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Analyses historiographiques

Féodalités et féodalismes face au comparatisme : les cas africains 

Feudalism and comparatism: African cases
Blaise Dufal

Résumés

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La notion de féodalité et les comparaisons avec les sociétés européennes médiévales ont fait partie de l’arsenal explicatif et interprétatif des colons européennes au cours du xixe et du xxe siècle dans leurs diverses entreprises de description des sociétés indigènes et de saisie de l’histoire des sociétés précoloniales africaines. Au cours de la seconde partie du xxe siècle, la grille d’analyse marxiste a apporté une nouvelle dimension au regards extérieur sur l’histoire du continent africain en proposant diverses modalités pour l’inscrire dans une conception évolutionniste. Au final, le bilan d’une période historiographiquement révolue montre que les sociétés africaines pré-coloniales n’ont pas grand-chose à voir avec la féodalité médiévale européenne, et que la question du mode de production féodale a par contre permis des discussions intéressantes pour mieux saisir certaines spécificités africaines. Finalement, la période la plus féodale que le continent africain ait connue fut sans doute la période coloniale…

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Notes de l’auteur

Je tiens à remercier Solal Abélès, Catherine Coquery-Vidrovitch et François-Xavier Fauvelle pour leurs relectures précieuses.

Texte intégral

Regards coloniaux et préjugés d’une comparaison

  • 1 Ferdinand de Lanoye, Le Niger et les explorations de l’Afrique centrale depuis Mungo Park jusqu’au (...)
  • 2 Sophie Dulucq, Écrire l’histoire de l’Afrique à l’époque coloniale (xixe-xxe siècles), Paris, Khart (...)

1Le parallèle entre les sociétés médiévales européennes occidentales et certaines sociétés africaines est assez courant au cours de la seconde partie du xixe siècle, dans la production des discours coloniaux, tant scientifiques, de type anthropologique ou historiographique, qu’administratifs. Ainsi, en 1858, l’écrivain français Ferdinand de Lanoye (1806-1870) qualifie les grands empires du Ghana et du Mali de « Moyen-Âge » africain1. Cette analogie est la plupart du temps sous-tendue par une forme de jugement moral, structurée par une conception évolutionniste du progrès linéaire des sociétés humaines2. Alors même que l’Europe industrielle et colonisatrice affirme sa modernité irréductible et civilisatrice, les sociétés indigènes sont renvoyées dans le passé, cantonnées dans l’imaginaire d’une époque révolue. Il est remarquable que la création littéraire et la structuration disciplinaire du Moyen-Âge comme sujet culturel et objet de savoir, au cours du xixe siècle, s’accompagne d’une projection de ce même Moyen-Âge, hors d’Europe, sur un continent africain où il trouverait une forme de présent éternel. Certaines sociétés africaines sont alors présentées comme un reflet déformé, un miroir nostalgique de ce que fut l’Europe millénaire et traditionnelle, désormais disparue.

2La référence au Moyen-Âge peut prendre diverses formes et s’inscrire dans différents niveaux de discours, croisant des registres d’évocation multiples : appliquée aux sociétés africaines, cette référence oscille entre l’évocation vague, qui parfois ne tient qu’à un mot changé de contexte d’énonciation, l’analogie facile et rapide qui n’implique pas une réflexion développée, et la comparaison à part entière qui vise à établir de manière structurée un parallèle et à lui donner un sens. Ici, l’essentiel de l’analyse est focalisé sur le développement d’un aspect particulier de la référence au Moyen-Âge, les usages de la référence à la féodalité et au féodalisme, comme modalité de description de l’organisation et du fonctionnement de certaines sociétés africaines. Tant dans les récits scientifiques que dans les rapports administratifs, et la limite entre les deux a longtemps été aussi floue que ténue au xixe siècle, cette comparaison peut apparaitre comme quasi-imposée par une forme d’horizon d’attente, constitué d’un certain nombre de préjugés culturels et d’a priori idéologiques. Ainsi, dès ses débuts, cette forme de comparatisme obéit à des mécanismes exogènes et des motivations non scientifiques qui marquent de manière sans doute indélébile une démarche heuristique. Le cadre intellectuel colonial se surajoute ainsi au drame historiographique des notions de féodalité et de féodalisme, déjà bien assez saturées de connotations et d’instrumentalisations diverses et variées3. L’usage de ces catégories d’analyse des sociétés médiévales européennes appliquées aux sociétés africaines s’articule autour de trois dimensions, directement liées aux intérêts des pouvoirs coloniaux : la question de la présence de structure étatique et donc en négatif la représentation de l’anarchie féodale, l’enjeu de la description, de la compréhension et de la distinction de élites locales assimilées à la noblesse médiévale occidentale, et enfin la question des modes de propriétés du sol et des fonctionnements des servitudes.

  • 4 Rebekah Mitsein, African Impressions : How African Worldviews Shaped the British Geographical Imagi (...)
  • 5 « [The military system of Shoa] is entirely feudal, each governor in the realm is required to furni (...)
  • 6 Jean-Pierre Chrétien « Le passage de l’expédition d’Oscar Baumann au Burundi (sept. oct. 1892) », C (...)
  • 7 « Cette concession de fief peut être comparée avec le fief de notre moyen-âge. Les Watussi bénéfici (...)
  • 8 Hans Meyer, Die Burundi, Leipzig, Spamer, 1916, p. 86-92.
  • 9 Jean-Pierre Chrétien, « L’horizon féodal de l’administration indirecte » in J.-P. Chrétien (dir.), (...)
  • 10 « Le système de tenure foncier était féodal ; la terre était concédée par les chefs aux hommes, à c (...)
  • 11 « Ce qui fit la force de l’Empire mossi, ce fut son organisation politique, organisation féodale ra (...)

3L’usage de comparaison avec les sociétés médiévales européennes pour décrire des sociétés africaines rencontrées apparaît occasionnellement et sporadiquement au cours de la seconde partie du xviiie siècle dans certains récits de voyage4. Et c’est surtout tout au long du xixe siècle que des explorateurs et des géographes convoquent l’imaginaire féodal et usent de références caractéristiques de l’univers médiéval pour décrire les peuples africains qu’ils « découvraient ». Ainsi, l’explorateur et diplomate anglais William Cornwallis Harris (1807-1848) dépeint la société éthiopienne de la région de Choa comme totalement féodale, lors de son séjour en 1841-1843 : cette féodalité est caractérisée par l’organisation du système militaire, notamment l’existence de groupes de cavaliers, renvoyant à l’imaginaire du chevalier médiéval5. À la fin du xixe siècle, le géographe autrichien Oscar Baumann (1864-1899) décrit le Burundi sous la coupe d’une « noblesse pillarde », caractéristique de l’anarchie féodale, installée sur les crêtes sommitales, qui sont alors dépeintes comme l’équivalent des fameuses buttes féodales qui marquent encore certaines campagnes européennes6. À la même époque, le lieutenant Von Nordeck zu Rabenau7 et le géographe allemand Hans Meyer (1858-1929)8, parlent pour le Burundi et le Rwanda d’un système « féodal », notamment en y constatant des pratiques contractuelles, tant pour le bétail que pour la terre, qu’ils assimilent à des fiefs. Au tournant des xixe et xxe siècles, des missionnaires chrétiens, protestants comme catholiques, évoquent le royaume du Buganda selon une terminologie féodale. En 1896-1897, le père blanc Johannes-Michael Van der Burgt décrit le Burundi comme une société aux mains de « barons ou de ducs plus ou moins puissants », où règne « l’idée de vassalité complète ou plutôt de dépendance », qualifiant le chef (Rwasha) de « maire du palais », de « Pépin »9. La comparaison évoque ainsi des formes de vassalité de manière assez vague et imprécise et la référence aux institutions mérovingiennes est plutôt connotée négativement comme une forme corrompue ou décadente d’organisions du pouvoir. Également à propos du Burundi, le missionnaire protestant John Roscoe (1861-1932) décrit en 1911, de manière un peu plus précise, une structure de fiefs sur le modèle européen médiéval10. Prêchant en Afrique de l’Ouest, le père Baudu (1915-1983), missionnaire au Niger et au Bénin, compare pour sa part l’empire mossi à l’organisation politique générale de la « France » médiévale11, ce qui ici, pour une fois, est vue comme un avantage.

  • 12 Auguste Le Herissé, L’ancienne royauté du Dahomey. Mœurs, religion, histoire, Paris, Larose, 1911, (...)
  • 13 André de Beauminy, « Une Féodalité en Afrique Occidentale Française : Les États Mossi », Bulletin d (...)
  • 14 Jacques Granet, La Notion de personne dans la féodalité Mossi. Étude monographique de psychologie c (...)
  • 15 « Vus de l’extérieur rapidement, les Maures, les Touaregs, tous sont des nomades dont la structure (...)

4Les administrateurs coloniaux jouent également un rôle important dans l’élaboration et la diffusion de l’analogie féodale pour décrire les fonctionnements socio-politiques de certaines sociétés africaines. Cette conception d’une Afrique précoloniale, structurée comme la société médiévale occidentale, se retrouve dans de nombreuses études produites par des fonctionnaires coloniaux dans la première partie du xxe siècle12. Un administrateur colonial français, André Chrestien de Beauminy (1887-1975) a développé une analyse de la société des Mossi (Burkina-Fasso) comme une société féodale13. Cette analogie, appliquée à ce cas précis, est devenue un topos assez répandu, avec des prolongements jusqu’à la fin de l’époque coloniale14. Gabriel Féral (1919-1995), administrateur français en Mauritanie vers 1948, le futur général Jean Lagarde (1920-2207) dans les années 1940 et l’administrateur Philippe Loiseau dans les années 1950 décrivent également les sociétés nomades sahariennes comme « féodales », confessant même une forme d’attirance à leur égard de ce fait15.

  • 16 Robert Montagne, Les Berbères et le Maghzen dans le sud du Maroc, Paris, Félix Alcan, 1930.
  • 17 Jules Simon Sasserath, Ruanda-Urundi, étrange royaume féodal au cœur de l’Afrique, Bruxelles, Éditi (...)
  • 18 « De toute façon, le choix fait et proclamé, les contestations s’élevaient et les successions n’éta (...)
  • 19 Roger Bastide, Les Amériques noires : les civilisations africaines dans le Nouveau Monde, Paris, Pa (...)

5Fonctionnaire colonial et anthropologue, Robert Montagne (1893-1954) étudiant des populations berbères du Souss marocain, observe des liens de caractère féodal, qu’il considère comme très récents, c’est-à-dire comme un processus tardif sans doute en lien avec le contact avec l’économie européenne16. Ici encore un déplacement s’opère dans l’analogie avec la féodalité, qui désigne plutôt un phénomène contemporain et la conséquence des changements indus par la domination européenne, dans ce cas précis, française. En effet, la comparaison avec la féodalité se révèle un trait important du regard colonial français mais pas uniquement. Ainsi, le docteur belge Jules Sasserath parle de « l’étrange royaume féodal » du Ruanda-Urundi17. Cette vision médiévaliste de l’Afrique perdure chez certains anciens fonctionnaires coloniaux, jusque dans les années 1970. Il en est ainsi de Jean Ghislain (1921-2013), administrateur territorial belge au Burundi qui publie une étude sur la féodalité au Burundi, qu’il présente à l’Académie royale des Sciences d’Outre-Mer en 1969, où le thème de l’anarchie féodale domine l’analyse18. Il faut aussi évoquer pour la fin des années 1960 le cas de l’anthropologue français Roger Bastide (1898-1974) qui parle de manière assez vague pour désigner une certaine forme d’organisation agricole de « système féodal africain »19.

  • 20 « L’image féodale permettait aussi de manipuler ces sociétés tout en prétendant les préserver, en l (...)
  • 21 Jean-Pierre Chrétien, « Féodalité et féodalisation du Burundi sous le Mandat belge », Burundi. L’hi (...)

6Cet imaginaire féodal nourrit le rêve de « royaumes chrétiens » préexistants et de l’origine non africaine de ces structures politiques et dépend également des différentes relations des puissances coloniales avec les pouvoirs locaux et avec des effets sur les modalités d’action des gouvernements coloniaux, créant parfois ce dont ils avaient rêvé20. La projection coloniale d’une féodalité africaine a fait partie des modalités d’interprétation des antagonismes existants et de leur fixation dans des catégories ethniques notamment au Burundi et au Rwanda, à propos de la distinction entre Tutsis et Hutus21. D’autre part, cette vision d’une Afrique féodale correspondait assez bien au système d’administration indirecte (indirect rule) mis en place par les pouvoirs coloniaux notamment anglais et allemands, qui recherchaient dans les élites aristocratiques africaines des relais pour imposer leur domination. L’imaginaire d’une Afrique féodale est né du colonialisme européen : reconnaître un système féodal et ainsi retrouver des structures politiques connues, permettait aux autorités coloniales de concevoir une jonction entre les différents systèmes politiques. Il s’agissait d’élaborer un discours leur permettant d’articuler leur mission « civilisatrice » moderne et leur volonté de décrire l’Afrique précoloniale comme l’équivalent du passé de l’Europe.

Évolutions et persistance d’une comparaison

  • 22 Augustin Berque, « Esquisse d’une histoire de la seigneurie algérienne », Revue de la Méditerranée, (...)
  • 23 « Elle évoquera immanquablement la stipulation analogue, qu’on relève si souvent dans les actes du (...)

7Augustin Berque (1884-1946), administrateur en Algérie dans les années 1930-1940, analyse l’évolution de la société algérienne au cours du xixe et de la première partie du xxe siècle en opposant deux types de seigneuries, ce qui renvoie au modèle d’évolution en deux temps de la société féodale européenne définie au même moment par Marc Bloch22. En 1937, son fil Jacques Berque (1910-1995), qui fut par la suite professeur au Collège de France à la chaire d’histoire sociale de l’Islam contemporain, mais qui est alors fonctionnaire de la diplomatie française en poste à Fez, écrit son premier texte dans la revue les Annales, à l’immédiate suite de l’article programmatique de Bloch sur la comparaison entre les différentes formes de seigneurie, poursuivant cette comparaison pour la cas marocain, avec l’étude d’une forme de tenure particulière (‘azîb) de « caractère féodal » : dans le cadre de cette étude, il met surtout en avant les limites et les insuffisances de la comparaison23, qui désormais va être l’objet de remises en cause et soumise à des enquêtes proprement scientifiques. Les limites de l’analogie sont pointées du doigt et la pseudo-évidence de celle-ci doit faire place désormais à une modalité comparatiste mieux articulée scientifiquement.

  • 24 Hermann Kees, « Beitrage zur Altägyptischen Provinzialverwaltung und der Geschichte des Feudalismus (...)
  • 25 Jacques Pirenne, « La féodalité en Égypte », Revue de l’Institut de Sociologie, XVI, 1936, p. 15-36 (...)
  • 26 « Late Ramesside and post-Ramesside Egypt experienced the weakening of the central government and t (...)
  • 27 « It seems sure that Egyptologists who have applied the term ‘feudal’ to certain periods of Egyptia (...)

8Les premiers jalons d’une comparaison plus rigoureuse ont d’abord été posés à propos de l’Égypte ancienne, pharaonique, ce qui est significatif tant par son prestige et son antériorité elle échappe à la représentation de l’Afrique pré-coloniale. Au cours de la première partie du xxe siècle, la question de l’Égypte antique comme moment de développement d’un système féodal est abordée à plusieurs reprises, notamment pour la période de l’Ancien Empire (2700-2200 av. J.C.), avec l’étude de l’apparition des nomes, unités territoriales de gouvernement comparables au système des fiefs24. Jacques Pirenne (1891-1972), fils du médiéviste belge et éminent égyptologue, a notamment parlé de régime « féodo-domanial » à propos de la fin de la ve et vie dynastie et notamment pour la Haute Égypte25, il distingue deux périodes de régime féodal pour l’Ancien Empire. On retrouve ce type d’analogie quelques décennies plus tard ainsi à propos de la xxiie dynastie, dite libyenne (945-715 av. J.C.), qui est caractérisée comme étant un système militaire et tribal organisé en fief par l’anthropologue états-unien Rushton Coulborn (1901-1968), dans le cadre de son vaste projet d’histoire comparée des féodalités26. Mais cette application de la grille de lecture féodale à l’Égypte antique semble relever d’une analogie assez faible uniquement basée sur la caractérisation comme féodal d’un système politique et/ou d’une période où l’aristocratie locale est dominante27.

  • 28 « Genre noble en effet et genre de nobles, que les épopées qui dans toutes les sociétés ont corresp (...)
  • 29 Tom C. McCaskie, « R. S. Rattray and the Construction of Asante History : An Appraisal », History i (...)
  • 30 « After the fight at Feyiase [in 1701], the making of the Golden Stool, and the acknowledgement of (...)
  • 31 « Feudalism, I have repeatedly asserted, was a compound of archaic barbarian usage with Roman Law : (...)
  • 32 « Au retour de [ma] mission […], je me suis souvent entendu poser la question que voici : L’Urundi (...)
  • 33 « Counties [with] a town with its dependent villages and tunga which were administered as fief thro (...)
  • 34 Cet ouvrage est cité par Dominique Barthélémy : « La théorie féodale à l’épreuve de l’anthropologie (...)
  • 35 Charles Kingsley Meek, A Sudanese Kingdom: an ethnographical study of the Jukun-speaking peoples of (...)
  • 36 Charles Kingsley Meek, Land Tenure and Land Administration in Nigeria and in the Cameroons, London, (...)
  • 37 « Land tenure : […] theoretically the king owned the entire land, actually he granted districts to (...)
  • 38 « Among primitives, however, who have a divine king and early hoe agriculture, and who do little to (...)
  • 39 « Using the Kuanyama Ambo as an example we have endeavoured to demonstrate that kingship and the st (...)

9L’application de la notion de féodalité aux sociétés africaines est particulièrement fréquente dans la littérature académique européenne tout au long du xxe siècle, notamment dans les études littéraires qui trouvent dans la comparaison féodale une matrice toute prête et facilement déclinable pour évoquer les affrontements belliqueux multiples et le désordre social28, et particulièrement dans l’anthropologie des années 1920-1940. Cette démarche comparatiste, parfois explicite, parfois quasi-inconsciente car présentée sous l’aspect d’une forme d’évidence, relève globalement d’une vision européano-centrée des élites aristocratiques africaines et d’une obsession moderne pour le problème considéré alors comme majeur de l’absence présumée d’État dans les structures politiques africaines. Dans les années 1920, l’anthropologue anglais Robert Rattray (1881-1938)29 parle de « féodalité » dans son analyse de la structure administrative du royaume Ashanti et de son fonctionnement politique. Il fait explicitement la comparaison avec la situation médiévale du royaume d’Angleterre, où le souverain, suite à la conquête normande et à la bataille d’Hastings, se retrouve cerné par les barons et les seigneurs : la tension dialectique entre le centralisme monarchique et les pouvoirs périphériques seigneuriaux est au cœur de sa comparaison30. Il caractérise le féodalisme par le développement de la propriété individuelle et comme une modalité d’instaurer une hiérarchie sociale basée sur le rapport à la terre. Il est alors fortement influencé par les travaux de l’historien anglais Henry Maine (1822-1888), précurseur de l’anthropologie juridique comparée, et qui associe le féodalisme aux primitifs et aux barbares31 : dans cet ordre d’idée, définir des sociétés africaines comme féodales est une manière « civilisée » de les décrire comme archaïques. L’historien et anthropologue belge Georges Smets (1881-1961) dans une conférence prononcée en 1936 témoigne de ce présupposé féodal dans la manière de voir les sociétés africaines dans les milieux académiques européens de l’Entre-deux-guerres : le continent africain représentait alors pour lui la possibilité d’observer une « féodalité vivante »32, une forme de témoignage inspiré et inespéré, comme un voyage dans le temps. Dans les années 1930-1940, l’anthropologue anglo-autrichien Fred Nadel (1903-1956), qui fut un élève de Bronisław Malinowski (1884-1942), étudiant le cas de la société des Nupe (Nord du Nigeria), y voit un « État féodal » dans la manière dont les tributs sont collectés et dont l’espace est organisé en « comtés » et en « fiefs »33. Il évoque l’existence d’une noblesse féodale chargée de pourvoir les forces militaires pour le roi. C’est une des premières fois où la question de la gestion du système foncier et celle de la constituions d’une élite guerrière sont articulées de manière un peu développée et qui sera d’ailleurs reprise par un médiéviste français spécialiste de la féodalité et friand d’anthropologie anglophone de la première partie du xxe siècle34. L’anthropologue Charles Meek (1885-1965), qui fut un haut fonctionnaire de l’administration coloniale britannique, décrit pour sa part les sociétés de langue Jukun (Nord du Nigeria) comme ayant un système féodal35. Il analyse également en terme féodal les empires musulmans peuls, comme l’empire du Sokoto (1804-1897)36. L’anthropologue états-unien Edwin Meyer Loeb (1894-1966), qui a travaillé notamment au Nord de la Namibie sur les tribus Kuanyama Ambo, les décrit comme une société pleinement féodale « par nature », du fait, notamment, de leur régime foncier, des liens de dépendance entre souverain, nobles et peuple37. Il considère ce qu’il nomme « féodalisme primitif » comme une étape nécessaire dans le développement des systèmes politico-sociaux, mais une étape vouée à disparaitre du fait du processus de « civilisation »38. Marqué par une vision évolutionniste et par l’hypothèse diffusionniste, il envisage le caractère temporaire ou permanent du féodalisme comme la conséquence du degré de développement de l’agriculture39.

Nuances anthropologiques d’une analogie

  • 40 « The analogy of a feudal system would be misleading ». Meyer Fortes, « The political system of the (...)
  • 41 « The area of administration of a chief’s deputy is only roughly defined by special boundaries. You (...)

10Au fil des décennies du xxe siècle, la comparaison féodale appliquée aux sociétés africaines a connu diverses fortunes, des nuances et des impasses, comme lorsque, l’anthropologue sud-africain Meyer Fortes (1906-1983) réfute la comparaison féodale à propos de la société des Tallensi (nord du Ghana)40 et que l’anthropologue anglais Edward E. Evans-Pritchard (1902-1973) refuse de l’appliquer à la société des Nuer41. Mais ces premiers refus d’obtempérer a l’injonction analogique n’ont pas été massivement suivis alors.

  • 42 « Aujourd’hui, les anthropologues considèrent qu’il existe en Afrique noire des systèmes politiques (...)
  • 43 Marc Bloch, Feudal Society, traduction de. L. A. Manyon, Chicago, University of Chicago Press, 1961
  • 44 Max Gluckman, « African Land Tenure », Rhodes-Livingstone Institute Journal, 5, 1945, p. 1-12.
  • 45 « But it shares in common with the system I have been outlining the correspondence between politica (...)

11Dans les trois premières décennies après la Seconde Guerre Mondiale, la comparaison féodale appliquée aux sociétés africaines précoloniales est régulièrement employée par les anthropologues occidentaux et par de nombreux intellectuels et diplomates africains42. Mais au fil des années et des études, des débats et des controverses, la comparaison se fait plus nuancée, s’autorisant même parfois d’être rejetée, après néanmoins avoir été posée d’emblée, une fois de plus comme une évidence. L’analogie avec la féodalité médiévale se fait également plus distanciée vis-à-vis du modèle européen médiéval qui est par ailleurs de mieux en mieux connu dans sa diversité, nuancé, et complexifié, et dont les études sont mises à contribution avec notamment une suréminence tant dans les mondes académiques francophones qu’anglophones de la référence à Marc Bloch (La Société féodale est traduit en anglais en 196143) promoteur d’une approche comparatiste. Par exemple, l’intérêt pour les systèmes fonciers africains est décisif pour Max Gluckman (1911-1975), éminent fondateur de l’école d’anthropologie de Manchester, qui met en avant les études de cas plutôt que les grandes théories44 et qui à propos du système foncier des Lozi du Nord de la Rhodésie, fait la comparaison avec l’Angleterre féodale45. Mêlant définitions politico-juridiques et modalités de contrôle économiques de la production agricole, il s’inscrit pleinement dans les débats des médiévistes des années 1950-1970.

  • 46 Lloyd Ashton Fallers, « Are African Cultivators to be Called Peasants ? », Current Anthropology, 2, (...)
  • 47 « Les cultivateurs s’acquittent en grains, les pêcheurs en poissons ; leur condition apparait assez (...)
  • 48 Hilda Kuper, An African Aristocracy. Rank among the Swazi, London-New York, Oxford University Press (...)
  • 49 William Y. Adams, Nubia - Corridor to Africa, Princeton, Princeton University Press, 1977.

12La comparaison féodale structure une partie du regard anthropologique occidentale sur les sociétés africaines et informe certaines orientations de la recherche scientifique, comme le débat sur l’existence d’une « paysannerie » africaine46. Ainsi, l’ethnologue française Denise Paulme (1909-1998) compare la situation de la plupart des paysans africains à celle de serfs du Moyen Âge européen47. La comparaison ici vise à insister sur la structure pyramidale de la société ainsi que sur la relation de dépendance. D’autre part, l’anthropologue zimbabwéenne Hilda Kuper (1911-1992) décrit les Swazy (population du Nord-Est de l’Afrique du Sud) comme une société féodale, du fait de l’existence de formes de vassalité aristocratique48. L’anthropologue états-unien William Adams (1927-2019) parle pour sa part de « féodalisme islamique » à propos de la Nubie entre la fin du xive et le début du xixe siècle49. Il faut alors remarquer que les usages des notions de féodalité et de féodalisme et de leurs différents avatars sont principalement centrés sur trois régions du continent africain : certaines sociétés sahéliennes, les sociétés inter-lacustres, la société éthiopienne.

Les cas des sociétés sahélo-soudanaises

  • 50 Marian Malowist, « The social and economic Stability of the Western Sudan in the Middle Ages », Pas (...)
  • 51 « The elaborate feudal empires of the Fulani, the Mossi, and the Hausa […] The Mossi and Hausa stat (...)
  • 52 « Mon travail m’a valu un certain nombre de critiques parce que le terme de ‘féodal’ est utilisé pa (...)
  • 53 Jacques Lombard, Structure de type ‘féodal’ en Afrique noire : étude des dynamiques internes et des (...)
  • 54 Ronald Cohen, « The Dynamics of Feudalism in Bornu » in Jeffrey Butler (ed.), Boston University Pap (...)
  • 55 « [Government] is conducted through a system of ranked and titled offices known as sarautu […] each (...)
  • 56 Basil R. Davidson, Black Mother : The Years of the African Slave Trade, Boston, Little Brown, 1961, (...)
  • 57 Kofi Abrefa Busia, The Position of the Chief in the Modern Political System of Ashanti, London : Ox (...)
  • 58 Ivor Wilks, « The State of the Akan and the Akan States: A Discursion », Cahiers d’études africaine (...)
  • 59 Louis Vico Zabkar, « The Eparch of Nubia as King », Journal of Near Eastern Studies, 22, n° 4 (80th(...)
  • 60 Willliams Y. Adams, « The United Kingdom of Makouria and Nobadia. A Medieval Nubian Anomaly » in Wi (...)
  • 61 Lászlo Török, « Money, economy and administration in Christian Nubia », Institut français d’Archéol (...)
  • 62 « We can conclude that there is no substantial evidence for a Nubian feudalism sensu stricto (i.e. (...)

13Un des trois espaces régionaux africains à faire l’objet d’une comparaison régulière avec la féodalité et le féodalisme européen médiéval, correspond aux sociétés sahéliennes et soudanaises50, notamment les cas des empires Mossi, Fulani et Hausa51. Il est important de noter que cette comparaison est renforcée par une situation de concomitance, puisque ces empires africains ont existé dans une époque déjà révolue au moment de la colonisation, appartenant donc à un passé indigène et qu’ils furent contemporains de la fin du Moyen-Âge européen et de l’Ancien Régime au Nord de la Méditerranée. À partir du cas des Bariba du Nord du Dahomey, auquel il a consacré sa thèse soutenue en 1965, l’anthropologue français Jacques Lombard (1926-2017), parle de « structure de type féodal » en Afrique sub-saharienne, mais il distingue cette notion de celle appliquée à l’Europe médiévale et constate qu’il n’y pas de lien créé par le fief et que sa conception de la féodalité est strictement politique, pour insister sur l’importance du pouvoir des aristocraties locales52. Ce qualificatif lui permet de décrire une société dans laquelle les pouvoirs locaux se sont développés au point de concurrencer une structure étatique en déliquescence, voire quasiment disparue53. Le royaume de Borno est aussi analysé selon le concept de féodalisme par l’anthropologue canadien Ronald Cohen (né en 1930) : tout en mettant en avant les difficultés d’une telle comparaison, il compare la situation de violence généralisée de l’Europe médiévale à celle du continent africain qui rend possible le développement d’une forme de féodalité associée à la traite africaine des esclaves54. L’anthropologue jamaïcain Michael G. Smith (1921-1993) décrit l’organisation des royaumes haoussas en termes de fief et de clientèle55, mais il ne fait pas pour autant de comparaison explicite et générale avec le féodalisme ou la féodalité de l’Europe médiévale. Dans les années 1960, l’historien anglais Basil R. Davidson (1914-2010) considère que, pour les cas africains, ce que l’on a souvent défini comme de l’esclavage est une forme de vasselage féodal, qui s’accompagne d’autres caractéristiques d’une société féodale, comme la concentration de la propriété des terres et le système de tenure, les titulatures de la noblesse, les serments de fidélité. Il parle alors du « féodalité tribal » pour le cas des sociétés Ashanti56. Il s’oppose en cela à l’interprétation du sociologue Kofi Abrefa Busia (1913-1978), qui fut aussi premier ministre du Ghana (1969-1972), énoncée une décennie auparavant dans un ouvrage tiré de son enquête doctorale au début des années 1940 dans les régions de Mampong, Wenchi et Kumasi57. Au fil des décennies, la comparaison perd de sa vigueur et de sa pertinence. Dans les années 1980, Ivor Wilks (1928-2014), africaniste gallois, réfute l’idée évolutionniste de Rattray et la version marxiste d’une féodalisation des communautés akan (ashanti)58. La question d’une féodalité nubienne, fut par ailleurs une hypothèse soutenue dans les années 1960 par l’égyptologue états-unien Louis Vico Zabkar (1914-1994)59, et par d’autres qui ont parlé de « secular feudalism » pour les royaumes postérieurs60 : mais ces auteurs centrent surtout leurs analyses sur le développement de la royauté, ce qui n’est pas spécifiquement féodal et qui est une interprétation rejetée par l’historien hongrois Lászlo Török (1941-2020)61. Récemment évoquée, ce qui est pour le moins surprenant, cette comparaison, a été à nouveau écartée notamment à propos du royaume de Makouria-Nobadia (xi-xiie siècle)62.

Les cas de sociétés inter-lacustres

  • 63 Jan Vansina, « Les régimes fonciers ruanda et kuba. Une comparaison » in Daniel P. Biebuyck (ed.) A (...)
  • 64 Irwin T. Sanders, Joseph R. Schwendeman, Richard B. Woodbury, Societies around the World, New York, (...)
  • 65 « To describe certain specific aspects of life on a small ‘manor’ in eastern Rwanda and to show how (...)
  • 66 Kalervo Oberg, « The kingdom of Ankole in Uganda » in Meyer Fortes, Edward Evan Evans-Pritchard, Af (...)
  • 67 Aidan W. Southall, Alur Society. A study in processes and types of domination, Cambridge, W. Heffer (...)
  • 68 John James Twaney, « Ugabire: a Feudal Custom among the Waha », Tanganyka (Tangania) Notes and Reco (...)
  • 69 Jacques Le Goff, « Le rituel symbolique de la vassalité », Pour un autre Moyen Age : temps, travail (...)
  • 70 Lucy P. Mair, « Clientship in East Africa », Cahiers d’Études africaines, II/6, 1961, p. 315-325.
  • 71 « The ten large divisions of Buganda were themselves too large for a single man to assume responsib (...)
  • 72 Susan Reynolds Fiefs and Vassals : The Medieval Evidence Reinterpreted, New York, Oxford University (...)
  • 73 Lloyd Ashton Fallers, Bantu Bureaucracy. A study of Integration and conflict in the political insti (...)
  • 74 René Lemarchand, « Political Clientelism and Ethnicity in Tropical Africa: Competing Solidarities i (...)

14Dans les années 1950-1960, l’usage de la notion de féodalité s’est principalement concentré sur les sociétés inter-lacustres d’Afrique centrale63, notamment les structures politiques entre le xve et le xixe siècle que sont les royaumes de Buganda, Busoga, Bunyoro, Nkore, Rwanda, Burundi, Buha. Le royaume du Buganda est souvent considéré comme l’exemple paradigmatique d’une féodalité africaine64. On peut même lire dans une revue scientifique anglophone, au milieu des années 1960, une description de la vie aristocratique au Rwanda la comparant avec celle d’un manoir médiéval, et insistant sur l’absence de véritable marché et la prégnance d’une économie de subsistance65. L’anthropologue canadien Kalervo Oberg (1901-1973) décrit le royaume de l’Ankolé au sud-ouest de l’Ouganda comme un exemple classique de système féodal66. L’anthropologue anglais Aidan Southall (1920-2009), dans son étude des Alurs qui vivent sur les rives du lac Albert, étudie les systèmes de clientèles et désigne cette société comme « segmentary state », comme les Ashanti, les Yorubas ainsi que l’Angleterre anglo-saxonne et le royaume de France du xie siècle67. John Tawney, ancien administrateur colonial et directeur du Oxford Colonial Records Project, étudie les Waha un groupe bantou vivant sur les bords du lac Tanganyika (Nord-Ouest de la Tanzanie), et décrit leur coutume du ugabire, qualifiée de féodale, comme une forme de vasselage68. Cette interprétation est nuancée quelques décennies plus tard par l’historien français Jacques Le Goff (1924-2014), spécialiste de l’Europe médiévale occidentale qui cite aussi le travail de Kalervo Oberg, et qui y voit plutôt une forme de precarium, et donc pas tout à fait une caractéristique proprement féodale69. Une des modalités de l’application de la catégorie de féodalité aux sociétés africaines relève d’une forme de confusion entre relations de clientèle et relations vassalique comme dans les travaux de l’anthropologue anglaise Lucy Mair (1901-1986) qui parle de clientélisme féodal70 et emploie à propos du royaume bantou du Bouganda, le terme de « fief »71. Les travaux de Lucy Mair sont parmi les rares travaux d’anthropologie africaniste à être utilisés par des médiévistes, notamment la médiéviste anglaise Suzanne Reynolds (1929-2021) qui remet en cause profondément la notion de féodalité72. L’anthropologue états-unien Lloyd Fallers (1925-1974) étudiant les royaumes bantous de l’Est-africain (Ganda, Soga) distingue une relation féodale qui n’existe qu’entre égaux, d’une relation de clientèle qui décrit une réciprocité entre un noble et un non-noble73. Pour sa part, le politiste français René Lemarchand (né en 1932) parle pour sa part « clientélisme féodal »74.

  • 75 Jacques Maquet, Le Système des relations sociales dans le Ruanda ancien, Tervuren, Musée royal du C (...)
  • 76 « Les régimes fonciers africains sont régis, par des principes tellement différents de la propriété (...)
  • 77 Il publie aussi un article scientifique quelques années plus tard : Luc de Heusch, « Mythe et socié (...)
  • 78 Jacques Maquet, Marcel d’Hertefelt, Élections en société féodale. Une étude sur l’introduction du v (...)
  • 79 Jacques Maquet, « Societal and Cultural Incorporation in Rwanda » in Ronald Cohen, John Middleton ( (...)
  • 80 « [Feudalism means] a kind of political system which is based on the relation between superior and (...)
  • 81 « Bunyoro preserves many of the characters of centralized feudal State oddly reminiscent in many wa (...)
  • 82 John H. M. Beattie, « Bunryoro: An African Feudality? », Journal of African History, 5/1, 1964, p.  (...)
  • 83 « While the historical context of the Busoga situation and that of medieval English feudalism are o (...)

15Au cours de années 1960, plusieurs anthropologues qui avaient commencé par affirmer le caractère féodal de telle ou telle société inter-lacustre ont fini par émettre des doutes sur la validité de cette analogie. L’ethnologue belge Jacques Maquet (1919-2013) étudiant les liens interpersonnels « de protection et de service », notamment autour des contrats d’élevage dans les sociétés rwandaises75, met en avant l’existence d’une féodalité dans les royaumes inter-lacustres d’Afrique centrale, même s’il souligne la profonde différence des régimes juridiques européens et africains76. Il définit la féodalité comme une organisation basée sur un accord entre deux individus qui participent inégalement aux symboles de richesse et de pouvoir reconnus dans leur société : la personne qui est inférieure à l’autre, demande à l’autre son patronage et, en contrepartie, offre ses services. En 1954, l’anthropologue belge Luc de Heusch (1927-2012) réalise d’ailleurs un de ses premiers films ethnographiques, Rwanda, tableau d’une féodalité pastorale pour illustrer les thèses de Maquet77. Pour ce dernier, qui a par ailleurs étudié le processus d’introduction du système électoral dans une société féodale, cette féodalité africaine aurait été abolie seulement au début des années 196078. Jacques Maquet infléchit ces analyses quelques années plus tard en atténuant et en nuançant quelque peu la dimension féodale de l’institution du lien de dépendance par rapport à la clientèle, dont la structure des liens est moins formalisée79. Étudiant un espace proche à l’échelle régionale, et analysant les Nyoro d’Ouganda chez qui la terre appartient au roi, mais dont le contrôle relève de la mission des chef locaux, l’anthropologue anglais John Beattie (1915-1990) parle d’organisation féodale, qu’il définit surtout par la prégnance politique des liens interpersonnels. John Beattie cherche à avoir un usage plutôt nuancé et prudent de la notion de féodalité80 et change quelque peu d’opinion sur la question par la suite, insistant plutôt sur les différences avec le modèle européen notamment en ce qui concerne l’existence d’une classe militaire et à la décentralisation du pouvoir81. Il montre également que le lien de dépendance se construit directement avec le chef ou le roi, et non avec un seigneur local, comme dans le cas du féodalisme européen82. À la fin des années 1980, l’anthropologue anglais Michael Saltman (1937-2016), enseignant à l’université de Haifa, dans un article informé mais quelque peu anachronique, essaie de renouveler la comparaison en continuant l’analogie proposée par Fallers, essayant de la nourrir de l’évolution de la médiévistique de l’époque il compare les principes du régime foncier au xixe siècle chez les populations Soga, et la société anglaise du xiie et xiiie siècle. Il définit la féodalité comme ayant à la fois une dimension politique caractérisée par une relation dominant/subordonné et aussi comme ayant une dimension économique où un service est rémunéré par de la terre83.

  • 84 « The fact of the association of office and landholding combined with authority of some sort exerci (...)
  • 85 David Apter, The Political Kingdom in Uganda : A Study in Bureaucratic Nationalism, Princeton, Prin (...)
  • 86 Albert Antonius Trouwborst, « L’organisation politique et l’accord de de clientèle au Burundi », An (...)
  • 87 « Feudalism is not an economic system, but a form of government. That being so, an analysis of Nkor (...)
  • 88 Claudine Vidal « Économie de la société féodale rwandaise », Cahiers d’Études africaines, 53, 1974, (...)
  • 89 Charles de Lespinay, « Recherches foncières interdisciplinaires au Burundi, méthodes et résultats » (...)
  • 90 Sophie Pontzeele, Burundi 1972 / Rwanda 1994 : l’‘efficacité’ dramatique d’une reconstruction idéol (...)

16Au fil des décennies de nombreux travaux critiquent la comparaison avec la féodalité, tout en le prenant pour point de départ. L’historienne anglaise Margaret Chilver (1914-2014) a confronté le système de délégation de territoires, dans ces régions inter-lacustres, avec la notion de fief, pour finalement les dissocier, du fait du centralisme politique de ces royaumes africains84. Au début des années 1960, le sociologue états-unien David Apter (1924-2010) préfère définir l’Ouganda comme une royauté politique que comme une royauté féodale85. À la même époque, l’anthropologue néerlandais Albert Trouwborst (1928-2007) distingue pour sa part trois types de structures (politico-territoriales /clientèle / caste) pour le cas du Burundi et considère que les relations féodales ne sont qu’une partie de la structure sociale86. Dix ans plus tard, l’historien ougandais Samwiri Karugire (1940-1992), travaillant sur le royaume de Nkore, n’y voit pas une forme de gouvernement féodal à proprement parler87. Alors que au milieu des années 1970, la française Claudine Vidal (née en 1937), sociologue au CNRS, emploie encore le lexique féodal à propos du Rwanda, mais dans un usage assez faible, peu développé88. Et au début des années 1980, le français Charles de Lespinay, anthropologue du droit décrit encore, à propos du Burundi, une hiérarchie du pouvoir foncier en termes de féodalité89. Cette vision des sociétés inter-lacustres à travers la focale du féodalisme et de la féodalité reste fortement ancrée dans les regards occidentaux, et leurs travaux scientifiques sur ces régions dans les dernières décennies du xxe siècle participent de la permanence des classifications raciales et sociales notamment à propos des différences entre Tutsis et Hutus90.

Le cas éthiopien

  • 91 Et ce alors même qu’un militaire anglais déclare dans les années 1930 : « The Ethiopian system was (...)
  • 92 « Ethiopia is one of those rare countries so richly endowed by nature that the agrarian structure, (...)
  • 93 Margery Perham, The Governement of Ethiopia, London, Faber and Faber, 1948, p. 267 et 273
  • 94 Richard K. P. Pankhurst, An Introduction to the Economic History of Ethiopia from Early Times to 18 (...)
  • 95 Abbebe Berhanou, Évolution de la propriété foncière au Choa (Éthiopie) du règne de Menelik à la con (...)
  • 96 Allan Hoben, Land Tenure among Amhara of Ethiopia : The Dynamics of Cognatic Descent, Chicago, The (...)
  • 97 « Ethiopia is a nation of more than 20 million people who live within the historical constraints of (...)
  • 98 « Feudalism in Ethiopia, as in medieval Europe, is a partial adaptation to the disruption of an ear (...)
  • 99 Patrick Gilkes, The Dying Lion : Feudalism and Modernization in Ethiopia, New York/London, St. Mart (...)

17Le troisième lieu de focalisation de la comparaison féodale appliquée aux sociétés passées et présentes du continent africain se situe en Éthiopie91, notamment à propos des sociétés Amhara (Nord-Ouest de l’Éthiopie) et des empereurs Gondarine au debout du xviiie siècle. Pour le cas de l’Éthiopie, comme pour le reste du continent africain, l’adjectif féodal est souvent employé comme synonyme de sous-développement, notamment du système agraire, ce que l’on retrouve, entre autres, dans des rapports agronomiques des administrations coloniales92. La comparaison est mentionnée par l’historienne anglaise Margery Perham (1895-1982) très critique de la colonisation dans les années 194093. Les sociétés éthiopiennes deviennent le lieu emblématique de l’application de la catégorie de féodalisme et de féodalité par l’historiographie européenne et nord-américaine, notamment sous l’impulsion de l’historien britannique Richard Pankhhurst (1927-2017)94. La société éthiopienne de la première partie du xxe siècle est vue comme féodale, notamment du fait de la spécificité du système de propriété foncière, dominé par l’empereur et l’Église, et profondément différente du reste du continent africain95. Le fait que le christianisme éthiopien, envisagé parfois comme une forme originelle de cette religion, ait fasciné des générations d’européens n’est sans doute pas étranger à la projection de la grille de lecture féodale sur ces sociétés. Cette comparaison est notamment basée sur la traduction du concept de gult, central dans l’organisation socio-économique, par celui de fief. Ainsi l’anthropologue états-unien Allan Hoben (né en 1934), qui travaillait pour l’agence états-unienne pour le développement international (USAID), applique au cas éthiopien la notion de féodalité, à partir des définitions de Marc Bloch qui, à première vue semblent convenir, mais finalement ne s’avèrent pas réellement adéquates pour définir le système foncier éthiopien96. Dans les années 1970, l’anthropologue états-unien John Cohen, qui a aussi travaillé pour l’USAID, décrit une « paysannerie féodale »97 dans l’Éthiopie pré-moderne. Son confrère et compatriote, Frederick Gamst (né en 1936), développe une analyse de la société éthiopienne traditionnelle basée sur une conception politique de la féodalité98. Le journaliste et politiste Patrick Gilkes, qui a travaillé comme diplomate pour plusieurs gouvernements éthiopiens, ainsi que d’autres anthropologues définissent pour leur part la féodalité éthiopienne en fonction du régime foncier traditionnel99.

  • 100 « For an Ethiopanist, reading Bloch can be seductive and hallucinatory ». Donald Crummey, « Abyssin (...)
  • 101 « Indeed these ties were so strong that they prevailed over most horizontal ties, probably even mor (...)
  • 102 « In particular there are some extremely impressive similarities in many pre-capitalist class-based (...)
  • 103 « What were known in medieval Europe as fiefs de reprise were widely seen in Ethiopia, as peasants (...)
  • 104 Donald Crummey, « State and Society : 19th-Century Ethiopia » in Donald Crummey, C. C. Stewart (eds (...)

18Donald Crummey (1941-2013), figure majeure des études africaines en Amérique du Nord, développe, au début des années 1980, une analyse de la société éthiopienne en termes de féodalité, quasi exclusivement appuyée sur les conceptions de Marc Bloch100, multipliant les analogies et les comparaisons pour décrire le fonctionnement de fiefs à vocation militaire et de structures interpersonnelles d’obéissance entre le xvie et le xixe siècles101. Si Donald Crummey défend l’intérêt de l’utilisation du modèle féodal pour comprendre et comparer des sociétés pré-capitalistes à base agraire, finalement, il nie la possibilité d’une dénomination féodale, et souligne que la société abyssinienne n’était pas aussi désordonnée que l’Europe médiévale102. Même si, tout comme l’économiste états-unien Gene Ellis103, il rejette néanmoins la caractérisation de système de production éthiopien comme étant féodal, selon la terminologie marxiste, le rapprochant plutôt du système de production asiatique104.

  • 105 « Though the word feudal is freely used of Ethiopia, there never developed in that country a heredi (...)
  • 106 John W. Bruce, « ‘Feudal’ Land tenure and agrarian Reform in Africa », Land Tenure Center (LTC) Pap (...)
  • 107 Stephen L. Pastner, « Lord of the Desert Border : frontier Feudalism in Southern Baluchistan and Ea (...)
  • 108 Lionel Cliffe, « Capitalism or Feudalism? The Famine in Ethiopia », Review of African Political Eco (...)
  • 109 « The Abyssinian Empire has achieved the widest acceptance as an African feudal system, with a feud (...)
  • 110 « The importance of the issue of the applicability of the feudal paradigm here is, rather, whether (...)
  • 111 W. B. Carnochan, Golden Legends : Images of Abyssinia, Samuel Johnson to Bob Marley. Stanford, Stan (...)
  • 112 « Unlike European peasants, the peasant-workers of Africa, Asia etc., do not originate from feudali (...)
  • 113 « Richard Pankhurst and his Ethiopian colleagues have collect an abundant literature from original (...)
  • 114 « La formation d’une noblesse héréditaire bénéficiant de privilèges politique qui aurait troublé l’ (...)

19Dans les années 1970, plusieurs scientifiques rejettent l’usage de la notion de féodalisme pour l’Éthiopie105, soulignant que le paysan éthiopien ayant le contrôle de ses moyens de production, cela ne correspond pas non plus à la définition marxiste du féodalisme106. D’autres en font un des éléments contemporains de la société éthiopienne107 et un des facteurs des problèmes qu’elle rencontre au cours de la seconde partie du xxe siècle108. Le cas éthiopien, notamment du fait de l’extrême longévité de l’empire abyssinien (1270-1975)109, est caractérisé comme étant celui pour lequel la comparaison féodale a duré le plus longtemps et où cette analogie a eu le plus d’échos, et a échappé le plus souvent aux critiques académiques, tout en étant mêlé à certaines considérations politiques contemporaines110. Le cas éthiopien a beaucoup fasciné les européens, mais aussi les intellectuels africains111. Ainsi, il faut souligner le cas de l’historien marxiste sud-africain Hosea Jaffe (1921-2014)112, qui, s’il critique fortement l’eurocentrisme du marxisme, insiste néanmoins sur l’exception éthiopienne, et parle à propos du cas éthiopien d’un « mode mixte de production africano-européen »113. Malgré ces diverses critiques de la comparaison féodale pour le cas éthiopien, celle-ci reste répandue dans les manuels d’histoire à la fin du xxe siècle114.

Critiques d’une comparaison

  • 115 Bernard Saint-Jalmes, « Examen critique de la notion de féodalité appliquée à l’Afrique », Diplôme (...)
  • 116 « Plusieurs types de féodalités (systèmes extrêmement diversifies) semblent s’être développés en Af (...)
  • 117 Cheikh Anta Diop, L’Afrique noire précoloniale. Étude comparée des systèmes politiques et sociaux d (...)

20Cette description de l’existence de féodalités africaines témoigne à la fois d’une volonté d’analyser les formes sociales et politiques de manière structurale et d’en dégager des traits saillants compréhensibles du point de vue des sciences humaines et sociales européennes qui alors tentent de s’ouvrir à diverses formes de comparatisme. De la plupart de ces études, il ressort que la féodalité et le féodalisme en question sont surtout une manière, pour de nombreux anthropologues européens et nord-américains de décrire des structures hiérarchiques et d’organisation sociale du pouvoir, et que la confrontation sérieuse aux modèles de la féodalité et du féodalisme médiévaux européens, les amène la plupart du temps à mettre en doute la pertinence de la comparaison115. Dans les années 1960-1970, plusieurs historiens africains ont cherché à affirmer l’existence de féodalités proprement africaines qu’ils considèrent comme devant être distinguées précisément et fermement des féodalités européennes116, comme le fait notamment l’historien sénégalais Cheikh Anta Diop (1923-1986)117.

  • 118 « Avoid the assumption that because we find vassalage (for example), we necessarily find other inst (...)
  • 119 « I could see no great profit (and possibly some loss) in treating the presence of clientship or fi (...)
  • 120 « The difficulties are nowhere clearer than in the writings of those who see the development of hum (...)
  • 121 « If we are to take up and develop the tradition of comparative work, which has been so neglected i (...)
  • 122  « The identification of ‘feudalism in Africa has been associated with the left rather that the rig (...)
  • 123 Jack Goody, Technology, Tradition, and the State in Africa, London, Oxford University Press, 1971.
  • 124 « C’est en partant d’une méthode comparative abusive qu’on a pu assimiler le souverain africain au (...)
  • 125 « But there is this important difference between the two: In western Europe, the state failed to st (...)
  • 126 « L’interprétation féodale se met en place dès la première heure et, tout naturellement, au sein d’ (...)

21Au même moment, l’anthropologue anglais, Jack Goody (1919-2015), alors au début d’une carrière dont la lutte contre l’ethnocentrisme est un des fils conducteurs, sonne la charge contre cet usage des notions de féodalisme et de féodalité à propos des sociétés africaines. Selon lui, cette démarche dévoierait l’intérêt de la comparaison en présupposant la ressemblance plutôt qu’en la mettant à l’épreuve118 : il en conclut l’absence d’intérêt heuristique de cette comparaison119 qui relève d’une vision de l’histoire évolutionniste et universalité120, tout en soulignant qu’il ne faut pas renoncer au comparatisme, mais le faire en évitant des concepts trop lourds à manier121. Pour Jack Goody, la démarche marxiste qui inspire certaines de ces comparaisons est respectable quant à sa volonté de valoriser l’histoire du continent africain, mais aboutit à une impasse dans la comparaison122. D’autre part, il souligne, à la suite d’autres anthropologues, que le féodalisme européen se base sur une conception romaine de la propriété privée qui est complètement étrangère aux sociétés africaines. Il consacre même un ouvrage à cette question, dans lequel il insiste notamment sur les différences quant aux rapports de production liés au faible degré de développement des forces productives dans les sociétés africaines, mais insiste sur l’insertion du continent africain dans les dynamiques marchandes mondiales depuis des siècles123. Ces critiques font écho à celles énoncées, dès le début des années 1960, par l’anthropologue français Raymond Verdier, qui récuse l’interprétation féodale des organisations foncières traditionnelles, qui relève selon lui d’une vision coloniale méconnaissant « l’originalité des systèmes juridiques africains »124. Dans les années 1990, l’historien nigérian Peter Ekeh (né en 1966) parle du caractère « proto-féodal » de la conception de la parenté dans les règles de primogénitures de succession à Oyo, mais surtout analyse les raisons pour lesquelles les notions de féodalisme et de féodalité ne sont pas pertinentes pour comprendre les sociétés africaines125. Encore au début des années 2000, l’anthropologue français Alain Testart (1945-2013) s’attelle à déconstruire les enjeux interprétatifs de cette démarche comparatiste : pour lui, la féodalité européenne est trop spécifique pour être un outil du comparatisme. Renvoyant dos-à-dos la grille d’analyse issue du colonialisme et celle issue du marxise, il insiste notamment sur la confusion entre rente foncière et rente fiscale. Il remarque enfin que si on veut vraiment chercher de la féodalité sur le continent africain, il faut se tourner vers les systèmes fonciers mis en place lors des premières vagues de colonisations européennes126.

Spectres marxistes du féodalisme africain

  • 127 Bogumil Jewsiewicki, Marx, Afrique et Occident : les pratiques africanistes de l’histoire marxiste, (...)
  • 128 Thomas Lionel Hodgkin, Nationalism in Colonial Africa, London, Frederick Muller, 1956 ; id., (ed.) (...)
  • 129 David Morison, « African Studies in the Soviet Union », The Russian Review, vol. 22, n° 3, 1963, p. (...)
  • 130 Mitropolski, Y. Zoubritski, V. Kerov, Aperçu d’Histoire et d’Économie, tome I, Formations précapita (...)
  • 131 Luba A. Holowaty, « Selected Bibliography of the Works of I. I. Potekhin, Soviet Africanist, 1947-1 (...)
  • 132 Ivan Izosimovich Potekhin, On Feudalism of the Ashanti, Oriental Publishing House, 1960 ; id., « La (...)
  • 133 Dimitrij A. Olderrogge, Zapadnyi Sudan v xv-xix vv., Moscou-Leningrad, 1960 ; id., « Feudalism v Za (...)
  • 134 Ludmila V. Danilova, « Controversial Problems of the Theory of Precapitalist Societies », Soviet An (...)
  • 135 Lev Evgen’evič Kubbel, Songhajskaja Dei žava, Moscou, Nauka, 1974.
  • 136 L’historien anglais John Donnelly Fage (1921-2002) montre au même moment qu’un phénomène de servitu (...)
  • 137 Ernest Gellner, « Class before the State : The Soviet Treatment of African Feudalism », Archives eu (...)
  • 138 « This argument hinges on making certain traits central to feudalism : stratification as between pe (...)
  • 139 « In North Africa, even before it became a colony, there existed mature forms of feudalism, represe (...)
  • 140 « La formation des domaines des Askia révèle, à mon avis, des traits proches du régime féodal naiss (...)
  • 141 « ‘Feudalism’ is perhaps somewhat less firmly entrenched, but is still not to be dismissed lightly; (...)

22L’application de la grille d’analyse marxiste aux situations du continent africain a fait l’objet de nombreuses discussions depuis plusieurs décennies127 et les premiers travaux de l’historien anglais Thomas Lionel Hodgkin (1910-1982) au début de la seconde moitié du xxe siècle128. Du côté de l’anthropologie soviétique, le continent africain n’est l’objet de travaux de terrain qu’à partir de la fin des années 1950129. Il s’agit dans un premier temps de faire coïncider les cas africains avec des visions assez schématiques et simplistes issues de la vulgate marxiste130. En 1960, à l’occasion du 25e Congrès international des orientalistes qui se déroule à Moscou, Ivan Izosimovich Potekhin (1903-1964)131, historien soviétique, qui fut directeur de l’Institut africain de l’Académie des Sciences de l’URSSS, prononce une conférence sur le féodalisme dans l’empire ashanti au cours de laquelle il insiste sur les différences entre le féodalisme européen, notamment anglais, et celui africain132. Pour lui, la spécificité de la féodalité ashanti réside dans la concentration exclusive de la propriété des terres dans les mains des élites dirigeantes articulée à un régime foncier conditionnel. La même année, Dimitrij A. Olderogge publie une étude sur l’ouest soudanais entre le xve et le xixe siècle où il caractérise l’État de Sokoto comme une structure féodale133. Le féodalisme est alors envisagé dans le cadre de l’analyse des sociétés pré-capitalistes et de la conception marxiste des sociétés tribales134. En 1974, l’anthropologue soviétique Lev Kubbel (1929-1988) propose une étude des sociétés soudanaises où il analyse le royaume du Ghana, le royaume du Mali et l’empire songhaï (1460-1591)135 qu’il considère comme un « Moyen Âge africain », et qu’il qualifie de sociétés « féodales », du fait notamment de l’importance prise alors par la spécificité de la propriété foncière. Il veut montrer que des relations féodales peuvent émerger même sur le continent africain, qu’il caractérise par la disponibilité d’énormes étendues de terres libres, ce qui semblait a priori contradictoire avec la conception féodale de la terre136. Il décrit l’opposition entre une classe aristocratique détentrice des terres (élites politique et militaire) et une paysannerie dépendante, qui sont caractéristiques d’une société féodale137. Kubbel considère la fragmentation comme le « revers » du féodalisme. Ce féodalisme songhaï est pour lui le plus haut degré de développement socio-économique et socio-politique des sociétés précoloniales du bassin du Niger138. Au milieu des années 1970, Iuri Mikhaĭlovich Ivanov publie une étude sur les réformes agraires en Afrique et développe toute une application de la conception de l’exploitation féodale comme caractéristique du colonialisme européen en Afrique alors qu’auparavant il s’agissait plutôt d’une relation patriarcale et semi-féodale139. L’historien polonais Michal Tymowski (né en 1941) propose à la même époque une comparaison explicite entre les structures des domaines fonciers de l’empire songhay (xive-xvie siècle) et celle de la propriété européenne féodale140. Dans l’optique soviétique, il est nécessaire de prouver l’existence d’un féodalisme africain, même si cela se fait avec de nombreuses nuances et réserves141. Par ailleurs, hors de la sphère d’influence directe de l’orthodoxie soviétique, ces analyses ont eu un impact non négligeable notamment chez l’anthropologue anglais Ernest Gellner (1925-1995) et l’anthropologue états-unien Stephen Porter Dunn (1928-1999).

  • 142 « The rise of Arab feudalism on the ruins of the Roman slave system, was born of the fact that the (...)
  • 143 « Insofar as we can recognize in feudalism a general method for organizing social relations capable (...)
  • 144 « The army chief shares number of common attributes with the vassal or baron of medieval England Fi (...)
  • 145 Marian Malowist, « The Social and Economic Stability of the Western Sudan in the Middle Ages », Pas (...)
  • 146 Yves Lacoste, « General Characteristics and Fundalental Structures of Mediaeval North African Socie (...)
  • 147 Robin Law, « Horses, Firearms, and Political Power in Pre-Colonial West Africa », Past and Present, (...)
  • 148 Henry Bernstein « Marxism and African History - Endre Sik and his Critics », Kenya Historical Revie (...)

23En Europe occidentale, l’approche marxiste du féodalisme fut appliquée aux cas africains dès le milieu du siècle, avec le trotskyste britannique Tony Cliff (1917-2000) qui pose l’existence d’un « féodalisme arabe » situé au même moment que le Moyen-Âge européen, entre la chute de l’empire romain antique et la conquête ottomane142. Mais l’influence marxiste sur la vision occidentale des sociétés africaines se fait surtout sentir sur certaines études anthropologiques et historiques dans les années 1960-1980. L’historien états-unien Edward Steinhart (né en 1942), dans son analyse des royaumes du Rwanda, du Buganda et du Bunyoro, veut concentrer la comparaison sur les institutions du fief et du vasselage et ainsi proposer une analyse différenciée des situations qui aboutit sur un constat d’absence de réelle féodalité : il compare l’organisation de l’armée à celle de l’Angleterre des barons médiévaux143. Néanmoins, il fait une différence, notant que pour le cas rwandais les liens féodo-vassaliques s’appliquent à une plus grande part de la population et finalement, il reconnait que dans cette comparaison les différences l’emportent sur les similarités144. En 1966, un débat dans la revue de la gauche anglaise, Past and Present, oppose l’historien polonais Marian Malowist (1909-1988) et l’historien anglais Anthony G. Hopkins (né en 1938) sur la comparaison entre les empires du Mali et du Songhaï aux xive-xve siècles et le niveau de développement de l’Europe orientale au Haut Moyen-Âge145. Malowist y reconnait l’existence d’un « féodalisme naissant ». La reconnaissance de formes de féodalisme africain s’inscrit alors dans les enjeux politiques de la caractérisation de stades de développement. Le français Yves Lacoste (né en 1929), élève de Jean Dresch (1905-1994), qui est un des premiers géographes à s’inspirer, même très librement, du marxisme, analyse, à la suite de ces premiers travaux novateurs sur le Tiers-monde, la société nord-africaine médiévale selon la grille féodale, la décrivant comme résultant de la survie de forte solidarité tribale qui a abouti à un système hiérarchique superposé à structures tribales, au sein desquelles les membres de la tribu étaient des hommes libres146. À la fin des années 1970, l’approche marxiste est aussi développée par l’historien britannique Robin Law (né en 1944)147 et l’économiste marxiste anglais Henry Bernstein (né en 1945), qui s’intéressent notamment aux cycles de développement agraire des sociétés africaines148.

  • 149 Stephen P. Dunn, The Fall and Rise of the Asiatic Mode of Production, London-Boston-Melbourne, Rout (...)
  • 150 « Dans les formations sociales précapitalistes, les rapports de propriété déterminaient les rapport (...)
  • 151 Le mode de production asiatique est défini par l’existence de communautés primitives dans lesquelle (...)
  • 152 Horst Stoeber, « Der europäische Sklavenhandel und die feudale Produktionsweise an der westafrikani (...)
  • 153 Thea Büttner, « Die Präkoloniale Afrika und die Diskussionen zur asiatischen Produktionsweise », Ja (...)
  • 154 Thea Büttner, « Feudaler Land– bzw. Vieh- und Weidebesitz sowie feudale Unterdrückungs- und Ausbeut (...)
  • 155 Thea Buttner, « On the Socio-Economic Structure of Adamawa in the Nineteenth Century: Slavery or Se (...)
  • 156 Thea Büttner, « The Feudal and Semifeudal Aristocracy in Africa in Historical Development up to the(...)
  • 157 Thea Büttner, « Zu Fragen des Standortes der historischen und ethnologischen Literatur zur Geschich (...)

24Au cours des années 1960-1980, les approches marxistes se sont concentrées sur la question du mode de production, et de la question d’une spécificité des sociétés africaines sur ce point. Dans les écrits de Karl Marx (1818-1883) et de Friedrich Engels (1820-1895), les sociétés africaines ne sont pas l’objet d’importantes analyses, et ne trouvent pas de place très précise ni articulée dans le schéma des « modes de production » et de leur développement historique (communisme primitif/ esclavage/ féodalisme/ capitalisme/ socialisme). Les sociétés africaines sont alors la plupart du temps associées au mode de production féodal ou au mode de production asiatique149, du fait de la structure des systèmes de propriété150. Dans les années 1960, les débats se focalisent sur la pertinence de l’usage du concept de mode de production asiatique151 à propos du continent africain avec des contributions importantes notamment de l’historiographie est-allemande152. La figure majeure est ici Thea Büttner (née en 1930) qui a été l’assistante du médiéviste allemand Ernst Werner (1920-1993) à l’Institut für Allgemeine Geschichte de Leipzig, puis professeure à la Karl Marx Universität. Elle est la seule véritable médiéviste de formation à s’être intéressée de manière prolongée à la question de la comparaison avec les sociétés africaines et a consacré une dizaine d’années de recherche à approfondir cette approche, basée sur la conception marxiste orthodoxe du féodalisme comme mode de production153. Elle considère que les structures de propriété foncière et les relations de dépendance à l’œuvre dans les sociétés sub-sahariennes permettent de les définir comme féodales, au sens socio-économique des marxistes154. Elle aborde également la question de l’existence du servage dans ces sociétés africaines, comme à propos de l’État de l’Adamawa (Nord du Nigeria), qui justifie à ses yeux d’être alors qualifiée de féodale155. Dans une intervention au IVe congrès des africanistes qui eut lieu à Kinshasa en décembre 1978, elle envisage des formes féodales et semi-féodales à Zanzibar156. Ces travaux, marqués par certaines obsessions idéologiques, comme l’existence d’un possible égalitarisme primitif africain157, mais néanmoins intéressants, sont restés sans grand écho pour des raisons peut-être autant politiques que linguistiques.

Caractériser un mode de production africain ?

  • 158 Jean Suret-Canale, « Les sociétés traditionnelles en Afrique tropicale et le concept de mode de pro (...)
  • 159 Voir les articles publiés dans la revue de l’Institut des Études orientales et des Études africaine (...)
  • 160 « La communauté rurale, ou se maintiennent de nombreux traits hérités de la communauté primitive (n (...)
  • 161 Jean Chesneaux, « Le MPA. Quelques perspectives de recherches », La Pensée, n° 114, avril 1964, p.  (...)
  • 162 « Adjoindre une seconde hypothèse à celle de Marx […] qu’il peut exister une autre voie et une autr (...)

25En France, la tradition marxiste est notamment défendue par l’anthropologue Maurice Godelier (né en 1934), figure dominante du marxisme dans les sciences humaines et sociales dans les années 1960-1970. Dans les années 1960, le débat est vif et vaste sur le mode de production asiatique entre Maurice Godelier, Jean Suret-Canale (1921-2007)158 et l’historien soviétique Vasily Struve (1899-1965)159. Ainsi, le géographe et historien Jean Suret-Canale, qui fut un des premiers africanistes francophones d’obédience marxiste160, réfute l’usage du terme féodalisme au sens politique, car il crée trop de confusion et promeut la comparaison avec le mode de production asiatique pour la plupart des sociétés d’Afrique sub-saharienne. L’historien de l’Asie, Jean Chesneaux (1922-2007) s’oppose à ce nouveau dogme du mode de production asiatique qui pour lui nie les spécificités de chaque ensemble de sociétés161. Dans un second temps, Maurice Godelier, qui traduit l’expression « formes ou modes de propriété » par « modes de production », défend l’idée d’un mode de production africain qui pourrait même exister en Asie (sous sa forme avec grands travaux) et un qui existerait surtout en Afrique (sous sa forme sans grands travaux, sans despotisme politique)162, envisageant une forme de féodalisme qui n’est pas passé par le stade du mode de production esclavagiste.

  • 163 Blaise Dufal, « Spectres marxistes du féodalisme », L'Atelier du CRH, n° 27, 2023 [en ligne]
  • 164 René Gallissot, Lucette Valensi, « Le Maghreb pré-colonial : mode de production archaique ou mode d (...)
  • 165 « Quand l’on embrasse l’ensemble de la formation économique et sociale, la complexité de la société (...)
  • 166 René Gallissot, « L’Algérie précoloniale », Centre d’Études et de Recherches Marxistes, Sur le féod (...)
  • 167 « Réduire la féodalité à une cérémonie d’hommage, de modèle déposé, apparait bien comme un extrême (...)
  • 168 « Cette société, dans une combinaison des droits de propriété sur la terrer et de droits de prélève (...)
  • 169 « La définition préliminaire d’une société féodale renvoyait à des rapports sociaux établis sur l’a (...)
  • 170 « Cette subordination d’une bourgeoisie sans ampleur n’étonne peut-être pas par comparaison avec la (...)
  • 171 « Si l’on se garde d’une idéalisation (ce qui n’a pas toujours été dans les études qui ont redécouv (...)
  • 172 « Le véritable modèle féodal se situerait en définitive dans la ou plutôt les féodalités ‘banales’ (...)
  • 173 « Le mode de production féodal, et c’est ce qui le rend distinct, se situe au point d’avancement ul (...)
  • 174 Pour une critique de cette interpretation voir : Belgacem Bouguerra, The Question of the Asiatic mo (...)
  • 175 Andre Nouschi, « Réflexions critiques sur le dossier : l’Algérie précoloniale », Centre d’Études et (...)
  • 176 Jean Poncet, La Colonisation et l’agriculture européennes en Tunisie depuis 1881, Paris-La Haye, Mo (...)
  • 177 « La Tunisie n’en offre pas moins, même si c’est à l’état de survivance, un bon exemple de ce qu’a (...)
  • 178 Lucette Valensi, « Archaïsme de la société maghrébine », Centre d’Études et de Recherches Marxistes (...)

26En 1968, le Centre d’Études et de Recherches Marxistes consacre à Paris un important débat à la problématique du féodalisme dans le Maghreb précolonial163. René Gallissot (né en 1934), historien marxiste revendiqué et spécialiste du Maghreb à l’époque coloniale, consacre alors plusieurs contributions à l’utilisation de la notion de féodalisme pour le cas de l’Algérie vers 1830164. Il souligne que le caractère pastoral de la société pose un problème au modèle de production féodal165, mais il note des ressemblances avec le « mode de propriété germanique » (mêlant collectif et privatif) et la « forme communale antique » définis par Karl Marx166. S’il prend des distances avec une conception trop rigide de la féodalité167, il décrit néanmoins cette société comme « féodale »168, selon la structure de ses rapports sociaux169 mais inversée par rapport au modèle européen170. Prenant également ses distances avec le mode de production asiatique171, il propose de parler de « féodalité de commandement » pour les cas arabes et turcs172. À propos du mode de production féodal173, il considère l’Algérie de la fin de la Régence comme lui correspondant pleinement174. André Nouschi (1922-2017) se montre lui très critique de l’idée d’employer des catégories européennes qui gomme l’originalité des sociétés du Maghreb175. Le géographe Jean Poncet (1912-1980), qui dans sa thèse définissait la société tunisienne précoloniale comme féodale176, nuance son propos quelques années plus tard, et décrit une « survivance » de formes féodales dans l’organisation foncière (fiefs) et dans les relations sociales (droits) de la Tunisie précoloniale, et estime « difficile de parler d’une véritable féodalité dans un pays où coexistent, vers la fin du xixe siècle des formes d’appropriation du sol et des rapports de production aussi complexes »177. L’historienne Lucette Valensi (née en 1936) récuse pour sa part l’application de la notion de mode de production féodal aux sociétés maghrébines pré-coloniales et lui préfère celle de « mode de production archaïque » qui se trouve dans la correspondance de Karl Marx178.

  • 179 Emmanuel Terray, Le Marxisme devant les sociétés ‘primitives’. Deux études, Paris, Éditions Maspero (...)
  • 180 Solal Abélès, « La Société d’Étude du Féodalisme : documents, témoignages, perspectives », L'Atelie (...)
  • 181 « Je n’ai pas l’intention de répondre de façon univoque a cette question pour deux raisons. D’abord (...)
  • 182 « La deuxième différence qui me parait importante, c’est que le féodalisme européen est décrit comm (...)
  • 183 Ibid.
  • 184 « Nous voudrions souligner pour finir que notre analyse de la transition des systèmes segmentaires (...)

27En 1980, l’anthropologue français Emmanuel Terray (né en 1935)179, dans le cadre de la Société d’étude du Féodalisme180, met à l’épreuve, avec un certain scepticisme, la notion de féodalisme et celle de modèle de production féodal181 à partir de l’étude du royaume ghanéen d’Abron (fin du xviie - fin du xixe siècle). Il met en avant l’existence d’un système double de production182 et d’une profonde différence entre ce système d’esclavage et le servage féodal. Durant la discussion avec les médiévistes, historiens de l’Europe, Jean-Philippe Genet (né en 1944) et Alain Guerreau (né en 1948), ceux-ci trouvent que les parallèles sont plutôt à faire avec les sociétés européennes pré-féodales de type mérovingiennes183. Pour Terray, le passage d’une société segmentaire à une société étatique, qu’il observe dans le cadre de sa thèse dans les royaumes africains de la boucle du Niger et de la Côte d’Or entre le xve et le xviiie siècle, correspond au schéma marxiste de la transition du féodalisme au capitalisme184.

  • 185 Claude Meillassoux, « Essai d’interprétation du phénomène économique dans les sociétés traditionnel (...)
  • 186 Pierre-Philippe Rey, Colonialisme, néo-colonialisme et transition au capitalisme. Exemple de la Com (...)
  • 187 « La spécificité du mode de production africain reposerait donc dans la combinaison d’une économie (...)
  • 188 Catherine Coquery-Vidrovitch, Henri Moniot, L’Afrique noire de 1800 à nos jours, Paris, PUF, 2005 [ (...)
  • 189 « This work, though very much informed by the principles of historical materialism, is empirical an (...)
  • 190 Emmanuel Terray, « Long Distance Exchange and the Formation of the State : the case of the Abron ki (...)
  • 191 « J’ai, pour ma part, succombé naguère à la tentation en suggérant un ‘mode de production africain’ (...)
  • 192 « Le débat sur le ‘mode de production asiatique’ (rayé de la liste des ‘modes de production’ à l’ép (...)
  • 193 Comme en témoigne la conférence organisée à l’université de Laval au Canada par l’historien Bogumil (...)
  • 194 Umberto Melotti, Marx and the Third World, London, Macmillan, 1977, p. 8-12.

28L’anthropologue français Claude Meillassoux (1925-2005), qui travaille sur les Gouro de Côte d’Ivoire, met en avant l’existence de plusieurs modes de production (au sens restreint) dans les sociétés lignagères africaines sans parler pour sa part de mode de production féodal185. À sa suite, un autre anthropologue français, Pierre-Philippe Rey, propose un « mode de production lignager »186. Après l’application du cadre trop monolithique du mode de production asiatique et la tentative insatisfaisante d’envisager le mode de production féodal, à la toute fin des années 1960, émerge alors la proposition d’un « mode de production africain », « irréductible aux modes de production précapitalistes d’Occident » par l’historienne française Catherine Coquery-Vidrovitch (née en 1935) dans un article qui a eu un grand écho tout au long les années 1970187. Il s’agit alors d’une volonté de rendre compte notamment des spécificités des formes d’État sur le continent africain et des dynamiques économiques propres à ces sociétés. Ce mode de production est notamment défini par le commerce de longue distance et se distingue du mode de production féodal, par un contrôle du commerce au sommet de la hiérarchie sociale et d’une moindre exploitation de la paysannerie. Elle insiste sur la spécificité africaine qui se caractérise par la dualité des formes économiques et sociales entre d’une part le monde villageois, local, et d’autre part, celui global, du commerce à longue distance188. Ce modèle conceptuel de mode de production africain connait un réel succès pendant quelques années, même auprès de certains non marxistes189, mais est également critiqué, notamment par Emmanuel Terray190. Et Catherine Coquery-Vidrovitch reviendra elle-même, une décennie plus tard, de manière critique sur sa proposition, dans un texte où l’Europe médiévale fait partie des horizons de comparaison, mais n’en est pas le seul loin de là191. Dans les années 1980, Jean Suret-Canale considère qu’il ne faut pas multiplier les différents types de mode de production, au risque de perdre l’efficacité heuristique de ce type de catégorisation192. Ces débats parisiens ont une influence majeure dans les années 1970 et dans les années 1980193, relayés notamment par le sociologue marxiste italien Umberto Melotti (né en 1940) qui critique le schéma évolutionniste et « unilinéaire »194, et ils trouvent des échos chez des historiens et des économistes africains.

  • 195 Samir Amin, Le Développement inégal : essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique(...)
  • 196 Samir Amin, « Underdevelopment and Dependence in Black Africa: Historical Origin », Journal of Peac (...)
  • 197 « This mode of production is the most common one found in the formation of the pre-capitalist class (...)
  • 198 « Feudalism as a mode of production can exist across time and space. In other words, it can exist i (...)
  • 199 « The Interlacustrine Kingdoms of East Africa, for example, do not fit into the Asiatic Mode of Pro (...)
  • 200 « It would therefore appear that contrary to the denial by Beattie, Karugire, Chilver and Steinhart (...)
  • 201 « In many African and other ‘third world’ countries the so-called capitalist development has in fac (...)
  • 202 Bill Freund, « The Modes of Production Debate in African Studies ». Canadian Journal of African Stu (...)
  • 203 A. Agh, « Development Paths in Africa », Southern African Universities Conferences, Dar es Salaam, (...)

29Le grand économiste franco-égyptien Samir Amin (1931-2018) propose lui de distinguer le « mode de production tributaire », ce qui évite l’écueil de la restriction géographique de l’appellation de « mode de production asiatique » et qui combine une économie agraire « communautaire » à faible surplus interne et un appareil socio-politique d’exploitation (exigence du tribut)195. Samir Amin cherche à des-européaniser Karl Marx et à mettre en avant le caractère global du capitalisme. Il qualifie de « pseudo-féodal » les systèmes socio-économiques de l’Éthiopie et de Madagascar196. Il associe le mode de production féodal au mode de production tributaire, tout en soulignant que les modes de production ne constituent pas des séquences historiques nécessaires. La spécificité du mode de production féodal est alors d’avoir connu une véritable évolution, et se voit donc conférer une historicité propre qui le débarrasse de sa fonction de stade de développement197. L’historien tanzanien Buluda A. Itandala défend pour sa part dans les années 1980, l’usage de la catégorie de féodalisme comme mode de production, au sens marxiste, pour les sociétés africaines198, qui ne correspondent ni au mode de production asiatique ni au mode de production africain, définis par les traditions marxistes. Pour lui, l’idéal-type du mode de production africain réside dans les empires soudanais basés sur le commerce à longue distance et englobe aussi les régions inter-lacustres, où les relations de production sont typiquement féodales199. En se centrant sur la dimension socio-économique et non plus sur l’aspect politique, il veut mettre en avant un mode de production féodal orthodoxe marxiste200. Cela peut apparaître alors comme une tentative pour construire de nouvelle modalité d’autonomisation de l’histoire africaine, ou au contraire comme les derniers reliquats d’une servitude idéologique. Son compatriote, alors enseignant à l’Université de Dar es Salam, Issa G. Shivji (né en 1946) considère, par ailleurs, que d’une certaine manière, c’est le développement du capitalisme occidental qui a entraîné, voire accentué, la conservation de formes semi-féodales dans certains pays africains201. Les débats sur le mode de production africain202, qui a pu entraîner une démultiplication de ces catégories203, a néanmoins réellement contribué à les affiner et a obligé à penser les spécificités historiques et anthropologiques des sociétés africaines.

  • 204 Mamood Mamdani, Politics and Class Formation in Uganda, New York, Monthly Review Press, 1976, p. 23 (...)
  • 205 Mahjhemout Diop, Histoire des classes sociales en Afrique de l’Ouest, Paris, Maspero, 1972 ; Amady (...)
  • 206 Kwame Nkrumah, Class struggle in Africa, New York, International Publishers, 1970, p. 7.
  • 207 Kwesi Kwaa Prah, Notes and Comments on Aspects of Tswana Feudalism in the precolonial period, Gabor (...)
  • 208 « Among the Ngwato and the Tswana royal cattle formed the basis of an even more powerful institutio (...)
  • 209 « In our East African societies there was no such rigid feudal system, with the exception of a few (...)
  • 210 Pour une description l’atmosphère de l’époque plutôt hostile au marxisme voir : Daniel Rivet, « Pos (...)
  • 211 « Palaeo-Marxists accept a fixed progression, inherited from their nineteenth-century predecessors, (...)
  • 212 Jean Copans, Françoise Blum, « Amady Aly Dieng, 1932-2015 : radical African nationalist, genuine Ma (...)
  • 213 Amady Aly Dieng, Social Classes and Feudal Mode of Production in West Africa. Dakar, 1975 ; id., Le (...)

30L’influence du marxisme sur les différentes historiographies africaines a pu être marquante, comme ce fut par exemple le cas pour les travaux du chercheur ougandais Mamood Mamdani (né en 1946)204, même si ce ne fut pas la majorité des cas, à quelques exceptions nationales près. Certains intellectuels africains appliquent ainsi les analyses classistes des structures socio-politiques205. Ainsi, le dirigeant politique ghanéen Kwame Nkrumah (1909-1972) publie, au début des années 1970, un livre important sur la lutte des classes sur le continent africain où il reprend cette typologie marxiste206. Le sociologue ghanéen Kwesi Kwaa Prah (né en 1942) étudie le caractère féodal des sociétés de langue tswana (Nord de l’Afrique du Sud)207, développant une vision en partie reprise par l’anthropologues norvégien Ørnulf Gulbrandsen (né en 1946) quelques annexes plus tard208. Dans cette perspective socio-politique marxiste, la catégorie de féodalisme se révèle difficilement adéquate pour analyser les sociétés africaines, même si certains en cherchèrent ardemment, parfois pour des raisons de politique contemporaine, à en identifier quelques cas précis209. De nombreuses critiques se sont fait entendre sur ces interprétations marxistes de l’histoire du continent africain210, souvent accusées d’être trop linéaires et évolutionnistes211. Plusieurs critiques viennent notamment du camp marxiste comme celle de l’historien sénégalais, militant communiste, Amady Aly Dieng (1932-2015)212 remettant en cause l’universalité de la grille d’analyse marxiste, après l’avoir beaucoup pratiquée, soulignant son caractère européano-centré et concluant à son inutilité pour les cas africains213.

Conclusion

  • 214 « The political systems of the West African indigenous kingdoms have from time to time been equated (...)
  • 215 « La fondation du califat de Sokoto par ‘Uthmān dan Fodio au début du xixe siècle accéléra le proce (...)
  • 216 Richard Reid, « Past and Presentism : the ‘Precolonial’ and the Foreshortening of African History » (...)
  • 217 Anthony Gerald Hopkins (né en 1938) évoque la controverse sur la fin du féodalisme européen (et ses (...)

31Dès les années 1960, l’anthropologue états-unien Melville J. Herskovits (1895-1963), fondateur de l’African Studies Association, considère que la comparaison avec la féodalité et le féodalisme de l’Europe médiéval n’est rien d’autre qu’une analogie qui a avant tout des fonctions sociales, politiques et idéologiques bien plus qu’un intérêt scientifique214. On peut alors d’autant plus s’étonner de voir Pathé Diagne (né en 1934), historien et linguiste sénégalais, reprendre l’appellation de ‘féodalité’ pour l’appliquer à de nombreuses sociétés africaines pré-coloniales, tant parfois sous l’angle juridico-politique (féodalité) que sous l’angle du mode de production (féodalisme) dans L’Histoire de l’Afrique produite au cours des années 1980-1990 sous l’égide de l’UNESCO et dirigée par le grand historien kenyan Bethwell Allan Ogot (né en 1929)215. Aujourd’hui au début des années 2020, on peut constater que l’usage des catégories de féodalité et de féodalisme appliquées aux sociétés passées du continent africain semble avoir complètement disparu des discours académiques et scientifiques. Si cela s’explique par la déconstruction des préjugés européocentristes et par la dégringolade de l’influence intellectuelle marxiste, cela peut aussi se comprendre du fait d’une historiographie africaniste de plus en plus centrée sur les enjeux contemporains de la modernité coloniale et postcoloniale216, à quelques remarquables exceptions près. Si l’usage des catégories de féodalités et de féodalisme a amené parfois à une forme d’anhistoricisme et d’aplanissement de la durée (comme pour le cas de l’Éthiopie) notamment, l’attrait généré par ces grilles de lecture a aussi produit des vocations et des avancées intellectuelles217.

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32Finalement, si féodalité et féodalisme il y eut sur le continent africain, c’est sans doute avant tout un des effets de la colonisation européenne, comme avec le système du Prazos da Coroa à partir du xviie siècle au Mozambique, qui correspond à un contrat de concession des droits sur une terre de la part de la couronne portugaise218. Il faut enfin noter un certain paradoxe : si le terme de ‘féodal’ a servi aux occidentaux à décrire les sociétés africaines précoloniales, l’anthropologue français Georges Balandier (1920-2016) note que la « situation coloniale » reflète un « esprit féodal », car elle est surtout composée d’hommes jeunes ayant des fonctions militaires, judiciaires et économiques dans les « colonies dites d’encadrement »219. Cette situation d’institutionnalisation de la « dépendance » est l’occasion pour la bourgeoisie européenne de rejouer le pantomime aristocratique220. La féodalité a en somme été un mode historiographique de domination des sociétés africaines, qui a disparu depuis une trentaine d’années, de manière concomitante avec la ressaisie de leur histoire par les populations indigènes, même s’il reste çà et là, dans certaines attitudes, des traces de ce que l’anthropologue français Marc Le Pape a nommé « la nostalgie féodale »221, comme une forme de pensée blanche inconsciente reliant le lointain tant géographique que temporel. Désormais, le féodalisme et la féodalité peuvent faire leur entrée dans le musée de la pensée coloniale occidentale appliquée au continent africain, eux qui n’avaient pas tellement fait l’objet de l’intérêt des post-colonial studies, ni de l’historiographie de l’anthropologie africaniste222.

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Notes

1 Ferdinand de Lanoye, Le Niger et les explorations de l’Afrique centrale depuis Mungo Park jusqu’au docteur Barth, Paris, Librairie Hachette, 1858, p. 127-130

2 Sophie Dulucq, Écrire l’histoire de l’Afrique à l’époque coloniale (xixe-xxe siècles), Paris, Khartala, 2009, p. 139-142 ; Pekka Masonen, The Negroland Revisited : Discovery and Invention of the Sudanese Middle Ages, Helsinki, the Finnish Academy of Science and Letters, 2000, p. 394 et suivantes.

3 Blaise Dufal, « L’émoi des mots. Propos liminaires sur le féodal* », L’Atelier du CRH, n° 27, 2023 [en ligne]

4 Rebekah Mitsein, African Impressions : How African Worldviews Shaped the British Geographical Imagination across the Early Enlightenment, Charlottesville, University of Virginia Press, 2022.

5 « [The military system of Shoa] is entirely feudal, each governor in the realm is required to furnish his contingent of militia in proportion to his landed tenure – the peasantry being at all times ready for the foray, and expected to purvey horse, arms and provisions without payment from the state ». William Cornwallis Harris, The Highlands of Ethiopia, London, Longman-Brown-Green and Longmans, 1844, vol. II, p. 176-177.

6 Jean-Pierre Chrétien « Le passage de l’expédition d’Oscar Baumann au Burundi (sept. oct. 1892) », Cahiers d’études africaines, 1968, 1, p. 48-95.

7 « Cette concession de fief peut être comparée avec le fief de notre moyen-âge. Les Watussi bénéficiaires de concessions des sultans, concèdent à leur tour des fiefs à leurs gens sous forme de plusieurs ou d’un seul bovin, ce qui a nouveau peut être comparé avec nos arrières-fiefs de jadis ». Cité par Jean-Pierre Chrétien, « L’horizon féodal de l’administration indirecte » in Jean-Pierre Chrétien (dir.), L’Invention de l’Afrique des Grands Lacs. Une histoire du xxe siècle, Paris, Éditions Karthala, 2010, p. 39-59 (p. 44).

8 Hans Meyer, Die Burundi, Leipzig, Spamer, 1916, p. 86-92.

9 Jean-Pierre Chrétien, « L’horizon féodal de l’administration indirecte » in J.-P. Chrétien (dir.), L’Invention de l’Afrique des Grands Lacs.., op. cit., p. 39-59 (p. 45 et p. 48) : article publié précédemment sous le titre : « Vocabulaire et concepts tirés de la féodalité occidentale et administration indirecte en Afrique orientale », Daniel Nordman, Jean-Pierre Raison (éd.), Sciences de l’homme et conquête colonial. Constitution et usages des sciences humaines en Afrique (xixe-xxe siècles), Paris, Presses de l’ENS, 1980, p. 47-63, [en ligne : https://books.openedition.org/editionsulm/7127].

10 « Le système de tenure foncier était féodal ; la terre était concédée par les chefs aux hommes, à condition que ceux-ci travaillent pour eux (notamment des travaux de construction) et qu’ils fournissent un service militaire ». Cité par Jean-Pierre Chrétien, « L’horizon féodal de l’administration indirecte » in J.-P. Chrétien (dir.), L’Invention de l’Afrique des Grands Lacs.., op. cit., p. 56.

11 « Ce qui fit la force de l’Empire mossi, ce fut son organisation politique, organisation féodale rappelant par bien des côtés la France du Moyen Âge ». Paul Baudu, Vieil Empire, jeune Église. Monseigneur J. Thévenoud 1878-1940, Paris, La Savane, 1957, p. 29.

12 Auguste Le Herissé, L’ancienne royauté du Dahomey. Mœurs, religion, histoire, Paris, Larose, 1911, p. 6-7 ; Raymond Rousseau, « Le Sénégal d’autrefois. Étude sur le Toubé. Papiers de Rawane Boy », Bulletin du Comité d’Études historiques et scientifiques de l’A.O.F., 1931, 2, p. 334-364 (notamment p. 348).

13 André de Beauminy, « Une Féodalité en Afrique Occidentale Française : Les États Mossi », Bulletin du comité de l’Afrique Française. Renseignements Coloniaux et Documents, 35, n° 1, 1925, p. 24-36.

14 Jacques Granet, La Notion de personne dans la féodalité Mossi. Étude monographique de psychologie comparative, Niamey, Direction de la Sante Publique de la République du Niger, 1962.

15 « Vus de l’extérieur rapidement, les Maures, les Touaregs, tous sont des nomades dont la structure sociale est à peu près la même, qu’elle soit féodale ou pseudo féodale » ; « Il est vrai que la ‘paix française’ avait progressivement vidé de son contenu le ‘pacte féodal’ unissant autrefois nobles et tributaires » ; « Nous étions attirés par le prestige du désert, par une société dont le caractère quelque peu féodal exerçait un attrait sur notre intelligence et notre sensibilité ». Edmond Bernus, Pierre Boilley, Jean Clauzel, Jean-Louis Triaud, Nomades et commandants. Administration et sociétés nomades dans l’ancienne A.O.F., Paris, Karthala, 1993, p. 109, p. 118, p. 164.

16 Robert Montagne, Les Berbères et le Maghzen dans le sud du Maroc, Paris, Félix Alcan, 1930.

17 Jules Simon Sasserath, Ruanda-Urundi, étrange royaume féodal au cœur de l’Afrique, Bruxelles, Éditions Germinal, 1948.

18 « De toute façon, le choix fait et proclamé, les contestations s’élevaient et les successions n’étaient guère plus pacifiques que celle de notre Moyen Âge féodal ». « En effet, les décades de paix et d’unité dans le pays sous la paternelle administration coloniale belge, ensevelissaient définitivement, au fil des ans, la féodalité anarchique des Baganwa et affermissaient lentement l’idée d’un pays uni que gouvernerait un souverain respecté de tous et puissant ». Jean Ghislain, La Féodalité au Burundi, Bruxelles, Académie royale des Sciences d’Outre-Mer. Classe des sciences morales et politiques, 1970, p. 43 et p. 52.

19 Roger Bastide, Les Amériques noires : les civilisations africaines dans le Nouveau Monde, Paris, Payot, 1967, p. 136.

20 « L’image féodale permettait aussi de manipuler ces sociétés tout en prétendant les préserver, en les situant dans notre propre passé ». Jean-Pierre Chrétien, « L’horizon féodal de l’administration indirecte », Jean-Pierre Chrétien (dir.), L’invention de l’Afrique des Grands Lacs..., op. cit., p. 39-59 (p. 59).

21 Jean-Pierre Chrétien, « Féodalité et féodalisation du Burundi sous le Mandat belge », Burundi. L’histoire retrouvée, Paris, Khartala, 1993, p. 189-217 ; Aude Laroque, « L’ethnologie et l’ethnographie, instruments de la féodalisation et de l’ethnisation de la société burundaise », Historiographie et enjeux de mémoires au Burundi, thèse d’histoire soutenue à l’Université Panthéon-Sorbonne-Paris I, 2013, t. I, p. 267-274.

22 Augustin Berque, « Esquisse d’une histoire de la seigneurie algérienne », Revue de la Méditerranée, n° 29, janvier-février 1949, p. 18-34, n° 30, mars -avril 1949, p. 168-180.

23 « Elle évoquera immanquablement la stipulation analogue, qu’on relève si souvent dans les actes du Bas Empire, singulièrement en Afrique, sur les journées de corvée que le vilain doit au dominicum, réserve seigneuriale, car l’‘azib a plus d’un trait du saltus numide ou maurétanien. Mais l’analogie doit s’arrêter là […] Ce qu’il faut en retenir, dans le cas qui nous intéresse ici, c’est que nos catégories juridiques ne peuvent, sans le fausser, embrasser le pacte d’‘azib ». Jacques Berque, « Sur un coin de terre marocaine : seigneur terrien et paysans », Annales d’histoire économique et sociale, 9, no 45, 1937, p. 227-235 (p. 231-232).

24 Hermann Kees, « Beitrage zur Altägyptischen Provinzialverwaltung und der Geschichte des Feudalismus », Nachrichten von der Gesellschaft der Wissenschaften zu Göttingen, XII, 1932, p. 85-119, p. 579-598.

25 Jacques Pirenne, « La féodalité en Égypte », Revue de l’Institut de Sociologie, XVI, 1936, p. 15-36 ; id., « Le statut des hommes libres (nedjes) pendant la première féodalité dans l’Ancienne Égypte », Comptes rendus des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 83ᵉ année, n° 1, 1939, p. 10-12 ; id., « L’administration provinciale et la féodalité à la fin de l’Ancien Empire », Chronique d’Égypte, 20, 1935, p. 224-232 ; id., Histoire des institutions et du droit prive de l’ancienne Égypte, Bruxelles, 1932, tome I, p. 51-104 ; id., « L’évolution des gouverneurs des nomes sous l’Ancien Empire égyptien et la formation du régime féodal (iiie-vie dynasties) », Annuaire de l’Institut de philologie et d’histoire orientales, t. 3, 1935, p. 343-362.

26 « Late Ramesside and post-Ramesside Egypt experienced the weakening of the central government and the rise of powerful local magnates which are usual historic developments as great empires break down […]. After abortive attempts to break into Egypt by force of arms, these barbarians had infiltrated by hiring themselves out as mercenaries under their own leaders, and had thereupon been established on the land, entering on some basis into the Egyptian military class […] the regime of the Libyan Twenty-second Dynasty had many of the features we have found in the proto-feudal regimes in Japan and Western Europe […]. We do not know the form of the attachment of the chiefs of the Me [Mershwesh] to the Libyan Pharaoh, but this surely was a system like those of Yoritomo and of the Carolingian kings in that it brought the special relations of the Libyan magnates to the support of the fabric of the old state ». Rushton Coulborn, « A comparative study of Feudalism. 3. Possible Feudalism in Chou China, Mesopotamia, Egypt, and India », Rushton Coulborn (ed.), Feudalism in History, Princeton, Princeton University Press, 1956, p. 215-235 (p. 216-217).

27 « It seems sure that Egyptologists who have applied the term ‘feudal’ to certain periods of Egyptian history have not had in mind any such substantive concept of feudalism […] rather, they have probably thought of a ‘feudal’ period as one in which the most important governmental powers rested in the hands of territorial or local ‘nobles’ who owned their positions usually to inheritance, less often to royal appointment; a period in which central government either did not exist or could not fully control the local authorities ». William F. Edgerton, « The Question of Feudal Institutions in Ancient Egypt », Rushton Coulborn (ed.), Feudalism in History, Princeton, Princeton University Press, 1956, p. 120-132 (p. 120).

28 « Genre noble en effet et genre de nobles, que les épopées qui dans toutes les sociétés ont correspondu à une organisation féodale, que ce soit chez les Grecs, chez les Germains ou chez les Francs devenant Français. Il est donc très normal de rencontrer le genre épique dans l’Ouest africain qui du haut moyen-âge au 19e siècle connut les grands empires que l’on sait : Gâna, Mali, Gao, Mossi, Peul et enfin celui de Ségou […]. Aussi peut-on relever entre les sociétés d’Europe et les sociétés africaines de structures analogues, quelques parallélismes […]. Ainsi de part et d’autre, on se trouve devant des Empires fortement hiérarchisés, mais géographiquement trop étendus, et dont l’autorité est constamment mise en question par des vassaux trop prospères ou trop indépendants ; la loi du Prince est sans cesse à réaffirmer ; et ce dernier est d’autant plus susceptible que son pouvoir est mal assuré […] les différents se régleront donc par les armes plutôt que par la négociation et le régnant se devra de prouver par sa puissance son droit au commandement ; il n’y a, quant au fond, que très peu de nuances entre les démêlés de Charlemagne avec ses barons et ceux de Soundiata avec ses chefs de provinces ». Lilyan Kesteloot, « Les Épopées de l’Ouest Africain », Présence Africaine, n° 58, 1966, p. 204-209.

29 Tom C. McCaskie, « R. S. Rattray and the Construction of Asante History : An Appraisal », History in Africa, 10, 1983, p. 187-206 ; Theodore H. Von Lau, « Anthropology and Power : R. S. Rattray among the Ashanti », African Affairs, 75, 1976, p. 33-54.

30 « After the fight at Feyiase [in 1701], the making of the Golden Stool, and the acknowledgement of the Territorial Division of Kumasi as the head of a kind of Confederacy, we enter upon a phase where the parallel to feudalism, as known in Europe, appears to me to be very striking. In a previous examination of ‘Ashanti Land Tenure and Alienation’, I had already drawn attention to this coincidence. At least one of my learned legal friends had quizzed me for straining to find such an analogy. I was interested therefore to find the following (some time after that chapter was written) in Sir Henry Maine’s classic, Ancient Law […]. Osai Tutu, Chief of the Territorial Division at Kumasi, and hitherto holding a position similar to that of any of the surrounding chiefs, (Mampon, Kumawu, Offinsu, Juaben, Assumegya), now became more than a primus inter pares, which at most he may already have been : he became Asante Hene (King of Ashanti). He succeeded to a tribal organization which he strove to form into a state. The Territorial Divisions of many tribes became a kingdom, the men of many tribes became its citizens ; the oath of allegiance superseded the kindred tie which had hitherto alone ‘conferred the privilege to command obedience and alone imposed the obligation to obey commands’. A silent and unnoticed revolution took place with regard to land tenure which was in conformity with the main characteristic of feudalism. A kind of multiple proprietorships arose. The King became the superior owner of all land, i.e. soil, in the kingdom, but this claim coexisted with many grades of inferior ownership right down a descending scale until the inferior property of the family landholder was reached. There were other analogies of the feudal system. Like William I, after Hastings, Osai Tutu found himself surrounded by a number of powerful lords, and a host of notables in his own territorial division at Kumasi, who demanded recognition for their services. Mampon was made Chief of the ‘Silver Stool’. Kumawu and Assumegya were accorded certain privileges. An interesting development now arose. The stools of Bekwai, Kokofu, and Nsuta had hitherto been of small importance. Bekwai at this period ʻhad only thirty gunsʼ. Upon these Stools, however, sat members of the Oyoko clan, to which Osai Tutu himself belonged. These Chiefs thus became ʻbrothersʼ (in the classificatory sense) of the King of Ashanti (Asante Hene), and they rose quickly to power. Their position vis-a-vis such Stools as Mampon, Kumawu, and Assumegya was, however, always clearly defined, and it is only since British occupation that they came to be classed as Amanhene. Juaben, on the other hand, seemed, independently of its royal blood-connexion, to have been already of some importance, in its own right ». Robert S. Rattray, Ashanti Law and Constitution, Oxford, Clarendon Press, 1929, p. 75-77.

31 « Feudalism, I have repeatedly asserted, was a compound of archaic barbarian usage with Roman Law : no other explanation of it is tenable, or even intelligible. The earliest social forms of the feudal period differ in little from the ordinary association in which the men of primitive civilization are everywhere seen united ». Henry J. S. Maine, Ancient Law : Its Connection with the Early History of Society, and its Relation to Modern Ideas, London, John Murray, 1980 [1861], p. 323.

32 « Au retour de [ma] mission […], je me suis souvent entendu poser la question que voici : L’Urundi est-il vraiment un État féodal ? Existe-t-il vraiment une féodalité en Urundi ? Avant mon départ, j’aurais répondu sans beaucoup d’hésitation et par l’affirmative. Et c’est parce que j’étais convaincu que j’allais, dans ce pays africain, trouver une féodalité vivante, que j’avais décidé d’y porter mes investigations. J’étais préoccupé de définir les éléments politiques, économiques et sociaux communs aux régimes féodaux dans le monde et, si je ne pouvais croire que je pourrais jamais réaliser complètement ce plan ambitieux, j’espérais que les Noirs de notre mandat me fourniraient l’occasion de faire un pas en avant dans l’intelligence de cette structure politico-sociale dont chacun sait qu’elle n’est ni spécifiquement européenne, ni spécifiquement médiévale ». Georges Smets, « Les institutions féodales de l’Urundi », Revue de l’Université de Bruxelles, 2, 1949, p. 1-12.

33 « Counties [with] a town with its dependent villages and tunga which were administered as fief through feudal lords or egba ». Siegfried F. Nadel, A Black Byzantium : The Kingdom of Nupe in Nigeria, London-Oxford, Institute of African Languages and Culture, 1942, p. 117, édition française : Byzance noire. Le royaume des Nupe du Nigéria. Paris, Maspero, 1971.

34 Cet ouvrage est cité par Dominique Barthélémy : « La théorie féodale à l’épreuve de l’anthropologie (note critique) », Annales. Histoire, Sciences Sociales, 52ᵉ année, n° 2, 1997, p. 321-341 (p. 338). « Quant à l’Afrique des anthropologues, elle fournit bien des idées à l’étude des sociétés traditionnelles, mais ne doit-elle pas aider tout autant à relever des différences ? Un médiéviste constatera les limites autant et plus que l’importance du rôle organisateur de la parente : la vassalité occupa au Moyen Âge un champ réservé ailleurs à la parenté mais avec des principes profondément diffèrent » (p. 341).

35 Charles Kingsley Meek, A Sudanese Kingdom: an ethnographical study of the Jukun-speaking peoples of Nigeria, London, Kegan Paul-Trench-Trubner, 1931.

36 Charles Kingsley Meek, Land Tenure and Land Administration in Nigeria and in the Cameroons, London, Oxford University Press, 1957, p. 160-166.

37 « Land tenure : […] theoretically the king owned the entire land, actually he granted districts to the nobles […]. Responsibilities of the king to the people and of the People to the King : Because Kuanyama society was feudal in nature, taxes would have been out of place. The king was expected to protect his subjects spiritually and materially. In return they were required to obey and protect the king and to give him a certain proportion of their products […]. There was also corvée duty to be performed by the people for the nobles and the king […]. Finally there was service in time of war ». « In Africa and elsewhere, if feudalism is to exist, there must be divine kingship combined with private disposition of land, and the land must be held in fief during the lifetime of the possessor or at the will of the granting king or lord ». Edwin Meyer Loeb, In Feudal Africa. History and Tradition of the Kwanyama, Bloomington, Indiana University Research Center in Anthropology, Folklore and Linguistics, 1962, p. 42-44 et p. 311.

38 « Among primitives, however, who have a divine king and early hoe agriculture, and who do little to improve their land, feudalism, where it occurs, is stable and of a permanent nature ». Edwin Meyer Loeb, In Feudal Africa. History and Tradition of the Kwanyama, Bloomington, Indiana University Research Center in Anthropology, Folklore and Linguistics, 1962, p. 310-311.

39 « Using the Kuanyama Ambo as an example we have endeavoured to demonstrate that kingship and the state are diffusion phenomena and that they may give rise to feudalism when land is granted in fief by the monarch. With the employment of the plow, artificial irrigation, and the improvement of land, feudalism tends to be a temporary expedient; but with primitive hoe agriculture feudalism may be of a more permanent and even of beneficial character ». Edwin Meyer Loeb, In Feudal Africa. History and Tradition of the Kwanyama, Bloomington, Indiana University Research Center in Anthropology, Folklore and Linguistics, 1962, p. 313.

40 « The analogy of a feudal system would be misleading ». Meyer Fortes, « The political system of the Tallensi of the Northern Territories of the Gold Coast », Meyer Fortes, Edward Evan Evans-Pritchard, African political Systems, Oxford, Oxford University Press, 1948 [1940], p. 239-271 (p. 257).

41 « The area of administration of a chief’s deputy is only roughly defined by special boundaries. You cannot say that the boundary of a chief’s deputy runs here or there with more than approximate accuracy, but you can say that such and such a man is the subject of such and such a deputy. The relation is a personal one and not a feudal one based upon tenure ». Edward Evan Evans-Pritchard, The social organization of the Azande of the Bahr-el-Ghazal province of the Anglo-Egyptian Sudan. PhD, London School of Economics and Political Science, 1928, p. 98.

42 « Aujourd’hui, les anthropologues considèrent qu’il existe en Afrique noire des systèmes politiques à caractère féodal. Dans de nombreuses sociétés africaines il existe un roi entour de chefs vassaux. Il est le plus souvent chef d’un clan ou d’un lignage dominant, disposant d’un pouvoir absolu et maitre du sol ». Gomkoudougou Victor Kabore, « Caractère Féodal du Système Politique Mossi », Cahiers d’Études Africaines, vol. 2, n° 8, 1962, p. 609-623 (p. 611).

43 Marc Bloch, Feudal Society, traduction de. L. A. Manyon, Chicago, University of Chicago Press, 1961.

44 Max Gluckman, « African Land Tenure », Rhodes-Livingstone Institute Journal, 5, 1945, p. 1-12.

45 « But it shares in common with the system I have been outlining the correspondence between political power plus obligation, usually to provide land, in return for political liability plus tenure of land. Political powers of feudal lords, in a hierarchy with the king at the apex, involved demand-rights to military and other services from vassals and also privileges of jurisdiction, in return for the acceptance of obligations to provide maintenance (usually in the form of land) and protection ». Max Gluckman, The Ideas in Barotse Jurisprudence, Manchester, Manchester University Press, 1972, p. 88.

46 Lloyd Ashton Fallers, « Are African Cultivators to be Called Peasants ? », Current Anthropology, 2, 1961, p. 108-110.

47 « Les cultivateurs s’acquittent en grains, les pêcheurs en poissons ; leur condition apparait assez proche des serfs de notre Moyen Âge, attachés à la maison domaniale, les artisans grossissant la cour du chef, qui entourent déjà ses familiers, ses musiciens. Ainsi la royauté africaine comportait une pyramide de protection ». Denise Paulme, « L’Afrique Noire jusqu’au xive siècle. 2e partie », Cahiers d’Histoire Mondiale, 3, 1957, p. 561-581.

48 Hilda Kuper, An African Aristocracy. Rank among the Swazi, London-New York, Oxford University Press, 1947, p. 67.

49 William Y. Adams, Nubia - Corridor to Africa, Princeton, Princeton University Press, 1977.

50 Marian Malowist, « The social and economic Stability of the Western Sudan in the Middle Ages », Past and Present, 33, avril 1966, p. 3-15 ; Adbullahi Smith, « The Early States of the Central Sudan » in Jacob Festus Aade Ajaui, Michael Crowder (eds.), History of West Africa, New York, Columbia, 1971, vol. I, p. 158-201 (p. 175-176).

51 « The elaborate feudal empires of the Fulani, the Mossi, and the Hausa […] The Mossi and Hausa states came down from the great West African empires of the Middle Ages such as Ghana, Mali, Songhai, and Bornu ». Colin M. Turnbull, Man in Africa, London, Pelican Books, 1976, p. 80.

52 « Mon travail m’a valu un certain nombre de critiques parce que le terme de ‘féodal’ est utilisé par les historiens classiques et par les marxistes intéressés au mode de production féodal d’une façon assez étroite, valorisant surtout l’attribution d’un fief et la relation foncière. Je reconnais que j’ai utilisé ce terme de féodalité plus dans une orientation politique que dans une orientation strictement économique et je voulais faire valoir l’importance d’un système de grande décentralisation où la hiérarchie se faisait entre gens de l’aristocratie, chaque élément de l’aristocratie ayant un rapport de vassalité avec un chef supérieur qui était un suzerain sans grands pouvoirs ». Rita Cordonnier, « Entretien avec Jacques Lombard », Bulletin de l’Association française des anthropologues, n° 28, juin 1987, p. 31-42 (p. 34-35).

53 Jacques Lombard, Structure de type ‘féodal’ en Afrique noire : étude des dynamiques internes et des relations sociales chez les Bariba du Dahomey, Paris-La Haye, Mouton, 1965, p. 360-371 et suivantes : « Chez les Bariba la féodalité définissait plutôt des relations assez lâches entre princes, unis d’une part par des liens familiaux plus ou moins éloignés, d’autre part par des rapports personnels et parfois réels, comprenant chacun des droits et des obligations » ; id., « La vie politique dans une ancienne société de type féodal : les Bariba du Dahomey », Cahiers d’Études africaines, vol. 1, n.° 3, 1960, p. 5-45 ; id., « Un système politique traditionnel de type féodal, les Bariba du Nord-Dahomey. Aperçu sur l’organisation sociale et le pouvoir central », Bulletin de l’Institut français d’Afrique Noire, série B, Sciences Humaines, vol. 19, n° 3-4, juillet-octobre 1957, p. 464-506 (notamment p. 479).

54 Ronald Cohen, « The Dynamics of Feudalism in Bornu » in Jeffrey Butler (ed.), Boston University Papers on Africa, vol. II, African History, Boston, Boston University, 1966, p. 87-105 (p. 92-95).

55 « [Government] is conducted through a system of ranked and titled offices known as sarautu […] each of which can be regarded as an exclusive permanent unit, a corporation sole. These titled offices are characterized by such attributes as fiefs, clients, praise-songs, allocated farmlands, compounds and other possessions ». Michael G. Smith, Government in Zazzau, London, Oxford University Press, 1960, p. 6 ; id., « On Segmentary Lineage Systems », The Journal of the Royal Anthropological Institute of Great Britain and Ireland, 86/2, 1956, p. 39-80.

56 Basil R. Davidson, Black Mother : The Years of the African Slave Trade, Boston, Little Brown, 1961, p. 34 et 46.

57 Kofi Abrefa Busia, The Position of the Chief in the Modern Political System of Ashanti, London : Oxford University Press for International African Institute, 1951.

58 Ivor Wilks, « The State of the Akan and the Akan States: A Discursion », Cahiers d’études africaines, vol. 22, n° 87-88, 1982, p. 231-249 ; voir aussi, id., Asante in the Nineteenth Century : The Structure and Evolution of a Political Order. Cambridge, Cambridge University Press, 1975.

59 Louis Vico Zabkar, « The Eparch of Nubia as King », Journal of Near Eastern Studies, 22, n° 4 (80th year), 1963, p. 217-219.

60 Willliams Y. Adams, « The United Kingdom of Makouria and Nobadia. A Medieval Nubian Anomaly » in William Vivian Davies (ed.), Egypt and Africa. Nubia from Prehistory to Islam. London, Bristish Musaum Press, 1991, p. 257-263 (p. 257).

61 Lászlo Török, « Money, economy and administration in Christian Nubia », Institut français d’Archéologie Orientale du Caire. Bibliothèque d’Étude, vol. 77, 1978, p. 287-311 (p. 303).

62 « We can conclude that there is no substantial evidence for a Nubian feudalism sensu stricto (i.e. in its western meaning), and that typical parallel ‘feudal’ characteristics (as e.g. in the Ottoman Empire) can not be identified. Some modern authors have confused dependence on or recognition of a ruler as overlord with feudalism, while those of them who speak about ‘feudalism’ do so without defining its meaning or characteristics. When in the late Nubian period the Nubian kingdoms are obliged to recognize the overlordship of the Sultan of Egypt, this does not prove feudalism but a political relationship, similar to ‘protectorates’ or ‘zones of influence’. Forms of interdependence should not be confused with feudalism ». Benjamin Hendrixx, « Is there Evidence for a Medieval Nubian Feudalism? », Acta Patristica et Byzantina, vol. 21/2, 2010, p. 256-269.

63 Jan Vansina, « Les régimes fonciers ruanda et kuba. Une comparaison » in Daniel P. Biebuyck (ed.) African Agrarian Systems, London, Oxford University Press, 1963, p. 348-363.

64 Irwin T. Sanders, Joseph R. Schwendeman, Richard B. Woodbury, Societies around the World, New York, The Dryden Press, 1953, vol. I, p. 428.

65 « To describe certain specific aspects of life on a small ‘manor’ in eastern Rwanda and to show how remarkably similar they are to the same aspects of life on a baronial manor of medieval continental Europe ». Pierre Bettez Gravel, « Life on the Manor in Gisaka (Rwanda) », Journal of African History, VI/3, 1965, p. 323-331 (p. 323).

66 Kalervo Oberg, « The kingdom of Ankole in Uganda » in Meyer Fortes, Edward Evan Evans-Pritchard, African political Systems, Oxford, Oxford University Press, 1948, p. 121-164.

67 Aidan W. Southall, Alur Society. A study in processes and types of domination, Cambridge, W. Heffer, 1956, p. 252-256.

68 John James Twaney, « Ugabire: a Feudal Custom among the Waha », Tanganyka (Tangania) Notes and Records, n° 17, 1944, p. 6-9.

69 Jacques Le Goff, « Le rituel symbolique de la vassalité », Pour un autre Moyen Age : temps, travail et culture en Occident, Paris, Gallimard, 1977, p. 349-420.

70 Lucy P. Mair, « Clientship in East Africa », Cahiers d’Études africaines, II/6, 1961, p. 315-325.

71 « The ten large divisions of Buganda were themselves too large for a single man to assume responsibility for the administration of each, and within each saza there was an indefinite number of chiefs f lower grade […] Others owed their position directly to the king, who rewarded individual services by the grant of what can be described as ‘fief’. A favored subject was given authority over an area of land with the perquisites that went with this, and was expected to maintain order among the population living there. But whereas the saza chiefs and their subordinates were first and foremost administrators who were rewarded for their work by the tribune and services they took from their territories, these fief-holders were primarily beneficiaries who incidentally maintained order within the domains ». « Within the large and populous territory of Buganda, the kings from time to time created new fiefs – if we can use the feudal analogy – to reward individuals who had given them some special service […]. None of these office-holders of fief-holders had any claim to pass on his position to his sons and it seems that in Buganda the offices did not in fact become hereditary […]. Here we see another of the advantages of successful clientship ». « Anyone who rendered a personal service to the king might be rewarded with authority over an area of land and the right to say who should live in it and to receive tribute and labour from these people. This authority implied the right and the duty to keep the peace and settle disputes between people living in the land, so that these fief-holders can appropriately be called chiefs ». Lucy P. Mair, Primitive government, 1962, London, Penguin Books, p. 147-148, 175-176 et 196.

72 Susan Reynolds Fiefs and Vassals : The Medieval Evidence Reinterpreted, New York, Oxford University Press, 1994 qui cite : Max Gluckman, Politics, Law and Ritual in Tribal Society, Oxford, Blackwell, 1965, et Max Gluckman, Ideas and Procedures in African Customary Law, London, Oxford University Press, 196, Lucy Mair, Anthropology and Social Change, London, Atyhlone, 1969, et Lucy Mair, African Kingdoms, Oxford, Clarendon Press, 1977. Ces ouvrages sont aussi les références de Dominique Barthélemy, « La vengeance, le jugement et le compromis », Le Règlement des conflits au Moyen Âge. Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l’enseignement supérieur public, 31ᵉ congrès, Angers, 2000, Paris, Publications de la Sorbonne, 2001, p. 11-20.

73 Lloyd Ashton Fallers, Bantu Bureaucracy. A study of Integration and conflict in the political institutions of an East African People, Chicago, University of Chicago Press, 1956 ; id., Law without Precedent, Chicago, University of Chicago Press, 1969.

74 René Lemarchand, « Political Clientelism and Ethnicity in Tropical Africa: Competing Solidarities in Nation-Building », The American Political Science Review, vol. 66/1, mars 1972, p. 68-90 ; id., « Power and stratification in Ruanda: a Reconsideration », Cahiers d’Études africaines, 1966, vol. VI, p. 592-610.

75 Jacques Maquet, Le Système des relations sociales dans le Ruanda ancien, Tervuren, Musée royal du Congo belge, 1954, p. 154 et suivantes ; id. « Institutionnalisation féodale des relations de dépendance dans quatre cultures inter-lacustres », Cahiers d’Études africaines 9, 1969, p. 402-414 (notamment p. 407 et suivantes).

76 « Les régimes fonciers africains sont régis, par des principes tellement différents de la propriété du droit romain, qui est une des sources du droit médiéval, qu’il serait aventureux d’espérer trouver de nombreux cas de tenure foncière pouvant être qualifiés de fiefs ». Jacques Maquet, « Une hypothèse pour l’étude des féodalités africaines », Cahiers d’études africaines, vol. 2, n° 6, 1961, p. 292-314 (p. 294).

77 Il publie aussi un article scientifique quelques années plus tard : Luc de Heusch, « Mythe et société féodale : le culte du kubandwa dans le Rwanda traditionnel », Archives de sociologie des religions, n° 18, p. 133-146.

78 Jacques Maquet, Marcel d’Hertefelt, Élections en société féodale. Une étude sur l’introduction du vote populaire au Ruanda-Urundi, Bruxelles, Astrida, 1960.

79 Jacques Maquet, « Societal and Cultural Incorporation in Rwanda » in Ronald Cohen, John Middleton (eds.), From Tribe to Nation in Africa, San Francisco, Chandler, 1970, p. 201-216; id., « Rwanda Castes » in Arthur Tuden, Leonard Plotnicov (eds.), Social Stratification in Africa South of the Sahara, New York, The Free Press, 1970, p. 93-124 ; id., Power and Society in Africa, New York, McGraw-Hill, 1971.

80 « [Feudalism means] a kind of political system which is based on the relation between superior and his inferior or vassal where the latter holds lands and authority over the people living on these lands in feud from the former. […] [Central to this conception] : the personal nature of the bond of political dependence and the association of political office with the holding of landed estates ». « It is more useful and illuminating to retain the term ‘feudalism’ and its associated vocabulary for the complex polities to which they were first applied and to describe the political institutions of traditional Bunyoro as far as possible in their own terms ». John H.M. Beattie, « Bunryoro: An African Feudality? », Journal of African History, 5/1, 1964, p. 25-35 (p. 26 et 35). id., « The Kibanja System of Land Tenure in Bunyoro, Uganda », Journal of African Administration, VI/1, janvier 1954, p. 18-28 ; id., « A Further Note on the Kibanja System of Land Tenure in Bunyoro, Uganda », Journal of African Administration, VI/4, octobre 1954, p. 178-185.

81 « Bunyoro preserves many of the characters of centralized feudal State oddly reminiscent in many ways of the feudal kingdoms which existed centuries ago in Europe and elsewhere ». « Although it is changing rapidly. It still presents many of the characters of a centralized, ‘feudal; state, oddly reminiscent in many ways of die feudal kingdoms which existed centuries ago in Europe and elsewhere. I use the word ‘feudal’ here in its simplest sense, to refer to the kind of political system which is based on the relation between a superior and his inferior or vassal, where the latter holds lands, and authority over the people living on these lands, ‘in feud’ from the former. This means that the vassal must render homage and services of various kinds to the superior lord from whom he holds his lands and authority. Traditional Bunyoro has many features in common with such a system ». John H. M. Beattie, Bunyoro; an African Kingdom, New York, Holt and Co., 1960, p. 5.

82 John H. M. Beattie, « Bunryoro: An African Feudality? », Journal of African History, 5/1, 1964, p. 25-35.

83 « While the historical context of the Busoga situation and that of medieval English feudalism are obviously different, the procedure adopted is to extract from both contexts those relationships that are apparently similar, in order to verify whether comparable elements exist between them. Facts to be analyzed are categorized in terms of structural principles, legal problems emerging from the structure, and the legal thinking brought to bear on these problems […]. Accepting this delineation of the structural relationships in English feudalism, the common features obtaining in both the Soga and the English contexts are as follows : In both cases it is axiomatic that the actual right of ownership in land is that of the supreme sovereign. All other land usages, tenures, and proprietary rights are subject to this principle and ultimately the reversionary right of the sovereign takes precedence under defined conditions. All additional rights in land are based on social relationships defined in terms of relative superiority and inferiority. The initial allotment of land established an equivalent relationship in both instances, termed by Lyon as the ‘relationship between lord and man’« . Michael Saltman, « Feudal Relationships and the Law », Comparative Studies in Society and History, 29/3, 1987 p. 514-532 (p. 520).

84 « The fact of the association of office and landholding combined with authority of some sort exercised by landlords over peasants would if it were adopted as our definition place not only the Bito-ruled states but many others in Europe Asia and Africa in the feudal category ». Margaret E. Chilver, « ‘Feudalism’ in the Interlacustrine Kingdoms » in Audrey I. Richards (ed.), East African Chiefs, London, Faber, 1959, p. 378-390 (p. 382).

85 David Apter, The Political Kingdom in Uganda : A Study in Bureaucratic Nationalism, Princeton, Princeton University Press, 1961, p. 9.

86 Albert Antonius Trouwborst, « L’organisation politique et l’accord de de clientèle au Burundi », Anthropologica, IV/1, 1962, p. 9-43. « La structure de clientèle […] n’était pas purement politique mais elle interférait souvent avec les deux autres hiérarchies, leur conférait son type féodal de relations humaines et était le facteur principal qui assurait à la caste tuutsi la position dominante qu’elle occupait dans les structures proprement politiques ». Marcel d’Hertefelt, « Le Rwanda » in Marcel d’Hertefelt, Albert Trouwborst, J. H. Scherer, Les anciens royaumes de la zone interlacustre méridionale (Rwanda, Burundi, Buha), London, International African Institute, 1962, vol. 14, p. 9-112 (p. 62). « De même que les vassaux de l’époque féodale en Europe, bon nombre de sous-chefs et même plusieurs petits chefs réussirent à donner à leur fonction un caractère héréditaire ». J.H. Scherer, « Le Buha » in M. d’Hertefelt, A. Trouwborst, J. H. Scherer, Les anciens royaumes de la zone interlacustre méridionale, op. cit., p. 171-224 (p. 208).

87 « Feudalism is not an economic system, but a form of government. That being so, an analysis of Nkore’s traditional institutions of government tends to show that Nkore was not even remotely feudal, if by the expression one means, a form of government in which political authority is monopolized by a small group of military leaders but evenly distributed among the members of that group, and in which the king, at best, can merely keep peace among the lords and usually is unable even to do this ». Samwiri Rubaraza Karugire, A History of the Kingdom of Nkore in Western Uganda, Oxford, Clarendon Press, 1971, p. 67.

88 Claudine Vidal « Économie de la société féodale rwandaise », Cahiers d’Études africaines, 53, 1974, p. 52-73.

89 Charles de Lespinay, « Recherches foncières interdisciplinaires au Burundi, méthodes et résultats », Droit et Cultures 7, 1984, p. 31-60.

90 Sophie Pontzeele, Burundi 1972 / Rwanda 1994 : l’‘efficacité’ dramatique d’une reconstruction idéologique du passé par la presse, thèse de doctorat, Université des Sciences et Technologie de Lille 1, juin 2004.

91 Et ce alors même qu’un militaire anglais déclare dans les années 1930 : « The Ethiopian system was not a feudal system: it was a tough-man system ». George L. Steer, Caesar in Abyssinia, London, Hodder & Stoughton, 1936.

92 « Ethiopia is one of those rare countries so richly endowed by nature that the agrarian structure, feudal in every sense of the term, does appear to be the only constraint on development ». Doreen Warriner, « Results of Land Reform in Asian and Latin American Countries », Food Research Institute Studies in Agricultural Economics, Trade and Development, Stanford, XII/2, 1973, p. 115-131 (p. 129).

93 Margery Perham, The Governement of Ethiopia, London, Faber and Faber, 1948, p. 267 et 273

94 Richard K. P. Pankhurst, An Introduction to the Economic History of Ethiopia from Early Times to 1800, Addis Ababa/New York, Lalibela House, 1961.

95 Abbebe Berhanou, Évolution de la propriété foncière au Choa (Éthiopie) du règne de Menelik à la constitution de 1931, Paris, Imprimerie Nationale/Paul Geuthner, 1971.

96 Allan Hoben, Land Tenure among Amhara of Ethiopia : The Dynamics of Cognatic Descent, Chicago, The University of Chicago Press, 1973.

97 « Ethiopia is a nation of more than 20 million people who live within the historical constraints of ‘feudalism’ […] The distinguishing points in rigorous definitions of either ‘peasant’ or ‘feudalism’ relate to the existence of an established tenure system subsistence agriculture with little market orientation, and substantial stratification cleavages among members of the rural community ». John M. Cohen, « Peasants and Feudalism in Africa: the case of Ethiopia », Canadian Journal of African Studies, VIII/1, 1974, p. 155-157 (p. 155) ; id., « Ethiopia: A Survey on the Existence of a Feudal Peasantry », The Journal of Modern African Studies, XII/4, 1974, p. 665-672.

98 « Feudalism in Ethiopia, as in medieval Europe, is a partial adaptation to the disruption of an earlier stronger state with a more centralized bureaucracy. Ethiopian feudalism is a political organization based on a pyramidal hierarchy of multiples of asymmetrical dyadic relations between lord and vassal. The dyadic bond consists of the rights of the vassal to be given protection and tenure to part of this lord’s land in return for his obligation to render economic, military, and other support to the lord. The vassal in one dyad may in turn be the lord in another dyad because he may subinfeudate the land he holds in feud. The head of each peasant family has his own dyadic relationship with the lower level feudal administrator of the community, constituting in this way a part of the broad base of the pyramidal hierarchy. Political ties of the peasant cultivator to the community, district, and state are entwined with complexities of feudal tenure providing the peasant with bonds and access to land ultimately belonging to the state ». Frederick C. Gamst, « Peasantries and Elites without urbanism : the Civilization of Ethiopia », Comparative Studies in Society and History, XII/4, 1970, p. 373-392 (p. 384-385).

99 Patrick Gilkes, The Dying Lion : Feudalism and Modernization in Ethiopia, New York/London, St. Martin’s Press, 1975 ; Ingida Worz Gebre-Wold, « Ethiopia’s Traditional System of Land Tenure and Taxation », Ethiopia Observer, 5, n° 4, 1962, p. 302-339.

100 « For an Ethiopanist, reading Bloch can be seductive and hallucinatory ». Donald Crummey, « Abyssinian Feudalism », Past and Present : A Journal of Historical Studies, 89, novembre 1980, p. 115-138.

101 « Indeed these ties were so strong that they prevailed over most horizontal ties, probably even more so than in Europe. They seem to have penetrated more deeply among the Ethiopian peasantry, whose family and communal ties were correspondingly weakened Again, as in the European case, the ritual associated with these ties was increasingly elaborate as one moved up the social scale. The concept of vassalage is not directly paralleled ». Donald Crummey, « Abyssinian Feudalism », art. cit., (p. 124).

102 « In particular there are some extremely impressive similarities in many pre-capitalist class-based agrarian societies. And there is a legitimate interest in relating these similarities to some central model, especially when the ruling classes of the societies in question are heavily militarized and when their polities exhibit recurrently fissiparous tendencies. The feudal model is the only viable referent we have ». « However, from neither perspective can the Abyssinian social order be described as feudal without serious qualification. ». « Abyssinian social history is markedly less turbulent and markedly more stable than that of medieval Europe ». Donald Crummey, « Abyssinian Feudalism », art. cit., p. 133, 138 et 137).

103 « What were known in medieval Europe as fiefs de reprise were widely seen in Ethiopia, as peasants gave up their lands to high officials in the hope that they would then protect them from further exploitation » (p. 281); « When it is remembered that there was little cultural, and still less geographical, distance between lord and peasant, and that there was intermarriage between what might be supposed to be ‘classes’, then there is reason to believe that the system was much less than ‘feudal’«  (p. 282); « Here again, the most important factor might be that feudal authority did not exist; the lack of feudal ties of service and obligation between the conquerors and the vanquished peasants made the tenure one of occupation rather than overlordship. » (p. 284); « If we accept Bloch’s conception of a feudal society as one which, among other things, had a subject peasantry and a class of specialised warriors who ruled supreme, Ethiopian ‘feudalism’ is a misnomer, for the peasants were the warriors. » (p. 286-287); « The land-tenure system of Ethiopia could and can with only some accuracy be called ‘feudal’. Members of the royal family and other nobles have, until recently, owned huge estates, and some holdings have been less liable to taxes than others. Further, in the reign of Haile Selassie I, the ‘feudal conditions’ of tenure had to some extent worsened. » (p. 294). Gene Ellis, « The feudal paradigm as a hindrance to understanding Ethiopia », International Journal of African historical studies, XIV, juin 1976, p. 275-295.

104 Donald Crummey, « State and Society : 19th-Century Ethiopia » in Donald Crummey, C. C. Stewart (eds.), Modes of Production in Africa : The Precolonial Era, Beverly Hills CA, Sage, 1981, p. 227-249.

105 « Though the word feudal is freely used of Ethiopia, there never developed in that country a hereditary case of nobility able to extort contracts about its powers and rights from its kings ». Margery Perham, The Government of Ethiopia, London, Faber and Faber, 1948, p. 268; « The power of the monarch to give and rescind office and status represented the main obstacle to the entrenchment of a truly feudal class in traditional Ethiopia ». John Markakis, Ethiopia: anatomy of a traditional polity, Oxford, Clarendon Press, 1974, p. 38-39.

106 John W. Bruce, « ‘Feudal’ Land tenure and agrarian Reform in Africa », Land Tenure Center (LTC) Papers, 1985, p. 9-16 (p. 12-13).

107 Stephen L. Pastner, « Lord of the Desert Border : frontier Feudalism in Southern Baluchistan and Eastern Ethiopia », International Journal of Middle East Studies, 10/1, février 1979, p. 93-106.

108 Lionel Cliffe, « Capitalism or Feudalism? The Famine in Ethiopia », Review of African Political Economy, 1, 1974, p. 34-40.

109 « The Abyssinian Empire has achieved the widest acceptance as an African feudal system, with a feudal system of land tenure. (‘Abyssinian’ here refers to the Amharic- and Tigrinya-speaking highland provinces at the core of the empire, after the fall of the Axumite Empire in the ninth century, A.D., but before the creation of modern Ethiopia at the turn of this century.) […] There was a species of feud, the gult, which permitted extraction of a surplus from peasant cultivators to support the feudal structures. There was a nobility, and relations within the hierarchy were formalized relations of personal dependence. Over substantial periods, eras really, power was significantly fragmented. The nobility played the leadership role in raising and leading armies in battle, and can be described as a military class. there is a parallel to the origins of European feudalism in the ever-present legacy of the ancient empire of Axun, with periodic striving to obtain a more centralized state. Moreover, the highland peasant does not face his social superior as the member of another caste or tribe. He is ethnically one with his superiors. He is not part of a strong lineage or other kin group which insulates him from those superiors, because the descent system is bilateral. Each peasant belongs to many lineages and the sense of corporateness within lineages is thus very weak. Many of the objections to an African ‘feudalism’ are foreclosed ». John W. Bruce, « ‘Feudal’ Land tenure and agrarian Reform in Africa », Land Tenure Center (LTC) Papers, 1985, p. 9-16 (p. 12).

110 « The importance of the issue of the applicability of the feudal paradigm here is, rather, whether the use of the paradigm reveals or obscures matters of concern to the lanner concerned with land tenure and development strategies ». John W. Bruce, « ‘Feudal’ Land tenure and agrarian Reform in Africa », Land Tenure Center (LTC) Papers, 1985, p. 9-16 (p. 9).

111 W. B. Carnochan, Golden Legends : Images of Abyssinia, Samuel Johnson to Bob Marley. Stanford, Stanford University Press, 2008.

112 « Unlike European peasants, the peasant-workers of Africa, Asia etc., do not originate from feudalism, but from dispossession of tribal or despotic social formations by capitalist colonialism itself. It was therefore strange only to Euro-Marxist minds that peasants could – and did – make socialist-orientated revolutions in China, Korea, Indo-China and Cuba. The reason was that they were ‘proletarians’ in as much as they created the surplus value appropriated by imperialist states and companies operating on their lands and from their rivers and ports ». Hosea Jaffe, South African Neo-Liberal Historiography, London, H. Jaffe, 1990, p. 12.

113 « Richard Pankhurst and his Ethiopian colleagues have collect an abundant literature from original sources on the peculiar development of ‘feudalism’ in Ethiopia. It will still be some time before the whole story is told, but what has emerged so far is a moving picture of a society combining classical ‘African property-lessness’ (Marx) with European-type feudal features, with a strong internal tribal communal influence. In some regions – Wollo, the northern Eritrean frontier area, the Danakil desert and the Ogaden (all cattle and sheep pastoral and mixed farming regions) and in parts of Shoa itself – the tribal factor still remained and, here and there, prevailed. This, even amid a ‘feudalism’ in which some Rasses (land-barons) owned hundreds of square kilometres of land and, in one instance, something like a million serfs (this is the time of Haile Selassie, before the ‘African Marxist’ military revolution of 1974-7). But there is no doubt that the dominant form of property in Coptic Ethiopia was increasingly feudal based on private exploitation of land and on serfdom. There is, moreover, no doubt that this system was fully developed before the first significant European penetration […] However, the Ethiopian system of exploitation based on feudalized tribalism was the exception in Africa, not the rule ». « The ‘African-European’ Mixed Mode of Production in Ethiopia. The second form of pre-colonial society was that exemplified almost uniquely by the tribal-feudal mixed mode which reigned in Ethiopia after the Zagwe dynasty, when the latter was followed by the ‘Solomon’ dynasty which the last Negus, Haile Selassie, traced back to the story of Solomon and Sheba out of whose meeting came the first Cub of Judah. This tribal-feudal system, with its rock church monoliths at Lalibela, its Gondar architecture, its militarized landed aristocracy, its Amharic monarchy (from 1270 to 1974 only one Negus-emperor was not Amharic), its powerful Rasses (whose strong communal and even tribal surplus-producing base made them look more like the Japanese medieval ‘Daimyos’ than West European feudal barons or even the Kiev boyars, who exploited both serfs and abschina village communities) its oppression of Galla, Sidoma, Tigre, Somali and other tribes (as the Samurai and Shoguns oppressed and marginalized the Ainu tribes) and the policy-making land-holding Coptic Church, existed properly in the non-desert highland valleys [...] The most un-European ‘feudalism’ combined private landed property coming via Roman-Byzantium, with a tribal system that surrounded it and existed within its interstices, in its very pores, in the desert-like gaden to the east, the desert tot the north and the Galla, Bantu, and Khoi-Khoin to the south as far as the lower Rift Valley in Kenya. The ‘Feudal’ system appeared as a form of class despotism, a superior social order over the surrounding, interlocked tribal or clan systems. At the same time the ruling dynasty itself tended to become a gens dynasty, a clan dynasty, with a common gens ancestor traced back to the mystic legend Solomon. This clan or gens, which later became the Shoan gens, evolved into a feudal ruling class, and at the same time the ruling class appeared in clan form. But feudalism, not tribalism, was the dominant feature ». Hosea Jaffe, A History of Africa, London, ZED/Humanities, 1985, p. 16 et 30-31.

114 « La formation d’une noblesse héréditaire bénéficiant de privilèges politique qui aurait troublé l’unité de l’Empire. Cela se produisit après 1700 à la faveur de l’affaiblissement du pouvoir impérial qui conduisit ensuite à parler du féodalisme, phénomène qui, à l’origine, n’était pas typique de l’Éthiopie » Eike Haberland, « La corne de l’Afrique » in Bethwell A. Ogot (dir.), L’Afrique du xvie au xviiie siècle, Histoire générale de l’Afrique, Paris, Éditions UNESCO, 1999, vol. V, p. 765-813 (p. 771).

115 Bernard Saint-Jalmes, « Examen critique de la notion de féodalité appliquée à l’Afrique », Diplôme d’études supérieures, sous la direction de Georges Balandier, Paris - La Sorbonne, novembre 1966, p. 52-59.

116 « Plusieurs types de féodalités (systèmes extrêmement diversifies) semblent s’être développés en Afrique, avec néanmoins des caractères spécifiques communs qui les différencient des féodalités de l’Europe du Moyen Âge. Si elles manifestent et renforcent une différenciation de type économique, il ne semble pas qu’elles soient aussi intrinsèquement liées que ne l’étaient les systèmes féodaux européens à un système de domination économique ». Gomkoudougou Victor Kabore, « Caractère Féodal du Système Politique Mossi », Cahiers d’Études Africaines, 2, n° 8, 1962, p. 609-623 (p. 618). Voir aussi : Gomkoudougou Victor Kabore, Organisation Politique Traditionnelle et Évolution Politique Des Mossi De Ouagadougou, Paris-Ouagadougou, C.N.R.S.-C.V.R.S., 1966.

117 Cheikh Anta Diop, L’Afrique noire précoloniale. Étude comparée des systèmes politiques et sociaux de l’Europe et de l’Afrique noire de l’Antiquité à la formation des États modernes, Paris-Dakar, Présence africaine, 1987.

118 « Avoid the assumption that because we find vassalage (for example), we necessarily find other institutions associated with it in medieval Europe. It is just these supposed interconnexions which comparative study has to test rather than assume ». Jacques Goody, « Feudalism in Africa? », The Journal of African History, 4/1, 1963, p. 1-18 (p. 7).

119 « I could see no great profit (and possibly some loss) in treating the presence of clientship or fiefs as constituting a feudality […], as against analysing these institutions without inviting any overall identifications of these societies with those of medieval Europe […]. There seems even less to be gained from the view which sees African societies as feudalities in the basis of wider political or economic criteria. Firstly, there is the ever-present ambiguity of the term itself; and then again the primary referent is to a particular period in European history, and an author employing an analytic tool of this kind tends to focus the whole analysis around the Western situation ». Jacques Goody, « Feudalism in Africa? », op. cit. (p. 10).

120 « The difficulties are nowhere clearer than in the writings of those who see the development of human society in terms of the stages so widely used in the latter half of the nineteenth century. Writers who adhere to the orthodox Marxist doctrine, formulated a hundred years since, are particularly apt to fall back upon the idea of a universal progression from tribalism to slavery, feudalism, capitalism, and finally socialism, each such stage being characterized by a particular set of social institutions. Most historians assume a rather similar scheme, either explicitly or implicitly, and, like some sociologists, tend to speak of tribal or kinship societies in a way that suggests that they too easily overlook the strength of their own attachments to family and tribe ». Jacques Goody, « Feudalism in Africa? », op. cit. (p. 10-11).

121 « If we are to take up and develop the tradition of comparative work, which has been so neglected in recent years by historians, sociologists and anthropologists alike, then the best strategy at this stage is to avoid the kind of overall comparisons that are invited by words like tribalism, feudalism, capitalism. These abstractions make for too crude a level of analysis […] We must avoid not only historical particularism, but also ill-considered generalities ». Jacques Goody, « Feudalism in Africa? », op. cit. (p. 13).

122  « The identification of ‘feudalism in Africa has been associated with the left rather that the right. Palaeo-Marxists accept a fixed progression, inherited from their nineteenth-century predecessors, from tribalism through feudalism to capitalism, though a greater element of flexibility is introduced with the recent publication of some of Marx’s writings. Others regards the discovery of the same processes in Africa that earlier occurred in Europe as crucial to the recognition of African history as a proper subject for academic discussion. Such an approach seems to me understandable, often correct, but in this case misguided. We are here concerned with the utility of analytic concepts and whether ‘feudalism’ illumines more that it obscures ». Jack Goody, « Economy and Feudalism in Africa », Economic History Review, 22, n° 3, 1969, p. 393-405 (p. 394).

123 Jack Goody, Technology, Tradition, and the State in Africa, London, Oxford University Press, 1971.

124 « C’est en partant d’une méthode comparative abusive qu’on a pu assimiler le souverain africain au seigneur du Moyen-Âge qui tirait sa puissance politique et économique de la terre. Si l’on peut être tenté de faire certains rapprochements, entre les systèmes de tenure africain et moyenâgeux européen(propriété fiduciaire, pyramides des droits fonciers) ou de noter dans certains cas une féodalisation ‘résultant du glissement de l’imperium au dominium et de la transformation du tribut en loyer’, il ne s’agit là que de comparaison sans rigueur : la féodalité africaine, ou plutôt les féodalités africaines, seraient à définir, non par référence à celles du Moyen-Âge occidental, mais selon leurs traits spécifiques et dans leurs cadres propres ; sans oublier que traditionnellement le chef politique ne détient pas un droit éminent sur la terre mais que ses pouvoirs sont tels qu’ils ne peuvent relever que de sa souveraineté et non d’un droit de propriété, au sens où nous l’entendons ». Raymond Verdier, « Féodalités et collectivismes africains », Présence Africaine, n° XXXIX, 1961/4, p. 79-99 (p. 83).

125 « But there is this important difference between the two: In western Europe, the state failed to stem the tide of the violence of the invasions from the outside and its institutions consequently suffered, paving the way for the emergence of feudalism. In Borno, the violence that engulfed society was sponsored by the state and its functionaries who were strengthened and emboldened by the profits and armaments of the slave trade from distant lands. In effect, the state was waging war on society, particularly as the state-sponsored raids into other territories (such as Adamawa) spilled over to domestic violence. In these circumstances, those in position of authority had little incentive for feudal contracts. If in Europe the response to the failure of the state to provide security for the individual was the institution of feudalism, in Africa the response to the violation of the citizenry by the state in its sponsorship of the slave trade was the entrenchment of kinship corporations. Because of its links with external mercantile capitalism, the slave trade was inherently inhospitable to the emergence of feudal institutions. That feudal institutions and traditions would have eventually emerged in several cultural enclaves without the prolonged slave trade ». « In Europe, the weakness of kinship enabled the growth of feudal and proto-state institutions that eventually blossomed into modern kinship-free statehood. However, in preparing ourselves for analysing this subject in African political sociology, we may entertain this counterfactual question: What would have happened in Western Europe if there had been no viable institutions that could have taken over the political functions of kinship of protecting the individual from widespread insecurity? We may imagine that kinship, in reaction to such generalized violence and in the absence of any viable alternatives, would have been strengthened. This appears in fact to have happened in some sections of Europe […]. This is quite close to what has occurred in much of Africa ». Peter P. Ekeh, « Social Anthropology and two Contrasting Uses of Tribalism in Africa, Comparative Studies in Society and History, 31/4, 1990, p. 660-700 (p. 676 et 692).

126 « L’interprétation féodale se met en place dès la première heure et, tout naturellement, au sein d’un évolutionnisme sommaire qui assimile sans peine l’Afrique au passé de la société moderne, donc au passé féodal de l’Europe. Ce paradigme, latent dans toute la pensée du xixe siècle, devient explicite dans le marxisme, du moins dans sa vulgarisation léniniste, lorsque tout ce qui est immédiatement précapitaliste se trouve qualifié de ‘féodal’ ». « Il reste néanmoins que, indépendamment de tout ce que l’on peut penser d’une éventuelle ‘féodalité’ africaine, la colonisation de la première période aura été, quant à elle, toute proche d’instaurer une véritable féodalité, sur le modèle de la conquête normande de l’Angleterre où l’État conquérant se proclame propriétaire ‘éminent’ de toutes les terres conquises ». « Nous disons que ce qualificatif appliqué aux royaumes africains est fondé sur un complet contresens. Nous ne pensons pas d’ailleurs que les autres usages de la ‘féodalité’ comme type social soient beaucoup plus justifiés, parce que la féodalité européenne est beaucoup trop spécifique pour servir de modèle ou de type. J’ai oublié un quatrième sens, mais il est vrai qu’il paraît un peu périmé aujourd’hui : le sens marxiste du ‘mode de production féodal’, fondé sur l’opposition de classes entre des grands propriétaires et une paysannerie statutairement dépendante. Ce sens ne s’applique de toute façon pas à l’Afrique ». Alain Testart, « Propriété et non-propriété de la terre », Études rurales, 169-170, 2004, p. 149-178.

127 Bogumil Jewsiewicki, Marx, Afrique et Occident : les pratiques africanistes de l’histoire marxiste, Montréal, Mc Gill University, 1985.

128 Thomas Lionel Hodgkin, Nationalism in Colonial Africa, London, Frederick Muller, 1956 ; id., (ed.) Nigerian Perspectives, Oxford, Oxford University Press, 1960 ; id., African Political Parties, London, Penguin Books, 1961.

129 David Morison, « African Studies in the Soviet Union », The Russian Review, vol. 22, n° 3, 1963, p. 301-314 ; Ernest Gellner (ed.), Soviet and Western Anthropology, New York, Columbia University Press, 1980 ; id., « The Soviet and the Savage », Current Anthropology, XVI, 1975, p. 595-617.

130 Mitropolski, Y. Zoubritski, V. Kerov, Aperçu d’Histoire et d’Économie, tome I, Formations précapitalistes : la communauté primitive, la societe esclavagiste, la société féodale, Moscou, Éditions du progrès, 1966, notamment p. 280.

131 Luba A. Holowaty, « Selected Bibliography of the Works of I. I. Potekhin, Soviet Africanist, 1947-1964 », African Studies Bulletin, 12/3, 1969, p. 315-322.

132 Ivan Izosimovich Potekhin, On Feudalism of the Ashanti, Oriental Publishing House, 1960 ; id., « Land Relations in African Countries », The Journal of Modern African Studies, 1/1, 1963, p. 39-59.

133 Dimitrij A. Olderrogge, Zapadnyi Sudan v xv-xix vv., Moscou-Leningrad, 1960 ; id., « Feudalism v Zapadnom Sudane v xvi-xix w », Sovetskaja Etnografia, 1957, n° 4, p. 91-102.

134 Ludmila V. Danilova, « Controversial Problems of the Theory of Precapitalist Societies », Soviet Anthropology and Archaelogy, IX/4, 1970, p. 269-328 ; Stephen P. Dunn, « The position of the primitive-communal social order in the Soviet-Marxist Theory of History » in Stanley Diamond (ed.), Toward a Marxist Anthropology. Problems and Perspectives, Paris/ New York/ The Hague, Mouton/ De Gruyter, 1979, p. 173-184.

135 Lev Evgen’evič Kubbel, Songhajskaja Dei žava, Moscou, Nauka, 1974.

136 L’historien anglais John Donnelly Fage (1921-2002) montre au même moment qu’un phénomène de servitude peut naître d’une conjonction entre une pénurie de main d’œuvre et d’une immensité de terre : John Donnelly Fage, States and Subjects in Sub-Saharan African History, Johannesburg, Witwatersrand University Press, 1974, p. 15.

137 Ernest Gellner, « Class before the State : The Soviet Treatment of African Feudalism », Archives européennes de sociologie, XVIII, 1977, p. 299-322 (p. 319-320).

138 « This argument hinges on making certain traits central to feudalism : stratification as between peasants and rulers, partial unfreedom of the working population, rights defined in terms of land, at least in some regions, an unambiguous state apparatus not articulated in terms of kinship, and indeed the replacement by an impersonal idiom, of kinship in other spheres of life ». Ernest Gellner, « Class before the State : The Soviet Treatment of African Feudalism », Archives européennes de sociologie, XVIII, 1977, p. 299-322 (p. 321).

139 « In North Africa, even before it became a colony, there existed mature forms of feudalism, represented by large landed estates; private landownership was considerably developed; comparatively large towns existed; national markets were being formed. All this could not but have had a direct bearing on the establishment of the migrant labour system ». Iuri Mikhailovich Ivanov, Agrarian Reforms and Hired Labour in Africa, Moscow, Progress Publishers, 1979, p. 32.

140 « La formation des domaines des Askia révèle, à mon avis, des traits proches du régime féodal naissant en Europe, et cela aussi bien dans les lignes générales de ce processus que dans certains de ses détails […] La formation des domaines des princes et les premières donations de domaines sont donc les symptômes d’une certaine tendance vers un système socio-économique féodal, tendance représentant dans ce pays l’une des lignes d’évolution possible. Il y eut là, sans doute, les débuts d’un processus qui ne devait jamais l’emporter. Car la différence la plus marquante entre les domaines du Soudan occidental et ceux de l’Europe du haut Moyen Âge, réside dans la chronologie du phénomène. Nous pouvons suivre la longue évolution des rapports socio-économiques au Soudan occidental, depuis le viie siècle au moins, jusqu’au xviie, ce qui accuse un développement bien lent. Ce n’est qu’entre le xive et le xvie siècle que se formèrent au Soudan occidental des domaines fonciers à caractère pré-féodal, ainsi que d’autres traits évoquant les débuts du système féodal ». Michal Tymowski, « Les domaines des princes du Soudan. Comparaison avec la grande propriété foncière en Europe au début de l’époque féodale », Annales E.S.C., 25e année, n° 6, novembre-décembre 1970, p. 1637-1658 (p. 1657).

141 « ‘Feudalism’ is perhaps somewhat less firmly entrenched, but is still not to be dismissed lightly; it may or may not be significant for the overall intellectual climate in Soviet anthropology that Kubbel does in the end come down on the side of the thesis that feudalism was indeed present in sub-Saharan Africa ». Ernest Gellner, « Class before the State : The Soviet Treatment of African Feudalism », Archives européennes de sociologie, XVIII, 1977, p. 299-322 (p. 301).

142 « The rise of Arab feudalism on the ruins of the Roman slave system, was born of the fact that the slave economy, which had been able to develop the forces of production all the while that there were constantly wide sources of labour power, became a serious obstacle to progress with the dwindling of these sources, i.e. with the cessation of Roman imperial expansion [...]. Whereas the ‘barbarians’ who entered the Western Roman Empire were settlers who comprised a majority of the populations of the countries they settled, the Arabs constituted a tiny minority of the populations of the places they conquered, installing themselves at the top of the social pyramid, which continued to be based not only on the labour of the toilers among the former inhabitants, but also on the work of the officials, merchants and others of the upper classes. The Arabs mainly took for themselves the most important positions in the leadership. The fundamental difference between the feudalism of the West and that of the Arab East was this : the feudalism of the West was from the first, and for centuries after, based on natural foundations, while Arab feudalism from the beginning was based on commercial relations. While the European feudal lord sat in his castle on his domain, the received his rent in kind, the Arab feudal lord dwelt in the town, which was in actuality a feudal army camp [...]. Thus the relations prevailing between the Arab feudal lord and his tenants were far less patriarchal than those prevailing between the European feudal lord and his tenants in the Middle Ages. Also, the fact that the Arab feudal lord did not dwell in his castle in the midst of the villages belonging to him, but in the town far from his tenants, meant that he hardly fulfilled any task of justice among his serfs, or of their defence against another feudal lord. Because of this, his rule over other classes was much less clothed in the finenesses of ideology than that of his European counterpart […]. Arab feudalism was progressive, developed, rich and enlightened […] But that feudalism did not break down under the pressure of the internal development of the Arab countries follows not only from the fact that the feudal lords held commerce in their hands and controlled the towns and guilds, not only from the weakness of the third estate, but also from the relations within the feudal class itself [...]. Thus declining, rotting feudalism did not open a door for the rise of any new social forces ». Tony Cliff, « Feudalism in the Arab East », The Problem of the Middle East – Egypt, Palestine, Syria, Lebanon and Iraq, Marxists’ Internet Archive, chap. I, 2011 [1946] [en ligne].

143 « Insofar as we can recognize in feudalism a general method for organizing social relations capable of reproduction in another region and another era, it is possible to analyse alien and unfamiliar social relations in terms of feudal mode […]. Furthermore, in selecting a model, it is necessary to concentrate on the social relations which are relevant to defining the limits of that model and then to make comparisons with those social relations and not with other extraneous characteristics which may be present in both societies under examination »; « The examination of the social and political systems of Buganda Bunyoro and Rwanda for feudo-vassalage institutions uncovered two examples of fundamentally analogous structures […]. These political structures cannot be pressed into a feudal model without severe distortion of either the model or the political systems of those States […]. In any case by implying contractual basis in the political arrangements of the kingdoms surveyed feudal notions fail to impart clarity to either the general or the particular modes of political organization in these States ». « We may be permitted to conclude that some form of feudo-vassalage existed among the Ganda […]. Moreover feudo-vassalage institutions were neither so pervasive nor so important as to warrant the application of the term feudalism to Buganda society as whole ». Edward I. Steinhart, « Vassal and Fief in Three Lacustrine Kingdoms », Cahiers d’études africaines, vol. 7, n° 28, 1967, p. 606-623 (p. 606-607, 620 et 612).

144 « The army chief shares number of common attributes with the vassal or baron of medieval England First he is personally ressible to his overlord the mwami for the performance of military services To perform these services he received degree of jurisdiction over non-military personnel in the persons of peasant cultivators and in Rwanda pastoralists However the differences are more striking and significant ». « While the institution of vassalage was largely restricted to the upper classes of Europe, in Rwanda virtually every man except the mwami had patron and only the lowest Hutu peasant or Twa potter were without clients ». « The examination of the social and political systems of Buganda, Bunyoro and Rwanda for feudo-vassalage institutions uncovered two examples of fundamentally analogous structures. The Ganda system of batongole chiefs and the Rwanda ubuhake agreement seem to be the only institutions in these kingdoms which are based on personal contractual relations between two individuals corresponding to lord and vassal. Moreover, the administrative systems of a hierarchy of chiefs which have given rise to the application of feudal terms to these kingdoms have been found to be based on different organizational principles and social relations. These political structures cannot be pressed into a feudal model without severe distortion of either the model or the political systems of those States […] In any case by implying contractual basis in the political arrangements of the kingdoms surveyed feudal notions fail to impart clarity to either the general or the particular modes of political organization in these States » Edward I. Steinhart, « Vassal and Fief in Three Lacustrine Kingdoms », Cahiers d’études africaines, vol. 7, n° 28, 1967, p. 606-623 (p. 617, p. 619 et 620).

145 Marian Malowist, « The Social and Economic Stability of the Western Sudan in the Middle Ages », Past & Present, n° 33, April 1966, p. 3-15 ; Anthony G. Hopkins, « The Western Sudan in the Middle Ages. Underdevelopment in the Empires of the Western Sudan », Past & Present, n° 37, juillet 1967, p. 149-156.

146 Yves Lacoste, « General Characteristics and Fundalental Structures of Mediaeval North African Society », Economy and Society, 3, 1974, p. 1-17.

147 Robin Law, « Horses, Firearms, and Political Power in Pre-Colonial West Africa », Past and Present, 72, 1976, p. 112-132 ; id., « In Search of a Marxist Perspective on Pre-Colonial Tropical Africa », Journal of African History, 19, 1978, p. 441-452.

148 Henry Bernstein « Marxism and African History - Endre Sik and his Critics », Kenya Historical Review, 5, 1977, p. 1-21.

149 Stephen P. Dunn, The Fall and Rise of the Asiatic Mode of Production, London-Boston-Melbourne, Routledege, 1982.

150 « Dans les formations sociales précapitalistes, les rapports de propriété déterminaient les rapports de domination et de subordination ». Eugène Varga, « Sur le mode de production asiatique », Les premières sociétés de classes et mode de production asiatique, Recherches Internationales à la lumière du marxisme, n° 57-58, 1967, p. 107.

151 Le mode de production asiatique est défini par l’existence de communautés primitives dans lesquelles la propriété foncière est communale et qui sont encore en partie organisées sur la base de relations de parenté, combinée à l’existence du pouvoir d’État, qui exprime l’unité réelle ou imaginaire de ces communautés, contrôle l’utilisation des ressources économiques essentielles, et s’approprie directement une partie du travail et de la production. Voir : Centre d’études et de Recherches Marxistes, Sur le mode de production ‘asiatique’, Paris, Éditions sociales, 1968, 2e édition complétée, 1973.

152 Horst Stoeber, « Der europäische Sklavenhandel und die feudale Produktionsweise an der westafrikanischen Sklavenkäste », Ethnographisch- Archäologische Zeitschrift, 10, 1969, p. 487-500.

153 Thea Büttner, « Die Präkoloniale Afrika und die Diskussionen zur asiatischen Produktionsweise », Jahrbuch für Wirtschaftsgeschichte, 8/4, 1967, p. 287-312 ; id., « Probleme der sozialökonomischen Struktur der Staaten Tropisch-Afrikas bis zur imperialistischen Kolonialaufteilung », Ethnographisch-Archäologische Zeitschrift, 12, 1971, p. 119-130.

154 Thea Büttner, « Feudaler Land– bzw. Vieh- und Weidebesitz sowie feudale Unterdrückungs- und Ausbeutungsverhältnisse bildeten den einzigen Ausgangspunkt für Entstehen feudaler Beziehungen, einschließlich rechtlicher Beziehungen. Diese wesentlichen Grundcharakteristika der feudalen Klassengesellschaft treffen auch auf die gesellschaftliche Organisation vieler großer Staaten südliche der Sahara zu ». « Probleme des Feudalismus in Afrika in der vorkolonialen Periode », Zeitschrift für Geschichtewissenschaft, 12/3, 1963, p. 460-472 (p. 464).

155 Thea Buttner, « On the Socio-Economic Structure of Adamawa in the Nineteenth Century: Slavery or Serfdom », Études africaines, Editor Walter Markov. Leipzig, 1967, p. 43-61.

156 Thea Büttner, « The Feudal and Semifeudal Aristocracy in Africa in Historical Development up to the Present time : a case Study from Zanzibar » in Thea Büttner (ed.), African Studies / Afrika Studien, Berlin, Akademie-Verlag, 1978, p. 207-219

157 Thea Büttner, « Zu Fragen des Standortes der historischen und ethnologischen Literatur zur Geschichte Afrikas in der vorkolonialen Zeit », Wissenschaftliche Zs. Der Karl-Marz-Universität Leipzig, Gesellschaft- und sprachwissenschaftliche Reihe, 14, 1965, p. 369.

158 Jean Suret-Canale, « Les sociétés traditionnelles en Afrique tropicale et le concept de mode de production asiatique », La Pensée, 117, septembre-octobre 1964, p. 21-43.

159 Voir les articles publiés dans la revue de l’Institut des Études orientales et des Études africaines de l’Académie des Sciences de l’URSS Narody Azii i Afriki.

160 « La communauté rurale, ou se maintiennent de nombreux traits hérités de la communauté primitive (notamment dans l’absence de la propriété foncière privée). Sur ce fondement, se sont superposes des rapports esclavagistes (à l’intérieur de la famille patriarcale) et des rapports de clientèle, d’aristocratie dominante a tributaire, ou même de servage qui se situent généralement su un plan collectif et qui présentent une analogie superficielle avec les rapports féodaux […]. Il ne s’agit ni de mode de production esclavagiste (où la production repose essentiellement sur le travail des esclaves), ni du mode de production féodal qui repose sur la petite production individuelle, privée, de producteurs attaches à la terre ou à un seigneur par des liens personnels. ». Jean Suret-Canale, Afrique noire occidentale et centrale. Géographie, civilisation, histoire, vol. I, Paris, Éditions sociales, 1958, p. 113-114.

161 Jean Chesneaux, « Le MPA. Quelques perspectives de recherches », La Pensée, n° 114, avril 1964, p. 33-35 et 66-73.

162 « Adjoindre une seconde hypothèse à celle de Marx […] qu’il peut exister une autre voie et une autre forme de mode de production, par lesquelles une minorité domine et exploite les communautés sans intervenir directement dans leurs conditions de production, mais intervient indirectement en prélevant à son profit un surplus en travail et en produits ». Maurice Godelier, La Notion de MPA et les schémas marxistes d’évolution des sociétés, Paris, Centre d’Études et de Recherches marxistes, 1963, p. 37 ; id., « The Concept of the ‘Asiatic Mode of Production’ and Marxist Models of Social Evolution » in David Seddon (ed.), Relations of Production : Marxist Approaches to economic anthropology, London, F. Cass, 1978, p. 209-257.

163 Blaise Dufal, « Spectres marxistes du féodalisme », L'Atelier du CRH, n° 27, 2023 [en ligne]

164 René Gallissot, Lucette Valensi, « Le Maghreb pré-colonial : mode de production archaique ou mode de production féodal ? », La Pensée, 142, novembre-decembre 1968, p. 57-93 ; René Gallissot, « L’Algérie précoloniale : Classes sociales en système précapitaliste, mise en question du mode de production féodal », Cahiers du Centre d’Études et de recherches marxistes, 60, 1968, article traduit en anglais : id., « Pre-Colonial Algeria : Social Classes in a Pre-Capitalist System, the Problem of the Feudal Mode of Production », Economy and Society, 4, novembre 1975, p. 418-445.

165 « Quand l’on embrasse l’ensemble de la formation économique et sociale, la complexité de la société et la capacité productive de l’économie paraissent telles que l’on est conduit à des rapprochements avec les pays caractérisés par la féodalité. Par malheur, voici que la conception du féodalisme établie sur des données empruntées à l’économie européenne et plus précisément à celle de terroirs agricoles sous climat tempéré humide se trouve mise à mal pour être appliquée à la société algérienne dont la base agraire est largement pastorale et sans fixité parfaite de terroir. Qui qu’il en soit, la bonne méthode n’est-elle pas de renoncer à toute qualification par préjugé, pour se livrer d’abord à l’analyse sociale ? ». René Gallissot, « L’Algérie précoloniale », Centre d’Études et de Recherches Marxistes, Sur le féodalisme, Paris, Éditions Sociales, 1974, p. 147-179 (p. 148).

166 René Gallissot, « L’Algérie précoloniale », Centre d’Études et de Recherches Marxistes, Sur le féodalisme, Paris, Éditions Sociales, 1974, p. 147-179 (p. 150).

167 « Réduire la féodalité à une cérémonie d’hommage, de modèle déposé, apparait bien comme un extrême formalisme » : René Gallissot, « L’Algérie précoloniale », Centre d’Études et de Recherches Marxistes, Sur le féodalisme, Paris, Éditions Sociales, 1974, p. 147-179 (p. 165).

168 « Cette société, dans une combinaison des droits de propriété sur la terrer et de droits de prélèvements, est ainsi structurée suivant une hiérarchie de puissance et de dignité qui précise les dépendances ; dépendance de la paysannerie d’abord qui est assujettie, très souvent à la mobilisation armée, toujours à des redevances et parfois à un travail forcé plus ou moins déguisé ; dépendance ensuite entre éléments des classes supérieures, qui s’établissent à travers les enchevêtrements de liens personnels, les bénéfices en terres et en droits fiscaux, le partage des pouvoirs de commandement. Il serait bien difficile de ne pas parler de société féodale ». René Gallissot, « L’Algérie précoloniale », Centre d’Études et de Recherches Marxistes, Sur le féodalisme, Paris, Éditions Sociales, 1974, p. 147-179 (p. 168-169).

169 « La définition préliminaire d’une société féodale renvoyait à des rapports sociaux établis sur l’appropriation de la rente foncière, ou mieux de la rente foncière sous sa forme primitive de prélèvement, tirée d’une paysannerie qui conservait des droits d’usage et d’occupation de la terre, par des couches aristocratiques dont les membres étaient unis entre eux par des liens personnels et qui constituent les classes supérieures de l’appareil politique. En ce sens, la société algérienne précoloniale est bien féodale, marquée seulement d’une originalité : la dominance fiscale dans l’oppression » : Ibid., p. 175.

170 « Cette subordination d’une bourgeoisie sans ampleur n’étonne peut-être pas par comparaison avec la faiblesse du monde marchand dans le premier âge feudal européen, mais tout le problème historique tient à ce que nous nous situons à la fin du xviiie siècle, au début du xixe, au déclin de cette bourgeoisie, comme en pleine crise de cette société qu’il faut bien appeler féodale mais dont le mouvement historique serait inverse de celui de la féodalité européenne » : Ibid., p. 167.

171 « Si l’on se garde d’une idéalisation (ce qui n’a pas toujours été dans les études qui ont redécouvert le mode de production asiatique), dans l’Algérie précoloniale, trois lignes de faits vont à l’encontre de l’asiatisme et suivent à l’opposé des voies parallèles à l’évolution féodale européenne » : Ibid., p. 169-170.

172 « Le véritable modèle féodal se situerait en définitive dans la ou plutôt les féodalités ‘banales’ européennes, et ce serait dans les féodalités de commandement qui se sont imposés en d’immenses empires, et surtout ont conjoint villes et campagnes dans une organisation sociale de grande stabilité que la féodalité se serait pleinement épanouie. » : Ibid., p. 171.

173 « Le mode de production féodal, et c’est ce qui le rend distinct, se situe au point d’avancement ultime du précapitalisme ; il n’y a que pré-féodalisme dans la chefferie patriarcale ou royale africaine, préféodalisme dans l’organisation tribale pastorale, préféodalisme encore dans la chefferie germanique, mais aussi l’annonce de la hiérarchie féodale, de l’établissement d’un pouvoir de commandement par la domination de groups ruraux. En dernier ressort, c’est un niveau de capacité productive qui caractérise le mode de production féodal » : Ibid., p. 175.

174 Pour une critique de cette interpretation voir : Belgacem Bouguerra, The Question of the Asiatic mode of production and pre-colonial Algeria, PhD The American University Washington D.C., 1986, p. 119-147.

175 Andre Nouschi, « Réflexions critiques sur le dossier : l’Algérie précoloniale », Centre d’Études et de Recherches Marxistes, Sur le féodalisme, Paris, Éditions Sociales, 1974, p. 181-187.

176 Jean Poncet, La Colonisation et l’agriculture européennes en Tunisie depuis 1881, Paris-La Haye, Mouton & Cie, 1962, p. 49-83.

177 « La Tunisie n’en offre pas moins, même si c’est à l’état de survivance, un bon exemple de ce qu’a pu être la féodalité en pays musulman : une féodalité caractérisée par la superposition, aux droits d’usage et d’occupation du sol laboure ou parcouru par les troupeaux notamment, d’une propriété éminente se traduisant par la perception de redevances, caractérisée par des prélèvements divers (tributs) imposes également aux populations sédentaires et villageoises dans les régions soumises à des tribus guerrières […]. Cette féodalité est toujours, semble-t-il, demeurée tempérée par les pratiques du droit musulman surtout, qui interdisait notamment l’esclavage ou le servage entre frères de religion ; elle a aussi été limitée par le jeu de ces liens communautaires et de ces vigoureuses traditions citadines ou villageoises héritées d’une longue histoire, répondant á d’incontestables besoins sociaux et qui, en amont comme en aval de l’évolution des rapports sociaux dans ces pays nord-africains, ne paraissent jamais avoir cédé complètement la place à un développement de type purement féodal ». Jean Poncet, « Statut foncier et rapports sociaux dans la Tunisie d’avant 1881 », Centre d’Études et de Recherches Marxistes, Sur le féodalisme, Paris, Éditions Sociales, 1974, p. 188-210.

178 Lucette Valensi, « Archaïsme de la société maghrébine », Centre d’Études et de Recherches Marxistes, Sur le féodalisme, Paris, Éditions Sociales, 1974, p. 223-232.

179 Emmanuel Terray, Le Marxisme devant les sociétés ‘primitives’. Deux études, Paris, Éditions Maspero, 1969.

180 Solal Abélès, « La Société d’Étude du Féodalisme : documents, témoignages, perspectives », L'Atelier du CRH, n° 27, 2023.

181 « Je n’ai pas l’intention de répondre de façon univoque a cette question pour deux raisons. D’abord parce que l’Afrique noire est un continent immense et varié, et qu’il serait difficile de donner une réponse unique, par oui ou par non, à une question portant sur l’Afrique noire dans son ensemble. Ensuite par ce que je ne dispose pas personnellement d’un concept de mode de production féodal suffisamment clair, tout au moins dans mon esprit, pour pouvoir répondre de façon simple à la question ». Emmanuel Terray, « L’Afrique noire et le concept de mode de production féodal. L’exemple du royaume Abron », Comptes rendus de la Société d’Étude du Féodalisme, Vol. V., p. 64-69, Paris, 29 novembre 1980, LAtelier du CRH, n° 27, 2023.

182 « La deuxième différence qui me parait importante, c’est que le féodalisme européen est décrit comme le produit de la dégradation de l’État – je ne sais pas ce qu’il faut penser de cette définition –, au contraire, ici, l’État joue un rôle absolument fondamental dans les deux modes d’exploitation que j’ai distingués […]. Donc aussi bien pour le paysans que pour les esclaves, c’est l’État qui est le véritable instrument d’exploitation, et les chefs ne sont en quelque sorte que les fonctionnaires de cet État, et non pas des ‘seigneurs’ autonomes ». Ibid.

183 Ibid.

184 « Nous voudrions souligner pour finir que notre analyse de la transition des systèmes segmentaires aux systèmes étatiques rejoint dans une large mesure les thèses de Marx sur le passage du féodalisme au capitalisme, telle qu’elles ont été dégagées par tienne Balibar ». Emmanuel Terray, Une histoire du royaume abron du Gyaman, des origines à la conquête coloniale, thèse soutenue à l’université de Paris V en 1984 sous la direction de Georges Balandier, vol. I, « Conclusion », livre 2, p. 207.

185 Claude Meillassoux, « Essai d’interprétation du phénomène économique dans les sociétés traditionnelles d’auto-subsistance », Cahiers d’Études Africaines, 1960, n° 4, p 38-67 ; id., Anthropologie economique des Gouro de Cote d’Ivoire, Paris, Mouton, 1964.

186 Pierre-Philippe Rey, Colonialisme, néo-colonialisme et transition au capitalisme. Exemple de la Comilog au Congo-Brazzaville, Paris, Maspero 1971.

187 « La spécificité du mode de production africain reposerait donc dans la combinaison d’une économie communautaire patriarcale et de l’emprise exclusive d’un groupe sur les échanges à longue distance. De la nature de ce groupe dépendrait la forme du pouvoir à un moment donné ; si les responsables en coïncident avec les chefs lignagers de l’autosubsistance au niveau villageois, leur prééminence est alors incontestée […]. En revanche, si au sein d’un appareil politique plus différencié une classe privilégiée, à la faveur d’un recrutement héréditaire de caste ou à la suite d’une ébauche d’accumulation de capital, réussit à mettre la main sur le trafic à longue distance, le régime exprime une synthèse plus ou moins cohérente entre le système tribo-patriarcale et des ambitions territoriales d’un type nouveau ». Catherine Coquery-Vidrovitch, « Recherches sur un mode de production africain », La Pensée, 144, avril 1969, p. 61-78 (p. 77 et 73). Ce texte a été traduit à plusieurs reprises en anglais, notamment : id., « Research on an African Mode of Production » in David Seddon (ed.), Relations of Production : Marxist Approaches to economic anthropology, London, F. Cass, 1978, p. 261-285 ; id., « An African Mode of Production », Critique of Anthropology, vol. II/4-5, 1975, p. 38-71 ; id., « Research on an African Mode of Production », Peter C. W. Gutkind, Peter Waterman (éd.), African Social Studies. A Radical Reader, New York, Monthly Review Press, 1977, p. 77-92.

188 Catherine Coquery-Vidrovitch, Henri Moniot, L’Afrique noire de 1800 à nos jours, Paris, PUF, 2005 [1974], chapitre X.

189 « This work, though very much informed by the principles of historical materialism, is empirical and greatly enhances the possibilities for dialogue between Marxists and non-Marxists on modes of production in Africa. One suspects it will not be long before the feudal mode appears on the agenda for the dialogue ». John W. Bruce « ‘Feudal’ Land tenure and agrarian Reform in Africa », Land Tenure Center (LTC) Papers, 1985, p. 9-16 (p. 11).

190 Emmanuel Terray, « Long Distance Exchange and the Formation of the State : the case of the Abron kingdom of Gyaman », Economy and Society, III, 1974, p. 315-345.

191 « J’ai, pour ma part, succombé naguère à la tentation en suggérant un ‘mode de production africain’ où la majeure partie du surplus proviendrait non de l’exploitation directe mais du contrôle exclusif du commerce à grande distance par la classe dirigeante ce qui en ferait un cas particulier du ‘mode de production asiatique’, non nécessairement d’ailleurs limité à l’Afrique noire (1). Un cas extrême me semble être la définition d’un ‘mode de production lignager’ spécifique (2) dont on voit mal comment il peut s’insérer dans l’histoire évolutive des sociétés, sinon sous la forme d’une communauté bloquée dès l’origine et survivante à l’état résiduel. Non que les liens de parenté doivent être négligés : à tout le moins l’anthropologie économique a-t-elle eu le mérite de révéler à quel point ils sont à la base de la production villageoise d’autosubsistance (3). Mais, à ce titre, les liens familiaux ont précisément été, dans l’histoire, le lot commun des sociétés paysannes (aussi bien pour le Moyen Age occidental, qu’en Afrique ou qu’en Chine...) ; ils n’ont été battus en brèche que par le développement décisif des forces productives du mode de production capitaliste dont le résultat a été de dissoudre le rôle productif naguère fondamental du noyau de parenté ». Catherine Coquery-Vidrovitch, « Analyse historique et concept de production dans les sociétés précapitalistes », L’Homme et la Société, n°  58, 1980, p. 105-113 (p. 108).

192 « Le débat sur le ‘mode de production asiatique’ (rayé de la liste des ‘modes de production’ à l’époque stalinienne bien qu’avancé par Marx !) devait concerner (de mon fait, à l’origine), l’Afrique : je pense que la plupart des formations de classe précoloniales en Afrique peuvent être rangées dans cette catégorie du ‘mode de production asiatique’, qu’il vaudrait mieux appeler ‘tributaire’ (terminologie proposée par des marxistes japonais dans les années 1930, et reprise en 1966 par le philosophe roumain Ion Banu) Naturellement, ces formations ont leur spécificité, et même des spécificités différentes : et il faudrait alors parler de ‘modes de production africains’ au pluriel. On peut à ce moment-là multiplier les ‘modes de production’ à l’infini… Je ne pense pas que ce soit utile. Et cela risque de nous conduire à nouveau à la confusion entre ‘mode de production’ au plein sens du terme, et ‘mode de production’ au sens banal de ‘manière de produire’, et qui peut désigner des formes sociales très localisées ou dépendantes qui ne sont pas du même ordre. » : Jean Suret-Canale, « Compte-rendu de : Jewsiewicki, Bogumil, Marx, Afrique et Occident : les pratiques africanistes de l’histoire marxiste », Cahiers d’études africaines, vol. 26, n° 101-102, 1986, p. 274-278 (p. 276).

193 Comme en témoigne la conférence organisée à l’université de Laval au Canada par l’historien Bogumil Jewsiewicki-Koss (né en 1942) : Bogumil Jewsiewicki (dir.), ‘Modes de production’ : les défis africains, Revue Canadienne des Études Africaines, vol. 19, n° 1, 1985, p. 13-16. Voir aussi : Donald Crummey, C. C. Stewart (eds.), Modes of Production in Africa: The Precolonial Era, Beverly Hills, Sage, 1981.

194 Umberto Melotti, Marx and the Third World, London, Macmillan, 1977, p. 8-12.

195 Samir Amin, Le Développement inégal : essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique, Paris, Éditions de Minuit, 1973, chapitre I.

196 Samir Amin, « Underdevelopment and Dependence in Black Africa: Historical Origin », Journal of Peace Resarch, 9/2, 1972, p. 105-119 (p. 107-108).

197 « This mode of production is the most common one found in the formation of the pre-capitalist classes; we here distinguish between (1) the early forms and (2) the forms which have evolved like the feudal mode of production (by which the village community loses the right of ownership of the land to the feudal masters, the community retaining a family one) ». Samir Amin, « Underdevelopment and Dependence in Black Africa: Historical Origin », art. cit., p. 119.

198 « Feudalism as a mode of production can exist across time and space. In other words, it can exist in different places or countries at different times. The feudal social formations, on the other hand, cannot be expected to be the same or uniforn throughout the world because each one of the mis a product of specific historical and prevailing material conditions. For this reason, they are bound to differ from country to country. Even in medieval western Europe they differed from one country to another. Hence to deny the existence of feudalism in the Interlacustrine States or in any other states on account of the differences in social and political institutions between them and those of medieval European states, as these scholars have done, is definitely wrong ». Buluda A. Itandala, « Feudalism in East Africa », Utafiti. Journal of the Faculty of Arts and Social Sciences, University of Dar es Salaam, VIII, n° 2, 1986, p. 29-42 (p. 33).

199 « The Interlacustrine Kingdoms of East Africa, for example, do not fit into the Asiatic Mode of Production because they were not based on major production works. Nor do they fit into the proposed African Mode of Production because they were not based on long-distance trade as the ideal type state forms of this mode were - the Sudan Empires of West Africa. What seems to have happened is that the social formations which emerged in this region following the collapse of communal relations of production acquired feudal relations of production. This means that the state which emerged in the region between the 15th and 19th centuries did not go through a slave mode of production before acquiring feudal characteristics as was the case in medieval western Europe ». B. A. Itandala, « Feudalism in East Africa », art. cit., p. 36.

200 « It would therefore appear that contrary to the denial by Beattie, Karugire, Chilver and Steinhart that feudalism did not exist in the precolonial states of the Interlacustrine Region of East Africa on the basis of lack of similarities between their social and political institutions and those of medieval western Europe, the relations of production and the nature of exploitation which prevailed indicate clearly that they were feudal. In other words, when one examines the way the means of production were controlled, how the goods were produced and the purpose for their production, how the producers were related to the means of production, and how the surplus was appropriated in the different examples discussed, one is bound to conclude that these societies were feudal in the Marxist sense of the term. It is my considered opinion that the concept of feudalism is more appropriate for the analysis of these states than either the concept of the Asiatic or the African Mode of Production ». B. A. Itandala, « Feudalism in East Africa », art. cit., p. 40.

201 « In many African and other ‘third world’ countries the so-called capitalist development has in fact meant the conservation of the old forms – in some cases feudal and semi-feudal – to serve the new ends ». Issa Shivji, « Peasants and Class Alliances », Review of African of Political Economy, n°°3, mai-octobre 1975, p. 11

202 Bill Freund, « The Modes of Production Debate in African Studies ». Canadian Journal of African Studies / Revue Canadienne Des Études Africaines 19/1, 1985, p. 23-29.

203 A. Agh, « Development Paths in Africa », Southern African Universities Conferences, Dar es Salaam, 1979, vol. I, p. 50-55.

204 Mamood Mamdani, Politics and Class Formation in Uganda, New York, Monthly Review Press, 1976, p. 23-25.

205 Mahjhemout Diop, Histoire des classes sociales en Afrique de l’Ouest, Paris, Maspero, 1972 ; Amady Aly Dieng, Classes sociales et mode de production esclavagiste en Afrique de l’Ouest, Paris, Odéon-diffusion, 1974.

206 Kwame Nkrumah, Class struggle in Africa, New York, International Publishers, 1970, p. 7.

207 Kwesi Kwaa Prah, Notes and Comments on Aspects of Tswana Feudalism in the precolonial period, Gaborone, National Institute for Research in Development and African Studies Unit, 1977.

208 « Among the Ngwato and the Tswana royal cattle formed the basis of an even more powerful institution, controlled by the ruler, of what may be labelled cattle feudalism ». Ørnulf Gulbrandsen, « The Rise of the North-Western Tswana Kingdoms : On the Dynamics of Interaction between Internal Relations and External Forces », Africa : Journal of the International African Institute, vol. 63, n° 4, 1993, p. 550-582 (p. 575).

209 « In our East African societies there was no such rigid feudal system, with the exception of a few strong political societies, e.g. the Baganda, the Haya, etc. In kinship societies e.g. the Luyia, Kikuyu, Kamba, Meru, etc., there was never a distinct feudal system. The reason for the lack of this system was because the primitive communal system as still fairly strong though it was on the decline. There was also plenty of land ». James Wafula, G.G. S. Munory, Our Road to Socialism, Nairobi, Majestic Printing works Ltd., p. 7, cité par Peter Kuria Gituru, Class formation in Africa: a case study of Kenya, Degree of Master of Arts, University of Adelaïde, 1978, p. 27.

210 Pour une description l’atmosphère de l’époque plutôt hostile au marxisme voir : Daniel Rivet, « Post-scriptum aux souvenirs des années 1960-1980 de Catherine Coquery-Vidrovitch », Afrique & histoire, 2009/1 (vol. 7), p. 321-330.

211 « Palaeo-Marxists accept a fixed progression, inherited from their nineteenth-century predecessors, from tribalism through feudalism to capitalism ». Jack Goody, Technology, Tradition and the State in Africa, London, Oxford University Press, 1971, p. 22.

212 Jean Copans, Françoise Blum, « Amady Aly Dieng, 1932-2015 : radical African nationalist, genuine Marxist, witty and free thinker », Review of African Political Economy, 43/147, 2016, p. 107-115 ; Françoise Blum, « Dieng Amady Aly », Le Maitron. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et du mouvement social [en ligne].

213 Amady Aly Dieng, Social Classes and Feudal Mode of Production in West Africa. Dakar, 1975 ; id., Le Marxisme et l’Afrique noire : bilan d’un débat sur l’universalité du marxisme, Paris, Nubia, 1985 ; id., Hegel, Max, Engels et les problèmes de l’Afrique noire, Paris, Nubia, Dakar, Sankoré, 1978.

214 « The political systems of the West African indigenous kingdoms have from time to time been equated with the feudal regimes of Europe, and the African ruler with the medieval feudal lord […]. Controversy over terms is usually sterile. Enough analogies can be found between African social and political forms and those found elsewhere to make a case not only for applying ‘feudalism’, but also ‘democracy’, ‘communism’ and many others to them. Too often, however, the aim in drawing the comparison has been to support a position rather than to illumine the facts. Hence the stress on feudalism in Marxist analyses of Africa. Lacking the classical bourgeois-proletarian components of the class struggle, indispensable to the Marxian dialectic, the African social structure, was equated with European pre-industrial feudalism. The facts are that social stratification has long characterized many African societies, and in them the chief as ruler exacted tribute. But analysis of the relations between chief and commoner shows resemblances to European feudalism to be no more than analogies », Melville J. Herskovits, The Human Factor in Changing Africa, London, Routledge & Kegan Paul, 1962, p. 362-364

215 « La fondation du califat de Sokoto par ‘Uthmān dan Fodio au début du xixe siècle accéléra le processus que renforcèrent encore l’islamisation des Négro-Berbères du Sahara et la conquête du pays par les kabīla arabes hassanes, en transformant progressivement le système semi-féodal des Haratin (qui associait une aristocratie guerrière et des peuplades sédentaires conquises) en un système ressemblant plus ou moins à l’esclavage » (p. 45) « le troisième changement tient aux structures féodales qui, intactes ou modifiées, se répandirent parmi les civilisations agraires d’Afrique. En tant que structure politique, mode de production ou système socio-économique, le féodalisme supposait non seulement des liens d’allégeance, de vassalité et de suzeraineté, mais offrait aussi la possibilité de spéculer de de tirer profit des moyens de production […] Du xvie au xviiie siècle, il existant donc des zones marginales où un féodalisme dénaturé voisinait avec le lamana. Néanmoins, dans la plupart des régions où la production était destinée aux échanges, le régime de type féodal dominait et le système de production pour la consommation (lamana) avait été soit éliminé, soit transformé » (p. 45-47) « En Égypte, le système turc des beylok (beylcats) encouragea le développement du régime féodal et le régime ottoman se substitua à une noblesse de propriétaires fonciers qui avait elle-même instaure tout un système de rapports entre les feudataires et les suzerains. Comme en Europe au Moyen Âge » (p. 47) « Dans le reste de l’Afrique du Nord et dans le nord de l’Éthiopie, le régime féodal se développa différemment du fait des conditions écologiques qui rendaient la concentration de la propriété difficile dans certaines régions. Les grandes propriétés beylicales du Maghreb, qui s’étendaient sur de vastes superficies entrainèrent la généralisation de la distribution d’azel (fiefs exploités suivant le système du khammasat (fermage avec partage sur la base du cinquième. Au niveau régional, le régime était encore celui des milk (petites exploitations familiales) et des ‘arsh (exploitations communautaires ou de groupe) mais toujours dans le cadre de la superstructure féodale de spéculation » (p. 48) « En Égypte et dans le reste de l’Afrique du Nord, plusieurs siècles de domination gréco-romaine avaient déjà ouvert la voie à la féodalité, c’est-à-dire au système d’iktā des Mamluks. Sous l’occupation grecque et romaine, ces régions étaient devenues les greniers de ces empires qui y avaient développé le domaine public (ager publicus) et le colonat à l’aide de la main d’œuvre esclave et de la paysannerie totalement opprimée et exploitée. Au sud du Sahara, le passage au régime féodal se fit sous la pousse d’une influence extérieure » (p. 48) « Ce régime semi-féodal fut étendu par les chrétiens de l’Éthiopie du Nord aux zones du Sud ou furent créées des ketema (villes de garnison) habitées par une neftenia (noblesse foncière) colonisant les gasha (terres occupées). Les gabar (paysans qui cultivaient les terres au profit de la noblesse foncière étaient comme les fallāhīn, plus ou moins des serfs ou, tout au moins, des tributaires ou des clients obliges de payer le gabir ou siso, suivant qu’ils étaient métayers ou fermiers » » (p. 48-49) « Dans la région des Grands Lacs, surtout dans la zone sud qui comprend une grande partie de l’actuelle Tanzanie occidentale, le Burundi, le Rwanda et l’Uviva au nord-est du Zaïre, le système de la ‘clientèle’ constituait un régime semi-féodal qui réglait les relations entre pasteurs et agriculteurs » (p. 49) « Les principaux facteurs qui contribuèrent a l’adaptions du système socio-économique féodal ottoman furent la propagation du régime de l’émirat musulman avec l’arrivée des askiya dans le Soudan occidental, l’expansion de l’empire des mai islamise du Borno et l’introduction du droit coranique à la suite de conversions et de djihād. » (p. 49) « Dans les émirats, c’est le droit islamique des djihād qui fut adopte, ce qui renforce l’implantation des structures socio-économiques féodales ou semi-féodales européennes et moyen- […] Le jom leydi (maitre de la terre), les jom lewre, jom jambere et jom jayngol (qui avaient la jouissance des terre au Fouta) furent progressivement intégrés non dans des systèmes d’allégeances féodaux amis dans une structure socio-économique de type féodal. Le nouveau système juridique établi par les émirats fut à l’origine d’une spéculation de type féodal sur les terres » (p. 49-50). Pathé Diagne, « Les structures politiques, économiques et sociales africaines durant la période considérée » in Bethwell A. Ogot (dir.), L’Afrique du xvie au xviiie siècle, Histoire générale de l’Afrique, vol. V, Paris, Éditions UNESCO, 1999, p. 43-66 (p. 48-49).

216 Richard Reid, « Past and Presentism : the ‘Precolonial’ and the Foreshortening of African History », The Journal of African History, 52, n° 2, juillet 2011, p. 135-155.

217 Anthony Gerald Hopkins (né en 1938) évoque la controverse sur la fin du féodalisme européen (et ses souvenirs de Twaney et Christopher Hill) comme moment important de sa formation, et lie son intérêt pour les économies sous développées à la proposition de F.J. Fisher, de considérer l’Angleterre des Tudors et des Stuart comme une économie « underdeveloped » et ce qui l’a mené à l’étude des sociétés africaines : « Directly or indirectly, trade seems to have been an important source of state income, particularly since ‘feudal’ rents derived from land far less common in Africa that they were in medieval Europe ». Anthony Gerald Hopkins, « Introduction to the second edition », History of West Africa, New York, Routledge, [1973] 2020. Voir aussi F. J. Fisher, « The seventeenth and Eighteenth Centuries: The Dark Ages in English Economic History? », Economica, 24, 1957, p. 2-18.

218 Giuseppe Papagno, Colonialismo e feudalesimo. La questione dei Prazos da Coroa nel Mozambico alla fine del secolo xix, Torino, Einaudi, 1972

219 Georges Balandier, « La notion de ‘situation coloniale’ », Sociologie actuelle de l’Afrique noire, Paris, PUF, 1955, p. 16. Balandier proposa en 1952 une première définition de sa « sociologie de la dépendance » au cœur de laquelle il plaçait l’analyse de la « situation coloniale » dans « Contribution à une sociologie de la dépendance », Cahiers internationaux de sociologie, vol. 12, 1952, p. 47-69. En 1954, il publie « Sociologie de la colonisation et relations entre les sociétés globales », Cahiers internationaux de sociologie, vol. 17, 1954, p. 17-31. Georges Balandier, « La situation coloniale. Approche théorique », Cahiers internationaux de sociologie, vol. 11, 1951, p. 44-79, p. 76.

220 « Allusion à la contradiction entre l’origine bourgeoise d’hommes issus des élites européennes de la fin du xixe siècle et les valeurs ‘héroïques’ ou ‘féodales’ qu’ils défendent en colonies tirées d’un référentiel de l’Ancien Régime. Ces hommes estiment appartenir à une véritable caste, soucieuse de maintenir ses distances et d’éviter toute familiarité avec ceux qui n’en sont pas. Représentants de la France et de la race française, ils défendent la distinction, le prestige et les privilèges attachés à leur statut et leur rang ». Isabelle Merle, « ‘La situation coloniale’ chez Georges Balandier. Relecture historienne », Monde(s), 2013/2, n° 4, p. 211-232.

221 Marc Le Pape, « Debout les boys ! », Afrique plurielle, Afrique actuelle. Hommage à Georges Balandier, Paris, Karthala, 1986, p. 265-270.

222 « À cet égard, il est intéressant de noter que si ce fut en bonne partie grâce à cette confrontation avec l’africanisme britannique que des anthropologues français ou francophones se mirent à leur tour à l’étude des systèmes politiques africains (spécialement Luc de Heusch, Jacques Lombard et Jacques Macquet), leurs travaux, qui portaient sur des royaumes ou des ‘structures féodales’, parurent dans le sillage de l’érection de Nouvelles structures politiques, en l’occurrence les États-nations africains. Autrement dit, il est assez remarquable qu’un anthropologie politique africaniste française naquit au tournant des indépendances africaines, mais que son objet, tout en se diversifiant assez largement par la suite, ne put ou ne sut qu’à nouveau très tardivement se porter sur ces modernes entités étatiques africaines ». Jean-Pierre Dozon, « Les États africains contemporains dans l’Épistémè africaniste française », Journal des anthropologues, n° 92-93, 2003, p. 13-29 (p. 18-19).

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Pour citer cet article

Référence électronique

Blaise Dufal, « Féodalités et féodalismes face au comparatisme : les cas africains  », L’Atelier du Centre de recherches historiques [En ligne], 27 | 2023, mis en ligne le 17 juin 2023, consulté le 12 décembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/acrh/28204 ; DOI : https://doi.org/10.4000/acrh.28204

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Auteur

Blaise Dufal

Blaise Dufal enseigne à The University of Sydney et à The University of New South Wales (Australie). Historien, il est spécialiste de l’histoire de la scolastique médiévale ainsi que de l’historiographie et de l’épistémologies des sciences humaines et sociales. Il a codirigé notamment L’Historien et les fantômes. Lectures (autour) de l’œuvre d’Alain Boureau, avec Béatrice Delaurenti, Piroska Nagy, Les Belles Lettres, Paris, 2017 ; Une histoire au présent. Les historiens et Michel Foucault, avec Damien Boquet et Pauline Labey, C.N.R.S. éditions, Paris, 2013 ; Faire l’anthropologie historique du Moyen Âge avec Élisa Brilli et Pierre-Olivier Dittmar, L'Atelier du Centre de Recherches Historiques, n°7, 2010.
blaise[point]dufal[arobase]sydney[point]edu[point]au

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