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Tablettes hors la classe : L’activité de l’enseignant pour et durant une sortie avec ou sans l’application SituLearn

Tablets outside the classroom: Teacher activity for and during an outing with or without SituLearn app
Robin Héron, Christine Vidal-Gomel, Aurélie Lainé et Iza Marfisi

Résumés

En France, le Code de l’Éducation promeut les sorties scolaires comme un moyen d’améliorer l’acquisition des connaissances et des compétences. L’éducation nationale encourage également l’intégration du numérique dans les situations d’enseignement-apprentissage pour soutenir l’apprentissage des élèves. L’application SituLearn a été développée avec l’ambition de réunir ces considérations en combinant numérique et apprentissage situé afin d’enrichir les sorties scolaires. De nombreuses études soulignent des avantages à l’utilisation du numérique pédagogique. Pour autant, les enjeux de la transformation de la situation d’enseignement-apprentissage ne sont que rarement évoqués, d’autant plus dans le cadre de sorties scolaires. À partir d’une étude de cas centrée sur un enseignant en sciences de la vie et de la terre mettant en œuvre une même séance auprès de deux classes de 6e avec et sans l’outil SituLearn, notre objectif est de comprendre comment l’utilisation de cet artefact transforme certains aspects du travail de l’enseignant. Nos résultats mettent en évidence que l’introduction d’un tel outil transforme (1) l’organisation de la séance avec l’ajout de tâches nouvelles, comme la gestion des tablettes et la création des groupes, (2) les interactions enseignant-élève, avec une diminution des interventions didactiques. De plus, nos observations pointent les difficultés de l’enseignant à prévoir suffisamment la nouvelle activité des élèves pour pouvoir l’encadrer et la guider. Ces résultats soulignent la nécessité de repenser l’accompagnement des enseignant.e.s dans la préparation et la mise en œuvre de leurs séances, ainsi que l’implication des acteurs de la situation d’enseignement-apprentissage dans la conception de dispositifs numériques pour l’éducation.

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Texte intégral

Introduction

1En France, le Code de l’Éducation encourage les sorties scolaires censées favoriser l’acquisition de savoirs et de compétences. Le Bulletin officiel de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, dans la circulaire du 13 juin 2023, précise qu’« en confrontant [les élèves] avec le réel, les sorties scolaires permettent d’illustrer les enseignements scolaires, de les compléter et de leur donner du sens. Elles offrent aux élèves des moments partagés et une expérience sociale unique propice à la découverte d’un nouvel environnement naturel ou culturel et à la réalisation de projets collectifs » (ministère de l’Éducation nationale, 2023).

2Cet intérêt pour les sorties scolaires est concomitant au développement important des outils numériques dans le champ de l’éducation. En effet, depuis les années 1980, écoles, collèges, lycées et universités mobilisent des « technologies d’apprentissage » (Sharples, Taylor, & Vavoula, 2010), souvent en postulant leur efficacité pour l’apprentissage sans toujours le vérifier (Amadieu & Tricot, 2014 ; Bernard & Fluckiger, 2019), ou encore en argumentant sur la nécessité de préparer les enfants au xxisiècle (Brown, Englehardt, & Mathers, 2016).

3En France, ce développement est encouragé par la stratégie numérique du ministère de l’Éducation nationale depuis janvier 2015, réaffirmée en 2022 et de nouveau en 2023 avec pour horizon 2027, et en considérant que « le renforcement des compétences numériques des élèves est aujourd’hui un impératif. Cela constitue avant tout un enjeu pour la vie démocratique, alors que le numérique prend une place de plus en plus importante dans la vie de chacun, notamment pour s’informer » (Ndiaye, 2023).

4Toutefois, l’introduction massive d’artefacts numériques dans l’enseignement continue à poser de nombreuses questions. Les diverses promesses d’amélioration faites lors de l’intégration de ces nouveaux dispositifs ne sont pas toujours au rendez-vous du fait d’une mauvaise ou d’une non-prise en compte du travail quotidien des enseignants. La conception relève d’une approche principalement techno-centrée (Rabardel, 1995), que Bernard et Fluckiger (2019) identifient sous le terme de « déterminisme technologique », pouvant limiter l’appropriation de ces dispositifs et/ou la rendre peu aisée.

5Les sorties scolaires n’échappent pas à la règle et de nombreux dispositifs technologiques sont développés pour une utilisation éducative mobile.

6Dans cet article, nous nous intéressons à l’usage d’un outil numérique, intégré à une tablette, conçu pour des sorties pédagogiques avec l’objectif d’aider les enseignant.e.s à les enrichir. Cet outil, nommé SituLearn, a été conçu dans le cadre d’un projet de recherche ANR en informatique, qui intègre l’analyse de l’activité dans la phase d’évaluation du prototype. Aussi, deux types de questions peuvent être posées : celui de l’apprentissage des élèves (appropriation de l’outil, effets sur l’acquisition des contenus scolaires, etc.) et celui de l’activité des enseignant.e.s. Ces deux aspects sont bien sûr en interaction. Toutefois, nous avons pris le parti de nous intéresser à l’activité de l’enseignant, en nous questionnant sur la place de l’artefact (document papier ou SituLearn) dans l’enseignement et sur son usage. Ce questionnement prend toute son importance avec SituLearn qui est un « outil auteur » : l’enseignant crée le contenu.

7L’enseignant, dont nous rapportons une partie de l’activité dans cet article, a testé SituLearn en situation d’enseignement, ce qui ouvre un ensemble de questions sur ce qu’un prototype numérique mobile (une application tablette en cours de développement) introduit comme transformations de l’activité des acteurs.

8Pour répondre à ces questions, dans un premier temps, nous discutons des sorties scolaires, de l’usage du numérique pendant ces sorties et de l’activité des enseignant.e.s, pour présenter de façon plus précise nos questions de recherche. Nous détaillerons ensuite le contexte de l’étude et les méthodes de recueil et d’analyse des données que nous avons utilisées, avant de présenter et de discuter les résultats obtenus.

Sorties scolaires et numérique

9Bien que certaines sorties scolaires aient une approche principalement récréative et orientée vers l’amélioration de la motivation des élèves (Sanchez, Prieur, & Fontanieu, 2005), plusieurs études soulignent leur intérêt pour le développement des savoirs et des compétences, voire pour l’amélioration des performances dans certaines disciplines. De plus, des institutions extérieures à l’école comme les musées ou les zoos peuvent soutenir des objectifs pédagogiques (Medzini, Meishar-Tal, & Sneh, 2015 ; Phillips, Finkelstein, & Wever-Frerichs, 2007 ; Ruble Whitesell, 2016).

10Comparativement à l’étude du travail de l’enseignant.e en classe, ce qu’il ou elle fait pour et lors des sorties scolaires, est peu étudié. Certaines recherches rapportent un travail de préparation conséquent en amont, notamment pour la « formation des accompagnateurs » (Ailincai & Bernard, 2010) ou pour le déplacement du cadre scolaire de la classe vers le musée (Cohen-Azria, 2011).

11Les technologies mobiles présentent plusieurs avantages pour les sorties : leur taille et leur portabilité rendent possible leur utilisation dans des situations d’enseignement-apprentissage hors la classe (Traxler & Wishart, 2011 ; Haßler, Major, & Hennessy, 2016). Ces technologies peuvent ainsi enrichir l’apprentissage en fournissant les conditions d’une étude « authentique » et contextuelle (Sharples et al., 2009). Elles sont utiles pour des domaines mettant l’accent sur le travail de terrain, comme la biologie, la géographie ou encore la géologie : la tablette rend possible le recueil de données, la prise de son et de photographies directement depuis la tablette ou l’orientation à l’aide du GPS (Marçal et al., 2014 ; Stymne, 2020). Plus largement, en tant qu’outils polyvalents, les tablettes et les smartphones peuvent transformer l’élève en correspondant, navigateur, enquêteur, photographe (Medzini, Meishar-Tal, & Sneh, 2015).

12Par ailleurs, selon plusieurs auteurs, l’utilisation de technologie « hors de la classe » favorise la motivation, la participation des élèves et constitue une aide dans les situations d’apprentissage (Banister, 2010 ; Enriquez, 2010 ; Chen, Liu, & Hwang, 2016 ; van Deursen et al., 2016).

13Dans l’ensemble, ce type d’études s’intéresse aux apprentissages des élèves. Celles qui portent sur les enseignants et leurs usages des tablettes pour l’enseignement-apprentissage restent en nombre limité (Ifenthaler & Schweinbenz, 2013 ; Kumar & Mohite, 2018 ; Lu et al., 2022), d’autant plus lorsqu’il s’agit d’utilisation de tablette pour et dans les sorties scolaires. De plus, parmi celles qui ont porté sur l’usage d’outil numérique au cours de sorties scolaires, peu d’entre elles se sont intéressées à la nature et la qualité des interactions enseignant.e-élève. Pourtant, les activités instrumentées destinées à des apprentissages scolaires impliquent la réorganisation des échanges entre les élèves et avec l’enseignant, autour et à l’aide des artefacts en question (Bernard, 2019).

Tablettes numériques et enseignement

  • 1 Nous ne reprenons pas ici les travaux réalisés à propos de l’informatique et du numérique en généra (...)

14En France, depuis 20101, de nombreuses expérimentations, dotant des établissements de l’enseignement primaire et secondaire en tablettes numériques, ont été mises en place. Elles ont donné lieu à de nombreuses études. Villemonteix et Khaneboubi (2013), par exemple, observent trois approches complémentaires de l’intégration de la tablette à l’enseignement : un prolongement post-leçon avec des entraînements ou évaluations ; un outil d’accès à des ressources complémentaires et un outil central pour la tâche de composition et de partage de contenu par les apprenant.e.s. D’autres travaux ont mobilisé le cadre des activités avec instruments de Rabardel (1995) pour analyser les utilisations que les élèves et/ou les enseignant.e.s font des ressources numériques mises à leur disposition (tablettes, classes mobiles), qu’il s’agisse de documenter leur activité, d’identifier des innovations ou d’analyser les processus d’appropriation (Nogry & Sort, 2016 ; Bernard, 2019 ; Nogry, 2020).

15Dans cet ensemble, les travaux de Bernard et al. (2013) nous intéressent particulièrement. Ils analysent les modifications des échanges entre deux groupes d’élèves au cours de deux sorties du fait de l’usage d’une tablette numérique. Au cours de la première sortie, de nombreuses interactions entre les élèves et l’enseignant portent sur la tablette elle-même et son usage. Puis ce type d’interactions diminue puisqu’au cours de la seconde sortie, on relève que les interactions directes entre élèves et enseignant, non médiatisées par la tablette, sont les plus nombreuses. Autrement dit, les interactions didactiques mobilisent peu la tablette. Pour le mettre en évidence, Bernard et al. (op. cit.) utilisent le modèle des activités avec instrument de Rabardel (1995) et le modèle ternaire de la relation pédagogique de Houssaye (1988) qui rend compte des interactions entre l’enseignant, l’élève et le savoir. Ainsi, Bernard et al. (op. cit.) catégorisent les interactions en différenciant (1) le fait que la tablette soit l’objet ou (2) le moyen de l’interaction, (3) les interactions portant sur le contenu et les savoirs qui ne mobilisent pas la tablette et (4) les régulations (interactions qui ne portent pas sur la tâche).

16Ce cadre a permis aux auteurs de mettre en évidence les interactions avec l’enseignant et la tablette du point de vue de l’élève au cours des séances. Il ne permet toutefois pas d’identifier précisément les dimensions des activités de guidage de l’enseignant qui sont modifiées en fonction des différentes phases d’une séance et de caractériser le contenu de ces interactions.

Analyser l’activité instrumentée d’enseignement lors de sorties scolaires

17Le travail d’enseignement a donné lieu à un grand nombre de recherches qui vont de l’analyse de pratiques (Altet, 2002 ; Bru, Altet, & Blanchard-Laville, 2004 ; Altet, 2014) à l’analyse de l’activité (Rogalski, 2003 ; Goigoux, 2007 ; Ria & Leblanc, 2011). Nous en retenons que l’activité des enseignant.e.s est orientée vers les élèves, en tant qu’individus et vers leurs apprentissages, mais aussi vers la classe et la gestion de classe (discipline, sécurité, etc.). Elle est aussi adressée aux parents, aux collègues, à la direction de l’établissement et plus globalement à l’institution à laquelle il appartient et qui l’évalue. Finalement, l’activité de l’enseignant.e est orientée vers l’enseignant.e même, avec des effets impliquant à la fois son plaisir au travail, sa santé ainsi que ses compétences. En somme, le travail enseignant est multi-orienté (Goigoux, 2007), intègre de multiples temporalités au cours même d’une séance (Rogalski, 2003). Il est aussi multitâche ; il déborde hors de la classe de bien des façons, il est réalisé seul ou face à différents acteurs (Rogalski, 2003 ; Piot, 2005 ; Mukamurera, Lakhal, & Tardif, 2019).

  • 2 Dans l’édition de 1983 de l’ouvrage Savoir faire savoir dire, Bruner (p. 8) indique : « Une voix au (...)
  • 3 Dans le texte, nous utilisons indifféremment les termes de tutelle, étayage, et guidage.

18Dans la lignée de Vygotski (1934/1997), l’activité de l’enseignant.e est aussi analysée sous l’angle de la médiation (Numa-Bocage, 2007 ; Vergnaud, 2013). Elle concerne l’élaboration des situations d’enseignement-apprentissage que l’enseignant.e propose aux élèves, la façon dont il ou elle intervient pour les aider à résoudre les problèmes, ou encore à la façon dont il ou elle intervient via les corrections individuelles et collectives, les motive, etc. En reprenant les apports de Vygotski sur la médiation, Bruner (19832, 2011) s’est plus particulièrement centré sur la façon dont l’adulte ou l’enseignant.e guide l’élève dans la résolution de problème. Il définit les interactions de tutelle3 comme « les moyens grâce auxquels un adulte ou un “spécialiste” vient en aide à quelqu’un qui est moins spécialiste que lui […]. C’est le type ordinaire […] de tutorat dans [lequel] l’un des membres “connaît la réponse” et l’autre ne la connaît pas. […] Le [tuteur] seul “sait comment faire” » (Bruner, 2011, p. 261). Notre travail s’inscrit dans ce cadre pour analyser les interventions des enseignant.e.s au cours des sorties scolaires.

  • 4 Un artefact peut être défini comme un objet (matériel ou symbolique) susceptible d’un usage (Rabard (...)
  • 5 Organisation invariante de l’activité pour une classe de situation (op. cit.).

19Pour appréhender l’utilisation de la tablette par l’enseignant.e, nous mobilisons conjointement le modèle de Rabardel (1995), qui considère que l’activité est médiatisée par les instruments. Les instruments sont des entités constituées d’un artefact4 et de schèmes5 d’utilisation associés. Les schèmes d’utilisation comprennent les schèmes d’usage, qui sont relatifs aux tâches « secondes » et gèrent les propriétés de l’artefact, et les schèmes d’action instrumentée. Les premiers sont des schèmes élémentaires, par exemple orienter un smartphone pour cadrer une photo. Les schèmes d’action instrumentée sont relatifs aux tâches premières. Ils intègrent les schèmes d’usage qui en sont des composants et sont tournés vers la réalisation de la tâche première, celle qui permet d’atteindre l’objectif que se donne le sujet – prendre la photo pour garder le même exemple. La constitution de ses instruments par le sujet relève de la genèse instrumentale. Elle est composée de deux processus articulés : l’instrumentation qui concerne l’évolution des schèmes du sujet, et l’instrumentalisation qui porte sur le pôle artefact de l’instrument. Le sujet sélectionne des propriétés de l’artefact, les transforme, leur attribue de nouvelles fonctions, etc.

  • 6 « L’activité productive est orientée vers l’atteinte des buts en situation ainsi que la configurati (...)

20Dans les situations d’enseignement-apprentissage, quand l’enseignant.e introduit un nouvel artefact dans ses cours, il ou elle met au travail non seulement sa propre genèse instrumentale, mais aussi celle des élèves. Via les instruments que les élèves vont développer, il ou elle vise la transformation de leurs compétences. L’activité productive6 de l’élève – réaliser l’exercice demandé – sert de support à l’activité constructive : la transformation des compétences, objectif de l’enseignant.e. Dans les situations d’enseignement-apprentissage, l’introduction d’un nouvel artefact vise donc un double niveau de médiation (la réalisation de la tâche et l’apprentissage visé), celle-ci peut également être accompagnée par le guidage que l’enseignant.e peut apporter aux élèves, ce qui constitue un autre niveau de médiation.

21Le modèle des activités avec instrument (op. cit.) permet d’analyser l’usage d’un instrument en différenciant les interactions directes entre le sujet, l’objet, l’instrument et celles qui sont médiées par l’instrument, comme le font Bernard et al. (op. cit.) pour caractériser les interactions entre les élèves et l’enseignant au cours d’une sortie scolaire. En nous centrant sur l’activité de l’enseignant, nous mobilisons les travaux de Bruner (op. cit.) pour préciser les fonctions de médiation que remplissent ces interactions. Il différencie en effet différentes fonctions de la tutelle : « enrôlement » des élèves dans la réalisation de la tâche proposée, « signalisation des caractéristiques déterminantes » pour guider la prise des informations utiles à la réalisation de la tâche, « réduction des degrés de liberté », autrement dit limiter le champ des possibles, « maintien de l’orientation » pour éviter que l’élève change d’objectif et qu’il poursuive la réalisation de la tâche, « contrôle de la frustration » pour éviter le désintérêt et la démotivation, faire des « démonstrations » qui peuvent être utilisées comme modèle par l’élève.

  • 7 Le langage pourrait dans ce cas être considéré comme instrument. Nous ne retenons pas cette orienta (...)

22Certaines de ces interventions peuvent s’appuyer sur un instrument développé à partir d’un artefact papier ou numérique, par exemple. En centrant l’analyse sur l’usage de cet instrument, elles sont alors considérées comme des médiations au sens de Rabardel (1995), d’autres ne le mobilisant pas sont des interactions directes7. Deux niveaux de médiation sont emboîtés : les interactions de tutelle et leur caractère direct ou médiatisé, qui permettent de rendre compte de la place de l’instrument dans l’interaction.

Contexte de l’étude et méthodologie

23Notre recherche s’inscrit au sein d’un projet ANR qui a conduit au développement de l’environnement logiciel SituLearn visant à aider les enseignant.e.s à enrichir leurs sorties pédagogiques avec des applications mobiles. Plusieurs enseignants sont impliqués dans le processus de conception : ils participent à des réunions, donnent leur avis et testent l’outil.

L’artefact SituLearn

24L’environnement logiciel SituLearn8 est un outil-auteur, conçu au sein du Laboratoire d’Informatique du Mans et composé de deux blocs principaux : SituLearn-Editor (Figure 1 à gauche) qui permet aux enseignant.e.s de créer des applications pour smartphone géolocalisées personnalisées pour leurs sorties pédagogiques ; et SituLearn-Player (Figure 1 à droite) qui est l’application web pour smartphone ou tablette utilisée par l’apprenant.e pour réaliser les « jeux » conçus par l’enseignant.e. (Marfisi-Schottman et al., 2022).

Figure 1 : (a) à gauche SituLearn-Editor, écran d’édition ; (b) à droite SituLearn-Player, écran de sélection des sorties. 
Figure 1: (a) SituLearn-Editor editing screen on the left; (b) SituLearn-Player outings selection screen on the right

Figure 1 : (a) à gauche SituLearn-Editor, écran d’édition ; (b) à droite SituLearn-Player, écran de sélection des sorties.  Figure 1: (a) SituLearn-Editor editing screen on the left; (b) SituLearn-Player outings selection screen on the right

Le cas étudié : H., enseignant de sciences de la vie et de la terre au collège et les sorties9 qu’il élabore

  • 9 Ici, il ne s’agit pas exactement d’une sortie qui se déroulerait hors de l’établissement, mais d’un (...)

25Nous avons observé deux séances (de 1 h 30 min) d’un enseignant de sciences de la vie et de la terre (que nous nommerons H.) au collège ayant 29 ans d’expérience dans cet établissement. Il participe au groupe de conception de l’artefact. Il a conçu une situation d’enseignement-apprentissage « hors la classe ». Elle a habituellement lieu dans la cour de récréation avec des élèves de 6e. Au moment de notre étude, H. était très impliqué dans le projet et essayait toujours de nouvelles façons d’utiliser SituLearn dans et en dehors de sa classe. Il avait déjà réalisé une sortie test deux mois avant et avait utilisé l’application pour un cours dans la classe.

  • 10 En biologie, la clé de détermination est un outil permettant d’identifier les êtres vivants (espèce (...)

26Nous nous sommes centrés sur une sortie ayant pour objectif pédagogique la compréhension du concept de « clé de détermination10 ». Cette sortie est une adaptation d’une séance déjà mise en œuvre les années précédentes. H. a aussi réalisé une des séances sans l’application, utilisant un outil papier conçu antérieurement. Les deux sorties observées se sont déroulées au cours de la dernière semaine de novembre 2022.

  • 11 Le protocole de notre recherche a été validé par le comité d’éthique de Nantes Université.

27Nous avons donc observé et filmé deux classes de 6e, comprenant toutes deux 20 élèves le jour de la séance (Tableau 1) : avec l’outil papier et avec SituLearn. Pour ces enregistrements, nous étions présents du début de la séance jusqu’au départ des élèves. Les parents étaient contactés une semaine auparavant, à l’aide d’une fiche de présentation de l’étude et d’un formulaire de consentement, afin qu’ils puissent donner ou non leur accord pour la participation de leur enfant11. Le jour de la séance, après un rappel des consignes en matière de consentement, les élèves pouvaient encore refuser de participer à l’étude et donc d’être filmés.

28Des entretiens d’auto-confrontation (Mollo & Falzon, 2004) ont été réalisés avec H. : sur l’élaboration de la séance avec SituLearn-Editor (1 h 54 min) et sur les deux séances de mise en œuvre de la sortie (2 h 29 min). Ils ont été réalisés à partir d’une sélection d’extraits préalablement choisis par les chercheurs dans l’optique de présenter des situations variées d’enseignement-apprentissage (14 pour la phase d’élaboration et 16 pour les séances). Nous avons sélectionné ces extraits de sorte à observer le plus d’interactions enseignant-élèves, notamment lorsqu’il était possible d’identifier a priori des comportements relevant de tutelles (Bruner, 2011), ainsi que les moments où l’artefact était mis en jeu dans l’interaction.

29L’enseignant était informé que nous allions réaliser des entretiens sur la base des enregistrements. Au cours de l’auto-confrontation portant sur la phase d’élaboration des séances, l’enseignant était invité à préciser ses objectifs et attendus pédagogiques, ainsi que les relations entre les éléments présents dans l’artefact conçu pour la sortie et les objectifs énoncés. Concernant la réalisation des séances, il était questionné sur ses interventions verbales auprès des élèves, l’utilisation des artefacts (papier ou tablette) dans ces interactions. De plus, nous l’avions questionné sur son anticipation du déroulement de la séance et son encadrement des élèves.

Tableau 1 : Sortie et objectifs. 
Table 1: Outing and objectives

Tableau 1 : Sortie et objectifs.  Table 1: Outing and objectives

Les artefacts élaborés par l’enseignant pour chacune des sorties

L’artefact papier

30Un document papier est utilisé par l’enseignant pour ses sorties habituelles (Figure 2). En haut du recto sont inscrits les noms de la partie et du chapitre : « Comment se loger ? », « La biodiversité au collège ».

31La page est ensuite divisée en trois parties :

  • L’introduction de la clé de détermination ;

  • La tâche à réaliser durant la sortie (« activité » dans le langage de l’Éducation nationale) pour se familiariser avec l’utilisation d’une clé de détermination, avec pour mission de localiser les cocons de chenilles processionnaires. Cette section présente la clé de détermination à utiliser ;

  • Une série d’exercices avec des clés de détermination plus complexes à faire en classe par la suite.

32Le verso du document présente un plan schématique de la cour de récréation, où les élèves devront cartographier et légender les différents arbres identifiés au cours de la sortie.

Figure 2 : Document papier recto verso. 
Figure 2: Paper document

Figure 2 : Document papier recto verso.  Figure 2: Paper document

La sortie dans SituLearn-Player

33Avec SituLearn-Player, la sortie se déroule comme suit :

  • L’introduction porte sur la recherche de la chenille processionnaire du pin. H. souhaite enrôler les élèves avec l’identification des pins et la vérification de la présence de cocon de chenilles processionnaires ;

    • 12 Point Of Interest : les sorties SituLearn s’articulent autour de points d’intérêt auxquels des tâch (...)

    Le premier POI12 est sous le préau. Les élèves doivent scanner un QR code à leur arrivée et réaliser deux tâches : prendre une photo du groupe et enregistrer une phrase portant sur respect du calme dans l’établissement (Figure 3) ;

Figure 3 : SituLearn-Player – introduction et premier POI. 
Figure 3: SituLearn-Player – introduction and first POI

Figure 3 : SituLearn-Player – introduction et premier POI.  Figure 3: SituLearn-Player – introduction and first POI
  • Les trois POI centraux sont les arbres (A, B et C) (Figure 4). Les élèves doivent photographier les caractéristiques de chaque arbre et répondre à deux QCM sur la forme des aiguilles ;

Figure 4 : SituLearn-Player – POI Arbre. 
Figure 4: SituLearn-Player – POI Tree

Figure 4 : SituLearn-Player – POI Arbre.  Figure 4: SituLearn-Player – POI Tree
  • Le dernier POI indique l’évaluation, sous le préau. Les élèves sont invités à répondre à une série de QCM sur la base des caractéristiques des arbres précédemment relevées. Ce n’est qu’à ce moment que la clé de détermination est présentée (Figure 5) ;

  • 13 Pour la suite, nous utiliserons juste l’appellation SituLearn pour SituLearn-Editor (utilisé unique (...)

Figure 5 : SituLearn-Player13 – Clé de détermination, QCM image et Conclusion. 
Figure 5: SituLearn-Player – Determination key, MCQ image and Conclusion

Figure 5 : SituLearn-Player13 – Clé de détermination, QCM image et Conclusion.  Figure 5: SituLearn-Player – Determination key, MCQ image and Conclusion
  • En conclusion, les élèves sont félicités et invités à compléter une carte qui sera distribuée par l’enseignant une fois de retour en classe.

Analyses des données

34Les données recueillies et nos analyses combinent notre point de vue (à travers l’analyse des interactions et des artefacts conçus) et celui de l’enseignant (à partir des entretiens d’auto-confrontation). Le point de vue de l’enseignant nous permet de clarifier ses raisonnements, intentions et anticipations en amont et au cours de la sortie.

35Nos analyses sont basées sur l’annotation des enregistrements vidéo des sessions de sorties à plusieurs niveaux :

  • La structure de la séance, c’est-à-dire l’identification des séquences basées sur le contexte (participants à l’interaction, objet de l’interaction, déplacement, etc.) ;

  • Les transcriptions des interventions verbales de l’enseignant – que nous considérons ici comme un ensemble d’actes de langage (Vion, 1992) consécutifs et soutenant une même fonction (de médiation ou non, Bruner, op. cit.) dans l’interaction – et ses comportements non verbaux saillants (les pointages, les regards) ;

  • La caractérisation des interventions de tutelle de deux points de vue :

    • Les interventions de tutelle sont directes ou médiatisées par l’instrument développé avec la tablette ou le document papier ;

    • Les interventions sont toutes catégorisées sur la base des fonctions identifiées par Bruner (2011) que nous avons adaptées aux situations d’enseignement-apprentissage observées (Tableau a, en annexe).

36Ainsi, nous différencions :

  • L’enrôlement – Engager l’intérêt des élèves par la thématisation (il amène et donne de l’intérêt au thème de la séance), la présentation des consignes (il présente les tâches des élèves) et l’introduction de la mission (il présente l’habillage de la séance : les chenilles processionnaires) ;

  • Le maintien de l’orientation – L’enseignant tente de maintenir l’attention des élèves sur les objectifs par leur rappel (il rappelle aux élèves ce qu’ils sont censés faire ou ce à quoi ils sont censés aboutir) et l’invitation à poursuivre (il incite les élèves à passer à la tâche suivante) ;

  • La signalisation des caractéristiques déterminantes – L’enseignant met en évidence les caractéristiques de la tâche. Pour cela, il attire l’attention des élèves (sur l’artefact, les instructions écrites ou l’objet de la tâche), les fait réfléchir (sur la méthode à mettre en place pour réaliser la tâche), explique (le fonctionnement de la clé de détermination ou la signification d’une catégorie de cette clé), décrit (les caractéristiques des arbres et de leurs épines), fait percevoir (la différence entre des épines douces et piquantes, par exemple), évalue (en questionnant ou validant leur travail) et apporte des connaissances (générales sur les arbres, les clés de détermination ou le vocabulaire par exemple) ;

  • La réduction des degrés de liberté – L’enseignant prend en charge une partie de la tâche par des injonctions (il corrige et dit quoi faire), des indications de direction (il oriente les élèves dans l’espace), des invitations à agir (il suggère aux élèves de réaliser une action) et la décomposition de la clé de détermination (il prend à sa charge la compréhension de la clé et questionne les élèves sur une partie des caractéristiques) ;

  • Le contrôle de la frustration – L’enseignant limite la frustration et encourage les élèves à persévérer. Il les félicite, relativise leurs erreurs et évoque les points à gagner dans l’application ;

  • La démonstration – L’enseignant utilise une « stylisation » de l’action à exécuter, lorsqu’il montre comment détacher les aiguilles pour déterminer leur attache, par exemple.

37Deux autres catégories ont été ajoutées. Premièrement, le rappel de la mission initiale, lorsque l’enseignant en fin de séance revient sur l’habillage de la sortie, c’est-à-dire sur l’observation des chenilles processionnaires. Deuxièmement, de la même façon que Bernard et al. (2013), nous avons catégorisé d’autres interventions relevant de régulations : gestion de la classe, gestion des problèmes techniques, formation des groupes et gestion du matériel.

38Nous cherchons à différencier les interventions didactiques des autres formes d’intervention de l’enseignant et à examiner la façon dont l’usage d’un instrument peut modifier l’ensemble. Nous nous sommes donc intéressés à la relation entre les comportements d’étayage identifiés et la caractérisation des interventions. Nous avons également réalisé une analyse plus clinique – au sens de Clot et Leplat (2005) – du déroulement de certains moments, pour approfondir l’analyse.

Résultats

39Avec l’outil papier, l’enseignant ne se réfère que peu à l’artefact dans ses interventions, se reposant sur des schèmes d’interaction existants. Il consacre du temps à la compréhension et l’utilisation de la clé de détermination et du plan de la cour qui sont au cœur des apprentissages qu’il vise (par des interventions de tutelle). Il s’attache particulièrement à faire réfléchir les élèves et à leur expliquer la méthode de détermination des noms en mettant en évidence les caractéristiques déterminantes de la situation. En comparaison, avec SituLearn, ses interventions d’étayage sont limitées et visent principalement à guider plus directement les élèves en réduisant leur degré de liberté et à les rassurer pour gérer leur frustration. Cela s’explique par le rôle de soutien technique que prend l’enseignant au cours de cette séance. Il aide les élèves à résoudre les bugs et les conseille sur l’utilisation de l’interface. Pour le reste, il tente de les ramener systématiquement aux instructions qu’il a intégrées à SituLearn. Finalement, ses interventions qui ont une visée didactique et qui guident les élèves pour qu’ils s’approprient la clé de détermination et apprennent à l’utiliser pour réaliser la tâche, ses corrections et le rappel de la mission initiale qui donne son sens à la séance diminuent.

40Nous détaillons ces résultats dans les trois parties suivantes. Tout d’abord, nous nous intéressons à la planification des séances et aux grandes phases des sorties. Nous présentons ensuite les divergences en matière de présentation de la sortie aux élèves, avant d’explorer plus en détail les différences d’interaction vis-à-vis des tutelles et régulations de l’enseignant qui en résultent.

L’utilisation de SituLearn conduit à une transformation de l’organisation de la séance

41L’analyse des artefacts et la planification de la séance telle que rapportée en entretien nous permettent d’identifier les objectifs – utiliser une clé de détermination et identifier trois espèces d’arbre – et le scénario prévu de chaque séance. L’enseignant prévoit que :

    • 14 Par souci de clarté, dans les sections suivantes, nous utiliserons classe-P pour faire référence à (...)

    En classe-P14, les élèves, chacun.e avec un document papier, observent les arbres et identifient les espèces en mettant en place le raisonnement proposé par la clé de détermination, embranchement par embranchement. En parallèle, ils complètent et légendent le plan de la cour.

  • En classe-SL, les instructions intégrées à la tablette guident les élèves dans l’observation des caractéristiques dans un premier temps (prise de photographie, QCM sur les caractéristiques des aiguilles). Les élèves gagnent des points, ce qui peut les motiver. En effet, en début d’année, il avait testé l’utilisation des tablettes. En fin de parcours, la clé de détermination est présentée et trois QCM-image nécessitent de déterminer le nom de chaque arbre.

  • 15 Les verbalisations de H. issues des auto-confrontations sont précédées de la mention [AC].

[AC]15 Dans d’autres sorties, j’entendais les élèves : « Ouais, on a gagné des points ! » […] C’est, pas une évaluation. C’est juste une idée d’une motivation pendant la sortie.

42Dans les deux cas, classe-P ou classe-SL, la sortie est justifiée (enrôlement au sens de Bruner, op. cit.) par la participation à une recherche et par la surveillance des chenilles processionnaires. Les exercices sont faits une fois revenus en classe.

[AC] La chenille processionnaire, c’était plus on va dire, le déclencheur. Le pourquoi, pourquoi je veux absolument connaître le nom des arbres […] donc c’était juste pour on va dire motiver les élèves.

43En classe-P (« Papier », Figure 6), la séance est organisée en cinq grandes étapes : la présentation de la sortie et des objectifs (7 min), la présentation de l’artefact soit la feuille recto verso (3 min pour la clé de détermination et 5 min pour la carte), la réalisation de la sortie par les élèves (20 min), le débriefing sous le préau. Une fois de retour en classe, les élèves sont invités à réaliser des exercices afin de continuer à travailler l’utilisation des clés de détermination.

Figure 6 : Temps de la séance. 
Figure 6: Phases of the session

Figure 6 : Temps de la séance.  Figure 6: Phases of the session
  • 16 Les verbatim des enregistrements des sorties sont présentés de façon intégrée au corps du texte ent (...)

44En classe-SL (« SituLearn », Figure 6), les mêmes phases sont observées et dans le même ordre, cependant deux temps viennent s’ajouter : la formation des groupes (5 min) et l’installation des derniers QR codes dans la cour et l’attente des élèves (9 min). En effet, le nombre de tablettes étant limité, H. prend le temps de faire des groupes dans lesquels les élèves se sentent à l’aise pour travailler, comme il l’exprime durant la séance : « Alors, je pars du principe que dans un groupe, on travaille mieux quand on est avec quelqu’un qu’on apprécie »16.

45L’ajout de ces phases empiète sur le temps des autres séquences. De plus, le débriefing est plus long et comprend deux étapes supplémentaires : explication de la clé de détermination et renseignement du plan de la cour, qui étaient intégrées plus tôt en classe-P (respectivement lors de la présentation des artefacts et lors de la réalisation de la sortie).

46La structuration de la séance est donc modifiée et cela s’accompagne d’une transformation importante des interactions au cours de chaque phase.

En amont de la sortie, en classe : enrôlement et présentation des artefacts

47En classe-P, H. introduit le thème (4 min), présente les objectifs (2 min 15 s) et interagit avec les élèves (Figure 7). Il parle lentement, marque des pauses et questionne les élèves à de nombreuses reprises, comme pour les impliquer dans la séance et les amener à se questionner sur la dénomination des êtres vivants : « Pouvez-vous me dire pourquoi l’école est un habitat vivant ? » et rebondit sur leurs interventions. Il souhaite ainsi les amener à identifier le fonctionnement d’une clé de détermination pour caractériser et nommer « quelque chose ».

[AC] C’est de leur mettre une petite graine sur la notion de clé de détermination […]. Donc finalement c’est la démarche pour nommer quelque chose.

48En classe-SL, la formation des groupes a demandé beaucoup de temps (Figure 7). H. est plus concis pour le reste, indiquant que « tout est écrit dans l’application » : « Je ne vous en dirai pas plus parce que tout est écrit dans l’application, mais vous feriez mieux de tout lire ». Il donne quelques informations sur le thème (2 min 49 s) et rebondit sur les commentaires des élèves : « Exactement, il s’agit d’espèces différentes, et nous devons examiner leurs caractéristiques ». Il explique que c’est parce qu’il n’a pas « l’habitude » de le faire avec la tablette.

[AC] J’ai dit que j’allais pas en dire beaucoup, mais finalement je (rire) j’aurais pu ne rien leur dire du tout […]. C’est pas naturel, pas encore. J’ai pas l’habitude de leur donner comme ça. Les activités à faire directement sur la tablette quoi il faut.

49Dans ses propos, on comprend que pour H., le contenu de la tablette pourrait remplacer des propos de l’enseignant ; cela peut être interprété comme la volonté d’éviter le « sur-étayage » qui laisse trop peu d’espace à la réflexion de l’élève (Leblanc & Sauvaire-Maltrana, 2019).

50Par ailleurs, dans le premier cas ce sont les élèves qui donnent les réponses, l’enseignant valide, et dans le second c’est l’enseignant. L’intervention est alors plus directive.

Figure 7 : Chronologie des débuts de séances. 
Figure 7: Timeline of the session openings

Figure 7 : Chronologie des débuts de séances.  Figure 7: Timeline of the session openings

51Dans les deux séances, H. tente d’enrôler les élèves avec l’objectif de surveiller les chenilles processionnaires. Ce travail d’enrôlement est réalisé différemment dans les deux classes : en classe-P, il interagit avec les élèves (1 min 15 s) ; en classe-SL, la présentation sur les chenilles est brève (20 s) et sans question.

52Puis, H. présente les artefacts. En classe-P, il prend un temps conséquent pour présenter la clé de détermination (3 min 14 s) et le plan à compléter (4 min 27 s). Ses interventions portent ainsi sur les objectifs pédagogiques de la séance. Un temps plus important est consacré à la mise en évidence des caractéristiques déterminantes (48 % des interventions contre 27 % en classe-SL) : « Il faut trouver les caractéristiques propres à un arbre. ». Sa présentation de la clé vise à faire comprendre l’importance de l’observation des caractéristiques qu’elle aide à identifier et utiliser.

[AC] J’explique la clé de détermination et ça les oblige à observer précisément les caractéristiques, certaines caractéristiques. […] Donc là je les focalise sur des caractéristiques précises sur les feuilles. Parce que la clé nécessite d’avoir ces observations.

53En classe-SL, la sortie étant construite autrement, la présentation du fonctionnement de la clé de détermination n’est pas faite en début de séance. H. présente SituLearn sous l’angle de son usage (3 min 6 s), notamment pour le scan des QR codes avant d’aider les groupes à démarrer : « Il faut orienter la tablette pour prendre la photo. » Cette centration sur l’usage et non sur les objectifs pédagogiques conduit à une augmentation des régulations en comparaison à l’autre séance. H. cherche à faciliter la genèse instrumentale des élèves, de sorte que cela ne devienne pas un obstacle à ses objectifs pédagogiques pour la suite de la sortie.

[AC] J’avais remarqué, sur d’autres sorties qu’effectivement c’est compliqué de revenir en arrière. […] Il y a la petite flèche en haut à gauche, si on clique dessus, on revient complètement à zéro. Ça, s’ils peuvent éviter de le faire. C’est moins frustrant pour eux déjà.

54Dans les deux séances, l’enseignant aborde la question du calme au cours de la sortie.

55En classe-P, il produit plusieurs interventions de régulation en lien avec le calme et la discipline au cours de la séance, notamment lors de la présentation du plan de la cour : « Cette cour de récréation, avec le bâtiment A et 250 élèves de ce côté du bâtiment, cela veut dire que vous serez entendus par 250 élèves ». Ces interventions sont habituelles pour les sorties « nature » comme il nous l’apprend en entretien.

[AC] Quand on fait des sorties nature, j’essaie de sensibiliser à ça, mais je sais qu’y a l’énervement. Ils sont assez excités, ils sont bruyants, ils ne sont pas forcément attentifs finalement et font du bruit. Donc c’est par expérience.

56En classe-SL, H. évoque deux pigeons devant la fenêtre qui s’envoleront en cas de bruit. Ici, H. conclut ce temps en formulant : « Donc si vous voulez commencer l’activité, il faudra suivre ce qu’il y a sur les tablettes. Désolé, je m’en vais. », et sort de la classe en s’adressant à nous : « Bon tout va bien, s’ils ne sortent pas c’est qu’ils n’ont pas compris ». Il voulait voir s’il était possible pour les élèves de suivre uniquement les indications écrites pour effectuer la sortie.

[AC] Finalement, disons que oui, leur laisser plus d’autonomie, aussi parce que quand on les a en classe et en groupe, on a tendance à vouloir donner les réponses.

57Nous retrouvons ici la volonté de ne pas sur-étayer (Leblanc & Sauvaire-Maltrana, 2019).

Les interventions de H. au cours des deux sorties

58La Figure 8 rend compte des interventions verbales de H., en différenciant celles qui sont directes ou médiées par l’artefact (papier ou SituLearn), ainsi que les régulations et leurs objets.

59Dans les deux séances, les interventions médiatisées représentent une part moins importante que les interventions directes, qu’il s’agisse des interventions de tutelle ou des régulations. L’artefact est plus utilisé en lien avec des interventions de régulation en classe-SL qu’en classe-P. Cela s’explique par le nombre important d’interventions d’aide et de gestion de problèmes techniques : la gestion des « bugs », inévitable avec une version provisoire de l’artefact, représente 8,4 % des régulations médiatisées et 1,41 % des régulations directes (Figure 8 en haut). Avec la classe-SL, d’autres apprentissages des élèves sont nécessaires et identifiables dans les régulations de l’enseignant : elles concernent l’usage de l’artefact et représentent 7,64 % des régulations médiatisées (aide à l’utilisation de la tablette, Figure 8 en bas).

Figure 8 : Proportions de tutelles et régulation dans l’intervention de H. 
Figure 8: Proportions of scaffolding and regulations in H.’s verbal interventions

Figure 8 : Proportions de tutelles et régulation dans l’intervention de H.  Figure 8: Proportions of scaffolding and regulations in H.’s verbal interventions

Le demi-cercle supplémentaire pour chaque schéma détaille les régulations.
(a) en classe-P pour un total de 20 min 16 s et (b) en classe-SL pour un total de 25 min 22 s. 
The additional semi-circle for each diagram details the regulations.
(a) in P-class for a total of 20 min 16 s and (b) in SL-class for a total of 25 min 22 s.

60De plus, les régulations directes sont plus présentes en classe-SL, car il s’agit des nombreuses régulations produites par H. en début de séance pour la formation des groupes.

61De fait, avec la classe-SL, H. réalise moins d’interventions de tutelle qu’avec la classe‑P.

62Dans les sous-sections suivantes, nous examinons deux temps de la séance (début et fin de la sortie hors de la classe) pour mettre en évidence les disparités d’étayage. Nous verrons comment l’intégration de SituLearn modifie la façon dont H. interagit avec les élèves et les guide dans la réalisation des objectifs pédagogiques.

Un début de sortie occupé par la gestion technique

63En classe-P, H. rassemble les élèves sous le préau avant de les laisser explorer la cour.

64Pour la classe-SL, après avoir aidé les élèves à utiliser SituLearn, H. va placer les deux QR-codes restants sous le préau. Il s’attendait donc à ce que les élèves se rendent sous le préau comme indiqué dans la consigne qu’ils peuvent lire dans SituLearn. Après environ 7 min, ne voyant aucun élève, H. remonte : « Je vais les chercher parce qu’ils ne sont… [pas ici] ». Il questionne les élèves sur leur présence dans la classe, prend une tablette et lit à haute voix : « Retrouvons-nous sous le préau en face du self, trouvez et scannez le QR code » (Figure 9).

65Les interventions de H. ont donc pour objectif principal de redonner les instructions déjà notées dans SituLearn et de les aider à utiliser la tablette.

[AC] Alors là je me suis aperçu qu’ils n’avaient pas lu du tout la consigne. Alors peut-être qu’elle n’apparaissait pas forcément. […] Ils se sont pas aperçu qu’il fallait enfin ou ils osaient pas.

Figure 9 : Chronologies des premiers pas hors la classe. 
Figure 9: Timelines of the first steps outside the classroom

Figure 9 : Chronologies des premiers pas hors la classe.  Figure 9: Timelines of the first steps outside the classroom

66Nous examinons maintenant les étayages de H. lors de ses premières interactions avec les élèves une fois dans la cour de récréation (phase en violet Figure 9). La Figure 10 présente le temps total d’interventions verbales au cours de cette phase et sa répartition pour chaque catégorie.

Figure 10 : Interventions de H. en début de sortie (a) sans SituLearn pour 2 min 12 s d’interventions totales et (b) avec SituLearn pour 2 min 23 s d’interventions totales. 
Figure 10: H’s verbal interventions at the beginning of the outing (a) without SituLearn for 2 min 12 s of total speech time and (b) with SituLearn for 2 min 23 s of total speech time

Figure 10 : Interventions de H. en début de sortie (a) sans SituLearn pour 2 min 12 s d’interventions totales et (b) avec SituLearn pour 2 min 23 s d’interventions totales.  Figure 10: H’s verbal interventions at the beginning of the outing (a) without SituLearn for 2 min 12 s of total speech time and (b) with SituLearn for 2 min 23 s of total speech time

La partie haute de la figure se lit de la façon suivante : 25,23 % des interactions sont médiatisées, elles sont toutes des interventions de tutelles. Les interventions directes sont des régulations (5,20 % des interactions) et des interventions de tutelle (69,57 %). L’anneau multicolore entourant le diagramme circulaire, présente le détail des interventions de tutelles et les régulations de l’enseignant. 
The upper part of the figure shows that 25.23% of the interactions are mediated, all of which are scaffolding acts. Non-mediated speech interventions are regulations (5.20% of interactions) and scaffolding interventions (69.57%). The multicoloured ring around the pie chart shows the details of the teacher’s tutorial and regulatory interventions.

67Avec la classe-P, en début de sortie, H. réalise un grand nombre d’interventions de tutelle visant notamment la mise en évidence des caractéristiques déterminantes (qu’elles soient médiatisées ou directes, soit environ 51 % en rose Figure 10 en haut). Ses interventions cherchent à faire réfléchir les élèves sur la méthode d’identification des espèces directement, puis à l’aide de la clé de détermination présente sur leur document : « Comment vous allez trouver le nom ? »

68Face à leur absence de compréhension apparente, il explique en contexte ce que signifient les caractéristiques présentées en classe, et les leur fait ressentir en amenant les épines à leur visage. Pour les aider, il réduit leurs degrés de liberté en les invitant à manipuler les aiguilles, corrigeant leur action, et décomposant l’utilisation de la clé : « Est-ce qu’elles sont attachées par une ? ». Enfin, il réalise une démonstration en manipulant directement les épines pour montrer aux élèves comment faire et les encourage (gestion de la frustration) : « ouais bien vous avez trouvé le bon système, elles sont attachées par une ».

[AC] C’est ce que j’ai expliqué en cours, quoi. Mais là, concrètement, quoi, sur le terrain. […] J’ai pas l’impression qu’elles avaient compris, attachées par une.

69En classe-SL, de retour sous le préau, H. interroge les élèves sur d’éventuelles difficultés à scanner le QR code, car cela n’a pas fonctionné lors de l’installation plus tôt. Pendant la conception, cette phase a été pensée comme un moment d’appropriation à la fois des consignes et de l’artefact SituLearn, ainsi que comme un moyen de gestion de classe.

[AC] Bah en fait, normalement, c’était effectivement pour qu’ils travaillent calmement et donc le fait de redire la phrase ou de l’enregistrer. […] C’est aussi un moyen de s’approprier l’outil. Parce qu’ils devaient prendre des photos, prendre un son et voilà, c’était une des manières de s’approprier l’outil.

70H. prend alors un rôle d’aide technique. Il résout des problèmes techniques et aide les élèves à naviguer dans l’application. Un temps plus important est donc consacré à la régulation autour de problèmes techniques (24,3 %) et d’aide à la manipulation (23,3 % ; Figure 10 en bas).

71Ses rares interventions de tutelle sont de type réduction des degrés de liberté (corrections, invitations à agir, directions ; 17,1 %) : « Ça sert à rien d’aller quelque part », « Alors prendre une photo. De vous, de votre groupe ». Il attire également l’attention des élèves sur les instructions contenues dans l’application (10,6 %) : « là, c’est marqué ici là ». Ces renvois à l’application sont également utilisés pour la gestion de classe : « Vous devez lire attentivement. Je ne pense pas que vous lisiez parce que dans la première activité, on vous demande de travailler en silence ».

72Comparativement à la classe-P, nous constatons un appauvrissement des formes des tutelles en classe-SL. La plupart des interventions de tutelle de l’enseignant renvoient les élèves vers ce qui est prévu dans la tablette en attirant leur attention et les invitant à agir dans l’application.

73Nous l’avons vu, les deux sorties sont pensées différemment dès la phase de conception. L’approche plus descriptive avec SituLearn (prendre en photo et décrire les caractéristiques des arbres, avant de déterminer leur nom à l’aide de la clé) – versus une approche plus analytique (observer les arbres directement à l’aide de la clé pour déterminer leur nom) avec l’outil papier – conduit les élèves à réaliser la tâche sans savoir quoi observer a priori. Dans son approche de la séance avec SituLearn, l’enseignant souhaitait que l’application prenne une part du pilotage de la séance (par les instructions qu’il y a intégrées) et du guidage (par le découpage des tâches des élèves). Il souhaitait que les élèves réalisent la sortie en autonomie grâce aux instructions et explications intégrées. De fait, il s’est attaché à encadrer la prise en main initiale de l’application par les élèves et a pris un rôle de support technique pour les élèves au détriment d’interventions à visée didactique.

74C’est un début de séance qui a mis l’enseignant en difficulté.

[AC] C’était gros stress. Non, sérieux. Là je pense que, dans d’autres conditions, j’aurais arrêté là l’activité.

75En même temps, le retour au document papier n’est pas forcément une bonne solution.

[AC] Je pense que j’aurais basculé sans tablette, mais peut-être qu’il aurait fallu un gros effort aussi, ça aurait été difficile de ramasser les morceaux là je pense.

Un contrôle des résultats gêné avec SituLearn

76Nous nous centrons sur les contrôles du travail des élèves en fin de séance (en bleu Figure 11). La Figure 12 présente les différentes catégories d’interventions et leur prévalence en classe-SL et P au cours de la phase que nous avons nommée « fin de sortie ».

Figure 11 : Chronologies des fins de sorties. 
Figure 11: Timelines of the end of outing time

Figure 11 : Chronologies des fins de sorties.  Figure 11: Timelines of the end of outing time

77En classe-P, H. évalue les élèves à partir de leur carte et de la légende, il pose éventuellement des questions sur les noms des arbres inscrits (13 % des interventions sont des évaluations médiatisées et 6 % sont directes, en rose Figure 12 en haut). Une des élèves s’étant trompée en prenant un arbre pour un autre, H. réduit ses degrés de liberté en verbalisant : « Il y a une petite erreur ». Il attire ensuite son attention sur l’arbre en question, et la fait réfléchir : « la différence entre le sapin de douglas et l’épicéa c’est quoi ? ». Comme elle ne répond pas, il retourne le papier et attire son attention sur la clé de détermination. Un autre groupe avec la même erreur interpelle H. qui leur pose alors la même question (les interventions visant à attirer l’attention, faire réfléchir et expliquer la méthode représentent ainsi 8 % d’interventions médiatisées via l’instrument papier et 8 % d’interventions directes). Comprenant qu’il s’agit d’une erreur de perception et non de compréhension, il leur fait ressentir les épines (et ainsi la différence entre douces et piquantes).

[AC] Comme ils ont le résultat, je le vois sur le plan […] les emplacements des différents arbres. Et puis leur nom à côté ou un symbole pour donner le nom. Je pense qu’ils avaient dû mettre sur les deux arbres ici, qui sont des épicéas, y en a ils ont dû mettre un épicéa et un sapin.

78En classe-SL, après avoir aidé des groupes à trouver le dernier POI, la majorité des interventions de tutelle de H. concernent l’évaluation de ce qui a été fait par les élèves (17 % médiatisées par SituLearn et 10 % sont directes, en rose Figure 12 en bas). Il vérifie les tablettes de deux groupes. Il évalue les réalisations du premier à partir des photographies prises. Ne constatant pas de photographies des caractéristiques demandées, il poursuit alors son évaluation en les questionnant sur le nom des arbres qu’il pointe successivement.

[AC] Je m’aperçois que le groupe est allé flasher le QR code, mais n’a pas fait l’activité de relevé. Donc il a pas pris de photo des arbres et des feuilles, enfin des aiguilles.

Figure 12 : interventions de H. en fin de sortie (a) sans SituLearn pour 2 min 35 s d’interventions totales et (b) avec SituLearn pour 4 min 6 s d’interventions totales. 
Figure 12: H’s verbal interventions at the end of the outing (a) without SituLearn for 2 min 35 s of total speech time and (b) with SituLearn for 4 min 6 s of total speech time

Figure 12 : interventions de H. en fin de sortie (a) sans SituLearn pour 2 min 35 s d’interventions totales et (b) avec SituLearn pour 4 min 6 s d’interventions totales.  Figure 12: H’s verbal interventions at the end of the outing (a) without SituLearn for 2 min 35 s of total speech time and (b) with SituLearn for 4 min 6 s of total speech time

79Il passe ensuite à un autre groupe. Pour évaluer leur progression, H. relève le nombre de points, puis il vérifie les photographies prises. Cette mise en évidence des photographies lui permet, dans une certaine mesure, d’attirer leur attention sur les caractéristiques à observer et d’orienter son évaluation.

[AG] Lorsque je reviens sur la sortie ou sortie déjà faite, je peux revoir les relevés de chaque tablette […] puis après de le leur demander « bah sur la photo, est-ce que vous voyez les aiguilles ? Elles sont par deux, et cetera. ». Donc voir si la photo permettait de d’utiliser la clé.

80Pour autant, pour ce groupe également, il demande aux élèves de nommer les différents arbres qu’il pointe.

[AC] Je voulais revenir quand même sur leur travail avant. […] Et qu’ils ont fait le lien entre l’activité de découverte et puis l’utilisation de la clé, et puis le final donc savoir où sont les arbres.

81Dans l’ensemble dans cette phase, principalement orientée vers l’évaluation des élèves (avec des moments d’institutionnalisation en classe-P : corrections et explications collectives par exemple), la signalisation des caractéristiques déterminantes relève essentiellement de l’évaluation en classe-SL, alors qu’elle prend de nombreuses autres formes dans la classe-P (apport de connaissance, fait percevoir, fait réfléchir, explique, etc., Figure 12). La tutelle prend tout son sens dans la classe-P, et s’appauvrit dans la classe-SL.

82L’application SituLearn ne permet pas à H. d’avoir autant d’informations en un seul coup d’œil. Pour contrôler les réponses des élèves, il est obligé de les questionner alors que les informations présentes sur la carte papier lui permettaient d’identifier directement les erreurs.

83De plus, d’après l’enseignant, « la consigne n’est pas bien respectée parce qu’ils n’ont pas lu tout simplement ». Il semble ici également avoir eu du mal à anticiper l’activité des élèves et à prendre en compte les écarts possibles avec les prescriptions qu’il leur a transmises.

84Avec la classe-P, H. a le temps d’emmener les élèves observer le cocon de chenilles dans le pin, alors qu’il ne mentionne son emplacement qu’aux trois premiers groupes de la classe-SL (zones beiges Figure 12). Les élèves en avance ont eu droit à un « bonus » et les autres ont pu retourner observer le cocon durant la récréation.

[AC] Les cocons de chenille après comme ils avaient terminé eux, c’était en attendant les autres. […] On avait sans doute plus perdu de temps entre en début là, on avait un peu plus de temps.

85Pour terminer, notons que H. est également dans une phase de genèse instrumentale, son utilisation évolue : les points sont utilisés maintenant pour évaluer l’avancement des élèves alors qu’ils étaient initialement exclusivement pensés comme vecteurs de motivation des élèves.

Discussion

86Notre étude est réalisée à un moment de la genèse instrumentale de l’enseignant : il sait utiliser SituLearn. Il semble en effet avoir constitué des schèmes d’usage (au sens de Rabardel, 1995), toutefois ces schèmes d’actions instrumentée (op. cit.) qui intègrent cette fois l’utilisation de SituLearn en classe en interaction avec les élèves sont en cours d’élaboration. Ces schèmes impliquent la conception d’une situation d’apprentissage pour les élèves : les objectifs pédagogiques (apprendre à utiliser une clé de détermination), leur habillage (identifier la présence de chenilles processionnaires), un déroulé de la séance (son organisation, les tâches qu’il donne aux élèves, le guidage qu’il prévoit), son activité de guidage dans ces différentes phases et le débriefing. C’est cet ensemble qui est bousculé par le nouvel artefact et la façon dont il s’en est saisi : notamment « tout mettre » dans l’application pour que les élèves soient plus autonomes, qui semble fonctionner comme un théorème-en-acte (propriété tenue pour vraie sur le réel, Vergnaud, 2013), qui conduit à sous-estimer les difficultés des élèves à la fois sur le plan des apprentissages visés et sur celui de l’usage de l’artefact qui a été introduit. Bien sûr, « tout n’est pas dans la tablette ». Il faut notamment amener les élèves à lire les consignes, les aider à les interpréter, pouvoir corriger les erreurs d’identification des arbres ou faire réfléchir sur la clé de détermination. Dans l’ensemble, les interventions didactiques qui portent l’objectif de l’enseignement ont été amoindries lors de l’utilisation de SituLearn.

87Au cours de la séance, ses schèmes peuvent aussi évoluer : l’enseignant tente de transposer un schème d’évaluation utilisé avec l’instrument papier pour vérifier les réalisations des élèves. Cette activité est rendue peu aisée par les limites de l’application. Ici, l’enseignant utilise finalement les points gagnés par les élèves pour l’aider à identifier leurs résultats. Son schème d’évaluation instrumentée est transformé par l’utilisation de SituLearn. Il attribue une nouvelle fonction aux points, aspect de sa genèse instrumentale caractérisée par l’instrumentalisation (Rabardel, 1995).

88Tout au long de la séance, l’activité de l’enseignant est en partie orientée vers l’étayage de la genèse instrumentale des élèves. En effet, dans cette séance, l’activité productive des élèves (réalisation des tâches : observation, photographie, réponse aux questions) nécessite de savoir utiliser SituLearn. Sur cette base, ce sont les activités constructives des élèves qui sont visées : construction des connaissances (compréhension du fonctionnement d’une clé de détermination et identification de trois espèces d’arbres à aiguilles). L’enseignant produit alors de nombreuses régulations qui, outre la gestion de problèmes techniques, visent à aider les élèves dans leur usage de SituLearn.

89Dans l’ensemble, au moment de la conception de la séance, l’enseignant a peu été en mesure d’anticiper la diversité et la variabilité de l’activité des élèves avec le nouvel artefact. Comme Nogry (2020), nous constatons que l’intégration d’artefacts numériques nécessite une transformation des schèmes d’enseignement. Il ne s’agit pas simplement de l’usage d’un instrument, mais des schèmes d’action instrumentée mobilisés dans la conception de la séance et dans les interactions avec les élèves.

90L’introduction de l’artefact nécessite donc de repenser l’ensemble de la situation d’enseignement-apprentissage. Elle pourrait être davantage travaillée dans ce type de projets, en pensant l’activité de l’enseignant et celle des élèves. Il est envisageable de réfléchir à des phases d’aide et d’accompagnement pour les enseignant.e.s afin de les soutenir dans ces situations d’enseignement-apprentissage nouvelles, ce qui peut nécessiter de transformer certaines de leurs conceptions, comme le théorème-en-acte « tout est dans la tablette », peu pertinentes pour envisager l’activité des élèves.

Conclusion

91Quand il s’agit des ressources numériques pour l’enseignement, le point de vue dominant est celui de l’innovation technologique, qui a tendance à masquer les enjeux pédagogiques ; innovations technologiques et pédagogiques sont confondues. Or, l’innovation pédagogique ne va pas de soi, les enseignants peuvent rencontrer de nombreux obstacles (Villemonteix & Béziat, 2013 ; Villemonteix & Khaneboubi, 2013).

92Aider à la constitution de schèmes d’utilisation des enseignant.e.s nécessite de prendre en compte l’activité de l’enseignant.e, mais aussi celles des élèves dans la nouvelle séance et avec le nouvel artefact. Dans la conception de technologie à visée d’apprentissage, si les concepteurs tentent de mettre en place des processus « centrés utilisateurs », leur contribution consiste souvent à donner leur avis, ils sont consultés. Or, l’activité ne s’exprime pas aisément (Davezies, 2012). Les dispositifs de conception développés en ergonomie cherchent à outiller cette expression, via des situations de simulation par exemple (Barcellini, Van Belleghem, & Daniellou, 2013).

93Par ailleurs, dans les situations d’enseignement-apprentissage, une partie des acteurs de la situation n’est pas intégrée au processus de conception : les élèves en sont le plus souvent absents. Les intégrer nécessite de surmonter de nombreux obstacles administratifs mais aussi liés à leur âge, leur développement, leurs relations à l’enseignement et aux enseignant.e.s. Guérin, Rift et Testevuide (2004) par exemple rendent compte des précautions à prendre pour réaliser des entretiens d’auto-confrontation avec des élèves de collège. Or, il est déjà difficile de mettre en place des recherches collaboratives avec les enseignant.e.s, du fait de leur charge de travail et du grand nombre de sollicitations qu’ils reçoivent. On estime généralement que l’enseignant.e, par son expérience, pourra penser la nouvelle situation avec sa classe, mais encore une fois on touche là à des difficultés d’expressions des sujets sur leur propre travail, et certaines des conceptions des enseignants à propos de l’activité des élèves peuvent s’avérer peu pertinentes. De fait la « voix des élèves » ne porte pas jusqu’aux concepteurs.

94En prenant en compte ces contraintes, plusieurs solutions peuvent être discutées.

95Classiquement on peut considérer que l’aide qui peut être apportée aux enseignants pour développer de nouveaux schèmes et anticiper au moins à gros trait ce que pourrait être l’activité des élèves nécessite de pouvoir « tester » le prototype en situation. C’est finalement ce qui a été proposé ici. On constate que la situation devient vite difficile, ce qui est accentué par l’état de l’application qui est, à ce moment, un prototype à corriger. L’enseignant a d’ailleurs pensé à abandonner la séance.

96Ce type de contribution des enseignant.e.s et de leurs classes à la conception des artefacts qui leur sont destinés soulève des questions éthiques tant la situation d’apprentissage peut en être perturbée. Dans certains établissements, pour ces raisons, les innovations technologiques ne sont pas testées en situations réelles d’enseignement-apprentissage. Par exemple, dans son travail de thèse, Chiron (2022) a été amené à réaliser des expérimentations en parallèle des enseignements dispensés, car l’équipe pédagogique n’a pas souhaité risquer un possible effet délétère du simulateur en cours de conception sur l’apprentissage des étudiants.

97D’autres voies doivent donc être explorées, comme celle d’offrir une option, un moment de découverte de l’application. Cela permettrait de faciliter l’appropriation de l’outil par les élèves. Cette « pré-sortie » pourrait être intégrée au choix de l’enseignant directement lors de la création de la sortie dans l’artefact, et serait suffisamment large pour permettre aux élèves de découvrir l’application et ses fonctionnalités dans des situations diverses (en classe ou sur le terrain) avec une série de tâches simples (prendre une photo, enregistrer un son, accéder au plan). Au cours de cette phase, l’enseignant pourrait se focaliser exclusivement sur l’accompagnement de la genèse instrumentale des élèves. Il serait alors l’objectif principal. Dans ce cas, la façon dont le guidage sur les aspects plus didactiques est transformé par l’utilisation de l’application reste en suspens, ce qui peut s’avérer problématique.

98Trouche (2002) explore d’autres pistes en proposant d’emblée des configurations qui permettent à l’enseignant.e de faire avec la genèse instrumentale des élèves en classe : « l’élève sherpa ». L’enseignant.e projette au tableau les actions d’un élève (dit « l’élève sherpa ») utilisant une application X sur une tablette ou une calculatrice. Il peut ainsi le guider en temps réel. Les traces du travail de l’élève qui sont partagées et le guidage qui lui est adressé servent de « modèle » pour le groupe classe. Au cours d’une sortie, même réduite à la cour de récréation, une telle situation n’est pas envisageable sans de nouveaux développements techniques, comme le fait de permettre à l’enseignant et aux élèves d’accéder au travail d’un groupe en temps réel, quand l’enseignant le souhaite pour guider la classe.

99Enfin, des simulations pour mettre à l’épreuve les scénarios de classe conçus par les enseignants pourraient être utilisées. Ces simulations « visent […] à “faire jouer” par les personnes concernées le travail futur probable (sur la base de scénarios d’action) dans les conditions imposées par les nouveaux scénarios » (Barcellini, Van Belleghem, & Daniellou, 2013, p. 197). Les scénarios conçus pourraient être soumis à un collectif d’enseignants pour bénéficier des apports du débat entre pairs, notamment à propos de leur expérience de l’activité des élèves. L’analyse de l’activité d’enseignement-apprentissage peut ici être menée en amont de l’introduction du nouvel artefact pour pouvoir animer ce type de réunion collective à partir d’une compréhension de la diversité et de la variabilité des situations d’enseignement-apprentissage, en prenant en compte celles de l’activité des élèves, en étant vigilant à propos des conceptions de l’activité des élèves que peuvent avoir les enseignant.e.s.

100Cette dernière proposition pourrait être testée dans de futures études. Elle a l’avantage de renforcer la prise en compte de l’activité des enseignant.e.s dans le processus de conception et de se donner les moyens d’appréhender indirectement l’activité des élèves, via les débats avec un groupe d’enseignant.e.s et avec les apports de l’analyse de l’activité. Elle pourrait aussi ouvrir vers de nouvelles transformations de l’artefact SituLearn.

101Pour conclure, signalons que certaines de nos recommandations ont déjà été prises en compte par les concepteurs. Il s’agit principalement des indicateurs dont l’enseignant a besoin pour guider les élèves et les corriger au cours de la sortie. En effet, avec ce prototype l’enseignant pouvait voir le nombre de points récoltés par les élèves et les photos prises. Cependant, il n’avait pas accès aux réponses données à chaque question et devait se contenter de les inférer à partir du nombre de points obtenus par le groupe. Il est maintenant possible, comme pour les photographies, de consulter les réponses données par les élèves sur le plan.

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Bibliographie

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Annexe

Tableau a : Catégories de tutelles et de régulations utilisées pour l’analyse. 
Table a: Categories of supervision and regulations used for our analysis

Tableau a : Catégories de tutelles et de régulations utilisées pour l’analyse.  Table a: Categories of supervision and regulations used for our analysis
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Notes

1 Nous ne reprenons pas ici les travaux réalisés à propos de l’informatique et du numérique en général. Nous centrons plutôt notre propos sur les tablettes numériques, artefacts mobilisés dans la situation étudiée, ce qui explique notre intérêt pour des recherches publiées entre 2010 et 2020 globalement. En effet, depuis la pandémie de Covid-19, les travaux sur le numérique éducatif ont pris d’autres orientations. Il s’agit davantage de l’usage massif du distanciel pendant la pandémie, de ses liens avec les réformes de l’enseignement (Bonnéry & Douat, 2020), ou de la transformation des pratiques que cela a pu produire (Peltier & Rizza, 2024 ; Pulker & Vialleton, 2024). De nouvelles questions ont pris de l’ampleur, comme l’apprentissage du code informatique (Fluckiger, Boulc’h, Nogry, & Reffay, 2024) ou encore l’usage de l’intelligence artificielle (Romero, Heiser, & Lepage, 2023).

2 Dans l’édition de 1983 de l’ouvrage Savoir faire savoir dire, Bruner (p. 8) indique : « Une voix au moins se fait entendre au travers de la plupart de ces articles, c’est celle du psychologue russe L. S. Vygotsky. C’est son œuvre qui m’a très tôt convaincu qu’il était impossible de concevoir le développement humain comme autre chose qu’un processus d’assistance, de collaboration entre enfant et adulte, l’adulte agissant comme médiateur de la culture. »

3 Dans le texte, nous utilisons indifféremment les termes de tutelle, étayage, et guidage.

4 Un artefact peut être défini comme un objet (matériel ou symbolique) susceptible d’un usage (Rabardel, 1995).

5 Organisation invariante de l’activité pour une classe de situation (op. cit.).

6 « L’activité productive est orientée vers l’atteinte des buts en situation ainsi que la configuration des situations […]. L’activité constructive est orientée vers l’accroissement, le maintien, la reconfiguration des ressources du sujet pour l’activité productive à venir » (Rabardel, 2005, p. 253).

7 Le langage pourrait dans ce cas être considéré comme instrument. Nous ne retenons pas cette orientation qui ne correspond pas ici aux objectifs de notre étude.

8 Pour plus d’informations, voir https://situlearn.univ-lemans.fr/.

9 Ici, il ne s’agit pas exactement d’une sortie qui se déroulerait hors de l’établissement, mais d’une séance hors la classe. Nous conservons le terme de sortie par commodité de langage.

10 En biologie, la clé de détermination est un outil permettant d’identifier les êtres vivants (espèce, genre, famille, etc.).

11 Le protocole de notre recherche a été validé par le comité d’éthique de Nantes Université.

12 Point Of Interest : les sorties SituLearn s’articulent autour de points d’intérêt auxquels des tâches sont associées.

13 Pour la suite, nous utiliserons juste l’appellation SituLearn pour SituLearn-Editor (utilisé uniquement au moment de la conception de la sortie) et SituLearn-Player (utilisé pendant la sortie).

14 Par souci de clarté, dans les sections suivantes, nous utiliserons classe-P pour faire référence à la séance sans SituLearn et classe-SL pour faire référence à la séance avec SituLearn.

15 Les verbalisations de H. issues des auto-confrontations sont précédées de la mention [AC].

16 Les verbatim des enregistrements des sorties sont présentés de façon intégrée au corps du texte entre guillemets et en italiques.

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Table des illustrations

Titre Figure 1 : (a) à gauche SituLearn-Editor, écran d’édition ; (b) à droite SituLearn-Player, écran de sélection des sorties.  Figure 1: (a) SituLearn-Editor editing screen on the left; (b) SituLearn-Player outings selection screen on the right
URL http://journals.openedition.org/activites/docannexe/image/10646/img-1.png
Fichier image/png, 399k
Titre Tableau 1 : Sortie et objectifs.  Table 1: Outing and objectives
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Titre Figure 2 : Document papier recto verso.  Figure 2: Paper document
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Titre Figure 3 : SituLearn-Player – introduction et premier POI.  Figure 3: SituLearn-Player – introduction and first POI
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Titre Figure 4 : SituLearn-Player – POI Arbre.  Figure 4: SituLearn-Player – POI Tree
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Titre Figure 5 : SituLearn-Player13 – Clé de détermination, QCM image et Conclusion.  Figure 5: SituLearn-Player – Determination key, MCQ image and Conclusion
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Titre Figure 6 : Temps de la séance.  Figure 6: Phases of the session
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Titre Figure 7 : Chronologie des débuts de séances.  Figure 7: Timeline of the session openings
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Titre Figure 8 : Proportions de tutelles et régulation dans l’intervention de H.  Figure 8: Proportions of scaffolding and regulations in H.’s verbal interventions
Légende Le demi-cercle supplémentaire pour chaque schéma détaille les régulations.(a) en classe-P pour un total de 20 min 16 s et (b) en classe-SL pour un total de 25 min 22 s.  The additional semi-circle for each diagram details the regulations.(a) in P-class for a total of 20 min 16 s and (b) in SL-class for a total of 25 min 22 s.
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Titre Figure 9 : Chronologies des premiers pas hors la classe.  Figure 9: Timelines of the first steps outside the classroom
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Titre Figure 10 : Interventions de H. en début de sortie (a) sans SituLearn pour 2 min 12 s d’interventions totales et (b) avec SituLearn pour 2 min 23 s d’interventions totales.  Figure 10: H’s verbal interventions at the beginning of the outing (a) without SituLearn for 2 min 12 s of total speech time and (b) with SituLearn for 2 min 23 s of total speech time
Légende La partie haute de la figure se lit de la façon suivante : 25,23 % des interactions sont médiatisées, elles sont toutes des interventions de tutelles. Les interventions directes sont des régulations (5,20 % des interactions) et des interventions de tutelle (69,57 %). L’anneau multicolore entourant le diagramme circulaire, présente le détail des interventions de tutelles et les régulations de l’enseignant.  The upper part of the figure shows that 25.23% of the interactions are mediated, all of which are scaffolding acts. Non-mediated speech interventions are regulations (5.20% of interactions) and scaffolding interventions (69.57%). The multicoloured ring around the pie chart shows the details of the teacher’s tutorial and regulatory interventions.
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Titre Figure 11 : Chronologies des fins de sorties.  Figure 11: Timelines of the end of outing time
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Titre Figure 12 : interventions de H. en fin de sortie (a) sans SituLearn pour 2 min 35 s d’interventions totales et (b) avec SituLearn pour 4 min 6 s d’interventions totales.  Figure 12: H’s verbal interventions at the end of the outing (a) without SituLearn for 2 min 35 s of total speech time and (b) with SituLearn for 4 min 6 s of total speech time
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Titre Tableau a : Catégories de tutelles et de régulations utilisées pour l’analyse.  Table a: Categories of supervision and regulations used for our analysis
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Pour citer cet article

Référence électronique

Robin Héron, Christine Vidal-Gomel, Aurélie Lainé et Iza Marfisi, « Tablettes hors la classe : L’activité de l’enseignant pour et durant une sortie avec ou sans l’application SituLearn »Activités [En ligne], 22-1 | 2025, mis en ligne le 15 avril 2025, consulté le 21 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/activites/10646 ; DOI : https://doi.org/10.4000/13ra8

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Auteurs

Robin Héron

UR 2661 CREN, Nantes Université, Chemin de la Censive du Tertre, 44300 Nantes
robin.heron[@]univ-nantes.fr

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Christine Vidal-Gomel

UR 2661 CREN, Nantes Université, Chemin de la Censive du Tertre, 44300 Nantes
christine.vidal-gomel[@]univ-nantes.fr

Articles du même auteur

Aurélie Lainé

UR 2661 CREN, Nantes Université, Chemin de la Censive du Tertre, 44300 Nantes
aurelie.laine[@]univ-nantes.fr

Iza Marfisi

LIUM, Le Mans Université, IUT de Laval, 52 rue des docteurs Calmette et Guérin, 53000 Laval
iza.marfisi[@]univ-lemans.fr

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Droits d’auteur

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