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Résumés de thèse

Résumé de thèse. “Étude d’un dispositif de formation d’entraîneurs à des usages de technologies numériques au service de l’apprentissage d’actions collectives par les joueurs”

Simon Isserte
Référence(s) :

Simon Isserte. “Étude d’un dispositif de formation d’entraîneurs à des usages de technologies numériques au service de l’apprentissage d’actions collectives par les joueurs”. Thèse en Sciences de l’Éducation et de la Formation.
Soutenue le 2 décembre 2022 à la Faculté des Sciences du Sport et du Mouvement Humain de Toulouse.

Texte intégral

Résumé de Thèse en Sciences de l’Éducation et de la Formation.
Soutenue le 2 décembre 2022 à la Faculté des Sciences du Sport et du Mouvement Humain de Toulouse

Jury de thèse :
Sébastien CHALIES, Professeur des Universités, Université de Montpellier (Directeur de thèse)
Guillaume ESCALIÉ, Professeur des Universités, Université de Bordeaux (Rapporteur)
Cyrille GAUDIN, Maître de Conférences, Université de Limoges (Co‑directeur de thèse)
Gilles KERMARREC, Professeur des Universités, Université de Bretagne Occidentale (Président et Examinateur)
Sylvie MOUSSAY, Maîtres de Conférences, Université de Clermont Auvergne (Examinatrice)
Géraldine RIX-LIEVRE, Professeur des Universités, Université de Clermont Auvergne (Rapporteure)

Introduction

1Cette thèse met à l’étude un dispositif expérimental d’entraînement de football, élaboré conjointement par des chercheurs et des formateurs, mobilisant des usages singuliers et articulés de technologies numériques au service de l’apprentissage d’actions collectives par les joueurs. Une conceptualisation théorique singulière de ce qu’est une action collective est proposée, tandis que l’ancrage dans une anthropologie culturaliste permet de définir des activités d’entraînement sources de son apprentissage par les joueurs. Le recours aux technologies numériques (e.g., animation vidéo 3D, vidéo en léger-différé) a pour ambition de permettre aux entraîneurs de saisir et de répondre à la complexité inhérente aux actions collectives ici objets d’entraînement. Dès lors, un protocole de recherche dit « transformatif », constitué d’une phase de « formation » et d’une phase « d’intervention », a été mis en œuvre auprès de trois entraîneurs novices volontaires engagés dans le Brevet d’Entraîneur de Football (BEF). Les résultats empiriques documentent l’activité des divers acteurs impliqués (entraîneurs, formateur, tuteur et joueurs) lors de ce protocole. Concrètement, ils mettent en exergue (i) l’impact des apports et des activités engagées en formation sur la nature des activités réellement déployées par les entraîneurs à l’aide des technologies numériques en contexte d’entraînement et (ii) que ces activités d’entraînement permettent in fine l’apprentissage d’actions collectives par les joueurs. Plus spécifiquement, les résultats montrent que dans certaines circonstances, les technologies numériques constituent de véritables technologies « cognitives » au sens où elles soutiennent et enrichissent les activités des entraîneurs, mais également des joueurs. Finalement, ce travail met à jour une forme de consubstantialité entre la nature de l’activité (e.g., enseigner), l’objet de cette activité (e.g., une action collective) et les technologies mobilisées. La discussion permet également de dresser des perspectives méthodologiques liées au déploiement de protocoles transformatifs en sciences de l’intervention, et des perspectives technologiques relatives aux collaborations entre chercheurs et praticiens dans le domaine sportif.

Problématique

2Cette thèse a pour objectif d’analyser à la fois des activités d’intervention en contexte réel d’entraînement et les effets potentiels d’une formation reçue par les entraîneurs sur ces activités. Elle vise à analyser l’activité d’entraîneurs de football face à la déstabilisation provoquée par le caractère complexe des actions collectives lorsqu’il s’agit de favoriser leur apprentissage par les joueurs. Pour permettre aux entraîneurs de saisir et de répondre à cette complexité, l’appui sur une approche théorique des objets techniques permet d’envisager le développement de technologies dites « cognitives » (Steiner, 2010). Autrement dit, la complexité de l’action collective, objet d’entraînement, pourrait être atténuée par des usages singuliers de technologiques numériques, au regard des intentions des entraîneurs. Dès lors, l’hypothèse suivante a été formalisée et placée au cœur de l’étude : former des entraîneurs à des usages intentionnés de technologies cognitives, compte tenu de la nature de leurs activités d’entraînement, permettrait de favoriser l’apprentissage d’actions collectives par les joueurs.

Méthodes

3L’élaboration du dispositif expérimental s’est déroulée en parallèle d’une hybridation théorique nécessaire à l’appréhension de la complexité de l’objet d’étude. Tout d’abord, une proposition de définition d’une action collective a été formulée à partir d’un emprunt aux théories de l’action (Descombes, 2001 ; Livet & Nef, 2009). Puis, certains postulats et concepts issus d’un programme de recherche en anthropologie culturaliste (Chaliès, 2019) ont été mobilisés pour envisager l’aménagement de conditions favorables à la construction d’une telle action collective. Enfin, en pensant les technologies numériques comme moyen de transformer la cognition humaine (Steiner, 2010), leurs usages potentiels au service de la prise en compte de la complexité d’une action collective lors de sa construction ont été envisagés.

4Sur cette base, un protocole de recherche « transformatif » a été mis en œuvre auprès des entraîneurs novices. Lors de la première phase, ils ont été formés à : (i) formaliser une action collective à l’aide d’un tableur ; (ii) l’enseigner à l’aide d’une animation vidéo 3D ; (iii) accompagner son apprentissage à l’aide d’une vidéo en léger-différé ; et (iv) l’évaluer à l’aide d’un enregistrement vidéo. Concrètement, un formateur a enseigné ostensivement ces usages des technologies numériques aux quatre entraineurs lors de temps collectifs au sein d’un centre de formation. Un tuteur a ensuite pris le relais en contexte de stage en club afin de lever les potentielles mésinterprétations, et de permettre à chacun des entraîneurs de s’y exercer en conditions aménagées. Lors de la seconde phase, ces derniers ont réalisé les activités objets de la formation dans leur propre contexte d’entraînement, en respectant le « cheminement situationnel » (Chaliès & Bertone, 2021a) proposé afin de favoriser l’enrichissement progressif des expériences vécues par leurs joueurs. Concrètement, en respectant un certain nombre de principes propres à leur culture et environnement professionnels, les entraîneurs sont intervenus en proposant au collectif de joueurs : (i) un briefing en salle ; (ii) une simulation en contexte très aménagé (nommée « exercice ») ; (iii) une simulation en contexte aménagé (nommée « situation ») ; et (iv) une réalisation en contexte de match (nommée « jeu »).

5À partir des enregistrements audio-vidéo de ces deux phases, des entretiens d’auto-confrontation (avec les entraîneurs, le formateur et le tuteur) et des entretiens de remise en situation (avec les joueurs) ont été réalisés. Les données recueillies ont finalement été traitées selon une procédure qualitative (Chaliès & Bertone, 2021b). Dans cette dernière, la reconstitution des règles suivies par les divers acteurs permet l’accès à leurs significations, tandis qu’un travail sur les raisonnements pratiques exprimés permet d’accéder aux éléments de justifications de leurs activités.

Résultats

6Les résultats permettent de décrire finement les activités menées par les entraîneurs, de leur formation jusqu’à l’évaluation de la validité de l’action collective déployée par les joueurs en situation d’opposition.

Des activités « augmentées » par l’usage de technologies numériques

7Les résultats montrent en premier lieu que les technologies numériques soutiennent et enrichissent les activités des entraîneurs. Par exemple, la structure temporelle de l’animation vidéo 3D les aide à se repérer face à la complexité de l’action collective enseignée. Plus largement, les technologies numériques permettent de rappeler certains aspects constitutifs de l’action collective (e.g., étapes, repères), de les montrer aux joueurs de manière enrichie (e.g., selon un autre point de vue) et avec précision (e.g., fonction play/pause). Qui plus est, elles facilitent l’évaluation en exploitant une vue en plongée sur l’action collective et en leur accordant davantage de temps.

Des activités impactées par la formation, mais situées dans un environnement professionnel

8La nature des activités réellement déployées par les entraîneurs en contexte d’intervention est influencée par les apports et les activités engagées par le formateur et le tuteur en formation. Les résultats soulignent notamment une forme de continuité entre les activités du formateur et du tuteur (e.g., exploitation d’une vidéo commune, mobilisation d’un vocabulaire similaire). Toutefois, par moment, les entraîneurs ne s’engagent pas ou détournent les activités attendues. Ils justifient ces écarts par l’intention de contextualiser leurs activités et les rendre compatibles avec leur environnement professionnel (e.g., capacités d’attention des joueurs).

Des activités plus ou moins facilitantes du point de vue des joueurs

9Les effets bénéfiques des technologies numériques soulevés par les joueurs (e.g., une identification plus aisée des éléments à améliorer dans l’action collective réalisée) sont conditionnés au respect de certaines précautions de la part des entraîneurs (e.g., pouvoir bénéficier de la comparaison via un point de vue identique sur la vidéo en léger-différé et l’animation vidéo 3D). Les joueurs insistent aussi sur l’importance de l’accompagnement de l’entraîneur qui guide, questionne et explique en prêtant attention à s’adresser, avec concision, à l’ensemble des joueurs.

Des activités favorables à l’apprentissage d’actions collectives par les joueurs

10Enfin, le dispositif d’entraînement mis en œuvre permet la réussite des actions collectives objets d’entrainement par les joueurs. Néanmoins, bien qu’objectivant ce qui est réalisé par ces derniers, les technologies ici exploitées n’empêchent pas les entraîneurs de toujours situer leurs jugements au regard de la complexité de l’action collective et des circonstances d’entraînement (e.g., durée et nombre des répétitions, nature de la situation, caractéristiques des joueurs).

Thèse défendue

11Finalement, ce travail propose de concevoir les technologies numériques, la nature de l’activité d’intervention, et l’objet de cette activité comme nécessairement consubstantiels. En effet, cette étude permet (à son échelle) de saisir que l’appréhension de la complexité de l’objet d’entraînement « action collective » impacte nécessairement l’activité des entraîneurs. Néanmoins, des usages intentionnés, c’est-à-dire pensés au regard de la prise en considération des caractéristiques propres à l’objet, peuvent aider à soutenir les activités déployées, et parfois même à les enrichir. Ainsi, les usages singuliers et articulés ici proposés permettent de rendre les technologies numériques véritablement « cognitives » pour les entraîneurs comme les joueurs.

Discussion

12La discussion des résultats empiriques permet de questionner les conditions de formation propices au développement de tels usages des technologies. L’interpénétration des activités du formateur et du tuteur est notamment mise en exergue, en écho à l’importance du travail collectif entre formateurs pointée par Moussay et Blanjoie (2021). Plus largement, cela pose la question de la progressivité et de la démultiplication des situations de premiers suivis proposées lors de la phase de formation. Ce résultat n’est pas sans rappeler le constat de Lesellier et Escalié (2022) concernant la nécessité de développer une alternance davantage intégrative dans les formations d’entraîneurs.

13Un second niveau de discussion cible les modes de contractualisation avec les acteurs du monde sportif et examine la question du transfert des résultats de la recherche vers le domaine sportif. Ainsi, dans la continuité des préconisations visant à penser des « espaces collaboratifs entre universités et structures fédérales » (Trudel, Milestetd & Culver, 2020), cette étude invite à investir ce type de recherche-intervention pour enclencher une dynamique vertueuse. En conclusion, une ouverture sur la potentielle utilité de ce travail face aux enjeux sociétaux de demain est proposée.

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Bibliographie

Chaliès, S. (2019). Philosophical Foundations of Teacher Education for Training and Teaching Situations. In P. A. Peter M. (Ed.), Encyclopedia of Teacher Education. Springer Singapour. https://doi.org/10.1007/978-981-13-1179-6_33-1

Chaliès, S., & Bertone, S. (2021a). Activité et compétence : Conceptualisation, illustration et pistes technologiques. In S. Chaliès, & V. Lussi Borer (Eds.), Activité et compétence en tension dans le champ de la formation professionnelle en alternance (pp. 82‑92). Toulouse : Octarès Éditions.

Chaliès, S., & Bertone, S. (2021b). Faire de la recherche fondamentale de terrain ou la nécessité d’instituer une relation de consubstantialité entre visées scientifiques et technologiques. Revue française de pédagogie, 210, 51‑68. https://doi.org/10.4000/rfp.10088

Descombes, V. (2001). Les individus collectifs. Revue du MAUSS, 18(2), 305. https://doi.org/10.3917/rdm.018.0305

Lesellier, J., & Escalié, G. (2022). Évaluer une formation pour la transformer : le cas des entraîneurs de football. TransFormations – Recherches en Éducation et Formation des Adultes, 1(23), 91‑104.

Livet, P., & Nef, F. (2009). Les êtres sociaux : processus et virtualité. Hermann Philosophie.

Moussay, S., & Blanjoie, V. (2021). Le tutorat mixte : Tension entre deux logiques comme opportunité d’articulation entre activité et compétence. In S. Chaliès, & V. Lussi Borer (Eds.), Activité et compétence en tension dans le champ de la formation professionnelle en alternance (pp. 82-92). Toulouse : Octarès Éditions.

Steiner, P. (2010). Philosophie, technologie et cognition. États des lieux et perspectives. Intellectica, 53(1), 7‑40. https://doi.org/10.3406/intel.2010.1176

Trudel, P., Milestetd, M., & Culver, D. M. (2020). What the Empirical Studies on Sport Coach Education Programs in Higher Education Have to Reveal. A Review. International Sport Coaching Journal, 7(1), 61‑73. https://doi.org/10.1123/iscj.2019-0037

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Pour citer cet article

Référence électronique

Simon Isserte, « Résumé de thèse. “Étude d’un dispositif de formation d’entraîneurs à des usages de technologies numériques au service de l’apprentissage d’actions collectives par les joueurs” »Activités [En ligne], 20-2 | 2023, mis en ligne le 15 octobre 2023, consulté le 10 décembre 2023. URL : http://journals.openedition.org/activites/8989

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Auteur

Simon Isserte

simon.isserte@univ-tlse3.fr
École doctorale : Comportement, Langage, Éducation, Socialisation, Cognition (CLESCO).
Laboratoire : Éducation, Formation, Travail, Savoirs (EFTS).
Faculté des Sciences du Sport et du Mouvement Humain de Toulouse. Université de Toulouse Jean Jaurès

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