1911 et 1927 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X11). Avant l’installation de l’école d’agriculture, le bâtiment était occupé par le petit séminaire de Plouguernével. Par décret du 12 octobre 1907, les biens du petit séminaire furent attribués à l’hospice de Rostrenen (lettre du préfet des Côtes-du-Nord au ministre de la santé publique, le 30 mars 1934 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117). Puis, une convention fut signée le 15 mars 1911 entre l’hospice de Rostrenen et le ministre de l’agriculture (Ibidem). C’est en 1925-1926 que les démarches débutèrent pour la vente des bâtiments au département des Côtes-du-Nord (Ibidem). Enfin, la suppression de l’école d’agriculture est permise par l’arrêté ministériel en date du 18 mai 1929 (Ibidem). Sur le sujet, voir : Chatton, Augustin Marie, Le petit séminaire de Plouguernével depuis sa fondation jusqu’à la période révolutionnaire, Saint-Brieuc, Imprimerie-librairie-lithographie René PrudHomme, 1896 ; Croix, Alain, Veillard, Jean-Yves, Dictionnaire du patrimoine breton, Rennes, PUR, p. 774. On consultera également l’article suivant : Berthelot, Jean-Claude, « Insurrection à Plouguernével en 1791 », Kaier Ar Poher, décembre 2012, no 39, p. 54-62. Le bâtiment a également, semble-t-il, fait office d’hôpital pendant la Première Guerre mondiale en accueillant près de 500 soldats (lettre de l’architecte départemental au préfet des Côtes-du-Nord, le 1er octobre 1931 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X11).

14 Séance du conseil municipal de Plouguernével, le 13 juillet 1930 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X11).

15 Arch. dép. des Côtes d’Armor, 1X11.

16 Ce graphique a été réalisé grâce à un rapport anonyme en date du 4 octobre 1932 sur les hospices du département (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X11).

17 Dans le document anonyme en date du 4 octobre 1932 cité précédemment, on peut lire : « En résumé, seuls les vieillards hospitalisés à Guingamp, désireraient, dans l’ensemble, être transférés à Plouguernével… » (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X11).

18 Dans un rapport adressé au conseil général en mai 1933, le préfet explique : « Vous avez décidé, le 8 octobre dernier, de surseoir aux travaux d’aménagement de l’immeuble de Plouguernével en Hospice départemental, et donné délégation à la Commission départementale “pour procéder à la reprise des travaux si l’État participait, par un nouvel effort, aux dépenses engagées” ». Il ajoute : « Aucune décision de ce genre n’étant jusqu’à ce jour intervenue, les travaux ont été arrêtés à l’exception de ceux, minimes, strictement indispensables à la conservation des bâtiments », séance du conseil général, le 11 mai 1933 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X11). C’est par le décret du 23 décembre 1934 qu’est rapporté celui du 30 novembre 1932 qui avait autorisé la création d’un hospice départemental à Plouguernével (Journal officiel de la République française, 30 décembre 1934, p. 13153 [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6548009q/f33.image.r=plouguern%C3%A9vel%20plouguern%C3%A9vel].

19 Séance du Conseil général du 8 octobre 1932 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X11).

20 Ibidem.

21 Séance du Conseil général du 11 mai 1933 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X11).

22 À ce sujet, le lecteur pourra consulter les rapports de l’Assistance publique à l’intérieur desquels sont intégrés les rapports de médecins chefs d’asiles psychiatriques de la Seine. Voir par exemple le rapport du médecin en chef de la 5e section de l’asile de Maison Blanche pour l’année 1934. Il y explique : « L’augmentation du nombre de ces incidents est due à l’encombrement. Dans les dortoirs en particulier, les lits sont si rapprochés que le maintien d’une malade devenue dangereuse donne lieu à des luttes pénibles… [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9679559b/f190.item.r=encombrement].

23 Ce graphique a été réalisé à partir des rapports de l’Assistance publique disponibles sur Gallica.

24 Guillemain, Hervé, « Des institutions privées d’histoire. Enquête sur les archives d’entreprises capitalistes dédiées à la gestion de la folie (France, 1930-1950) », Santé mentale au Québec, 2016, vol. 41, no 2, p. 111.

25 Le principe de ces conventions est relativement simple : la Société a à sa charge les différents aménagements à réaliser dans l’établissement de Plouguernével. Quant aux départements, ils se chargent de payer le prix de journée des malades.

26 Séance de la commission départementale des Côtes-du-Nord, le 8 novembre 1934 (Arch. dép. des Côtes d’Armor, 1X117).

27 Rapport de l’Assistance publique pour l’année 1933, p. 45-46 [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96795600/f50.item.r=plouguern%C3%A9vel.zoom].

28 Document anonyme et non daté (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117). À noter que le siège social de L’Abri-Foyer se trouvait 18 rue Jean Goujon à Paris (18e arrondissement) (ibidem). Les « Forges et Aciéries de Commentry-Oissel », dont le président du conseil d’administration était Justin Perchot, était spécialisée dans la construction et la réparation de matériel pour les mines et les chemins de fer. En 1922, le groupe passe sous le contrôle des « Aciéries de Longwy », à la tête desquelles se trouve alors Justin Perchot. À ce sujet, le lecteur pourra notamment se reporter à : Croguennec, Michel, « Les ateliers ferroviaires de l’agglomération rouennaise de 1842 à 2002 », Revue d’histoire des chemins de fer, 2003, 28-29, p. 70.

29 Document anonyme et non daté (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

30 Session extraordinaire du conseil général, le 5 mars 1934 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

31 Son père était sabotier à Gézier (Arch. dép. de la Haute-Saône, état-civil, 1863/1872, naissances-mariages-décès, Gézier-et-Fontenelay. Disponible sur le site des Archives départementales de la Haute-Saône, p. 64).

32 Il soutient en 1892 une thèse dont la publication est réalisée en 1893 ; elle s’intitule : « Sur les mouvements des nœuds et du périgée de la lune et sur les variations séculaires des excentricités et des inclinaisons ». On trouve la version PDF du travail de Justin Perchot sur le site internet de la bibliothèque numérique française de mathématique (NUMDAM).

33 Les premiers travaux auxquels Justin Perchot participe semblent dater des années 1899-1900. Cette année-là, une association voit le jour entre Justin Perchot et son beau-père, M. Dedeyn, lui-même entrepreneur de travaux publics. En outre, « en 1905, M. Dedeyn s’étant retiré des affaires, M. Perchot entreprend pour son compte personnel des travaux importants en France et à l’étranger » (« Renseignements produits à l’appui d’une candidature à la décoration de la Légion d’Honneur ». Disponible sur le site du ministère de la culture, base Léonore, dossier 35/1231/41957).

34 Extrait du Dictionnaire des Parlementaires français de Jean Jolly. Disponible sur [www.senat.fr].

35 Rapport du sous-préfet de Guingamp, le 29 novembre 1934 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

36 Rapport du docteur Pierre Humbert, octobre 1936 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

37 Dans son rapport pour la période allant du 1er mai 1936 au 31 octobre 1936, le docteur Pierre Humbert donne les causes des quinze décès survenus au cours de la période. Les maladies les plus citées sont la cachéxie démentielle, l’urémie, la tuberculose chronique généralisée et la tuberculose pulmonaire (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

38 Ces religieuses appartenaient à la congrégation des sœurs hospitalières du Sacré-Cœur de Jésus. On dispose, dans les archives de la mairie de Plouguernével (cote 3E1-2), des dossiers des étrangers passés dans la commune, dont ceux des religieuses employées à l’asile à partir de 1934.

39 Rapport du docteur Humbert, octobre 1936 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

40 Ibidem.

41 Ibidem.

42 Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117.

43 Lettre du ministre de l’Intérieur au préfet des Côtes-du-Nord en date du 8 décembre 1936 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

44 Ibidem.

45 Lettre du sous-préfet de Guingamp au préfet des Côtes-du-Nord en date du 16 décembre 1936 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

46 Ibidem.

47 Pour le développement qui suit, le lecteur pourra se rapporter à : Julliard, Jacques, Autonomie ouvrière. Études sur le syndicalisme d’action directe, Paris, Seuil, 1987 ; Pigenet, Michel, « Action directe et grève générale », dans Pigenet, Michel, Tartakowsky, Danielle (dir.), Histoire des mouvements sociaux en France de 1814 à nos jours, Paris, la Découverte, 800 p., p. 283-293 ; Ponsard, Nathalie, « Sur les traces d’un « antiparlementarisme syndical » marginal (France, xxe siècle), Siècles. Cahiers du Centre d’histoire, Espaces et cultures, 32/2010, p. 1 à 13.

48 Garvasoni, Marco, « L’invention du syndicalisme révolutionnaire en France (1903-1907 »), Mil Neuf Cent. Revue d’histoire intellectuelle, 2006/1 (no 24), p. 62.

49 Pour le développement qui suit, nous renvoyons à : Ponsard, Nathalie, « Sur les traces… », art. cité, p5-6.

50 Lettre du sous-préfet de Guingamp au préfet des Côtes-du-Nord en date du 16 décembre 1936 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

51 Ibidem.

52 Lettre du préfet des Côtes-du-Nord au ministre de la Santé Publique en date du 24 décembre 1936 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

53 Lettre du ministre de la Santé Publique au président de la Société l’Abri-Foyer en date du 30 décembre 1936 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

54 En 1937, le chef du service de Phtisiologie du même établissement qualifie son pavillon de « mouroir départemental » (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X43).

55 Marescaux, Anne, « Un établissement épargné par la famine ? L’asile privé Saint-Jean de Dieu de Lyon », dans von Bueltzingsloewen, Isabelle (dir.), « Morts d’inanition ». Famine et exclusions en France sous l’Occupation, Rennes, PUR, 2005, p. 68.

56 Nous n’avons pas pris en compte l’année 1934 dans la mesure où l’asile ouvre au mois de juillet.

57 Ce tableau reprend les informations fournies par Isabelle von Bueltzingloewen (von Bueltzingsloewen, Isabelle, L’hécatombe des fous. La famine dans les hôpitaux psychiatriques français sous l’Occupation, Paris, Flammarion, 2009, 522 p., voir p. 503).

58 Le plus souvent, les cimetières ne font pas l’objet d’un développement particulier dans des ouvrages dirigés par des historiens spécialistes de la psychiatrie. Quant aux travaux ou études menés par les aliénistes, ces derniers n’évoquent que très peu la question des cimetières (voir par exemple les traités sur les maladies mentales disponibles sur Gallica).

59 Le cimetière de l’hôpital de Cadillac, qui a accueilli des milliers d’individus à partir des années 1920, est un exemple tout à fait intéressant quant aux enjeux mémoriels posés par les cimetières des hôpitaux psychiatriques. À ce sujet, le lecteur pourra se reporter au travail de conservation mené par Michel Bénézech : Blanchard, Dominique Emmanuel, « Le cimetière des “fous” par Michel Bénézech », 2007 [https://www.dailymotion.com/video/x3f0n0]. Le lecteur pourra également se reporter aux articles parus dans Les Cahiers de l’Entre-DeuMers : Lievre, Colette, « Le cimetière des “Oubliés” », Les Cahiers de l’Entre-Deux Mers, novembre-décembre 2002, no 53, p. 2-3 ; Lievre, Colette, « Devoir de mémoire », Les Cahiers de l’Entre-Deux Mers, novembre-décembre 2005, no 71, p. 7-8 ; Bajolle, Martine, « Devoir de mémoire », Les Cahiers de l’Entre-Deux Mers, mars-avril 2008, no 83, p. 8 ; Bénezech, Michel, « La Longue histoire de l’enfermement à Cadillac-sur-Garonne », Les Cahiers de l’Entre-Deux Mers, janvier-février 2009, no 87, p. 4-8 ; Lievre, Colette, « Le feuilleton du Cimetière des Oubliés de Cadillac », Les Cahiers de l’Entre-Deux Mers, août-septembre-octobre 2009, no 90, p. 12. Enfin, de nombreux articles de presse sont parus à ce sujet : Challier, Pierre, « À Cadillac, les tombes oubliées du cimetière des “fous” », La Dépêche, publié le 21/08/2014 [https://www.ladepeche.fr/article/2014/08/21/1937551-a-cadillac-les-tombes-oubliees-du-cimetiere-des-fous.html] ; Dubieilh, Margaux, « Cadillac : le Cimetière des oubliés enfin restauré », France 3 Nouvelle Aquitaine, publié le 09/11/2018 [https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/gironde/bordeaux/cadillac-cimetiere-oublies-enfin-restaure-1572082.html] ; Favier, Olivier, « Lieux oubliés : le “cimetière des oubliés” de Cadillac », RFI, publié le 18/08/2018 [http://www.rfi.fr/france/20180818-cimetiere-lieux-oublies-cadillac-folie-tabou-grande-guerre-premiere-mondiale]. Enfin, le site Chemins de Mémoire a mis en ligne une brève présentation du cimetière de Cadillac [http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/cimetiere-des-gueules-cassees-de-cadillac].

60 Gouarec se situe à environ 6 kilomètres de Plouguernével.

61 Lettre du directeur de l’asile au préfet, le 17 novembre 1934 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X118).

62 C’est ce que demande notamment le directeur de l’établissement dans sa lettre au préfet, le 17 novembre 1934 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X118).

63 Lettre du préfet des Côtes-du-Nord au directeur de l’asile, le 24 novembre 1934 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X118).

64 Bertoglio, Louis, Les cimetières au point de vue de l’hygiène et de l’administration, Paris, Librairie J.-B. Baillière et fils, 1889, 280 p., voir p. 82.

65 Lassere, Madeleine, « Les cimetières de Nantes au xixe siècle : un impossible transfert », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 1994, 101-4, p. 62. Sur le décret du 12 juin 1804, voir : Ligou, Daniel, « L’évolution des cimetières », Archives des sciences sociales des religions, 1975, no 39, p. 73-77.

66 Voir par exemple : Renoir, Emmanuel Victor, Les eaux potables causes des maladies épidémiques, Paris, Librairie J.-B. Baillière et fils, 1878, p. 152 ; Thevenin, Évariste, Hygiène publique. Travaux, Paris, Librairie médicale Germer Baillière, 1863, p. 64-65. Il s‘agit donc d’abord de répondre à des considérations sanitaires. C’est ce qu’exprime notamment le conseil départemental d’hygiène public et de salubrité au sujet du terrain choisi dans sa séance du 17 juin 1937 : « La nature du sous-sol est très propice à une consommation rapide des corps, l’écoulement des eaux se fait comme par le cimetière actuel dans une direction opposée à l’agglomération… » (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X118).

67 C’est la société L’Abri-Foyer qui envisage d’acheter cette parcelle (lettre du directeur de l’asile au préfet des Côtes-du-Nord, le 21 décembre 1934 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X118). À noter que le conseil municipal accepte de céder le terrain pour 2 500 francs (séance du 23 août 1936 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X118).

68 Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X118.

69 Séance de la commission de surveillance du 19 février 1938, (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

70 Sur les débats suscités par la création de cimetières pour les aliénés, le lecteur pourra notamment se reporter à : Guérin, Vincent, Ne plus être un monde à part. La transformation d’un hôpital psychiatrique : Sainte-Gemmes-sur-Loire (1910-1977), dactyl., thèse d’histoire, Christine Bard (dir.), Université d’Angers, 2011, vol. 1, p. 145-147.

71 Lettre du préfet au directeur de l’asile, le 24 novembre 1934 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X118).

72 Ibidem.

73 À ce propos, on peut noter le relatif désintérêt de la population pour cette affaire. En effet, le registre ne contient aucune déclaration (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X118).

74 C’est le cas, par exemple, des travaux qui devraient permettre d’améliorer la sécurité des malades au sein de l’asile. À noter que, pour la création du cimetière, la première demande de la commission de surveillance à la Société date du 14 avril 1935 (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X117).

75 Arch. dép. des Côtes d’Armor, 1X118.

76 Vermorel, Henri, Vermorel, Madeleine, « De l’asile à la politique de secteur : l’évolution des institutions et des soins psychiatriques à Bassens », L’information psychiatrique, 2012, vol. 88, p. 764.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 – Localisation des asiles/hôpitaux psychiatriques bretons d’après les rapports de l’Assistance publique (1934-1938)6
URL http://journals.openedition.org/abpo/docannexe/image/5603/img-1.jpg
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Titre Figure 2 – Évolution de la population à Plouguernével entre 1876 et 193612
URL http://journals.openedition.org/abpo/docannexe/image/5603/img-2.jpg
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Titre Figure 3 – Part des hospices bretons dans le nombre de vieillards hospitalisés dans les Côtes-du-Nord (octobre 1932) (en %)16
URL http://journals.openedition.org/abpo/docannexe/image/5603/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 106k
Titre Figure 4 – Évolution des admissions dans les asiles / hôpitaux du département de la Seine d’après les rapports de l’Assistance publique (1900-1938)23
URL http://journals.openedition.org/abpo/docannexe/image/5603/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 74k
Titre Figure 5 – Nombre de patients en moyenne à Plouguernével (1934-1941) d’après les rapports des médecins chefs de l’asile/hôpital de Plouguernével
URL http://journals.openedition.org/abpo/docannexe/image/5603/img-5.jpg
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Titre Figure 6 – Le cimetière de Plouguernével
Crédits Décembre 2018, cliché : J. Guillemot
URL http://journals.openedition.org/abpo/docannexe/image/5603/img-6.jpg
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Titre Figure 7 – Plan d’agrandissement du cimetière communal
Légende La partie prévue pour les malades est attenante au cimetière déjà existant (Arch. dép. des Côtes-d’Armor, 1X118).
URL http://journals.openedition.org/abpo/docannexe/image/5603/img-7.jpg
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Pour citer cet article

Référence papier

Joris Guillemot, « Entreprises privées et psychiatrie dans la France des années 1930 »Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 127-2 | 2020, 105-124.

Référence électronique

Joris Guillemot, « Entreprises privées et psychiatrie dans la France des années 1930 »Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest [En ligne], 127-2 | 2020, mis en ligne le 03 janvier 2023, consulté le 19 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/abpo/5603 ; DOI : https://doi.org/10.4000/abpo.5603

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Auteur

Joris Guillemot

Doctorant en histoire contemporaine, Le Mans Université, TEMOS-UMR 9016

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