Meir M. Bar-Asher. Les juifs dans le Coran
Meir M. Bar-Asher. Les juifs dans le Coran. Paris : Albin Michel (collection « Présence du judaïsme », avec une préface de M. A. Amir-Moezzi), 2019, 281 p., ISBN : 978-2-226-32680-5
Texte intégral
1Cet ouvrage vient apporter les lumières du savoir historique et de la raison critique sur une question trop souvent sujette aux préjugés et aux passions, l’attitude de l’islam envers les juifs et le judaïsme, et faire le point sur un problème classique de l’islamologie, longtemps objet de pure érudition, celui de la présence massive d’éléments issus du judaïsme dans le Coran. L’A., spécialiste reconnu de l’islam shi’ite, met à profit sa connaissance des deux traditions musulmane et hébraïque pour offrir une synthèse claire et concise sur un sujet aussi complexe que sensible.
2Dans le chapitre 1, sur le cadre historique de la prédication de Muḥammad et de l’émergence du Coran, l’A. interroge la nature du judaïsme connu par le prophète dans le Hijâz ; en effet, l’identité des tribus juives de Médine mentionnées par le Coran et la tradition orale demeure énigmatique dans l’historiographie hébraïque. Le chap. 2 porte sur la question centrale du livre, la représentation du judaïsme et des juifs dans le Coran. L’A. analyse les dénominations données aux juifs, les jugements portés sur eux, ainsi que la place de la Torah dans l’apologétique coranique, pour mettre en lumière une ambivalence foncière, les juifs étant à la fois reconnus comme peuple élu (sous le nom de banū isrā’īl) et blâmés comme falsificateurs de la révélation (sous le nom d’al-yahūd). L’A. en propose une explication contextuelle par l’évolution des rapports de Muḥammad avec les juifs entre La Mecque et Médine. Les deux chapitres suivants étudient l’appropriation active par le Coran et la tradition musulmane d’un héritage religieux juif : les échos coraniques des récits bibliques sur l’histoire sainte comme de leurs prolongements, midrashim et isrā’īliyyāt (chap. 3) ; les traces de la halakha juive dans la sharī‘a coranique, qu’il s’agisse de l’orientation de la qibla, des lois alimentaires ou du calendrier (chap. 4). Le chap. 5 forme un premier excursus sur un fait post-coranique, fondé toutefois sur la référence au Coran, à savoir le régime de la dhimma comme protection et aliénation ; l’A. insiste sur son caractère théorique, généralement coupé de la réalité et volontiers reconstruit idéologiquement. Le chap. 6 propose un second excursus est proposé sur un sujet de prédilection de l’A. : la place du judaïsme et des juifs dans le shi’isme duodécimain ; il met à jour une nouvelle forme d’ambivalence, encore plus marquée que celle de la tradition juridique majoritaire, entre un jugement d’impureté porté sur les ahl al-kitāb en général et la reconnaissance des Fils d’Israël comme précurseurs et témoins de la supériorité des shi’ites.
3En somme, cet ouvrage vient rehistoriciser avec rigueur un sujet souvent accaparé par les idéologies. En cela, il s’avère aussi bénéfique à l’historien des religions et de l’islam qu’à un public non spécialisé soucieux d’y voir plus clair dans des temps sombres.
Pour citer cet article
Référence électronique
Mathieu Terrier, « Meir M. Bar-Asher. Les juifs dans le Coran », Abstracta Iranica [En ligne], Volume 42-43 | 2021, document 4, mis en ligne le 30 décembre 2021, consulté le 15 juin 2025. URL : http://journals.openedition.org/abstractairanica/54277 ; DOI : https://doi.org/10.4000/abstractairanica.54277
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