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Enquêtes, anciennes et nouvelles

Un tour de France inachevé

Dominique Julia

Texte intégral

1Au cours de cet exposé, je voudrais traiter de ce que je fais aujourd’hui, comme nous en étions convenus avec Jean Boutier et Jacques Revel, puisque ces journées ont été conçues comme un atelier, où chacun présente le work in progress qu’il poursuit en ce moment : pour moi, il s’agit de l’achèvement de la rédaction du Répertoire des collèges français. Je parlerai, dans un premier temps, de sa genèse ; ensuite de la chronologie de sa rédaction, de ses interruptions aussi et de leurs raisons. Je m’interrogerai enfin sur le sens ou le non-sens qu’il y a à poursuivre ce type de travail en 2021.

  • 1 Ces articles ont été repris dans le recueil des articles de François de Dainville, L’éducation des (...)

2En 1970, je préparais une thèse de troisième cycle sur le recrutement du clergé séculier en Champagne au xviiie siècle sous la direction de Pierre Vilar, et j’étais de plus en plus amené à m’interroger sur les modes de sélection qui présidaient au choix des futurs clercs dans les différents diocèses que j’étudiais. Or je m’apercevais que je ne disposais d’aucun instrument sûr me permettant de connaître avec précision l’extension du réseau scolaire sur le territoire. La notion de réseau avait-elle-même un sens ? Et comment s’était constituée, si elle existait, une hiérarchie ordonnée des établissements ? Je n’avais pour guides que les articles pionniers du Père François de Dainville publiés en 1955 et 1957 dans la revue Population, qui étaient les premiers à utiliser des catalogues d’élèves, mais sur la base de simples comptages. Ceux-ci montraient déjà toute la difficulté de construire une cartographie solide des implantations1.

Genèse du projet

  • 2 F. de Dainville, « Les collèges en 1789 Essai de cartographie historique », 95e Congrès national de (...)
  • 3 J’ai publié dans les Annales ESC, 30 (6), 1975, p. 1516-1561 un article, corédigé avec Paul Pressly(...)
  • 4 Une première fois à son domicile le 1er novembre 1971 pour une prise de contact ; une seconde fois (...)

3L’idée d’établir un Répertoire des collèges suivant la forme qu’il a progressivement prise dans les volumes de 1984, 1988 et 2002 m’est venue par deux voies distinctes. L’une est circonstancielle. À la mort du Père de Dainville, directeur d’études à la IVe section, survenue en janvier 1971, Marie-Madeleine Compère, qui était son assistante à l’École pratique des Hautes Études et qui avait été l’une de mes étudiantes quand je dirigeais des travaux pratiques à l’ancienne Sorbonne non encore divisée, fut chargée de classer ses papiers demeurés dans la résidence de la rue Monsieur, les dossiers cartographiques devant, selon ses indications, rejoindre la IVe section de l’École pratique des Hautes Études, tandis que les dossiers d’histoire de l’éducation devaient être transférés aux Archives de la Compagnie. Bruno Ribes, qui était alors le directeur de la revue Études et le supérieur de la résidence de la rue Monsieur, me demanda, en mai 1971, de voir ce qu’il était possible de faire avec un ouvrage laissé inachevé dont le père de Dainville avait dressé le plan et présenté le projet en mars 1970 dans une communication au congrès des Sociétés Savantes2. M. Bigard, cartographe à la IVe Section, avait réalisé divers projets de cartes au 1/1 000 000 sur les collèges et régences latines à la fin de l’Ancien Régime : cartes d’implantation des établissements, des effectifs, de la gratuité, des rétributions demandées aux élèves, des pensionnats et des taux de pension. Mais les renseignements collectés provenaient essentiellement de deux enquêtes révolutionnaires (celle lancée en décembre 1791 par le Comité d’instruction publique et l’enquête rétrospective de l’an IX), dont les résultats étaient soit très partiels (40% des districts en 1792), ou délibérément surévalués (an IX). J’ai rencontré ce cartographe les 3 et 17 novembre 1971 à l’atelier de cartographie de la IVe section. À l’examen des données de base recueillies, l’Atlas projeté m’a semblé impubliable en l’état3. J’ai rencontré à cette occasion M. Michel Fleury, directeur d’études, qui était le secrétaire de la section et que François de Dainville avait désigné comme exécuteur testamentaire4. Pour envisager une publication, je lui ai soumis un plan modifié de l’Atlas prévu initialement, en lui expliquant les raisons qui me poussaient à ne pas le conserver tel quel, en raison de l’insuffisance et du manque de fiabilité des renseignements collectés. Après deux courriers successifs sur le même objet restés sans réponse, j’ai considéré que le silence valait refus puisque je n’étais aucunement habilité à donner une quelconque directive au cartographe de la section. J’ai donc simplement renoncé à toute tentative de publier ce dossier qui resté dans les archives de l’EPHE.

  • 5 Sur le parcours de Maurice Bayen (1902-1978), on lira la notice qui lui est consacrée dans le dicti (...)

4C’est là qu’intervient un second hasard. J’ai parlé de cette mésaventure à François Furet à l’occasion du séminaire qu’il donnait, dans les années 1971-1973 sur l’histoire de l’enseignement en France, en compagnie de Jacques Ozouf, et que je suivais, de même que Marie-Madeleine Compère : ils y présentaient les résultats des recherches menées sur l’histoire de l’alphabétisation qui préparaient le livre publié en 1977 : Lire et écrire. L’alphabétisation des Français de Calvin à Jules Ferry. Cette dernière enquête bénéficiait de crédits distribués par la Commission permanente d’histoire de l’éducation nationale créée au Ministère de l’éducation nationale par Olivier Guichard et placée sous la présidence de Maurice Bayen, ancien recteur de l’Académie de Strasbourg, qui avait été nommé le 6 juillet 1970 haut fonctionnaire en charge de l’Histoire de l’éducation5. C’est François Furet lui-même qui m’a alors suggéré de reprendre cette idée d’Atlas, de soumettre à cette commission, dont je ne connaissais pas même l’existence, un projet argumenté, me promettant de l’appuyer devant elle.

  • 6 Les procès-verbaux de treize séances vont du 17 mars 1971 au 17 mars 1974. Sur l’activité de cette (...)
  • 7 J’ai, du coup, corroboré ces informations avec les notes de mon propre agenda de l’année 1972, remo (...)
  • 8 Procès-verbal de la séance n° 6, 26 janvier 1972, p. 7.
  • 9 C’est la première fois que je me trouvais en présence du recteur Bayen, que j’ai revu ensuite les 2 (...)
  • 10 Procès-verbal n° 7, réunion du 20 mars 1972, p. 2-4. Mention est faite dans le procès-verbal que «  (...)
  • 11 Procès-verbal n° 8, réunion du 23 mai 1972, p. 2. Les citations sont extraites du compte rendu de l (...)
  • 12 Ibid., p. 3-4. Ce dernier conseil est formulé par Jean Glénisson et Jacques Monfrin, tous deux dire (...)
  • 13 Procès-verbal n° 11, réunion du 30 novembre 1972, p. 7. À la réunion du 26 octobre précédent, le re (...)

5Les procès-verbaux ronéotypés des séances de cette Commission, dont Pierre Caspard, directeur honoraire du Service d’histoire de l’éducation, m’a passé un exemplaire qu’il conserve6, me permettent, après mon exposé oral, de préciser le déroulement exact des faits, ma mémoire étant sur ce point défaillante et les procès-verbaux livrant une information dont je n’avais qu’une connaissance très partielle7. J’ai, en réalité, été invité à parler deux fois devant la Commission. C’est d’ailleurs une expérience étrange, pour un historien, de lire, près de cinquante ans après, ses propres propos consignés dans un rapport administratif. Dans le procès-verbal du 26 janvier 1972, il est fait mention d’une information communiquée par Michel Mollat, professeur d’histoire médiévale à l’Université de Paris IV et directeur d’études à la IVe section de l’École pratique des Hautes Études, qui « fait savoir que la Commission pourra avoir accès aux papiers laissés par le Père de Dainville. M. Dominique Julia serait chargé de publier la carte des collèges à la fin de l’Ancien Régime8 ». J’ai donc été invité à la séance suivante, le 20 mars 19729 ; et à la demande de Jacques Monfrin, professeur à l’École des Chartes, j’ai exposé l’état des travaux du Père de Dainville pour l’Atlas qu’il projetait, la nécessité de contrôler les données des enquêtes révolutionnaires par des sources d’Ancien Régime et de faire des coups de sonde régionaux dans les archives départementales, en s’appuyant sur la consultation des catalogues d’élèves qui peuvent subsister et celles des procès-verbaux des bureaux d’administration des collèges. J’ai également fait part des difficultés rencontrées auprès de l’atelier de cartographie de la IVe section, puisqu’en six mois, une seule des quarante cartes prévues avait été réalisée10. J’ai été invité une seconde fois, lors de la séance suivante, le 23 mai 1972. La Commission se préoccupe alors « de faire l’inventaire des matériaux relatifs à l’histoire de l’éducation de la fin de l’Ancien Régime au début du xixe siècle au double niveau des enseignements primaire et secondaire. La Révolution a-t-elle détruit l’enseignement élémentaire de 1789 ? Comment se présentait le collège à la fin de l’Ancien Régime sur le plan sociologique et sur le plan intellectuel ? ». François Furet y propose le projet d’une fiche codée : « Le système adopté se propose de relever sans choix préalable toutes les données rencontrées et grâce à une codification chiffrée selon la classification décimale de le reporter sur une fiche d’un format maniable.11» Au cours de cette même séance, j’informe la Commission des obstacles rencontrés dans l’utilisation du fonds laissé par le Père de Dainville : si j’ai bien contacté Michel Fleury, secrétaire de l’EPHE, dès le 21 mars, il n’a pas répondu au courrier que je lui avais adressé le 14 avril et qui lui soumettait les modifications proposées. J’émets alors l’hypothèse que le concours souhaité pour la publication de l’Atlas fera sans doute défaut, mais je fais part de ma disposition à reprendre le projet d’un Atlas des collèges français à la fin de l’Ancien Régime, sur d’autres bases que les seules enquêtes révolutionnaires, sous l’autorité de la Commission, à la condition de pouvoir être assisté par un collaborateur pour les dépouillements d’archives. Le procès-verbal n’indique pas si je suis sorti de la séance après la tenue de ces propos, mais c’est plus que probable pour un « invité », et je n’ai par ailleurs aucune mémoire de ce qui s’est dit après mon intervention. En tous les cas, aussitôt après celle-ci, Jean Glénisson et Jacques Monfrin, tous deux directeurs d’études à la IVe section de l’EPHE, « reviennent sur le problème que pose le fonds Dainville. Il s’avère que le Père de Dainville a laissé à M. Fleury le fonds qu’il avait constitué au cours de son activité à l’École, comme à un exécuteur testamentaire. Mais M. Fleury semble désirer tout laisser en l’état, et ne se prêterait pas aux aménagements divers que pourrait exiger une publication ». À leur suite, François Furet fait remarquer qu’il « détient un fichier laissé également par le Père de Dainville et relatif aux enquêtes de 1792 et de l’an IX et se propose de le mettre à [ma] disposition ». Le recteur Bayen, qui préside la séance, se dit prêt à intervenir auprès de la IVe section, d’autant plus que je lui ai exprimé le souhait, dans le cas où le projet que j’ai présenté serait retenu, de continuer à bénéficier de la collaboration de l’assistante du Père de Dainville, qui détient un poste d’agent contractuel du CNRS détaché auprès de la IVe section de l’’EPHE. Il lui est conseillé « de s’adresser de préférence à Mr Marichal » qui alors est président de la section12. À la réunion du 30 novembre 1972, le recteur Bayen signale « qu’il a réussi à obtenir la collaboratrice souhaitée par M. Julia13 ». De fait, il avait obtenu du Ministère la mise à disposition de la Commission de trois postes d’agents contractuels de recherche, et, dès la première rencontre que j’eus avec lui, après la séance du 20 mars 1972, il me proposa d’en mettre un à la disposition du programme présenté, ce qui permit à Marie-Madeleine Compère de poser sa candidature lors de la publication au Bulletin officiel.

  • 14 Sur les origines du Service d’histoire de l’éducation, voir Guy Caplat, article cité à la note 6, e (...)

6Les trois agents contractuels recrutés ont ensuite constitué l’embryon du futur Service d’histoire de l’éducation rattaché en 1976 à l’Institut national de recherche pédagogique, qui allait connaître un considérable développement sous la direction de l’inspecteur général de l’administration Guy Caplat, particulièrement attentif à le doter en postes, puis, après sa retraite en 1986, de Pierre Caspard, fondateur de la revue Histoire de l’éducation, qui assurait la direction scientifique de ce laboratoire14. Ce dernier a joué un rôle essentiel de pilotage dans ce champ de la recherche particulièrement délaissé en produisant des séries d’instruments de travail qui demeurent aujourd’hui des ouvrages de référence. Ce laboratoire a disparu en 2010 lors de la dissolution de l’INRP et les membres ont été, pour la plupart, rattachés à l’école normale supérieure de Lyon et se sont fondus dans l’équipe du LARHRA.

  • 15 Elles sont désormais conservées sur le site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine où elle (...)
  • 16 Philippe Pintrand et Anne-Cécile Tizon-Germe, Collège de Pontlevoy, Répertoire méthodique détaillé (...)
  • 17 On trouvera le descriptif des sources conservées à l’abbaye-école de Sorèze (et qui ne disposent pa (...)
  • 18 P. Delattre (dir.), Les établissements des jésuites en France depuis quatre siècles Répertoire topo (...)

7Le projet que j’ai présenté visait alors à dresser un répertoire raisonné des établissements enseignant le latin en France entre xvie et xviiie siècle. J’avais pu mesurer, en consultant la bibliographie sur ce sujet, les déficiences qu’elle présentait : dès lors qu’on s’éloignait du massif constitué par l’historiographie consacrée aux jésuites, les études solides se faisaient de plus en plus rares, en particulier celles sur les collèges séculiers et il était quasiment impossible de dresser un inventaire systématique et sûr de ces établissements, ce qui interdisait tout essai de cartographie sérieuse. Bien plus, certaines séries des Archives départementales relatives à l’enseignement n’étaient pas classées définitivement. La série D des Archives départementales du Nord n’avait reçu qu’un catalogage sommaire et son inventaire définitif n’a abouti qu’après 2002, reclassant les 641 numéros en 69 nouvelles sous-séries ; le répertoire numérique de la série D de l’Ardèche n’a été réalisé qu’en 2002 et je me souviens que, travaillant à Privas dans les années 1970, je descendais dans les rayons pour identifier et choisir avec le magasinier les registres dont j’avais besoin. Ajoutons à ces classements défaillants le fait que les archives de certains établissements d’Ancien Régime étaient encore privées : les archives du collège oratorien de Juilly demeuraient sur place et n’ont rejoint les Archives nationales qu’à la fermeture de l’établissement en 201215 ; celles des collèges de Pontlevoy16 et de Sorèze17 étaient partiellement aux mains de ces collèges encore en exercice ; le registre des élèves du collège jésuite de Châlons-sur-Marne aux xviie et xviiie siècles appartenait au chapitre cathédral Saint-Étienne de Châlons. Le lycée Bartholdi de Colmar conservait dans le bureau du proviseur les listes imprimées d’élèves du collège entre 1765 et 1785. Quant aux registres de l’ancienne école militaire d’Effiat, ils étaient demeurés au château d’Effiat dans la famille de Moroges. Si l’on voulait se livrer à un recensement des établissements sur le plan national, il apparaissait donc nécessaire de procéder à un repérage systématique des sources et d’établir pour chaque collège une nomenclature identique, en collectant méthodiquement les mêmes renseignements, particulièrement les données quantitatives, ce qui impliquait comme conséquence immédiate une visite de chaque dépôt d’archives départementales de France. En revanche, je ne prévoyais pas, dès le départ, de recourir aux archives romaines de la Compagnie de Jésus. Outre le fait que leur dépouillement systématique eût très certainement excédé le temps dont j’aurais pu disposer et des missions relativement longues (ni l’ordinateur, ni la photo numérique ne faisaient partie des outils professionnels), les notices du Répertoire des établissements jésuites depuis quatre siècles, dirigé par le Père Delattre y avaient eu systématiquement recours18. Il paraissait inutile, dans un premier temps, d’y revenir, pour des bénéfices qui auraient vraisemblablement été minimes.

Chronologie de rédaction

8Quand je regarde, près de cinquante ans après, l’élaboration de l’outil de travail qu’est le Répertoire des collèges français entre xvie et xviiie siècle, je me dis que nous étions complètement fous de nous lancer dans une telle aventure, ne mesurant aucunement au départ le temps qu’elle pourrait prendre.

  • 19 Chr. Poitou, Paroisses et communes de France. Allier, Paris, CNRS édition, 2022. Sont annoncés les (...)

9Les entreprises érudites se construisent sur le long terme, et elles ont en général été portées par des institutions académiques ou, autrefois, des congrégations religieuses qui pensaient, il y a encore peu, avoir l’éternité pour elles, et, du même coup, ont un rapport avec le temps assez différent de celui des individus : le Dictionnaire de Spiritualité, porté par une équipe de la Compagnie de Jésus, pensé dès 1928, a vu ses volumes s’échelonner de 1932 à 1995, soit 63 années, et il est désormais consultable en ligne. Pour prendre des exemples plus proches de recherches que nous avons conduites, Marie-Madeleine Compère et moi-même, le premier volume du Répertoire topo-bibliographique des Établissements des jésuites en France depuis quatre siècles, dirigé par le Père Pierre Delattre, était prêt à être publié en Belgique pour l’année jubilaire du IVe centenaire de la fondation de la Compagnie de Jésus, c’est-à-dire en 1940, puisque des placards avaient déjà été composés par le typographe. La commande de cet instrument de travail avait été formulée bien en amont, sans doute au début des années 1930, par l’Assistance de France de la Compagnie. Les circonstances de la guerre et de l’Occupation en ont décidé autrement : le premier volume de ce répertoire topo-bibliographique n’a été publié qu’en 1949 ; le dernier et cinquième volume en 1957 seulement. D’après le catalogue de la BnF, le Dictionnaire d’histoire administrative et démographique des paroisses et communes de France, publié par le Laboratoire de démographie historique de l’EHESS, dont la publication a commencé en 1974, est composé maintenant de 43 volumes comprenant 49 départements, le dernier volume publié, qui remonte à 2011, celui de l’Ariège, n’étant plus pris en charge par les éditions du CNRS mais par les services d’archives de ce département. Puis le CNRS a décidé de reprendre son financement : la collection, désormais dirigée par Fabrice Boudjaaba et Diane Carron, a publié en 2022 le dictionnaire de l’Allier rédigé par Christian Poitou (mort en 2021), qui avait déjà écrit plusieurs volumes (Loiret en 1982, Loir-et-Cher et Indre en 1997, Creuse en 2000)19 : cette reprise est une bonne nouvelle. L’enquête sur les Grands Notables du Premier Empire, dirigée par Louis Bergeron et Guy Chaussinand-Nogaret, a donné lieu à la publication de 28 volumes de notices de biographie sociale couvrant 49 départements dont huit extérieurs aux frontières de la France dans ses limites de 1789, les volumes s’étageant entre 1978 et 2012 en trois salves successives : 16 volumes de 1978 à 1988, 9 entre 1992 et 2001, 3 entre 2010 et 2012. C’est dire que l’enthousiasme qui a porté une enquête à ses débuts s’affaiblit peut-être progressivement devant l’ampleur de la tâche à fournir, la difficulté à trouver de nouveaux collaborateurs, l’avancement en âge ou la maladie des directeurs : du même coup, les publications se raréfient au long du temps.

  • 20 M.-M. Compère, Dominique Julia, « Les collèges sous l’Ancien Régime : présentation d’un instrument (...)

10Pour notre part, nous avons heureusement pu bénéficier du soutien du Service d’histoire de l’Éducation installé à l’INRP de 1977 à 2010, de multiples collaborations, obtenues en partie grâce à des décharges de service obtenues pat l’INRP, telles celle de Philippe Marchand pour les départements du Nord et du Pas-de-Calais, Alain Oger pour la Seine-Maritime, Philippe Pauchet pour la Somme, Martine Sonnet pour le Calvados, l’Orne et la Seine-Maritime, de Denis McKee pour les départements champenois, ou d’Annie Bruter pour la notice Louis-le-Grand du volume consacré à Paris. Il est évident que sans ces collaborations, l’ouvrage n’aurait pas été porté à son terme. La définition des rubriques de l’outil lui-même ne s’est constituée que progressivement, au fil de nos dépouillements archivistiques : les catégories d’établissements concernés ont été précisées ; chaque notice a été précédée d’un appareil exposant les principales caractéristiques de l’établissement, puis suivie d’une nomenclature indiquant d’abord les fonds d’archives concernés, puis détaillant pour chaque collège les mêmes types de sources, afin de fournir au lecteur un ensemble cohérent de ressources documentaires, de telle sorte qu’il puisse prolonger sa lecture de telle ou telle notice avec ces indications et éventuellement pratiquer une lecture transversale de telle rubrique particulière, l’idée étant de fournir un outil polyvalent permettant des entrées diversifiées. Cette définition a été présentée dans la revue Histoire de l’éducation en 198120. Assez rapidement, nous nous sommes rendus compte qu’une publication par ordre alphabétique de l’ensemble retarderait aux calendes grecques la sortie de l’ouvrage. La répartition géographique adoptée correspond au choix des dossiers qui semblaient les plus proches de l’aboutissement et donc d’une publication. Le premier volume dédié à la France du Midi a été publié en 1984 ; le second, consacré à la France de l’Ouest et du Nord, en 1988 ; le troisième intégralement centré sur les collèges de la capitale, et quasi entièrement rédigé par Marie-Madeleine Compère en 2002 ; le dernier qui comprend les collèges de la France de l’Est, soit dix-sept départements et 237 collèges, est toujours en chantier et je me suis attelé, depuis plus de deux années, à le reprendre et à le terminer. Il ne m’appartient pas de porter un jugement quelconque sur la valeur des volumes publiés à ce jour, mais il m’est permis de m’interroger sur le sens qu’il peut y avoir à continuer la rédaction et la mise au point de ces notices.

  • 21 D. Julia (dir.), Aux sources de la compétence professionnelle : critères scolaires et classements s (...)
  • 22 Philippe Boutry et D. Julia (dir.), Pèlerins et pèlerinages dans l’Europe moderne, Rome, École fran (...)
  • 23 Bernard de Bonnard, Journal de l’éducation des princes d’Orléans, décembre 1777-janvier 1782, éditi (...)

11Comme vous l’avez sans doute remarqué, l’ouvrage a connu deux interruptions durables liés aux aléas de la carrière des deux directeurs. En 1989, j’ai été nommé professeur à l’Institut universitaire européen de Florence et Marie-Madeleine Compère, qui m’y a rejoint, a obtenu un détachement temporaire de l’INRP à l’étranger. L’éloignement des sources françaises comme de la bibliographie nous a contraints, l’un et l’autre, à abandonner, pour un temps, la rédaction de l’instrument de travail. Bénéficiant des ressources de la bibliothèque de l’Institut, elle a alors rédigé un essai sur L’histoire de l’éducation en Europe. Essai comparatif sur la façon dont elle s’écrit (Peter Lang, 1993), puis dirigé une Histoire du temps scolaire en Europe, finalement publiée en 1997. De mon côté, mon activité de recherche a également changé du tout au tout : d’une part j’ai organisé un colloque sur la manière dont s’est construite en Europe la notion de compétence professionnelle, croisant critères scolaires et classements sociaux21 ; d’autre part, j’ai lancé une enquête sur les pèlerinages en Europe à l’époque moderne qui donna lieu en juin 1993 à un colloque organisé à Rome et patronné à la fois par l’École française de Rome (où Philippe Boutry était directeur des études d’histoire moderne et contemporaine) et l’Institut universitaire européen de Florence22. C’est aussi dans cette période que j’ai pu retranscrire entièrement, grâce à l’aide de Caroline Béraud, le Journal d’éducation des princes d’Orléans du Chevalier de Bonnard. J’avais, dans mon bureau de Florence, la photocopie du manuscrit déposé aux Archives nationales23.

  • 24 Je dresse ce bilan en janvier 2023 pour actualiser les données.

12Après notre retour à Paris, Marie-Madeleine Compère a rédigé quasi entièrement, je l’ai dit, le volume sur les collèges de Paris publié en 2002. Le dernier volume entrepris a été arrêté par sa maladie puis sa mort, intervenue en novembre 2007. Je n’ai eu alors ni le goût ni la force de reprendre immédiatement le travail interrompu. J’avais d’abord à terminer les enquêtes ouvertes, mais non achevées, du Centre d’anthropologie religieuse européenne que j’avais dirigé de 1994 à 2005 avec Philippe Boutry : d’abord celle sur les reliques en compagnie de Pierre Antoine Fabre, Philippe Boutry, Stéphane Baciocchi et Christophe Duhamelle, puis celle sur l’École normale de l’an III, chantier entrepris au moment du Bicentenaire de la Révolution française et dont les résultats furent publiés en 2016, enfin l’édition du Journal d’éducation du chevalier de Bonnard, qui l’a été en 2019. C’est donc en 2018 seulement, une fois ces travaux terminés que j’ai repris l’atelier du Répertoire des collèges. Il fallait reparcourir les notices déjà écrites, parfois il y a longtemps et dont on pouvait éventuellement craindre l’obsolescence en raison d’une bibliographie renouvelée depuis leur rédaction. J’ai bénéficié ici de l’aide bénévole de Boris Noguès, maître de conférences à l’ENS de Lyon, qui, au départ de cette relecture a bien voulu regarder les notices de cinq départements que je considérais comme terminées et me proposer des mises à jour. Cette aide m’a donné le coup de fouet pour repartir et continuer, le confinement imposé par la pandémie étant ensuite propice au travail de relecture des notices commencées et de traitement des dossiers engrangés. Il fallait toutefois préparer des listes de livres à lire à la BnF pour le moment où elle rouvrirait : les conditions drastiques des mises à la consultation réduites à cinq volumes par jour, le caractère sépulcral du lieu vidé des trois-quarts de ses lecteurs ne suscitaient pas un enthousiasme débordant. J’estime aujourd’hui que sur les dix-sept départements que doit couvrir ce volume, les notices des collèges de quinze d’entre eux sont achevées24. Il reste à écrire à peu près toutes les notices des départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin à l’exception de celle du Gymnase protestant de Strasbourg. Si je compte le nombre des notices que doit compter ce répertoire, en éliminant du comptage le volume de Paris pour ne retenir que les établissements de province, le tome 1 comporte 360 notices, le tome 2, 288 ; le t. 4 et dernier devrait atteindre le nombre de 237, soit au total 885 à l’achèvement. La tâche à effectuer pour l’achèvement de l’ouvrage peut donc être grossièrement évaluée à moins de 3% de l’ensemble et 9% du volume. En réalité, l’estimation est certainement plus complexe ; car il y aura parmi elles de grosses notices à rédiger, telle celle, par exemple, du collège de Sélestat qui fut une grande école humaniste dès le xve siècle. À quoi s’ajoute la nécessité de vérifier les cotes des archives et des bibliothèques, lorsque nous les citons : la numérisation des catalogues et des inventaires a parfois entraîné une modification de leur nomenclature qu’il convient d’intégrer ; par ailleurs, la nomenclature des pièces contenues dans certains recueils factices n’a souvent pas encore été numérisée ce qui contraint à un échange de correspondance avec les archivistes et les bibliothécaires pour vérifier quelle sera la nouvelle cote. Le temps des pérégrinations dans les archives ou bibliothèques locales pour compléter la documentation déjà recueillie n’est pas non plus clos. Tout cycliste ou tout marathonien sait pourtant que les derniers kilomètres sont les plus rudes à parcourir et je ne sais pas si j’atteindrai le terme.

13Mais au-delà de ces aléas liés à la trajectoire des auteurs, quel sens y a-t-il à poursuivre ?

Les contraintes d’un outil de travail

  • 25 Tel maire d’une ville du Nord de la France, dont les archives avaient fait l’objet d’un excellent i (...)

14L’exhaustivité est un leurre et je sais pertinemment que j’ai dû, au cours de la collecte que nous avons faite, oublier, ici ou là, tel ou tel petit collège que je n’ai finalement pas retenu, car les données possédées étaient clairement insuffisantes : les établissements momentanés ou subissant des éclipses assez longues sont passés au-dessous de nos radars, d’autant plus aisément qu’ils ne disposaient d’aucune bibliographie. C’est le cas aussi de certains collèges communaux, ou d’établissements liés à des couvents (ainsi les cours de philosophie des Dominicains) ou à des monastères qui n’ont laissé d’autre trace qu’une mention occasionnelle. Il est vrai que, dans cette enquête nationale, nous ne sommes pas systématiquement descendus jusqu’au niveau communal, pour plusieurs raisons. La première et la plus évidente est que cette enquête n’aurait jamais été achevée si nous avions dû le faire. Dès lors qu’aucun document sur l’instruction publique n’était répertorié dans la série GG des archives communales, nous ne nous y sommes pas rendus et ne nous sommes pas lancés dans une lecture des délibérations communales. Une deuxième raison est que les archives communales n’étaient pas forcément classées, et que même quand elles l’ont été à la fin du xixe siècle, elles peuvent avoir été déclassées depuis. J’aurais dû tenir un journal de terrain lors de notre ou plutôt de nos tours de France, car il nous est arrivé de revenir plusieurs fois au même endroit25.

  • 26 D. Julia, P. Pressly, « La population scolaire en 1789... », art. cit.
  • 27 « Les réseaux scolaires », A. Burguière, Jacques Revel (dir.), Histoire de la France, t. 1, L’Espac (...)
  • 28 W. Frijhoff et D. Julia, École et société dans la France d’Ancien Régime. Quatre exemples : Auch, A (...)
  • 29 W. Frijhoff, D. Julia, « Les Oratoriens et l’espace éducatif français de Louis XIV à la Révolution (...)
  • 30 D. Julia, J. Revel et R. Chartier (dir.), Les Universités européennes du xvie au xviiie siècle. His (...)
  • 31 Bruno Belhoste, « L’enseignement des mathématiques dans les collèges oratoriens au xviiie siècle », (...)
  • 32 Emmanuelle Chapron, Livres d’école et littérature de jeunesse au xviiie siècle, Oxford University S (...)

15L’histoire ne s’écrit pas sans recours à l’érudition mais l’érudition pour l’érudition est stérile. Or les dernières pierres de la construction d’un instrument de travail ressemblent beaucoup à ce non-sens. Dans les premières années tout au contraire, le rassemblement massif de données par une collecte systématique est source d’hypothèses multiples qui donnent lieu, parallèlement à l’écriture de l’outil de travail, à une série d’articles ou de chapitres. J’étais d’ailleurs astreint, par ma situation au CNRS, à une évaluation annuelle, donc à des publications régulières et si j’ai très souvent signé en collaboration avec d’autres, tels Stéphane Baciocchi, Willem Frijhoff, Denis McKee, Paul Pressly, c’est que les dépouillements requis dépassaient les forces d’un seul individu : les longs compagnonnages pratiqués étaient une nécessité absolue pour arriver à des hypothèses sûres. Ainsi au cours des années 1975-1990 ai-je pu proposer avec d’autres l’évaluation de la population scolaire à la fin de l’Ancien Régime, l’enquête de 1801 majorant vraisemblablement de 30% les chiffres des années 1760-178926, une analyse historique de la construction du réseau des collèges dans l’Histoire de la France dirigée par Jacques Revel et André Burguière27, une sociologie de la réussite scolaire à partir des catalogues d’élèves28 ou une étude des circuits scolaires suivis par les Oratoriens29, une géographie des établissements d’enseignement avec le fascicule de l’Atlas de la Révolution française (1987), ou les aléas des tentatives de réformes après l’expulsion des jésuites, et je ne parle délibérément pas ici de l’enquête sur les universités menée en collaboration avec Roger Chartier et Jacques Revel30. Le socle sur lequel se sont écrit ces différents articles est bien évidemment le matériau servant également de base aux notices du Répertoire des collèges. J’ajoute que ce matériau engrangé a été constamment consulté lors de la rédaction du Dictionnaire prosopographique des normaliens de l’an III, co-écrit avec Stéphane Baciocchi qui en a assuré la publication numérique, pour reconstituer la trajectoire des futurs normaliens sous l’Ancien Régime autant que pour évaluer l’armature globale des établissements à la fin de l’Ancien Régime. De surcroît, la collecte assez systématique que nous faisions de certains documents au cours de nos périples a pu donner naissance à des travaux faits par d’autres : Bruno Belhoste a présenté ainsi une analyse de l’enseignement des mathématiques dans les collèges oratoriens en utilisant la collection d’exercices publics que nous avions réunis31. De la même façon, Emmanuelle Chapron a pu se servir des listes d’achats de livres faits auprès des libraires par les supérieurs d’une trentaine de collèges pour les distributions de prix32. Le fil d’une recherche peut ainsi permettre des usages démultipliés qui me semblent féconds, car une recherche n’est jamais solitaire.

  • 33 Isabel Suzeau-Gagnaire, « Le cahier d’écolier de Beatus Rhenanus : l’étude de Virgile (Sélestat, 14 (...)
  • 34 Voir à ce propos Jean-Luc Le Cam, Politique, contrôle et réalité scolaire en Allemagne au sortir de (...)

16J’éprouve évidemment moins d’enthousiasme que jadis à rédiger les dernières notices de ce répertoire, parce que les hypothèses principales ont été publiées. Il serait tout à fait faux de dire que je n’apprends rien dans cet exercice de plus en plus ascétique. La folie quantitativiste qui nous avait saisis il y a quarante ans est certes passée. Mais dans des provinces tardivement rattachées à la couronne, je découvre des lignes d’évolution assez différentes de celles que j’ai pu rencontrer précédemment : la contrainte que représente l’exigence de « couvrir » tout l’espace français se révèle finalement féconde parce qu’elle fait ressortir les différences et les contrastes dus à des histoires distinctes. Je peux profiter aussi des avancées de l’historiographie qui se focalise désormais sur les pratiques scolaires quand elles sont repérables. Il y a trois cahiers d’écoliers, de la fin du xve siècle, en provenance de l’école latine de Sélestat, ce qui permet de saisir très précisément le développement de la pédagogie humaniste dans cette ville : on peut voir que l’on passe de gloses latines vers 1470 à des commentaires linguistiques et philologiques, comme dans le cahier écrit par Beatus Rhenanus en 1498 alors qu’il est, à 14 ans, élève de cette école33. De la même façon, les visites biannuelles des classes du gymnase de Montbéliard, effectuées par les surintendants ecclésiastiques et deux membres du Conseil de régence, s’attardent plusieurs jours à examiner les compétences des élèves tant sur leurs compositions écrites que par des interrogations orales : cette instance de contrôle, courante dans l’Allemagne luthérienne, a laissé des sources exceptionnelles sur les pratiques scolaires pour l’espace français. Est-il besoin de rappeler que la principauté de Montbéliard est une exclave appartenant au duché de Wurtemberg et ne relève pas du royaume de France34 ?

Le métier d’historien face à l’avancée du numérique

17À la vérité, au cours de ces cinquante années, c’est surtout toute la manière de faire de la recherche qui a fondamentalement changé avec l’arrivée du numérique.

  • 35 Jean-Claude Perrot, Genèse d’une ville moderne : Caen au xviiie siècle, Paris-La Haye, Mouton, 1975 (...)
  • 36 Les cartes et graphiques du livre cité à la note 28 ont été réalisées par Marie-Madeleine Compère q (...)

18Jusqu’en 1990, j’ai constitué des fiches manuelles manuscrites pour faire des comptages d’élèves ou de membres de congrégations et j’ai dû en dresser quelques milliers, voire des dizaines de milliers. Jean-Claude Perrot a écrit sa grande thèse, soutenue en 1973, avec des instruments de calcul plus proches de la machine de Pascal que des ordinateurs actuels35. Ce mode de travail est devenu préhistorique depuis que les fichiers Excel existent, que les bases de données numériques permettent d’opérer des tris croisés immédiats, et qu’il est même possible, par exemple, de déchiffrer le sens de la proximité des signatures au bas d’une pétition de l’époque révolutionnaire en reliant chaque signature à l’ensemble des données recueillies sur le scripteur : des logiques, illisibles et invisibles à l’œil nu, apparaissent et le document prend soudain une nouvelle signification. La bibliographie consultable sur internet est sans commune mesure avec la bibliographie que l’on consultait dans une bibliothèque « physique », et, pour peu qu’il pose des questions pertinentes en pianotant sur le moteur Google, l’historien obtient rapidement des réponses précises et circonstanciées à sa demande, qu’il n’aurait jamais trouvées auparavant. Le catalogue virtuel de Karlsruhe (KVK), qui fournit à l’utilisateur, en quelques secondes, la localisation d’un ouvrage et la liste de ses différentes rééditions conservées dans les diverses bibliothèques de la planète peut donner la (fausse) illusion de l’exhaustivité. Des services de traduction automatique, comme DeepL, donnent accès à des articles ou des ouvrages dont la lecture, du fait de notre ignorance linguistique, nous était barrée. Aux cartes que l’on dessinait à la main36 ou que l’on demandait à des cartographes professionnels de réaliser se sont substitué des logiciels de cartographie qui permettent, si l’on maîtrise bien ces outils, de représenter graphiquement les données que l’on a engrangées et de proposer une herméneutique des problèmes évoqués. Il est ainsi possible de tester puis de retenir, parmi les hypothèses que l’on formule, celles qui sont les plus appropriées.

19Un des changements significatifs est la délocalisation du temps et du lieu de la recherche. Lorsque je suis revenu aux Archives nationales, il y a une quinzaine d’années, après une longue interruption, j’ai été surpris de voir mes voisins rester au maximum une heure à leur place, prendre successivement des cartons, faire des photographies puis repartir sans prendre de notes ou en écrivant quelques brèves indications sur leur ordinateur portable, alors que j’avais encore du papier blanc, un crayon, un taille-crayon et une gomme. J’ai vite compris que j’étais complètement décalé par rapport à mon propre temps, qu’il me fallait me mettre à cette école et, il y a trois ans, en février 2018, lors d’un voyage éclair aux Archives générales du Royaume de Belgique à Bruxelles, il m’est arrivé de faire 2200 photos en deux journées de travail complètes avant de rentrer à Paris. Les longs tours de France que j’avais opérés lors des enquêtes que j’ai conduites – j’en ai fait au moins quatre : l’un pour le répertoire des visites pastorales, le second pour les collèges, le troisième pour les universités, le quatrième pour l’École normale –, ces tours de France sont désormais moins coûteux en temps. Les « missions », bien préparées en amont, peuvent être beaucoup plus courtes, puisque le vrai travail ne commence que lorsque les photographies prises sont analysées, selon un horaire non contraint, dans le bureau de l’historien. En sens inverse, les archives viennent jusqu’à la table des chercheurs sans que ceux-ci aient à se déplacer : sous la pression des sociétés de généalogie, les archives départementales ont mis systématiquement en ligne les registres paroissiaux et d’état-civil, si bien que ce public, qui fournissait des bataillons de lecteurs, ne se rend plus qu’occasionnellement dans les dépôts. Du même coup, les salles construites dans les années 1960-1990 pour un nombre conséquent de lecteurs, et situées désormais en périphérie des villes de préfecture, sont, en réalité, désertes : quiconque est passé aux archives départementales d’un site non-universitaire (et parfois même d’une ville universitaire) a pu le constater. Certaines régions sont à l’avant-garde de la numérisation, tel le site Mémoire vive patrimoine numérisé de Besançon, qui propose à la lecture de très nombreux manuscrits de la Bibliothèque municipale, tout comme l’intégralité des délibérations du Conseil municipal.

  • 37 Voir, par exemple, François Furet, « Histoire quantitative et construction du fait historique », An (...)
  • 38 Voir Jacques Revel (dir.), Jeux d’échelles. La microanalyse à l’expérience. Paris, Gallimard-Seuil, (...)

20Ces révolutions technologiques bousculent sans doute les modes de faire et les habitudes de travail de l’historien. Elles lui offrent des ressources insoupçonnées pour approfondir ses enquêtes à un niveau de finesse autrefois inatteignable. Mais il s’agit plus d’une différence de degré que de nature : dès les années 1960-1970, au moment où justement étaient écrites et publiées les grandes thèses d’histoire économique et démographique régionales, la réflexion sur le quantitatif en histoire posait les cadres conceptuels dans lesquels son usage s’inscrit37. Les performances des outils à disposition ont donc été multipliées de manière extraordinaire, mais elles peuvent servir tout autant dans l’analyse des grandes masses statistiques que dans les études de microstoria qui s’efforcent de reconstituer l’identité d’une collectivité à partir de l’expérience et de la trajectoire de ses membres, faisant ainsi émerger une autre configuration du social38.

  • 39 La prosopographie des élèves nommés à l’École normale de l’an III est disponible sur le site : laka (...)

21À l’intérieur de ces bouleversements majeurs, ce sont les instruments de travail eux-mêmes qui ont changé. Lorsque nous avons pensé, avec Stéphane Baciocchi, établir un dictionnaire prosopographique des élèves envoyés à l’École normale de l’an III, l’idée d’un dictionnaire numérique s’est progressivement imposée, pour une double raison : d’une part, peu de maisons d’édition auraient été demandeuses de ce type d’ouvrage dont les acheteurs auraient été vraisemblablement peu nombreux39. Je rappelle que le très précieux Dictionnaire des ingénieurs militaires 1691-1791 publié par Anne Blanchard à Montpellier en 1981 a été édité à compte d’auteur. D’autre part, la version numérique permet des corrections et des ajouts en cours de route et laisse à l’ouvrage son caractère de work in progress qui peut toujours être amélioré. En parcourant la toile, j’ai découvert que le Dictionnaire d’histoire et de géographie ecclésiastiques, porté de 1912 à 2015 par la maison d’édition catholique Letouzey et Ané, qui en a publié 31 volumes, et surtout par le chanoine Aubert qui a dirigé scientifiquement l’entreprise de 1952 à 2006, est désormais repris par la maison Brepols et l’Université catholique de Louvain. La langue anglaise y a fait son entrée, le dictionnaire est désormais en ligne et l’éditeur ne s’interdit pas de publier d’autres notices en allemand, italien et espagnol ; surtout, il renonce désormais à un ordre alphabétique strict « qui ralentissait considérablement le rythme de publication ». Il est vrai que nous n’en sommes qu’à la lettre M (au temps de mes études, il ne dépassait pas le tome quinze et la lettre E). Le non-respect de l’ordre alphabétique fait qu’il y a dans le dernier fascicule publié un article Reliques. En 2018, le fascicule 188-189a comportait des entrées Pierre de Bérulle, Simone Weil et Zouaves du Pape. Il est vrai que la précédente notice de Pierre de Bérulle publiée dans le tome 8 et rédigée par un oratorien datait de 1935 et était antérieure aux travaux de Jean Orcibal ou de Jean Dagens. C’est dire que nous entrons dans une nouvelle ère d’instruments numériques où les entrées se font désormais ad libitum, où l’on peut remplacer d’anciennes notices jugées désormais désuètes ou obsolètes, en publier de nouvelles qui ne se rangent pas immédiatement dans le cadre alphabétique prescrit et auraient dû attendre très longtemps leur tour, si celui-ci était respecté. C’est une tout autre ère qui se dessine et qui est très certainement porteuse d’une souplesse bienvenue. S’agissant des collèges, je peux même imaginer que le découpage géographique, que nous avons retenu par simple commodité du fait que les dossiers des établissements des régions retenues étaient complets, pourra un jour être aboli pour revenir à un ordre alphabétique strict.

22Pour l’heure, j’ai malheureusement atteint un âge où l’agilité envers l’outil numérique n’est sans doute pas ma qualité première et je me fixe simplement pour but de mettre un terme à un recueil qui n’a que trop traîné, sans abandonner aucune des exigences fixées au départ, et en espérant que je ne serai pas rattrapé par cet autre terme qui est la mort. Je garde l’illusion que l’instrument, tel qu’il a été conçu, peut encore rendre des services. Je tiens à cette notion de service qui figurait d’ailleurs dans la définition du Service d’histoire de l’éducation de l’INRP, c’est-à-dire la mise à disposition, raisonnée et ordonnée, de ressources. J’ai joui au Centre de recherches historiques et au Centre d’anthropologie religieuse européenne d’une liberté intellectuelle exceptionnelle que m’avaient apprise les séminaires de ceux qui me précédaient : Pierre Vilar et Alphonse Dupront, Denis Richet, Emmanuel Le Roy Ladurie, François Furet et Jacques Ozouf, pour ne citer que ceux que j’ai suivis quelques années. Il me semble que la contrepartie nécessaire de cette liberté est la production d’outils de travail qui requièrent du temps. C’est l’occasion, pour moi, de dire ma gratitude à tous ceux, très nombreux, qui m’ont accompagné au long de ce parcours et auxquels je dois d’avoir pu confronter et discuter mes hypothèses.

De amicitia

  • 40 Alexis de Tocqueville, Œuvres complètes, t. XVII, 3 volumes, Paris, Gallimard, 2021, édition établi (...)

23Je lis ces temps-ci le tome XVII de la Correspondance de Tocqueville, publié en trois volumes cette année : cette Correspondance à divers mêle réseaux amicaux, cercles académiques et politiques. On est saisi par le culte de l’amitié qui y règne40. C’est que, en politique, il n’y a pas d’amitié, mais seulement des alliances temporaires, des rapports de force, beaucoup de haine aussi. Comme il l’écrit à un ami de jeunesse dont il a été le condisciple au lycée de Metz, à l’issue de la session parlementaire de 1840, où, jeune député, il fait des débuts assez solitaires, puisqu’il entend maintenir sa ligne d’indépendance à l’égard des partis :

  • 41 Lettre à Eugène Stoeffels, Tocqueville 14 juillet 1840, dans A. de Tocqueville, Œuvres complètes, t (...)

« Il est misérable en vérité de ne point écrire à ses vrais amis afin de se donner plus complètement à ce monde politique où l’on ne rencontre guère, quoiqu’on fasse, que des cœurs froids et des âmes qui ne sont passionnées que d’elles-mêmes. […] La vie politique me fait attacher beaucoup plus de prix aux émotions qui restent en dehors d’elle, et aux amis que j’ai laissés dans la vie privée en y entrant […]. C’est en vérité un triste côté de l’humanité que celui que découvre la vie politique. On peut dire sans exception que rien n’y est parfaitement pur, ni parfaitement désintéressé ; que rien n’y est véritablement généreux, que rien n’y sent l’élan libre du cœur. Rien n’y est jeune en un mot, même les plus jeunes. Quelque chose de froid, de prémédité et d’égoïste s’y découvre au travers des mouvements les plus passionnés des esprits. Comment veux-tu qu’on ne se replie pas sur soi-même et qu’on ne cherche pas ailleurs un peu d’air libre pour respirer ? 41 »

24En réalité, le correspondant auquel le rédacteur se confie le plus volontiers à la fin de sa carrière est Alexandre Pierre Freslon (1808-1867), qui fut député du Maine-et-Loire à l’Assemblée constituante de la Seconde République et ministre de l’Instruction publique d’octobre à décembre 1848. Leur intimité date seulement de cette période et pourtant c’est à lui seul que Tocqueville fait part de ses doutes, au moment où il entreprend la rédaction de l’Ancien Régime et de la Révolution :

  • 42 Lettre à Alexandre Pierre Freslon, Saint-Cyr, 3 novembre 1853, ibid., vol.  3, p. 119.

« Je vois arriver ce moment avec une grande anxiété et une sorte de terreur. Trouverai-je ce que je vais chercher ? Y a-t-il en effet dans le sujet que j’ai choisi de quoi faire le livre que j’ai rêvé et suis-je l’homme qu’il faut pour réaliser ce rêve ? Que ferai-je si j’apercevais que j’ai pris des inspirations vagues pour des idées précises, des notions vraies mais communes pour des pensées originales et neuves ? 42 »

  • 43 Lettre à Alexandre Pierre Freslon, Saint-Cyr,1er décembre 1853, ibid., vol. 3, p. 124.

25Un mois plus tard, il a vu « le bout de ses interminables notes » et s’interroge : « Je vais voir si ce que je crois apercevoir devant moi est un objet solide ou un nuage43 ». Le 22 janvier 1854, il s’inquiète encore, enclin à considérer tout ce qu’il écrit comme un « fatras » :

  • 44 Lettre à Alexandre Pierre Freslon, Saint-Cyr, 22 janvier 1854, ibid., vol. 3, p. 137-138.

 « Tout cela sera-t-il nouveau et d’une nouveauté intéressante ? Je ne sais plus quoi penser, en vérité. Et ce n’est que le jugement de mes amis qui pourra fixer le mien sur ce point-là. Aussi me tarde-t-il beaucoup de pouvoir vous tenir, vous et deux ou trois autres dans une chambre bien close et de vous lire tout ce que j’écris en ce moment et que par instant je suis enclin à considérer comme un fatras 44 ».

26Pourquoi Alexis de Tocqueville choisit-il justement ce correspondant, républicain modéré, fils d’un boulanger de Précigné dans la Sarthe, qui achève sa carrière publique en 1851 en tant qu’avocat général à la Cour de cassation avant de démissionner immédiatement, tout le fait comme Tocqueville lui-même, après le Coup d’état, comme confident et interlocuteur privilégié de ses anxiétés et de ses doutes ? Il laisse transparaître ce choix dans l’une de ses lettres :

  • 45 Lettre à Alexandre Pierre Freslon, Tocqueville, 5 novembre 1857, ibid., vol. 3, p. 438.

« Un de vos principaux mérites à mes yeux, lui écrit Tocqueville (et vous en avez de beaucoup de sortes) est d’être un ami qui cause. Les autres ne le font plus ou presque plus. Cette espèce de manteau de plomb qui pèse sur tous les esprits étouffe la conversation, même entre les gens qui ont eu le plus d’idées et avec lesquels on pourrait encore en échanger le plus. On s’aime encore ; mais hélas ! on est comme de vieux amants : on n’a plus rien à se dire. L’élasticité admirable de votre esprit lutte seule contre ce poids qui courbe et abat tous les autres. Vous vous intéressez encore à quelque chose de général ; vous aimez à parler de ce quelque chose. Vous vous plaisez à y penser. Vous vous animez encore en y pensant. […] A quelques exceptions près, nous sommes tous sortis de cette misérable révolution comme des laboureurs qui, las des travaux du jour, quittent leur champ la tête basse, et regagnent leur demeure sans plus vouloir songer à rien qu’à leur pitance et à leur lit. Donc écrivez tout ce qui vous passe dans la tête et soyez sûr que ces étincelles de vie au milieu de cette mort commune me sont le spectacle le plus agréable que je puisse rencontrer45. »

  • 46 Mon entrée officielle au CRH ne date que de 1978, c’est-à-dire il y a plus de quarante-cinq ans, pa (...)

27Les journées que vous m’avez offertes ont été justement pour moi cet espace essentiel de discussion où les idées s’éprouvent et où je reprends courage en vous écoutant. Je dis bien évidemment toute ma gratitude à Jean Boutier et Jacques Revel qui ont construit ces belles journées d’études et d’amitié, à tous les intervenants et participants, à la présidence de l’École, au Centre de recherches historiques et au Centre Norbert Elias qui les ont rendues possibles46.

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Notes

1 Ces articles ont été repris dans le recueil des articles de François de Dainville, L’éducation des jésuites (xvie-xviiie siècles), édité par Marie-Madeleine Compère, Paris, éditions de Minuit, 1978 : « Effectifs des collèges et scolarité aux xviie et xviiie siècles dans le nord-est de la France », p. 63-118 et « Collèges et fréquentation scolaire au dix-septième siècle », p. 119-149.

2 F. de Dainville, « Les collèges en 1789 Essai de cartographie historique », 95e Congrès national des Sociétés savantes, Reims 23-27 mars 1970, Section d’histoire moderne et contemporaine, t. II, Paris, Bibliothèque nationale, p. 445. D’après mon agenda de l’année 1971, le rendez-vous avec Bruno Ribes a eu lieu le 13 mai 1971 et j’ai travaillé sur les papiers du Père de Dainville à la résidence de la revue en juin et juillet 1971. J’ai rencontré à nouveau Bruno Ribes les 22 octobre 1971, 17 novembre et 22 décembre 1971.

3 J’ai publié dans les Annales ESC, 30 (6), 1975, p. 1516-1561 un article, corédigé avec Paul Pressly, sur « La population scolaire en 1789 Les extravagances statistiques du ministre Villemain » : nous y exprimons les réserves que suscitent les chiffres des enquêtes révolutionnaires.

4 Une première fois à son domicile le 1er novembre 1971 pour une prise de contact ; une seconde fois le 21 mars 1972 à l’hôtel d’Aumont, rue de Jouy, où il avait un bureau en tant que secrétaire de la Commission du Vieux Paris.

5 Sur le parcours de Maurice Bayen (1902-1978), on lira la notice qui lui est consacrée dans le dictionnaire biographique Le Maitron en ligne. Celui-ci a été plusieurs fois recteur et fut de 1953 à 1961 sous-directeur pour les sciences des enseignements supérieurs au Ministère de l’Éducation nationale. En tant que haut fonctionnaire chargé de l’histoire de l’éducation, il dépendait directement du Cabinet du Ministre.

6 Les procès-verbaux de treize séances vont du 17 mars 1971 au 17 mars 1974. Sur l’activité de cette Commission, on se reportera à Guy Caplat, « Le Service d’histoire de l’éducation : Historique et missions », Histoire de l’éducation, n° 1, décembre 1978, p. 3-11. La composition exacte de la Commission n’est connue que par un arrêté du 5 juillet 1972 qui l’officialise à la veille de la chute du gouvernement de Jacques Chaban-Delmas et du départ d’Olivier Guichard. Il est probable que le groupe initial a été moins nombreux. La première séance (17 mars 1971) compte, outre le recteur, sept participants et elle est présidée par Alphonse Dupront, président de l’université de Paris IV qui propose un plan de travail de trois pages, annexé au procès-verbal. À la deuxième séance sont présents : Germain Calmette, conservateur honoraire de la bibliothèque de la Sorbonne, A. Dupront, François Furet (EPHE, VIe section), Jean Glénisson, directeur de l’I.R.H.T., Simonne Guenée, attachée à l’I.R.H.T., Jacques Le Goff (EPHE, VIe section), Hélène Marchand (chargée de mission auprès du directeur général du CNRS), Jacques Monfrin (École des Chartes), H.-I. Marrou (Université de Paris IV), Antoine Prost (Université d’Orléans), Jacques Thuillier (EPHE, IVe section), Jeanne Vielliard, directrice honoraire de l’I.R.H.T.

7 J’ai, du coup, corroboré ces informations avec les notes de mon propre agenda de l’année 1972, remonté de ma cave.

8 Procès-verbal de la séance n° 6, 26 janvier 1972, p. 7.

9 C’est la première fois que je me trouvais en présence du recteur Bayen, que j’ai revu ensuite les 22 et 23 mars, le 20 avril, les 30 et 31 juin suivants à son bureau de la rue Lord Byron.

10 Procès-verbal n° 7, réunion du 20 mars 1972, p. 2-4. Mention est faite dans le procès-verbal que « l’atelier de cartographie de l’EPHE est surchargé ». Il est vrai que cet atelier prépare la publication, sous la direction de Jean Tulard, de l’Atlas administratif de l’Empire français, d’après l’Atlas rédigé par ordre du Duc de Feltre en 1812, livre publié sous la double signature de F. de Dainville et de J. Tulard, Paris-Genève, Droz, 1973, 30 cartes.

11 Procès-verbal n° 8, réunion du 23 mai 1972, p. 2. Les citations sont extraites du compte rendu de l’intervention de François Furet. Il s’agit de la première version de la grille de dépouillement publiée en annexe de l’article de D. Julia, « Les sources d’histoire de l’éducation et leur exploitation », Revue française de pédagogie, n° 27, 1974, p. 37-42.

12 Ibid., p. 3-4. Ce dernier conseil est formulé par Jean Glénisson et Jacques Monfrin, tous deux directeurs d’études à la IVe section.

13 Procès-verbal n° 11, réunion du 30 novembre 1972, p. 7. À la réunion du 26 octobre précédent, le recteur Bayen fait part à la Commission du fait que l’engagement du collaborateur que j’ai demandé « a été retardé par le changement de Ministère ». De fait, Pierre Messmer a succédé le 6 juillet 1972 à Jacques Chaban-Delmas comme premier ministre, et Joseph Fontanet à Olivier Guichard au ministère de l’Éducation nationale.

14 Sur les origines du Service d’histoire de l’éducation, voir Guy Caplat, article cité à la note 6, et Pierre Caspard, « L’éducation, son histoire et l’État. L’exemple français », Annali di Storia dell’educazione e delle istituzioni scolastiche, 5, 1998, p. 101-123, ainsi que sa contribution dans ce volume.

15 Elles sont désormais conservées sur le site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine où elles ont fait (pour ce qui concerne les registres) l’objet d’un répertoire numérique détaillé rédigé par Alexis Douchin en 2022 : il s’agit de la série AS 210(I)/1 à AS 210(I)/172.

16 Philippe Pintrand et Anne-Cécile Tizon-Germe, Collège de Pontlevoy, Répertoire méthodique détaillé des pièces des séries D et F ; et des sous-séries 17 H et 28 J (1644-1827). Répertoire numérique de la sous-série 28 J (1828-1960), Blois, Archives départementales du Loir-et-Cher, 2006.

17 On trouvera le descriptif des sources conservées à l’abbaye-école de Sorèze (et qui ne disposent pas d’un inventaire digne de ce nom) dans Juliette Curien-Mangel, Le Collège bénédictin et l’école militaire de Sorèze. Innovations pédagogiques et formation des élites (1759-1796), thèse pour le diplôme d’archiviste paléographe, 2022.

18 P. Delattre (dir.), Les établissements des jésuites en France depuis quatre siècles Répertoire topo-bibliographique publié à l’occasion du quatrième centenaire de la fondation de la Compagnie de Jésus (1540-1940), 5 vol., Enghien-Wetteren, 1949-1957.

19 Chr. Poitou, Paroisses et communes de France. Allier, Paris, CNRS édition, 2022. Sont annoncés les dictionnaires de la Loire, du Lot et de la Manche.

20 M.-M. Compère, Dominique Julia, « Les collèges sous l’Ancien Régime : présentation d’un instrument de travail », Histoire de l’éducation, n °13, décembre 1981, p. 1-27.

21 D. Julia (dir.), Aux sources de la compétence professionnelle : critères scolaires et classements sociaux dans les carrières intellectuelles en Europe xviie-xixe siècles, Paedagogica historica (Université de Gand), XXX (1), 1994, 467 p.

22 Philippe Boutry et D. Julia (dir.), Pèlerins et pèlerinages dans l’Europe moderne, Rome, École française de Rome, 2000, 518 p.

23 Bernard de Bonnard, Journal de l’éducation des princes d’Orléans, décembre 1777-janvier 1782, édition établie par D. Julia, Paris, Classiques Garnier (collection « Correspondances et mémoires » n° 42), 2019, 692 p.

24 Je dresse ce bilan en janvier 2023 pour actualiser les données.

25 Tel maire d’une ville du Nord de la France, dont les archives avaient fait l’objet d’un excellent inventaire à la fin du xixe siècle, avait ainsi pris le parti d’extraire des liasses classées ce qu’il appelait les documents les plus « intéressants » de sa commune et de les réunir ainsi dans six nouvelles liasses entreposées dans l’armoire de son bureau. Je découvris cet étrange « reclassement » lorsque je constatai, à l’ouverture des liasses anciennement classées, l’absence régulière des documents que je cherchais, pourtant cités dans l’inventaire.

26 D. Julia, P. Pressly, « La population scolaire en 1789... », art. cit.

27 « Les réseaux scolaires », A. Burguière, Jacques Revel (dir.), Histoire de la France, t. 1, L’Espace français, Paris, Seuil, 1989, p. 379-406.

28 W. Frijhoff et D. Julia, École et société dans la France d’Ancien Régime. Quatre exemples : Auch, Avallon, Condom et Gisors, Paris, Armand Colin, 1975, 119 p.

29 W. Frijhoff, D. Julia, « Les Oratoriens et l’espace éducatif français de Louis XIV à la Révolution française », in Jean Ehrard (dir.), Le Collège de Riom et l’enseignement oratorien en France au xviiie siècle, Paris-Oxford, CNRS Éditions-Voltaire Fondation, 1993, p. 11-27.

30 D. Julia, J. Revel et R. Chartier (dir.), Les Universités européennes du xvie au xviiie siècle. Histoire sociale des populations étudiantes, t. 1, Paris, Éditions de l’EHESS, 1986, 262 p. ; D. Julia et J. Revel (dir.), Les Universités européennes du xvie au xviiie siècle. Histoire sociale des populations étudiantes, t. 2, Paris, Éditions de l’EHESS, 1989, 616 p.

31 Bruno Belhoste, « L’enseignement des mathématiques dans les collèges oratoriens au xviiie siècle », in J. Ehrard (dir.), Le Collège de Riom et l’enseignement en France au xviiie siècle, Paris-Oxford, CNRS Editions-Voltaire Foundation, 1993, p. 141-160.

32 Emmanuelle Chapron, Livres d’école et littérature de jeunesse au xviiie siècle, Oxford University Studies in the Enlightenment, Liverpool, Liverpool University Press, 2021, p. 105-111.

33 Isabel Suzeau-Gagnaire, « Le cahier d’écolier de Beatus Rhenanus : l’étude de Virgile (Sélestat, 1499) », in Beatus Rhenanus (1465-1527), lecteur et éditeur de textes anciens : Actes du Colloque International tenu à Strabourg et Sélestat du 13 au 15 novembre 1998, Turnhout, Brepols, 2001, p. 21-32 ; Gérard Freyburger, « Les méthodes d’enseignement des textes anciens dans les cahiers d’écolier et les éditions imprimées par J. Grüninger », Christiane Bénévent et Xavier Bisaro (dir.), Cahiers d’écoliers de la Renaissance, Tours, Presses Universitaires François Rabelais, 2019, p. 137-147.

34 Voir à ce propos Jean-Luc Le Cam, Politique, contrôle et réalité scolaire en Allemagne au sortir de la guerre de Trente Ans, t. 1, La politique scolaire d’August Le Jeune de Brunswick-Wolfenbüttel et l’inspecteur Christoph Schrader, 1635-1666/80, Wiesbaden, 1996, 2 vol.

35 Jean-Claude Perrot, Genèse d’une ville moderne : Caen au xviiie siècle, Paris-La Haye, Mouton, 1975, 2 vol.

36 Les cartes et graphiques du livre cité à la note 28 ont été réalisées par Marie-Madeleine Compère qui a également dessiné celles du livre qu’elle a corédigé avec R. Chartier et D. Julia, L’éducation en France du xvie au xviiie siècle, Paris, Sedes, 1976.

37 Voir, par exemple, François Furet, « Histoire quantitative et construction du fait historique », Annales E.S.C., 26 (1), 1971, p. 63-75 et « De l’histoire-récit à l’histoire-problème », Diogène, n° 93, 1975, p. 115-130, repris tous deux dans L’Atelier de l’histoire du même auteur, Paris, Flammarion, p. 53-90. Voir aussi la rubrique « Quantitative (Histoire) » de Franklin Mendels in André Burguière (dir.), Dictionnaire des sciences historiques, Paris, PUF, 1986, p. 557-562.

38 Voir Jacques Revel (dir.), Jeux d’échelles. La microanalyse à l’expérience. Paris, Gallimard-Seuil, 1996.

39 La prosopographie des élèves nommés à l’École normale de l’an III est disponible sur le site : lakanal-1795.huma-num.fr

40 Alexis de Tocqueville, Œuvres complètes, t. XVII, 3 volumes, Paris, Gallimard, 2021, édition établie sous la direction de Françoise Mélonio.

41 Lettre à Eugène Stoeffels, Tocqueville 14 juillet 1840, dans A. de Tocqueville, Œuvres complètes, t. XVII, Correspondance à divers, vol. 2, Paris, Gallimard, 2021, p. 89.

42 Lettre à Alexandre Pierre Freslon, Saint-Cyr, 3 novembre 1853, ibid., vol.  3, p. 119.

43 Lettre à Alexandre Pierre Freslon, Saint-Cyr,1er décembre 1853, ibid., vol. 3, p. 124.

44 Lettre à Alexandre Pierre Freslon, Saint-Cyr, 22 janvier 1854, ibid., vol. 3, p. 137-138.

45 Lettre à Alexandre Pierre Freslon, Tocqueville, 5 novembre 1857, ibid., vol. 3, p. 438.

46 Mon entrée officielle au CRH ne date que de 1978, c’est-à-dire il y a plus de quarante-cinq ans, parce que, au cours des cinq premières années de mon rattachement au CNRS, je fus d’emblée affecté administrativement à l’Université de Paris IV où exerçait mon directeur de thèse d’État, Alphonse Dupront, ce qui, pour autant, ne m’empêchait nullement de participer déjà aux activités du Centre.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Dominique Julia, « Un tour de France inachevé »L’Atelier du Centre de recherches historiques [En ligne], 28 Bis | 2024, mis en ligne le 10 janvier 2024, consulté le 11 février 2025. URL : http://journals.openedition.org/acrh/28889 ; DOI : https://doi.org/10.4000/acrh.28889

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Auteur

Dominique Julia

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