1Le texte ci-dessous est une version abrégée d’un compte rendu plus développé remis à la revue Topoi et à paraître dans son volume de 2022.

2Ce livre est la publication d’une thèse de doctorat soutenue en 2018 à l’université d’Innsbruck. L’A., dont il aurait été utile de présenter une courte biographie en introduction ou en quatrième de couverture, est historien formé d’abord à l’étude des sources classiques. Il a par la suite appris le sumérien et l’akkadien afin d’intégrer les sources écrites mésopotamiennes à ses recherches. Cette double compétence linguistique lui permet d’étudier des corpus de textes de nature variée. L’A. s’investit également dans le champ de l’histoire militaire de l’Antiquité et a publié plusieurs articles sur ce thème, centrés sur l’Orient ancien, dans des revues grand public ainsi que dans des publications académiques.

3Alors que le titre de son ouvrage pourrait le laisser croire, l’objectif de l’A. n’est pas de produire une synthèse sur les forces armées à l’époque achéménide mais plutôt un essai historiographique et épistémologique plaidant pour le développement d’une histoire militaire de cette période. La constitution de ce champ d’étude spécifique permettrait d’intégrer pleinement la période achéménide dans l’histoire militaire de l’Antiquité. Tout au long du volume, l’A. s’attèle donc à détailler les diverses étapes d’une démarche historiographique qui pourrait conduire à la création, ou plutôt à l’autonomisation, d’une histoire militaire achéménide.

4Le livre est structuré en sept chapitres. Les deux premiers constituent des synthèses introductives destinées à contextualiser le travail de recherche de l’A., qui est exposé dans les quatre chapitres suivants. Le livre se termine sur une courte conclusion dessinant des perspectives pour la constitution d’une histoire militaire achéménide, en premier lieu, mais beaucoup plus largement pour le champ des études achéménides.

5Le premier chapitre correspond donc à une synthèse bibliographique critique sur l’histoire militaire de la période achéménide. Ce chapitre intègre également de nombreuses réflexions épistémologiques sur le développement des études achéménides. Le second chapitre propose une synthèse sur la place et la structure des forces armées ainsi que sur les stratégies et les pratiques militaires dans les sociétés mésopotamiennes au cours de la première moitié du 1er millénaire. Le troisième chapitre se concentre sur une analyse de deux textes royaux achéménides : le cylindre de Cyrus et l’inscription trilingue de Darius à Behistun dans sa version babylonienne. L’A. traite ici des justifications idéologiques du recours à la force par ces deux rois. Le quatrième chapitre s’intéresse à la micro-histoire et aux sources textuelles témoignant de la condition des soldats enrôlés dans les contingents royaux et/ou satrapiques. Après avoir listé l’ensemble des corpus disponibles, l’A procède à une analyse centrée sur les sources mésopotamiennes. Ces données sont ensuite croisées, dans le cinquième chapitre, à celles mises au jour par l’archéologie sur l’univers matériel du soldat. Le sixième chapitre est le plus long du livre et se concentre sur le rôle et la place des sources classiques dans l’élaboration d’une histoire militaire achéménide. Ce chapitre intègre plusieurs cas d’étude illustrant le potentiel de la démarche d’études croisées de différents corpus de sources complémentaires. La conclusion s’intéresse essentiellement à l’historiographie de la période achéménide. L’A. y plaide pour la constitution d’un réseau pluridisciplinaire sur l’histoire militaire achéménide.

6Il ressort de la lecture de cet ouvrage des passages stimulants et certains des cas d’étude exposent un cheminement logique et méthodologique très pertinent. L’A. a clairement la volonté de sortir des sentiers battus pour appeler avec sincérité à une collaboration pluridisciplinaire visant au développement d’une histoire militaire achéménide. Toutefois, il est ici utile de faire état de plusieurs critiques de fond.

7Concernant l’utilisation des sources textuelles, une insertion critique mais pleine et entière dans le champ des études achéménides aurait amené l’A à intégrer et à considérer de manière plus détaillée certaines des sources et méthodes mobilisées par les spécialistes d’histoire achéménide au cours des quarante dernières années. Il est par exemple étonnant de constater qu’un corpus aussi central que les archives administratives de Persépolis ne soit pratiquement pas pris en compte dans le présent volume.

8Concernant l’archéologie, le principal intérêt du cinquième chapitre qui lui est consacré est de proposer, pour la première fois, une synthèse sur les découvertes d’équipements militaires effectuées à travers l’empire. L’A. dessine donc ici les contours d’un corpus riche et varié mais sa présentation présente deux faiblesses majeures. D’une part, il n’y intègre aucune illustration. Elles auraient pourtant donné à voir et à analyser la diversité des types d’armes et des contextes de leur découverte. D’autre part, le corpus a été constitué suivant une logique géographique alors qu’il aurait été certainement préférable de l’organiser d’abord par types d’objets archéologiques puis par périodes et enfin par région. D’une manière générale, tout au long du livre, l’archéologie se retrouve généralement réduite à sa fonction traditionnelle de mise au jour et d’étude des objets. L’A. décide ainsi de manière assumée, essentiellement en raison de l’état de la documentation disponible, de ne pas aborder dans le détail des thématiques telles que la géographie militaire ou la poliorcétique. Or ce choix entraîne des conséquences importantes. Par exemple, il l’amène à ne pratiquement pas traiter de la grande moitié orientale de l’empire où les découvertes d’armements d’époque perse sont certes rares mais où, ces dernières années, des données archéologiques importantes concernant les deux thèmes évoqués ci-dessus ont été pourtant obtenues.