1Dans son article, P.-A. Beaulieu étudie les éléments théophoriques dans l’onomastique de la ville d’Ur néo-babylonienne et achéménide, dont les archives privées couvrent la période du VII au IV s. av. J.-C. La première observation concerne la présence des composants théophoriques des divinités chtoniennes dans l’onomastique. Au I^er millénaire av. J.-C., le culte de dieu Ninazu aurait été transféré de la ville d’Enegi à Ur. Le nom de Ninazu apparaît dès lors dans un nombre considérable de noms propres à Ur. Il s’agit surtout des noms-phrases qui font référence à la relation entre le dieu Ninazu et le nouveau-né ou ses parents. Dès les premiers textes datant du VII s. av. J.-C. jusqu’au règne de Darius II, c’est la forme ^dNin-a-zu qui est attesté dans les noms propres, tandis qu’à partir du règne de Darius II et jusqu’à la fin des archives, la divinité apparaît dans les noms propres sous la forme Emesal ^dUmun-a-zu, sans que les composants Ninazu et Umunazu soient interchangeables. P.-A. Beaulieu lie ce phénomène à l’importance accrue des lamentations dans la liturgie babylonienne où l’Emesal était utilisé. Trois autres divinités chtoniennes associées au culte de Ninazu apparaissent également dans l’onomastique d’Ur, il s’agit de Ningirima, Niraḫ et Ningišzida.

2P.-A. Beaulieu montre ensuite comment les événements politiques se reflètent dans l’onomastique. Il distingue deux catégories sémantiques de noms propres contenant un élément théophorique à la période néo-babylonienne : les noms exprimant la protection personnelle du dieu ou son intervention en faveur de la naissance (Sîn-aplu-iddin, “Sîn a donné un héritier”, ou Sîn-uballiṭ, “Sîn a gardé en vie”) et les noms propres représentant des déclarations sur le statut du dieu dans le panthéon ou sa relation avec le roi (Sîn-šar-ilī, “Sîn est le roi des dieux”). Les noms-déclarations du second type sont répandus jusqu’à l’arrivée des Achéménides et disparaissent presque entièrement après les réformes de Xerxès en 484 av. J.-C. Après cette date, les noms exprimant une protection personnelle sont plus fréquents. P.-A. Beaulieu explique ce phénomène par la perte de l’indépendance babylonienne en 539 av. J.-C. En conséquence, les noms exprimant le pouvoir universel des dieux babyloniens disparaissent. Privée de pouvoir politique effectif, la notabilité urbaine s’est tournée vers la piété personnelle, et plus largement vers les savoirs traditionnels et les activités scientifiques telles que l’astronomie et les mathématiques.