1Michael Jursa étudie dans cet article la pratique sociale qui consiste à donner un cadeau au roi ou aux hauts officiers en échange d’un certain service. L’auteur passe en revue les attestations de cette pratique dans la documentation administrative et littéraire de la Babylonie tardive, et il analyse le vocabulaire akkadien associé (kadrû, nāmurtu, nidintu, rīmu, rīmūtu, qīštu, šugarrû, šulmānu, ṭātu).

2La première partie de l’article est consacrée aux cadeaux royaux. Les rois accordent des dons aux temples et à des individus. Les dons de terres de la couronne à des officiers royaux sont particulièrement documentés à l’époque achéménide.

3La seconde partie de l’étude concerne les cadeaux aux officiers de l’administration. Le nāmurtu, en particulier, est un cadeau que les officiers attendent pour avoir accordé un certain droit. Malgré son caractère obligatoire, il n’est pas comparable à une taxe car il a une dimension émotionnelle et donne un certain prestige à celui qui le reçoit. Le šugarrû est un cadeau remis en échange d’un service, il est offert par un individu dans le but de persuader l’officier destinataire de prendre son parti ou d’intercéder en sa faveur.

4Pour finir, les condamnations morales de la remise de cadeaux contre un service sont étudiées, dans les textes littéraires et dans la documentation administrative et épistolaire. Le texte BIN 1 73 (Y. Levavi, Administrative Epistolography in the Formative Phase of the Neo-Babylonian Empire, Münster, 2018, n°114) se réfère à un ordre royal interdisant à un juge de recevoir un cadeau qīštu. Le texte littéraire “Nabuchodonosor roi de justice”, dont la copie date du IIIe siècle av. J.-C., loue le roi pour avoir libéré son peuple des cadeaux à donner aux juges. Selon Michael Jursa, malgré son caractère tardif, ce texte est peut-être un écho des tentatives de réformes des rois néo-babyloniens dans le but de rationnaliser l’administration, efforts qui n’ont cependant pas permis d’abolir les pratiques concernées. Malgré des règles fixées, les liens interpersonnels sont importants et laissent une marge à la négociation, et le système de gouvernement de la Babylonie peut donc être qualifié de « bureaucratie patrimoniale ».