1Cet article étudie les fragments du Babyloniaca de Bérose qui traitent du sujet de la création des humains. Le récit a été complètement perdu mais nous est parvenu par l’intermédiaire de plusieurs érudits grecs et byzantins. Étant au courant des mouvements intellectuels en Babylonie et dans le monde grec, Bérose adapte son récit aux idées philosophiques et scientifiques de son temps.

2La manière particulière dont Bérose insère le récit de la création dans son œuvre est soumise à l’analyse. Par comparaison avec la Bible où la création précède toute narration, dans le Babyloniaca la création est présentée comme une histoire révélée aux humains par le sage antédiluvien Oannes, un apkallu qui joue le rôle d’un porteur de culture qui a élevé les humains de leur condition bestiale à la civilisation. Bérose, qui transmet des connaissances et explique le sens des révélations primordiales, se considérait également comme l’un des héritiers des sages apkallus.

3L’histoire de la création relatée par Bérose dérive largement de l’Enuma elish, mais certains éléments font penser à une adaptation aux doctrines philosophiques grecques. Ainsi, dans l’œuvre de Bérose, on trouve une explication naturaliste du mythe de la création ainsi que le motif de la lumière et de l’obscurité, lorsque Marduk apparaît en tant que créateur de lumière dans sa bataille contre Tiamat, cette dernière personnifiant les forces des ténèbres.

4Le récit de la création des humains provient de l’Enuma elish. Cependant, le rôle de Qingu, victime sacrificielle de la bataille cosmique, est endossé, dans la version de Bérose, par Bel-Marduk qui se décapite pour créer les humains. Les travaux des médecins grecs ont démontré que l’intelligence se trouvait dans la tête, tandis que la tradition mésopotamienne plaçait la pensée dans le cœur. Bérose réorganise le mythe traditionnel afin de propager l’idée que la création des humains provient de la tête de la divinité, et de plus, d’une divinité masculine.

5En effet, depuis l’Enuma elish, la gent féminine est exclue du processus de création des humains. Le fait que Bérose place le pouvoir de création et par conséquent de la reproduction dans la tête des dieux masculins suit à la fois la mythologie babylonienne et la pensée grecque et est conforme aux connaissances anatomiques du III^e siècle av. J.-C.