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L’éducation : quelques approches

L’école, ascenseur social ? Méritocratie scolaire et hiérarchies sociales

Étienne Broglin

Texte intégral

  • 1 Les Oratoriens avaient pensé faire de Juilly un séminaire et lieu de retraite spirituelle pour eccl (...)
  • 2 Les « Petits Messieurs » pensionnaires de l’Académie Royale de Juilly. Il s’agit d’un travail en co (...)
  • 3 Jean-Marc Moriceau, Les Fermiers de l’Île-de-France. L’ascension d’un patronat agricole (xve-xviiie(...)
  • 4 La littérature sur ce sujet est très abondante. On pourra voir François Lebrun, Marc Venard et Jean (...)

1Oserons-nous prétendre que franchir la barrière de l’écrit, savoir lire et écrire, ne permet pas, dès les sociétés dites d’Ancien Régime, de monter dans l’ascenseur social ? La vraisemblance, le consensus, même en l’absence de toute démonstration, nous interdiraient cette prétention. Et il n’arrive jamais ou quasiment jamais de rencontrer, aux siècles modernes, des « coqs de village », des notables de la communauté d’habitants, qui ne soient alphabétisés, même au xvie siècle et dans les zones du « triangle fatal » de l’analphabétisme ? Reste qu’on peut se demander si ces élites paysannes le sont parce que alphabétisées, ou si elles sont alphabétisées parce qu’élites paysannes. Ce ne sont évidemment pas les archives d’un pensionnat d’élite comme l’Académie royale oratorienne de Juilly1 qui seraient pertinentes pour étudier ce problème. On pourra juste signaler que dans les actes de baptême des Petits Messieurs de l’Académie royale2, les seuls parrains et marraines incapables de signer les actes avec le célébrant sont soit des domestiques de la famille (évidemment les marraines davantage que les parrains), soit des pauvres de la paroisse, choisis comme parrain et marraine par piété ou/et par clientélisme. Dans les familles aristocratiques, ou de haute bourgeoisie d’offices, de professions libérales et de négoce, ou de ces fermiers-laboureurs d’Île-de-France dont Jean-Marc Moriceau3 veut faire une « gentry », familles qui constituent le vivier de recrutement des élèves de Juilly, il arrive que des parrains et marraines issus de la famille soient déclarés ne pouvoir signer. Mais il s’agit soit de membres âgés souffrant d’infirmités, soit d’enfants qui n’ont pas encore atteint l’âge des apprentissages élémentaires. Il reste qu’il a été démontré en abondance que l’alphabétisation, la capacité à lire et écrire, sont différenciées selon quatre critères emboîtés comme des poupées-gigognes : les inégalités régionales, l’écart ville-campagne, la distinction de sexe, et, last but non least, les hiérarchies sociales4.

  • 5 Cf. la note ci-dessus, et notre article « Collèges » dans François Bluche (dir.), Dictionnaire du G (...)
  • 6 Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Éditions de minuit, 1979. Cf. (...)
  • 7 Dominique Julia et Paul Pressly, « La population scolaire en 1789. Les extravagances statistiques d (...)

2À ce qui serait aujourd’hui le niveau secondaire, le collège, cette invention et cette grande aventure culturelle des siècles modernes5, est-il une voie d’accès aux élites sociales, un organe de leur renouvellement, de leur élargissement, de leur accroissement, ou n’est-il que l’instrument, l’organisme par lequel des élites déjà constituées assurent leur « distinction »6, leur domination, affirment leur supériorité et légitiment leur pouvoir ? Le collège permet-il à des familles de s’élever dans la hiérarchie sociale et d’accéder au cercle enchanté des « dominants », ou n’est-il au fond que peuplé de génération en génération par les rejetons des mêmes familles qui ont franchi et qui franchissent la « barrière du latin », ne permettant qu’à de rares « hommes nouveaux » de s’agréger aux « Messieurs », de devenir « monsieur maître », « noble homme », voire plus et mieux ? Dominique Julia a pu dire que, pendant quasiment trois siècles, de l’établissement de la carte scolaire issue du grand mouvement de création de collèges de congrégations enseignantes ou de collèges municipaux jusqu’à Guizot et au ministre Villemain, le nombre de garçons passés par ces institutions n’avait guère varié, autour d’une quarantaine de mille7, cela même alors que la population du royaume passait d’un niveau de 20 millions de sujets du Roi à un niveau de 30 millions de citoyens. Voilà qui ne plaide guère pour la thèse d’un bouleversement social et d’une mutation des hiérarchies par les effets de la méritocratie scolaire.

L’Académie royale : un pensionnat d’élites

  • 8 Cf. notre thèse, opcit., chapitre IV, partie 2. Cf. aussi Étienne Broglin, « La reproduction des (...)
  • 9 Cf. notre thèse, opcit., p. 696-722.
  • 10 David, comte de Riocour, Liste des filles demoiselles reçues dans la maison de Saint-Louis fondée à (...)
  • 11 Charles Loyseau, Traité des ordres et simples dignitez, Paris, Abel L’Angelier, 1610.

3Les Petits Messieurs qui peuplent l’Académie royale juliacienne des années 1650 à 1828 appartiennent tous aux couches supérieures de la société d’Ancien Régime8, ne serait-ce que parce que Juilly a été fondée comme Académie nobiliaire, même si les Oratoriens ont rapidement ouvert leur pensionnat d’élite, le plus prestigieux de tous les collèges de l’Oratoire, aux riches roturiers et aux notables, urbains et même ruraux (quoique, pour ces derniers, en pourcentage bien limité au siècle des Lumières). Mais aussi en raison du coût de l’éducation à Juilly9. C’est ainsi que les noblesses qui envoient leurs fils fréquenter les bancs de ce pensionnat « rural » (pas d’externes dans ce Juilly implanté en pleine campagne, même s’il est peu éloigné de Paris) ne ressemblent guère à celles qui demandent au Roi le privilège que leurs filles soient admises à Saint-Cyr10… à condition de preuves de noblesse : moins d’omniprésence de représentants de la noblesse ancienne, terrienne et militaire, davantage de rejetons de la noblesse d’offices de justice, de la noblesse de finances, davantage aussi de nobles négociants ou de négociants anoblis, beaucoup plus d’anoblis par charge de secrétaire du Roi, et même des fermiers-laboureurs anoblis par diverses voies. Les nobles à Juilly sont très majoritairement des nobles riches, urbains, en pleine prospérité et « floraison ». Et il en va de même des roturiers. Car à Juilly les nobles ne sont pas seuls, même si l’on ne descend pas en-dessous des moyennes bourgeoisies urbaines ou des fermiers-laboureurs, procureurs fiscaux et receveurs de seigneuries de la région. De fait la sociologie du recrutement dessine une image inversée des proportions des différentes catégories socio-professionnelles de la société globale, mais une image fidèle à la hiérarchie des statuts juridiques et de l’honneur. Les nobles représentent un tiers de la totalité des élèves de la période 1745-1794, mais plus de la moitié (54 %) des pensionnaires identifiés. Mais cela veut aussi dire que l’Académie royale s’est largement ouverte aux roturiers. Certes l’on compte très peu de rejetons de la « fermocratie » du Bassin parisien, malgré la proximité de ces zones de « grande culture » : pas plus de 1 %, même dans la période la mieux documentée, 1775-1784. Mais déjà, de ceux que l’on appellera en langage contemporain et pour faire simple les professions du commerce et de l’industrie, les « derniers portant qualité d’honneur » selon Charles Loyseau11, la part dépasse 15 %, même si y dominent quasi exclusivement les négociants, les négociants-banquiers, les négociants armateurs, autant dire le commerce du haut du pavé. Surtout ceux que nous avons regroupés dans un troisième « étage » : les officiers moyens de justice ou de finance, les professions libérales (avocats, procureurs) et les bourgeois comptent pour plus du quart du total, avec une écrasante domination des titulaires d’offices, de ces offices qui représentent souvent l’horizon d’ascension sociale des avocats, avoués, procureurs, notaires, et autres bourgeois en mal de statut, d’honneur, de prestige et de pouvoir. Au deuxième étage, que nous avons distingué du premier, celui de la noblesse ancienne, terrienne et militaire, depuis les rejetons des plus prestigieux lignages du royaume jusqu’aux représentants de la bonne noblesse provinciale, on trouve essentiellement les titulaires d’offices importants, des intendants, présidents et conseillers aux Parlements, Chambres des comptes, Cours des aides, Cours des monnaies, aux conseillers aux bailliages et présidiaux et élus d’élections, ainsi que pour les « financiers », des receveurs et fermiers généraux jusqu’aux receveurs particuliers et receveurs des tailles.

4Ainsi les Petits Messieurs, quel que soit leur niveau social, sont mélangés sur les bancs des classes, ils sont traités très largement selon une logique « égalitaire » de méritocratie scolaire, quel que soit leur rang et accèdent tous à une éducation aristocratique et élitiste, où peu à peu les valeurs nobiliaires, les exigences de l’humanisme et les attentes de « formation professionnelle » s’apparient harmonieusement pour aboutir à une éducation encyclopédique donnant une formation valable et monnayable tous azimuts, permettant de demeurer ou d’entrer dans les élites dirigeantes et motrices du royaume. A-t-on là, dans le modèle du pensionnat d’élite, un instrument de fusion et de réconciliation sous la bannière des Lumières des différentes catégories d’élites, ainsi qu’un révélateur de la prégnance de l’horizon d’aspiration de bourgeoisies plus avides d’imiter et d’intégrer l’aristocratie que de la détruire et d’inventer quelque chose de radicalement neuf ? L’Académie royale est-elle un lieu d’ascension sociale et d’homogénéisation des différents rangs qui fracturent et divisent les élites du Royaume ?

Une société hiérarchique ?

  • 12 Louis Dumont, Homo hierarchicus. Essai sur le système des castes, Paris, Gallimard, 1966, et Homo a (...)
  • 13 Le mot fut prononcé par Napoléon le 8 mai 1802 (18 Floréal an X) : cf. Antoine Clair Thibaudeau, (...)
  • 14 Montesquieu, De l’esprit des lois, in Œuvres complètes, II, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1951, (...)
  • 15 Charles Loyseau, Traité des ordres…, op. cit.

5Si tous les « Petits Messieurs » sont issus des élites et reçoivent une éducation d’élite, ces élites ne constituent pas à notre sens une couche sociale homogène, mais au contraire sont hiérarchisées et différenciées selon des critères propres à la société d’ordres et de rangs. Dans la société dite « d’Ancien Régime » (l’appellation rétrospective et sa persistance nous semblent éminemment significatives), la classification sociale obéit encore, malgré fissures, fractures, glissements, plissements – autant de causes et effets d’une mutation du principe classificatoire traditionnel –, à une logique hiérarchique, au sens fort du terme hiérarchie12. Les élites, sans être pour autant des grains de sable, ne forment pas une masse de granit13, mais bien plutôt comme des couches géologiques étagées (d’où la fameuse « cascade de mépris » qu’à la veille même de la Révolution aurait dénoncé Mirabeau). Montesquieu a clairement opposé la monarchie fondée sur le principe de l’honneur et la république fondée sur celui de la vertu14. Le principe hiérarchique à l’œuvre dans la société de la France monarchique classifie les fonctions sociales selon qu’elles sont plus ou moins porteuses d’honneur. Cette hiérarchie est quasi sacrale (elle émane de la volonté divine) comme l’indique l’étymologie du mot, car le plus ou moins d’honneur dépend de la plus ou moins grande proximité au pouvoir de commandement : le roi, représentant de Dieu en ce monde, est l’arche ou l’arc, l’arké qui assure et maintient l’ordre social et politique de notre microcosme, comme Dieu garantit l’ordonnance, la pérennité et la stabilité du macrocosme. D’où la prégnance d’une conception holistique de la société comme un corps dont la tête préside à l’harmonie des membres, rouages hiérarchisés et interdépendants, possédant et devant exercer chacun à sa place ses fonctions, ses droits et devoirs, ce qui justifie les privilèges vus comme un droit correspondant à un devoir. Le célèbre texte de Charles Loyseau, qui ouvre le Traité des Ordres15, expose clairement cette idéologie, à la fois fondée sur les réalités sociales et les fondant et justifiant :

« Il faut qu’il y ait de l’Ordre en toutes choses, et pour la bienséance, et pour la direction d’icelles. Le monde mesme est ainsi appelé en Latin, à cause de l’ornement et de la grâce provenant de son admirable disposition, et en Grec cosmos, à cause de son bel Ordre et agencement : pource que le parfait Ouvrier […] ex inordinato ordinem constituit. Les créatures inanimées y sont toutes placées selon leur haut ou bas degré de perfection : leurs temps et saisons sont certaines, leurs proprietez sont réglées, leurs effects sont asseurez. Quant aux animées, les intelligences célestes ont leurs Ordres hiérarchiques, qui sont immuables. Et pour le regard des hommes qui sont ordonnez de Dieu, pour commander aux autres créatures animées de ce bas monde, bien que leur ordre soit muable et sujet à vicissitude, à cause de la franchise et liberté particulière, que Dieu leur a donné au bien et au mal ; si est-ce qu’ils ne peuvent subsister sans ordre. Car nous ne pourrions pas vivre ensemblément en égalité de condition, ains il faut par nécessité, que les uns commandent, et que les autres obéissent. Ainsi par le moyen de ces divisions et subdivisions multipliées il se fait de plusieurs Ordres un Ordre général, et de plusieurs Estats un Estat bien réglé, auquel il y a une bonne harmonie et consonance, et une correspondance et rapport du plus bas au plus haut : de sorte qu’enfin par l’Ordre un nombre innombrable aboutit à l’unité. »

6Le « cosmos social » de Loyseau prolonge et reproduit le cosmos de l’Univers : dans les deux mondes, l’Ordre est fondé et constitué d’en haut, de par la volonté et l’action de la puissance souveraine, et la hiérarchie des rangs est déterminée par le plus ou moins de proximité ontologique et fonctionnelle avec ce pouvoir créateur et ordonnateur. Si le monde physique s’ordonne à partir de la toute-puissance divine en descendant peu à peu les degrés de l’Être, de la perfection de Dieu à l’imperfection humaine, de l’au-delà à l’ici-bas, et même jusqu’à l’image inversée de la perfection, le monde des Enfers, de même les humains dans le cosmos du corps social et politique trouvent leur lieu en fonction de la position qualitative et structurelle qu’ils occupent par rapport au sommet et de la fonction qu’ils exercent à son service. De rang en rang, ils dessinent une échelle de la dignité et de la plénitude humaines, et ne conservent leur honneur qu’en accomplissant selon l’ordre les tâches, plus ou moins porteuses de cet honneur, qu’ils accomplissent. L’Ordre social, comme l’Ordo Mundi, repose sur une hiérarchie déterminée par un principe transcendant, et non pas sur des rapports construits par et résultant de l’action des individus, libres, égaux et sujets de leurs actes. C’est un principe d’ordre holiste, antérieur et supérieur aux individus, qui structure d’entrée de jeu la hiérarchie des êtres, des valeurs, des fonctions. L’univers social, comme l’univers physique, est une mécanique faite d’éléments inégaux mais ajustés, solidaires et interdépendants, et c’est leur inégalité qui justement assure l’interdépendance et l’harmonie du tout.

Fusion et homogénéisation des élites ?

  • 16 Cf. notre thèse, opcit., chapitre V, et notre article, « La reproduction des élites … », art. cit (...)

7Dans ce contexte, idéologique mais pas seulement, d’une société de rangs, le pensionnat d’élite fonctionnant largement selon le modèle de la méritocratie scolaire représente-t-il le ver dans le fruit ? De ce que les Petits Messieurs se côtoient sur les bancs des classes, jouent ensemble aux récréations, et nouent des camaraderies qui transgressent les barrières de rangs et d’ordres, de ce que les Pères de l’Oratoire affirment que dès le passage du seuil du pensionnat, les élèves sont tous égaux, quelle que soit leur origine sociale, faut-il conclure à une fusion parfaite et totale des différentes catégories d’élite ? À s’en tenir aux apparences, on n’a guère l’impression de voir, en ce lieu stratégique de reproduction de la stratification sociale, se dérouler un conflit irréconciliable entre les noblesses et les bourgeoisies sommitales. On croit plutôt observer une fusion, une composition au sens d’une sorte de solution chimique, dans un partage harmonieux de la même formation et éducation et dans une identique idéologie aristocratique et méritocratique. On pourrait penser que les différentes élites partagent des valeurs communes, adoptent des conduites similaires, et des comportements identiques16. Le pensionnat d’élite voit-il s’évanouir, jusqu’à disparaître, la sacro-sainte déchirure, la mythique fracture entre noblesse (ou, mieux, noblesses) et bourgeoisie (ou, mieux, bourgeoisies) ? À la fois témoignant de et créant une certaine unité des besoins, attentes et visées des noblesses et des bourgeoisies, le collège ne crée-t-il pas une circulation entre ces strates, ne favorise-t-il pas l’ascension sociale de l’une à l’autre et leur intégration mutuelle, n’instaure-t-il pas une dynamique constituant la société des notables partageant les valeurs de la méritocratie scolaire ?

  • 17 Cf. notre thèse, opcit., chapitre VIII, et notre article, « La reproduction des élites … », art.  (...)

8Il semble bien effectivement que l’excellence de l’éducation reçue à Juilly, tout en assurant au mieux la reproduction et la perpétuation de la classe dirigeante, permette aussi une mobilité sociale ascensionnelle et donc une fissure de la hiérarchie traditionnelle17. La « noria » de la reproduction, puisant dans des bassins différenciés, est à l’origine d’une reproduction quelque peu élargie et intégratrice, d’un renouvellement et une fusion par-dessus et au-delà des lignes de fracture partageant la société des « dominants ». C’est évidemment ce qui permet et explique la Révolution ; car si le modèle hiérarchique était resté stable, inchangé, immuable et inébranlable, la Révolution n’eût pu même être pensée. Or, si, globalement, les Petits Messieurs reproduisent les statuts et les carrières de leurs pères, cela n’est vrai qu’aux trois-quarts. Des pensionnaires de l’Académie royale qui font une carrière militaire, si 75 % ont suivi le modèle familial, 25 % sont issus de familles de la haute robe, et du sommet de la finance. Les élèves issus d’officiers moyens et des professions libérales restent dans leur milieu d’origine à 70 %, mais dans la moitié des cas avec une charge ou un statut professionnel d’un niveau supérieur à celui de leur père. 70 % des fils de négociants ont quitté le négoce et ont accédé, pour une très forte majorité, aux professions et aux offices de justice et de finance. Le pensionnat d’élite ne fait donc pas que reproduire la hiérarchie sociale existante. Il contribue, en facilitant un certain mouvement d’ascension sociale fondée en partie sur la méritocratie scolaire, à renouveler les strates dirigeantes. Il assure à l’intérieur d’une élite, homogène par ce qui l’unit, la circulation entre les rangs, au-delà de ce qui les sépare, divise et hiérarchise.

Obstacles et résistances

9Cependant la hiérarchie traditionnelle des statuts et des fonctions est loin d’être brouillée. L’élite reste, jusqu’à la veille de la Révolution, une notion – et une réalité – ambiguë et trompeuse, car elle est encore loin d’être parfaitement homogène et indifférenciée. En premier lieu, parce que les quatre strates selon lesquelles nous l’avons hiérarchisée, si elles envoient leurs enfants dans le même pensionnat d’élite, ne l’utilisent pas de la même façon. Les stratégies éducatives et les cursus scolaires présentent des différences significatives liées à la prégnance des visées de reproduction du statut socio-professionnel d’origine. Ainsi les rejetons de la noblesse militaire et terrienne partent fréquemment avec des cursus inachevés. Une fois acquises les bases de formation générale et d’aisance mondaine indispensables à leur rang, ils se dirigent vers des filières mieux adaptées à leur visée de carrière et à eux largement réservées : pages de la grande et petite écurie, écoles militaires, compagnies des gardes de la marine, voire entrée précoce dans la carrière des armes et formation sur le tas. Au contraire, les enfants issus de la haute robe, des titulaires de charges administratives majeures, des grands officiers de justice et de finance, sont nettement plus nombreux à effectuer à Juilly un cursus complet et à y acquérir les outils de la rhétorique et à s’y imprégner des humanités classiques. Les stratégies éducatives et les cursus scolaires des Petits Messieurs issus de la troisième catégorie sont assez proches, ce qui est assez logique puisque leur visée de reproduction et d’ascension sociale vers le rang des offices plus prestigieux commande une utilisation assez identique du pensionnat d’élite. Les écoliers issus du négoce sont moins précoces à l’entrée en sixième, et refusent quasi systématiquement la classe de philosophie, qui pourtant ne dure qu’un an à Juilly. Quant aux rares fils de fermiers-laboureurs, le trait le plus saillant est qu’en moyenne ils passent moins de temps au collège et en sortent donc avec des formations incomplètes.

10Le signe majeur, toutefois, de la persistance du modèle hiérarchique, dans les réalités comme dans les représentations, est la lenteur de la mobilité sociale et le fait qu’elle s’opère essentiellement par étapes, les sauts spectaculaires et les ascensions fulgurantes étant fort rares. Malgré leur passage par l’Académie royale, les enfants issus de nos troisième et quatrième catégories socio-professionnelles n’ont guère de chances d’accéder à la première strate de la hiérarchie. Un quart seulement des élèves de la seconde ont eu la chance ou l’ambition d’accéder à la première. Moins d’un quart des élèves de la quatrième catégorie sont parvenus à entrer dans la seconde, et un tiers seulement de ceux de la troisième. La mobilité sociale ascensionnelle, bien entendu, se heurte au xviiie siècle à des obstacles structurels : les réalités démographiques, les vocations cléricales, impasse de la perpétuation des familles, la vénalité des charges militaires et la propriété des offices, les privilèges, l’étroitesse des voies d’anoblissement, la difficulté pour les roturiers d’envisager une carrière militaire et de devenir officiers supérieurs. Mais l’obstacle majeur n’est-il pas la résistance de la classification sociale de la société d’Ancien Régime et des idéaux et valeurs qui la sous-tendent ?

  • 18 Gabriel Sénac de Meilhan, Des principes et des causes de la Révolution en France, Londres & Paris, (...)

11Ainsi la fusion des élites, qu’un Sénac de Meilhan18 tend à penser réalisée avant la Révolution, est loin d’être parfaite et totale. Il ne faut guère s’en étonner. Si le passage par le pensionnat d’élite avait permis de fondre les différents statuts sociaux et de confondre les rangs dans une « masse de granit », de transcender et faire disparaître les clivages de strates et la hiérarchie des fonctions sociales, il n’y aurait guère eu besoin d’une Révolution, elle eût été tout à la fois inutile et improbable. Si elle a eu lieu, et sous la forme qu’elle a pris, c’est, nous semble-t-il, parce qu’à la fois il y avait un processus de fusion à l’œuvre mais que la fusion restait incomplète. Les stratégies éducatives et les tactiques scolaires (et post scolaires) restaient fortement déterminées par les hiérarchisations sociales et mentales d’une société de rangs et par des mécanismes d’ascension sociale contraignant à une progression lente et en marches d’escalier. Au-delà des apparences d’un « tronc commun » éducatif créant une classe unifiée de notables, on découvre que les familles utilisaient le pensionnat d’élite de façon différenciée selon les carrières professionnelles visées, programmées et accessibles. Les stratégies et les tactiques familiales de formation des fils restaient largement commandées par la hiérarchie des fonctions et des statuts propres à une société holiste et inégalitaire. Les cursus scolaires obéissaient à des logiques déterminées par les filières d’ascension, qui restaient loin d’être ouvertes à égalité à tous les Petits Messieurs de la bonne société. Fusion et intégration donc, mais entravées voire bloquées par ce qui restait des barrières du privilège et de la « cascade des mépris », d’autant plus insatisfaisantes donc, voire frustrantes. D’où en partie la violence du conflit à la Révolution et le tremblement de terre qu’elle a été.

  • 19 Cf. Les « Petits Messieurs » pensionnaires de l’Académie Royale de Juilly, op. cit., année 1750.

12Il est bien difficile d’échapper à son milieu sous l’Ancien Régime, de parvenir à changer fondamentalement et durablement de statut, à pouvoir sortir de la paysannerie et de la roture pour accéder aux sommets de la noblesse et s’y intégrer durablement. Les bergers n’épousent guère des princesses. Sans vouloir multiplier les cas individuels, attardons-nous un instant sur la famille Navarre, une de ces familles de riches et puissants fermiers-laboureurs en processus, selon Jean-Marc Moriceau, de « gentrification »19. Pendant des siècles, la branche aînée, issue de Jean Navarre, né en 1607 et mort à Villeroy le 21 juillet 1672, a vu se succéder des générations de fermiers-laboureurs, receveurs de seigneuries, accumulant les fermages de propriétés nobiliaires ou ecclésiastiques, multipliant les mariages homogamiques. Quand les ambitions s’accroissent et que des fissures se font jour dans la hiérarchie des rangs, les Navarre commencent à acquérir de petits offices de la Maison du Roi ou même des grands, tels que la capitainerie de Livry pour Jean Navarre de Maisonneuve, à orner leur patronyme de noms de terre et à s’intituler « sieur ». Antoine Martin Navarre (1703-1775), né et mort à Compans (Seine-et-Marne), devient conseiller secrétaire du Roi, mais il ne semble pas avoir eu de descendance. Son oncle, Pierre Urbain Navarre (1682-1747), resté toute sa vie fermier-laboureur et receveur de seigneurie, est aussi valet de pied de la duchesse douairière d’Orléans en 1743. Son mariage ne déroge pas à la règle du mariage dans son milieu. Fils de Pierre Urbain, Pierre Navarre, né en 1715 à Villeroy, après avoir été receveur de seigneurie, se retire à Meaux puis à Paris où il meurt le 26 septembre 1794. Il a épousé à Paris Marie-Jeanne Victoire, fille de Christophe Blanchard, fermier, receveur de seigneurie, mais aussi contrôleur des guerres. Son fils, un autre Pierre Navarre, est né le 18 juillet 1742 à Villeroy. Il a été pensionnaire à l’Académie royale en 1750-1753. S’enclenche alors le processus de sortie de la terre et de l’ascension sociale. Pierre Navarre est avocat en Parlement, conseiller du Roi, procureur du grenier à sel, puis magistrat, juge au district, maire de Meaux en 1790-1793, historien et érudit. Il est mort le 27 avril 1830 à Villenoy (Seine-et-Marne). Mais il avait épousé au Plessis-Belleville (Oise) le 12 février 1776 Marie-Henriette Boucher, née vers 1745, décédée à Meaux le 4 mai 1821, fille de Rémy Boucher, laboureur au Plessis-Belleville, et de Catherine Adrienne Thérouenne, née et baptisée à Lagny-le-Sec le 1er septembre 1729, remariée au Plessis-Belleville le 16 décembre 1769 avec Charles Ringuier, né à Chèvreville (Oise) le 25 novembre 1725 et baptisé le 28 novembre suivant, président en l’élection de Crépy-en-Valois, secrétaire du Roi auprès du Parlement de Metz, mort à Douy-la-Ramée (Seine-et-Marne) le 5 octobre 1781. Et, tout en quittant la « fermocratie », la famille ne parvient pas à s’élever très haut dans la hiérarchie sociale : fils de Pierre, Jean-Baptiste Navarre de Boissy devient négociant, et épouse une demoiselle Courtier, fille d’un marchand de dentelles de Paris, mais de la famille Courtier, elle aussi de fermiers-laboureurs du Multien. C’est seulement au xixe siècle que le petit-fils, Jean-Baptiste Félix, devient receveur particulier des impositions de la ville de Tours et épouse Jeanne Françoise Clotilde de Brun de Rostaing, fille d’officier au Royal-Normandie, officier général de l’armée vendéenne, maréchal de camp en 1814. Petite-fille de Jean-Baptiste Félix, Clotilde Louis Elisabeth Navarre épousera André Guillaume Barazer, saint-cyrien, chef d’escadron, chevalier de la Légion d’honneur. Mais arrivé en ce point, on est déjà dans l’univers du brouillage des rangs. Dernier élément, qui eût intéressé Tocqueville : fils d’Antoine François Navarre, autre oncle de l’Antoine Martin secrétaire du Roi, Robert Navarre, né à Gressy le 26 octobre 1709, fait sa vie en Amérique : notaire royal à Détroit (actuellement dans l’état du Michigan, États-Unis) en 1729-1760, il devient gouverneur adjoint en 1729, receveur des droits du Domaine d’Occident en 1736, subdélégué de l’intendant à Détroit en 1743-1752 puis 1754-1759. Il est décédé à Détroit le 24 novembre 1791. Il est la souche d’une très abondante descendance américaine des Navarre.

Vers la « société des notables »20

  • 20 Cf. notre thèse, opcit. p. 759-781, et notre article, « La reproduction des élites … », art. cit. (...)

13On pourrait multiplier les exemples. L’ascension sociale la plus spectaculaire de rejetons issus de la catégorie des fermiers-laboureurs est sans doute celle des Prévost de Longperrier. Mais elle fait quelque peu figure d’exception, et ils restent loin de l’intégration dans la noblesse de haut rang et de l’accès aux hautes fonctions dans l’armée. C’est après la Révolution qu’on trouvera en revanche bien davantage d’exemples de mobilité sociale brouillant les rangs, d’ascensions (mais aussi de déclins, fort rares au siècle des Lumières) sociales rapides et spectaculaires, de « sauts de classe ». Il semble bien que les règles du jeu aient changé. Une carrière dans l’armée n’est plus l’horizon quasi exclusif de la noblesse ancienne, terrienne et militaire. Par fidélité au Roi, mais aussi peut-être par l’amoindrissement de leurs ressources et la disparition de privilèges et de voies d’accès exclusives, nombre de Petits Messieurs issus de cette strate se « réfugient » dans la vie de gentilhomme campagnard agrémentée par l’exercice de responsabilités plus locales que nationales (le phénomène s’accentuera avec la Révolution de Juillet). D’autres, peu nombreux il est vrai, essaient de perpétuer la fortune de la famille, indispensable pour « tenir son rang », en s’orientant vers la finance ou le commerce. Du coup, le taux de reproduction de notre catégorie sommitale est en forte baisse, même si l’armée reste pour elle une voie privilégiée et conforme à ses valeurs. Le milieu des titulaires de grands offices fournit plus de 25 % des carrières militaires, mais c’est là perpétuer une voie déjà frayée au siècle des Lumières. En revanche le triomphe de la méritocratie scolaire, qui ouvre les brillantes carrières dans l’armée aux élèves de Polytechnique ou de Fontainebleau puis de Saint-Cyr, permet à des rejetons de toutes les strates de notre élite de s’égaler aux enfants des plus illustres familles d’Ancien Régime, et cela est un phénomène nouveau. Dans l’armée du xixe siècle, on trouve désormais des représentants de toutes nos catégories. Il en va de même dans la haute administration et les postes majeurs de la fonction publique, où le taux de reproduction est en forte baisse devant la croissance des nobles d’ancienne race qui préfèrent des carrières civiles aux militaires, et surtout l’irruption des Petits Messieurs issus de nos catégories III, IV et V. Les études, Juilly puis le Droit, leur permettent l’accès à de hautes fonctions bien davantage que ce n’était le cas au xviiie siècle. De même la catégorie des fonctionnaires de rang moyen et des professions libérales se renouvelle de plus en plus à partir du « bas ».

14Visiblement la course à l’honneur n’est plus ce qu’elle était et les visées d’ascension sociale et de maintien, pour le moins, du statut ne sont plus unidirectionnelles ni univoques. Au xviiie siècle, la règle du jeu est claire, qui pousse du négoce vers les offices, les petits officiers et les professions libérales vers les offices anoblissants, et les noblesses de robe, d’administration et de finance vers l’armée et la fusion avec la noblesse ancienne, terrienne et militaire. Le projet éducatif commun permet d’assurer ce mouvement : la noria ne puise pas dans un unique bassin, mais elle accomplit toujours le même parcours monotone. Au xixe siècle, la structure de la pyramide sociale a changé, les voies d’ascension peuvent être diverses et n’exigent plus, quasi nécessairement, un changement de statut. Pourquoi quitter le négoce quand il peut mener non seulement au summum de la fortune mais aussi au faîte des honneurs et de l’estime sociale ? Et le genre de vie du gentilhomme campagnard a bien perdu de son attrait. La société est devenue un champ de bataille où tous ne combattent pas à armes égales certes, quoique la méritocratie scolaire mette de plus en plus à mal la prééminence des « héritiers », mais où tous sont dans la même arène. Il ne s’agit plus de tenir son rang ou d’accéder à un rang supérieur, il s’agit, dans une compétition plus ouverte et plus généralisée d’acquérir une place ; or les « meilleures » ne sont plus forcément liées à tel ou tel type de statut socio-professionnel, et la compétition est bien plus ouverte, quoique le corps social reste longtemps influencé par le modèle aristocratique et continue à estimer certaines professions plus honorables que d’autres.

15La mobilité sociale semble donc bien obéir de moins en moins à la logique de la hiérarchie d’honneur des fonctions, des rangs et des statuts. Les élites fracturées et divisées selon la hiérarchie des rangs ont fait place à une société des notables beaucoup plus homogène ou du moins polycentrique et multivectorielle, égalitaire et concurrentielle. Le monde enchanté des élites, d’échelle verticale, est devenu cercle parcouru de mouvements en tous sens, quasi browniens. Du coup l’originalité et les particularités du pensionnat d’élite s’effacent progressivement, le modèle se généralisant et se banalisant. Du coup les différences de stratégies éducatives et de tactiques scolaires, qui révélaient des utilisations différentes de la structure commune par les différentes strates hiérarchiques, tendent à disparaître : les comportements s’homogénéisent et les cursus scolaires obéissent moins à des déterminants de rang social qu’à des choix individuels, différenciés davantage par les aptitudes, les goûts et les projets, que par les milieux d’origine et les stratégies d’utilisation qu’ils commandaient.

16L’école a beau promouvoir la méritocratie scolaire et vouloir favoriser l’ascension sociale en fonction des réussites intellectuelles, elle n’agit pas dans un milieu neutre. Elle se confronte à un certain type de société, à des principes qui fondent et légitiment la structure sociale en place, à l’ordre des valeurs qu’une société choisit d’admettre, à la façon dont elle distribue estime et pouvoir. La méritocratie scolaire est plus ou moins efficace selon la structure sociale et idéologique dans laquelle elle tente d’agir. Elle joue le jeu de la reproduction élargie et tente de favoriser l’ascension sociale en permettant de gravir les barreaux de l’échelle. Mais ce n’est pas elle qui construit et perpétue la structure de cette échelle. Du coup l’école est confrontée à une tâche sans cesse à reprendre. Sisyphe à la conscience malheureuse, elle garde toujours l’espoir que … la prochaine fois … en s’y prenant autrement … Mais c’est croire pouvoir imposer ses règles à une société englobante qui ne les partage pas forcément. A chaque modification de la construction sociale, l’école tente d’adapter son idéal méritocratique, et elle remet sur le métier son éternelle toile de Pénélope. Mais qui donc lui dénoue, la nuit, les points qu’elle a noués au jour ?

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Notes

1 Les Oratoriens avaient pensé faire de Juilly un séminaire et lieu de retraite spirituelle pour ecclésiastiques tout autant qu’un lieu d’éducation de jeunes nobles. La volonté monarchique a conduit à en faire une Académie royale pour la formation de la noblesse. Cf. Marie-Madeleine Compère et Dominique Julia, Les Collèges français, xvie-xviiie siècles. Répertoire, 2. France du Nord et de l’Ouest, Paris, INRP et CNRS, 1988, p. 342-375. Cf. aussi Étienne Broglin, De l’Académie Royale à l’Institution : le collège de Juilly (1745-1828), thèse de troisième cycle dactylographiée, Université de Paris-Sorbonne, 1978.

2 Les « Petits Messieurs » pensionnaires de l’Académie Royale de Juilly. Il s’agit d’un travail en cours établissant les généalogies ascendantes et descendantes des élèves. Dans son état actuel, ce texte de 11000 pages est divisé en quatre périodes, 1651-1745 (1945 pages), 1746-1774 (2330 pages), 1775-1795 (4546 pages), et 1796-1828 (2181 pages). Une première version de décembre 2017 est hébergée sur le site de Geneanet. La version finale sera accessible sur le site du Centre Roland Mousnier, UMR 8596, Sorbonne Université et Centre National de la Recherche Scientifique.

3 Jean-Marc Moriceau, Les Fermiers de l’Île-de-France. L’ascension d’un patronat agricole (xve-xviiie siècle), Paris, Fayard, 1994.

4 La littérature sur ce sujet est très abondante. On pourra voir François Lebrun, Marc Venard et Jean Quéniart, Histoire générale de l’enseignement et de l’éducation en France, Tome II : De Gutenberg aux Lumières, Paris, Nouvelle Librairie de France, 1981, p. 303-313 ; Dominique Julia, Atlas de la Révolution française, 2. L’Enseignement, 1760-1815, Paris, Éditions de l’EHESS, 1987.

5 Cf. la note ci-dessus, et notre article « Collèges » dans François Bluche (dir.), Dictionnaire du Grand Siècle, Paris, Fayard, 1990.

6 Pierre Bourdieu, La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Éditions de minuit, 1979. Cf. aussi Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, La Reproduction : éléments d’une théorie du système d’enseignement, Paris, Éditions de Minuit, 1970.

7 Dominique Julia et Paul Pressly, « La population scolaire en 1789. Les extravagances statistiques du ministre Villemain », Annales ESC, XXX, 1975, p. 1516-1561.

8 Cf. notre thèse, opcit., chapitre IV, partie 2. Cf. aussi Étienne Broglin, « La reproduction des élites au miroir du collège : fusion intégratrice ou juxtaposition conflictuelle ? », in Christine Bouneau et Caroline Le Mao (dir.), Jeunesse(s) et élites. Des rapports paradoxaux en Europe de l’Ancien Régime à nos jours, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2009, p. 97-100.

9 Cf. notre thèse, opcit., p. 696-722.

10 David, comte de Riocour, Liste des filles demoiselles reçues dans la maison de Saint-Louis fondée à Saint-Cyr par le Roi, 1686-1766, Paris, J. B. Dumoulin, 1879 ; Fleury Vindry, Les Demoiselles de Saint-Cyr (1686-1793), Paris, Librairie Honoré Champion, 1908

11 Charles Loyseau, Traité des ordres et simples dignitez, Paris, Abel L’Angelier, 1610.

12 Louis Dumont, Homo hierarchicus. Essai sur le système des castes, Paris, Gallimard, 1966, et Homo aequalis : genèse et épanouissement de l’idéologie économique, Paris, Gallimard, 1977.

13 Le mot fut prononcé par Napoléon le 8 mai 1802 (18 Floréal an X) : cf. Antoine Clair Thibaudeau, Mémoires sur le Consulat, 1799 à 1804, par un ancien conseiller d’État, Paris, 1827, p. 84. Cf. Louis Bergeron et Guy Chaussinand-Nogaret, « Les masses de granit. » Cent mille notables du Premier Empire, Paris, Touzot, 1979.

14 Montesquieu, De l’esprit des lois, in Œuvres complètes, II, Paris, Gallimard, « La Pléiade », 1951, 1ère partie, livre troisième.

15 Charles Loyseau, Traité des ordres…, op. cit.

16 Cf. notre thèse, opcit., chapitre V, et notre article, « La reproduction des élites … », art. cit., passim.

17 Cf. notre thèse, opcit., chapitre VIII, et notre article, « La reproduction des élites … », art. cit., passim.

18 Gabriel Sénac de Meilhan, Des principes et des causes de la Révolution en France, Londres & Paris, 1790, et Du gouvernement, des mœurs et des conditions en France avant la Révolution, Hambourg, 1795.

19 Cf. Les « Petits Messieurs » pensionnaires de l’Académie Royale de Juilly, op. cit., année 1750.

20 Cf. notre thèse, opcit. p. 759-781, et notre article, « La reproduction des élites … », art. cit., p.  102-109.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Étienne Broglin, « L’école, ascenseur social ? Méritocratie scolaire et hiérarchies sociales »L’Atelier du Centre de recherches historiques [En ligne], 28 Bis | 2024, mis en ligne le 10 janvier 2024, consulté le 23 mai 2025. URL : http://journals.openedition.org/acrh/28811 ; DOI : https://doi.org/10.4000/acrh.28811

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Auteur

Étienne Broglin

Ancien élève de l’École Normale Supérieure de la Rue d’Ulm (promotion 1964) et agrégé d’histoire, Étienne Broglin est l’auteur d’une thèse de 3e cycle consacrée au collège de Juilly (De l’Académie Royale à l’Institution : Le collège oratorien de Juilly de 1745 à 1828, Paris-IV, 1978). Il a enseigné l’histoire moderne à l’Université de Paris-IV-Paris-Sorbonne de 1972 à 2008. Ses travaux portent sur l’histoire sociale et culturelle de la France des xviie et xviiie siècles (en particulier l’histoire sociale des collèges d’Ancien Régime et l’histoire de l’opéra en France au xviiie siècle) ainsi que sur celle des Îles britanniques et de leurs Treize Colonies.

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