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1Thèse dirigée par Arlette Farge (Directrice de thèse, CNRS), soutenue devant un jury composé de : Antoine de Baecque (École Normale Supérieure), Michelle Perrot (Université Paris Diderot), Geneviève Sellier (Université Bordeaux Montaigne), Myriam Tsikounas (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne) et Ginette Vincendeau (King’s College London).

2Résumé : Cette étude s’intéresse à Brigitte Bardot au tournant des années 1960, que l’on considère comme un événement d’opinion. Première star de masse en France, elle est objet de désirs multiples : fantasme sexuel, objet d’un désir mimétique chez des jeunes filles qui la prennent comme support d’identification ; mais aussi objet d’un désir de voir et de savoir en une société qui change de visage. Bardot suscite ainsi un flot de discours médiatiques et cinématographiques, mais aussi des discours « savants » qui cherchent à comprendre son mythe, ainsi que des « bavardages » dans les courriers de lecteurs de magazines populaires. Cette thèse entreprend d’en retrouver les traces pour examiner la façon dont ces discours sur la star éclairent la période et ses enjeux : modernisation accélérée, entrée dans la société de consommation, essor de nouveaux médias, conflit de générations, guerre d’Algérie. Bardot, symbole de jeunesse, de renouveau et de liberté, permet de mettre en lumière des clivages d’opinion, et un conflit de valeurs entre tradition et émancipation. « La Vérité », film d’Henri-Georges Clouzot sorti en 1960, sert de point d’entrée dans la réflexion. Bardot y interprète un personnage de jeune femme séductrice et criminelle inspiré de Pauline Dubuisson, dont le procès a défrayé la chronique en 1953. La comparaison entre la réception du film par la critique établie, par les jeunes cinéphiles (« Les Cahiers du cinéma », « Positif ») et enfin par le public dit « ordinaire », permet d’en révéler des lectures plurielles et genrées, mais aussi situées politiquement. Le courrier des lecteurs de l’hebdomadaire « Cinémonde » est ici investi comme source de prédilection : s’y délivrent les seules traces accessibles d’une forme de cinéphilie féminine invisible dans les autres médias. En donnant voix aux spectatrices sur « La Vérité » et sur Bardot, s’y expriment en outre les opinions de jeunes femmes sur leur situation sociale, ainsi que des désirs d’émancipation. Cette analyse porte sur la place du cinéma en ce moment où il est terrain d’affrontement entre « tradition de qualité » et Nouvelle Vague émergente. Elle envisage le rôle de la fiction, à laquelle on prête un pouvoir d’influence sur les publics, et des facultés d’anticipation sur le réel. En s’ancrant dans le rappel du contexte, on interroge ici les relations des contemporain.e.s aux représentations sur la question de l’émancipation des femmes, et des indépendances. À l’intersection d’une histoire du féminisme, des études culturelles et d’une histoire des représentations, cette thèse aborde enfin la place de l’événement dans la restitution de cette période – l’événement d’opinion qu’est Brigitte Bardot, les événements historiques majeurs, de la modernisation à la guerre d’Algérie, ou encore le rôle des « événements de l’imaginaire » et leur impact, en examinant les expressions d’un protoféminisme à l’oeuvre dans une société oppressive pour les femmes.

3Abstract: This study focuses on Brigitte Bardot at the turn of the 1960s, considered as a public opinion event. First mass star in France, she is the object of multiple desires: sexual fantasy, mimetic desire among young girls, for whom she provides a model of identification, but also the focus of a desire for looking-on and knowing about her private and intimate life. Bardot elicits a stream of mediatic and cinematographic discourses, but also “scholarly” debates that seek to account for the star’s myth, as well as “gossip” in readers’ letters in popular magazines. The aim of this thesis is to find the traces of these discourses on Bardot, and to show how they illuminate our understanding of this period and its major issues: an accelerated modernization, the emergence of consumer society, the rise of new media, the conflict between generations, and colonial warfare in Algeria. Bardot, symbol of youth, renewal and freedom, allows us to shed light into clashes of opinion and into conflicts between traditional and emancipating values. “La Vérité”, Henri-Georges Clouzot’s film released in 1960, offers a point of entry into the subject. Bardot plays the character of a young seductive woman and criminal, inspired by Pauline Dubuisson, whose trial made the headlines in 1953. The comparison between the reception of the film by established critics, by young cinephiles (“Les Cahiers du cinéma”, “Positif”) and by the so-called “ordinary” public, reveals multifaceted and gendered readings, but also politically situated perspectives. Readers’ letters of the weekly magazine “Cinémonde” will be used here as a source of preference. This material offers the only available access to the viewpoints of a female audience, as this traces of a female cinephilia are invisible in other media. By giving voice to the female spectators on “La Vérité” and on Bardot, the opinions of young women on their social situation are also expressed, as well as their desire for emancipation. This analysis focuses on the cinematographic battleground between “Tradition de qualité” and the emerging “Nouvelle Vague”. It considers the role of fiction, which at the time is seen as having the power to influence audiences and the ability to anticipate reality. Grounding our analysis in this historical context will enable us to interrogate the way contemporaries contemplate women’s emancipation and independent relationships. At the intersection of a history of feminism and cultural studies, this thesis addresses the place of the event in the restitution of this period – the event of public opinion that Brigitte Bardot is; the major historical events, from modernization to the war in Algeria, as well as the role of “events of imagination” and their impact, such as forms of protofeminism at work in a society that is yet oppressive towards women.