• 1 Ce type de structure a toujours existé, avec des noms différents et des formules différentes et not (...)
• 2 Il s’était de fait instauré une sorte de division du travail, au-delà des compétences strictes de c (...)

3Quand j’ai connu Jo, il occupait les fonctions de chef de la mission scientifique, structure d’expertise scientifique commune à la direction de la recherche et à la direction de l’enseignement supérieur, intervenant tout aussi bien sur l’expertise des laboratoires de recherche, sur les dossiers d’habilitation des diplômes nationaux ou sur la coloration disciplinaire des créations d’emplois ou, avec la création des conseillers d’établissements, sur la mise en place de la politique contractuelle. C’est une structure essentielle dans l’administration de l’enseignement supérieur et de la recherche qui ne peut pas fonctionner sans l’apport de l’expertise de chercheurs ou d’enseignants chercheurs. Jamais ce type de structure n’a aussi bien fonctionné1, par la qualité des experts recrutés, par l’harmonie entre scientifiques et administrateurs et aussi par l’équilibre trouvé entre ses deux directions de rattachement, enseignement supérieur et recherche2. Il faut se rappeler qu’à l’époque l’administration de la rue Dutot était dominée par trois grandes personnalités : Jean-Jacques Payan, le directeur général, Danièle Blondel, la directrice des enseignements supérieurs et Bernard Decomps, le directeur de la recherche. Ce n’était donc pas a priori si simple de faire fonctionner une structure commune à deux directions dans ces conditions, d’autant plus, que, dans la tradition administrative française, ce type de structure fonctionne difficilement. Or Joseph Goy a parfaitement réussi dans sa mission. D’une structure rattachée initialement à la direction de la recherche, il a su faire une structure commune aux deux directions et travaillant également pour les deux. Outre son activité de direction de la mission scientifique et sa participation à la définition de la politique universitaire, on doit à Joseph Goy pendant cette période la production d’un rapport important sur l’avenir des écoles normales, qui, a décidé le principe de la mixité, posé la question toujours non résolue du rapport des normaliens à l’agrégation et affirmé le rôle essentiel de ces écoles dans la formation des futurs chercheurs et enseignants chercheurs.

• 3 C’est l’époque où la loi d’orientation et de programmation de la recherche de Jean-Pierre Chevèneme (...)

5Ensuite et surtout sa capacité à être le ciment, le liant, le facilitateur. On lui doit en partie cette qualité de travail inter-directions qui régnait rue Dutot, siège de l’administration de l’enseignement supérieur et que je n’ai jamais retrouvé ailleurs et ce n’était pas toujours facile compte tenu de la personnalité des trois directeurs évoqués. Cette capacité de médiation n’empêchant pas l’expression de conviction fortes a trouvé à s’exercer dans les relations avec le Ministère de la recherche, parfois arrogant avec le Ministère de l’éducation nationale, avec le CNRS et son secteur de SHS, tout aussi arrogant parfois vis-à-vis de l’Université3. Aux côtés de Bernard Decomps, Joseph Goy a ainsi contribué à faire reconnaître la place de la recherche universitaire

• 4 Alain Savary était très attentif à ce que les directeurs d’administration centrale jouent leur rôle (...)

6Cette capacité de médiation a également servi à apaiser les tensions entre le cabinet du Ministre et les directions4 (chose inimaginable maintenant, les directeurs avaient boudé pendant une ou deux semaines les réunions avec le cabinet).

• 5 Cf. sur cette période, le livre de Claude Allègre, L’Âge des savoirs, pour une renaissance de l’Uni (...)

9La seconde période dans laquelle j’ai interagi avec Joseph Goy, c’est celle de 1989-1991, où il était conseiller au cabinet de Lionel Jospin et moi sous-directeur dans la direction de la programmation et du développement universitaire, sous la direction d’Armand Frémont. Peut-être faut-il rappeler que le cabinet de Lionel Jospin était constitué de personnalités fortes et complexes avec Olivier Schrameck, le directeur de cabinet et Claude Allègre, le conseiller spécial ou Daniel Bancel. La coexistence de ces personnalités était source de tensions, presque inhérente à cette double hiérarchie de directeur de cabinet et de conseiller spécial et Jo était un des seuls à avoir de bonnes relations avec tous les pôles de ce cabinet et à même d’avoir un rôle d’apaisement. Ce rôle d’écoute, de facilitateur et de pacificateur allait faire merveille dans cette période, non seulement en interne au cabinet, mais en externe avec beaucoup d’interlocuteurs. Claude Allègre racontait lui-même que tous les interlocuteurs sortaient contents du bureau de Joseph Goy, sans avoir rien obtenu de concret. Ces talents étaient fort utiles pour les relations avec les syndicats, notamment sur la revalorisation des carrières des enseignants-chercheurs et je me souviens avoir avec Jo et Patrick Fridenson contribué à rétablir le contact entre le SGEN et Claude Allègre, vexé par une tribune dans Libération dénonçant le caractère brouillon de ses initiatives. Ils l’étaient tout autant dans les relations avec les directions de l’administration centrale lorsqu’elles étaient quelque peu malmenées par Claude Allègre. Il était, comme je le suis devenu plus tard, un interprète des consignes de Claude Allègre : savoir quand il fallait les appliquer immédiatement ou attendre le contre-ordre ou faire le mort et voir s’il en reparlait. Et nous avons tous respiré quand Jo a de fait exercé l’intérim d’Allègre, parti bouder aux USA, au mois de septembre 1990. Et Jo a beaucoup contribué à cette période qui a été, malgré toutes ces péripéties, une période riche et bouillonnante pour l’enseignement supérieur français de la revalorisation des enseignants-chercheurs au plan Université 20005.