Navigation – Plan du site

AccueilNuméros21-2VariaLa trame de l’enquête articulée a...

Varia

La trame de l’enquête articulée avec le cours d’action pour étudier l’activité collective en contexte éducatif

The frame of inquiry linked to the course of action to study collective activity in an educational context
William Larosa et Serge Leblanc

Résumés

Dans un contexte où se développent de multiples partenariats dans le domaine de l’éducation (Marx & Reverdy, 2020), nous avons analysé l’activité d’un collectif d’acteurs de statuts différents (professeur des écoles, bénévole et maîtresse-nageuse) dans le cadre de l’enseignement du savoir-nager. En nous inscrivant dans le programme de recherche du cours d’action (Theureau, 2004, 2006, 2015) et en l’articulant à la théorie de l’enquête (Dewey, 1938), nous avons pu déterminer comment l’expérience de ces acteurs était transformée au cours de l’activité collective. Nos résultats nous ont ainsi permis de montrer que tous les acteurs débordaient continuellement des prescriptions institutionnelles. Cette constance portée par divers processus ont conduit à l’enrichissement des savoirs expériencés au sein du collectif. Ces éléments ouvrent des pistes à deux niveaux. D’une part, ils permettent d’envisager les apports théoriques et méthodologiques de cette recherche comme un moyen efficace, compte tenu d’un important corpus de données, pour accéder de manière dynamique à l’activité consensuelle des acteurs sur du temps long. Ils contribuent d’autre part, dans une perspective technologique, à rendre intelligibles les mécanismes de réciprocité expérientielle en jeu au sein d’un partenariat.

Haut de page

Texte intégral

1. Introduction

1Selon plusieurs chercheurs (Baluteau, 2017 ; Garnier, 2015 ; Kember, 1997 ; Kember & Kwan, 2000), travailler avec les autres autour d’un projet commun ne va pas de soi. Les analyses tendent à montrer que les difficultés à agir ensemble peuvent être croissantes lorsque le collectif intègre des acteurs de statuts différents notamment dans le secteur de l’enseignement (Bonasio & Veyrunes, 2014 ; Epstein et al., 2002 ; Mérini & Ponté, 2009 ; Moussay & Aknouche, 2018). Durant de nombreuses décennies, l’école s’est présentée comme un sanctuaire où l’enseignant solitaire dispensait, seul, dans sa classe, divers savoirs (Guigue, 2001). Seul le pédagogue, détenteur d’une expertise, pouvait « transmettre » ce savoir au public qu’il rencontrait. L’idée même de travailler avec des intervenants non inscrits institutionnellement dans le système scolaire était rarement envisagée. Or, depuis plusieurs décennies, les établissements scolaires connaissent des changements qui ont conduit au développement de nombreux partenariats (Marx & Reverdy, 2020). Plusieurs circulaires au sein du ministère de l’Éducation nationale ont ainsi accompagné, prescrit et contractualisé cette mutation, notamment dans le premier degré (Marx & Reverdy, 2020). Dans ce contexte marqué par l’appel à travailler ensemble, certaines recherches soulignent cependant que cette évolution n’est pas anecdotique et qu’elle affecte l’activité des acteurs de l’éducation en remettant en cause l’autorité du Corps enseignant ou en catalysant les tensions au sein du milieu éducatif (Baluteau, 2017 ; Garnier, 2015 ; Mérini & Ponté, 2009 ; Moussay & Aknouche, 2018 ; Toullec-Théry & Nédélec-Trohel, 2010). En nous inscrivant dans la lignée des travaux précités, nous cherchons à décrire et comprendre l’activité des acteurs dans les situations de partenariat et à la considérer comme un objet de connaissance. Notre contribution se propose d’apporter un éclairage sur l’activité collective d’une équipe réunissant un professeur des écoles (PE), une bénévole (B) et une maîtresse-nageuse (MNS) impliqués dans l’enseignement du savoir – nager à l’école primaire.

2En nous inscrivant dans le cadre énactif du cours d’action (Theureau, 2015 ; Varela, 1989), nous envisageons, d’une part, que l’ensemble de l’activité donne lieu à une expérience portant sur les différentes dimensions de l’activité humaine, et notamment de l’action. Nous considérons, d’autre part, qu’il est possible de documenter les préoccupations et les savoirs des sujets afin de faire une analyse compréhensive de leurs actions et accéder à la transformation de leur expérience (Perrin & Dieumegard, 2012). Cependant, si le programme de Theureau permet de mener à bien cette tâche, un certain nombre de travaux soulignent la difficulté à pister l’expérience de plusieurs acteurs dont l’activité s’articule sur du temps long (Bénezet et al., 2024 ; Evin, Sève, & Saury, 2013). Premièrement, les transformations de l’expérience ne sont pas systématiquement accessibles d’un premier abord, elles peuvent « s’opérer imperceptiblement, en silence, sans se faire remarquer pour, quelques mois après, apparaître de manière spectaculaire » (Leblanc, 2014, p. 143). Cela suppose donc de travailler avec une importante quantité de données rendant complexe leur traitement et leur interprétation de manière longitudinale. Deuxièmement, l’articulation des activités individuelles relativement autonomes des acteurs requiert un travail supplémentaire, de « second ordre » pour agir collectivement face à des situations complexes partiellement indéterminées (Saury, 2008). Rendre visible ce « travail d’articulation », suppose de repérer les interactions jugées significatives par les acteurs et les interférences, c’est-à-dire les effets des actions d’un acteur sur un autre déclenchant potentiellement une activité d’enquête individuelle-collective.

3L’enjeu de l’article est donc de montrer comment la notion d’enquête puis la trame de l’enquête proposée par Dewey et son articulation avec le Programme de Recherche du Cours d’Action (PRCA), constituent une ressource méthodologique pour organiser et catégoriser les éléments de documentation de l’activité d’enquête individuelle-collective mise en évidence dans le cours d’expérience des acteurs.

4Dans une première partie, nous présentons le contexte de développement des partenariats et leurs effets dans le monde éducatif. Dans une deuxième partie, nous décrivons la manière dont nous avons proposé une articulation entre la théorie de l’enquête et le programme de recherche élaboré par Theureau (2004, 2006, 2015). Dans la troisième partie, nous développons les éléments relatifs à l’observatoire mis en place pour analyser l’activité individuelle et collective de la triade d’acteurs engagés dans cette étude. Dans la quatrième partie, nous montrons comment les acteurs ont transformé leur expérience au fil des séances d’enseignement de la natation. Enfin, dans la dernière partie, nous discutons de la contribution théorico-méthodologique liée à la théorie de l’enquête au PRCA et son intérêt technologique pour la formation au partenariat.

1.1. Les enjeux et les tensions des relations partenariales en contexte éducatif

5La question du partenariat dans le système éducatif interroge les chercheurs depuis plusieurs décennies. Des travaux tentent d’apporter des pistes fécondes aux interrogations posées par la co-intervention avec les familles et les professionnels issus, ou non, du milieu scolaire (Feyfant, 2015). Des auteurs tendent à souligner le développement des incompréhensions et des tensions qui peuvent déboucher sur des conflits identitaires malgré un cadrage institutionnel et organisationnel (Baluteau, 2017 ; Perrier, 2008). Si, dans certains cas, les contradictions et les désaccords pouvaient se dissiper, dans d’autres situations, les projets ne permettraient pas aux acteurs de co-intervenir de manière efficiente (Marx & Reverdy, 2020). Une des explications aurait pour origine le fait que les acteurs ne seraient pas initiés au partenariat au sein de leur parcours de formation (Mérini & Thomazet, 2016). Ainsi, si institutionnellement un engouement s’est fait jour en faveur du développement des partenariats, divers travaux évoquent des tensions et des divergences dans les conceptions des enseignements, des manières différentes d’appréhender les prescriptions, les élèves et les contenus d’apprentissage (Moussay & Aknouche, 2018).

6Dans le contexte éducatif, les relations partenariales oscilleraient au gré des situations. Parfois face à des enjeux d’apprentissage clairs, des rôles de chacun bien établis et des démarches concertées, il serait possible d’espérer un bénéfice pour l’élève (Amans-Passaga, 2013). Dans d’autres situations, les analyses montreraient des variations entre « une collaboration acceptable » et un « partenariat factice, voire conflictuel » (Baluteau, 2017). Des décalages seraient ainsi observés à plusieurs niveaux entre les acteurs. Un manque de formations, des divergences de conceptions pour enseigner, des attentes différentes au regard des apprenants conduiraient à des situations de neutralisation des personnels et une séparation des rôles qui compromettraient la collaboration (Lescouey, 2001 ; Camporelli, 2022).

  • 1 La notion de « situation d’étude privilégiée » (Grison & Riff, 2002) consiste à élaborer-choisir le (...)

7Notre étude, qui s’inscrit dans ce débat, nous a conduits à analyser l’activité qui émergeait d’un partenariat spécifique réunissant un professeur des écoles (PE), une maître-nageuse (MNS) et une bénévole (B) impliqués dans un dispositif où l’enseignement se déroule conjointement lors des séances consacrées à l’apprentissage du savoir-nager. Nous avons considéré que le contexte des bassins de natation constituait une situation d’étude privilégiée1 pour analyser les relations entre des intervenants de statuts différents.

1.2. Les prescriptions partenariales et les problèmes spécifiques concernant l’enseignement du savoir‑nager

8Depuis la circulaire du 23 décembre 1971 (ministère de l’Éducation nationale de la Jeunesse et des Sports, 1971), il est préconisé, pour une meilleure organisation pédagogique à l’école élémentaire, d’ajouter aux enseignants des classes concernées d’autres éducateurs. Des maîtres-nageurs sauveteurs, moniteurs municipaux qualifiés, des éducateurs sportifs peuvent se joindre aux PE de façon à tendre vers la proportion de deux intervenants par unité de 20 élèves. Cet encadrement réglementaire a aujourd’hui évolué. Dans les textes, le législateur (ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, 1992) rappelle que la natation fait partie des activités à encadrement renforcé. L’enseignant peut donc, au-delà de la présence de professionnel du sauvetage qui assure la surveillance des bassins, être accompagné d’intervenants extérieurs bénévoles. Ces personnels, majoritairement des parents d’élèves agréés par l’Éducation nationale, doivent participer à l’enseignement de la natation si le nombre de MNS n’est pas suffisant pour assister l’enseignant dans son acte pédagogique. Ainsi, selon les secteurs géographiques et les moyens financiers des collectivités qui mettent à disposition des structures pour le public scolaire, l’organisation du partenariat peut varier (ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports, 2017).

9Ces éléments nous ont conduits à questionner les liens, les tensions possibles entre les préoccupations et les savoirs investigués, et les prescriptions institutionnelles rattachées au cadre de travail des acteurs. Nous nous sommes interrogés, par exemple, sur le fait qu’inclure des parents bénévoles dans un dispositif d’enseignement n’était pas sans influence sur le déroulé des séances. Nous avons considéré que les relations entre adultes dans un collectif « plus ou moins imposées » par le législateur pouvaient produire des transformations intéressantes à observer et à caractériser (Allenbach et al., 2021).

10Plusieurs recherches sur l’enseignement de la natation (Buznic-Bourgeacq & Terrisse, 2013 ; Richet & Soulé, 2008) démontrent que la coopération entre les acteurs chargés de l’encadrement des séances ne relève pas de l’évidence. De nombreuses raisons sont évoquées par les chercheurs : a) le fait que ce partenariat se déroule dans un environnement aux particularités physiques qui pèsent sur les interactions. À titre d’exemples, le bruit produit par les équipements, les entrées dans l’eau, la faible qualité acoustique des espaces, entre autres, rendent toute communication verbale difficile entre les élèves et l’enseignant et entre les enfants eux-mêmes (Pelayo, 1999) ; b) la présence des nageurs dans l’eau et de l’intervenant hors de l’eau pose également problème, car les actions motrices des apprenants ne sont pas toujours visibles depuis le bord des bassins. Lorsqu’une partie des actions des élèves reste invisible pour l’adulte, la question de la régulation est dès lors posée (Boudard & Robin, 2012). Sans développer tous les aspects relatifs à l’enseignement dans ce milieu spécifique (la gestion de la dimension psychoaffective des élèves et des adultes, les aspects sécuritaires, la pression du temps), nous pouvons noter que la tâche d’enseigner dans cet environnement particulier se révèle complexe (Lémonie, 2009) et présente un fort caractère d’imprévisibilité (Visioli & Ria, 2010).

  • 2 Huit à vingt heures en formation initiale et un à deux jours en formation continue.

11Les acteurs impliqués dans l’enseignement de la natation peuvent avoir des profils très différents. Ainsi en France, les MNS se présentent comme des professionnels multicompétents dont les tâches sont bien balisées : assurer la sécurité des baigneurs, mais aussi animer et enseigner la natation à un large public. Du côté des PE, ces personnels polyvalents sont peu formés à l’enseignement de la natation2. Les bénévoles enfin, intervenant sous la responsabilité du PE, sont rarement spécialistes de la discipline ou pédagogues. Ils suivent au préalable une session d’agrément pendant laquelle un test de natation est validé. Après avoir reçu des informations relatives à l’enseignement du savoir-nager, ces personnels, pour la plupart parents d’élèves, peuvent faire partie intégrante de l’encadrement et apporter leur contribution aux activités physiques et sportives pendant les phases d’enseignement.

12Cette situation particulière qui place un spécialiste de la natation et un bénévole en étroite relation avec un PE généraliste et polyvalent interroge sur son fonctionnement. Comment ces acteurs peuvent-ils se coordonner autour de l’espace partagé d’une piscine ?

1.3. Les intérêts de la théorie de l’enquête pour analyser les cours d’expérience des différents acteurs et leur articulation collective

13Pour répondre à notre questionnement centré sur l’expérience d’un collectif sur du temps long, nous nous sommes inscrits dans le programme de recherche du cours d’action (Theureau, 2004, 2006, 2015). Dans ce cadre, l’activité est entendue selon les hypothèses ontologiques de l’enaction et de l’expérience, comme la dynamique des interactions asymétriques entre un acteur et son environnement, y compris social, qui donne lieu à expérience. Ce programme envisage la possibilité de reconstruire l’activité individuelle à partir des significations, des préoccupations, des attentes que chaque acteur expériencie dans le cours de son action. Le PRCA permet aussi d’appréhender l’activité collective sur la base de l’articulation des activités individuelles. Cette articulation repose sur le fait que les partenaires peuvent vivre de manière concomitante des significations, des préoccupations, des attentes et/ou des savoirs communs. En retour, ce partage conduit à des transformations de l’activité individuelle à l’échelle temporelle de plusieurs séances.

14Nous nous sommes retrouvés face à un triple défi : a) organiser, traiter une importante quantité de données hétérogènes issues de notre observatoire composite, b) pister de manière longitudinale et discontinue la transformation de l’expérience des acteurs et c) comprendre la coordination de l’activité de ces trois acteurs. En analysant les situations de manière exploratoire, nous avons constaté que l’activité d’enquête telle que la définit Dewey (1938) était présente, à certains moments, chez tous les acteurs. Ainsi, chacun pouvait être déstabilisé, étonné, prenait du recul, cherchait à comprendre, élaborait des solutions et les expérimentait pour transformer ou non ses actions à venir.

15La théorie de Dewey « formalise un modèle d’intelligibilité des conditions et des processus qui permettent aux individus d’enrichir leur expérience dans et par l’activité » (Thievenaz, 2019, p. 19). Pour Dewey (1938), un schème universel retraduit la totalité des mécanismes cognitifs à l’œuvre lorsqu’un individu est confronté à une situation problématique qui le perturbe en passant par cinq étapes (Figure 1) :

  • L’apparition d’une indétermination : dans cette première étape, l’acteur, confronté à une indétermination au regard de son engagement, est déstabilisé, confus, troublé, en proie à des doutes, voire étonné. La situation enclenche, chez ce dernier, le processus de l’enquête ;

  • La perception de l’indétermination : à ce stade, l’acteur a identifié l’indétermination à laquelle il était confronté. Il tend à la rendre intelligible alors qu’elle ne l’était pas auparavant. Il finit par saisir le type de problème auquel il fait face, fait un constat, mais il n’a pas encore de solution à objectiver ;

  • L’élaboration de propositions : ici, l’individu cherche concrètement les moyens pour répondre à l’indétermination. Il élabore des hypothèses, les visualise, les verbalise, les spécifie par le dessin ou la rédaction. L’acteur envisage, à terme, d’opérationnaliser les éléments significatifs pour lui, qu’il a découverts, imaginés et qu’il veut tester ;

  • L’expérimentation de ces propositions : à cette étape, l’acteur cherche à opérationnaliser l’expérimentation en éliminant les hypothèses qui ne semblent pas cohérentes, ou efficaces, et en améliorant de manière progressive les options retenues. Cette étape est fondamentale pour Dewey, car elle est le siège privilégié du raisonnement ;

  • La transformation, ou pas, des dispositions à agir : cette dernière étape du processus permet à l’acteur de considérer qu’il a pu dépasser l’indétermination en éprouvant de manière opérationnelle la suggestion choisie. La situation est intelligible, suffisamment claire, pour qu’une opinion soit conscientisée ou affirmée. Des actions sont ensuite mises en œuvre pour résoudre le problème dans la situation précise.

Figure 1 : Les différentes étapes de la trame de l’enquête. 
Figure 1: The different stages of inquiry

Figure 1 : Les différentes étapes de la trame de l’enquête.  Figure 1: The different stages of inquiry

16Pour Dewey, l’acteur vit plusieurs étapes pour retrouver l’équilibre en passant par une étape d’« expérimentation active » dans laquelle se met en place un processus réflexif et procédural qu’il nomme la « démarche d’enquête ». L’individu, perturbé par la situation, s’implique, met en place une activité d’enquête pour tenter de dépasser les obstacles qu’il rencontre et trouver de nouvelles adaptations aux perturbations du milieu dans lequel il évolue. Les produits de l’expérimentation permettent à l’acteur de construire de nouvelles ressources (des « savoirs expériencés »), nommées des « assertions garanties » qui lui donnent l’occasion d’instaurer, pour un temps donné, un nouvel équilibre avec son environnement (Dewey, 1938). Les savoirs acquis au cours de cette période de déséquilibre représentent une nouvelle base opérationnelle qui engage l’acteur à agir dans des situations analogues (Paggetti, 2020). Comme dans le cadre énactif, les acquisitions ne peuvent se faire hors contexte. Elles sont le résultat d’une démarche d’enquête dans un environnement situé qui permet à ce dernier de trouver des solutions et dégager de nouveaux savoirs. Les résultats de ces processus lui permettent ainsi, de manière dynamique, d’enrichir son expérience et, in fine, son pouvoir d’adaptation à son environnement.

17Au regard de ces éléments, nous avons fait l’hypothèse que les étapes génériques de l’enquête présentaient un triple intérêt pour analyser l’activité individuelle et collective des acteurs.

18Tout d’abord, les étapes génériques de la trame de l’enquête ont été une solution fiable et économe en temps pour catégoriser les éléments documentant l’activité d’enquête repérée dans le cours d’expérience de chaque membre de la triade.

19Ensuite, l’utilisation des composantes génériques de l’activité d’enquête couplée à l’analyse des cours d’expérience a permis d’organiser, de manière fine, les données, en cinq étapes clairement identifiées, et de mettre en évidence des processus d’investigation, d’enrichissement des savoirs expériencés par chaque acteur. L’agencement des données dans la trame de l’enquête a permis d’identifier, assez aisément, les concomitances ou les décalages de significations, de préoccupations ou de savoirs expériencés et nous a aidés à comparer différentes voies de résolution des problèmes et à explorer des séquences de perturbations. Cela nous a permis, par exemple, de suivre l’activité de chaque acteur au regard d’indéterminations partagées à l’échelle temporelle des trois séances.

20Enfin, la démarche d’enquête a permis d’enrichir la dimension collective de nos analyses. Les perturbations, ces moments qui faisaient « choc » dans l’expérience des acteurs, pouvaient ainsi nous amener à conduire notre propre enquête et répondre à notre questionnement à l’origine de cette recherche, à savoir comprendre les déterminants de l’action de plusieurs acteurs en situation de travail partagé et comprendre comment se réalise ce « travail d’articulation » entre eux.

21En explorant le réel, dans les situations ordinaires d’enseignement de la natation pendant lesquelles se déroulent des situations perturbantes, problématiques, voire conflictuelles, nous avons considéré que le processus d’enquête agissait. Il produisait des transformations dans l’activité de l’acteur, de son expérience, de nouvelles façons d’agir et de penser. Si les deux cadres permettaient d’investiguer l’activité humaine en réalisant des travaux sur le terrain de l’action, comment pouvaient-ils être mis en lien concrètement ?

2. Observatoire pour l’analyse de l’activité individuelle et collective de partenaires engagés dans des séances d’enseignement du savoir‑nager

22La théorie de l’enaction et le paradigme de l’enquête que nous avons adopté nous ont permis d’élaborer une grille d’analyse pour modéliser et comparer l’activité de trois acteurs engagés dans des séances d’enseignement du savoir-nager à l’école primaire. Dans cet article, nous mobilisons une partie des données de l’étude, menée quatre années durant (Larosa, 2023), pour aborder l’articulation des différentes catégories des deux cadres empruntés.

2.1. Constitution du corpus

23Le corpus issu d’une étude longitudinale et d’une immersion ethnographique de plusieurs mois nous a permis de produire une analyse de l’activité d’une triade d’acteurs engagés dans l’enseignement de la natation. Ce collectif rassemblait une maîtresse-nageuse sauveteuse (MNS), cheffe de bassin disposant d’une expérience professionnelle d’une vingtaine d’années, un professeur (PE) qui enseigne la natation depuis une dizaine d’années et une bénévole (B) accompagnant les élèves à la piscine depuis sept ans.

24La construction des données issues de cette triade d’acteurs s’est élaborée sur trois séances de natation. Pour chaque séance, les intervenants ont été filmés avant la séance, soit au cours des briefings, pendant la séance aux abords des bassins et après la séance en phase de débriefing. Pour notre étude, nous avons considéré que l’ensemble des interactions à l’amont, pendant, et à l’aval de la séance étaient importantes pour plusieurs raisons : a) l’environnement des bassins limite d’une certaine manière les interactions entre les acteurs à des échanges langagiers courts, rapides et directifs, b) pour comprendre ce qui se jouait dans ces moments, il était indispensable d’accéder aux échanges qui se produisaient à d’autres moments (discussions préparatoires dans le bus, communications informelles à l’école et dans les vestiaires, conversations par courriels), et c) pour repérer les perturbations dans l’activité des acteurs et les transformations de leurs expériences, et nous avons mis en relation ces analyses des activités pour comprendre la dynamique d’ajustement de la triade.

25Ainsi, l’ensemble des interactions entre les protagonistes avant, pendant et après chaque séance a été intégralement pris en compte et ces éléments ont ensuite servi de supports aux autoconfrontations.

26Les enregistrements des séances ont été réalisés à l’aide de deux caméras numériques (Figure 2). Ce dispositif était complété par un micro-cravate HF positionné sur chaque adulte en situation d’enseignement. Cela a ainsi permis de saisir les échanges verbaux de manière satisfaisante dans cet univers très sonore.

Figure 2 : Dispositif d’enregistrement audiovisuel in situ. 
Figure 2 : On-site audiovisual recording device

Figure 2 : Dispositif d’enregistrement audiovisuel in situ. Figure 2 : On-site audiovisual recording device

27Afin de documenter de la manière la plus riche notre objet d’étude, nous avons construit :

  1. Des données ethnographiques : carnet du chercheur, fiches de préparation des enseignants, notes des acteurs, enregistrements vidéo de situations d’enseignement aux abords des bassins (Photos 1, 2 et 3) ;

  2. Des données phénoménologiques qui étaient composées :

  • De la totalité des échanges entre le PE, la B et la MNS, avant, pendant et après la séance aux abords des bassins. Chaque membre de la triade pouvait ainsi, lors des entretiens d’autoconfrontation, écouter l’intégralité de ses enregistrements sonores et voir les vidéos des échanges qu’il avait eus avec ses partenaires ;

  • Des interactions avec les élèves intégralement filmées. Après chaque séance, un rapide co-visionnage permettait aux acteurs de sélectionner les passages qui leur semblaient significatifs (et sur lesquels ils avaient des choses à dire) et au chercheur de pointer des moments intéressants de son point de vue.

Photo 1 : Vue générale du bassin avec la caméra fixe. 
Photo 1: General view of the pool with the fixed camera

Photo 1 : Vue générale du bassin avec la caméra fixe.  Photo 1: General view of the pool with the fixed camera

Photos 2 et 3 : Vues avec la caméra mobile. 
Photos 2 and 3: Views with the mobile camera

Photos 2 et 3 : Vues avec la caméra mobile.  Photos 2 and 3: Views with the mobile camera

28Les deux parties des données phénoménologiques (totalité des échanges entre les adultes et extraits de la séance avec les élèves) ont permis de réaliser des montages d’une trentaine de minutes en moyenne pour chaque séance, qui ont servi de base aux douze autoconfrontations d’une heure trente minutes environ (Photo 4).

Photo 4 : Dispositif d’autoconfrontation [MNS]. 
Photo 4 : Self-confrontation system [MNS]

Photo 4 : Dispositif d’autoconfrontation [MNS].  Photo 4 : Self-confrontation system [MNS]

2.2. Traitement des données

2.2.1. Analyse avec les outils conceptuels du PRCA

29Nous avons analysé les données en deux étapes, a) une phase compréhensive qui visait à transformer des données hétérogènes en données homogènes et b) une phase comparative entre les différents cours d’expérience des acteurs. L’ensemble des données filmiques ont été retranscrites intégralement en respectant un code d’écriture sous la forme d’un protocole à trois volets (voir le Tableau 1).

Tableau 1 : Extrait du protocole à trois volets, réalisé à la suite de l’intervention de la bénévole. 
Table 1 : Extract from the three-part protocol drawn up following the volunteer’s intervention

Tableau 1 : Extrait du protocole à trois volets, réalisé à la suite de l’intervention de la bénévole.  Table 1 : Extract from the three-part protocol drawn up following the volunteer’s intervention

30À partir de ce protocole, nous avons cherché à répondre à nos questions de recherche. Nous avons envisagé la description de l’expérience des acteurs de manière progressive et sur des temps variables. Cela nous a permis, dans une certaine mesure, de suivre la continuité du processus de construction des savoirs en nous focalisant sur des transformations significatives pour les acteurs. Le principal enjeu était d’appréhender ces savoirs et leur construction dans une perspective processuelle en donnant aussi une importance à des unités d’expérience qui apparaissent bien à l’amont (jusqu’à plusieurs années dans notre étude) ou à l’aval du moment vécu. Ces éléments pouvaient paraître secondaires lorsqu’ils n’étaient pas reliés à l’expérience du moment, mais nous les avons considérés comme intéressants pour saisir des transformations chez les acteurs. Par exemple, en analysant l’activité de la MNS, nous avons constaté qu’elle avait dû faire une intervention d’urgence quelques années auparavant pour éviter un accident lié à une mauvaise utilisation du mannequin lors d’un entraînement au sauvetage. Au cours d’un entretien, cette actrice, dans un moment d’évocation d’un incident de surveillance, est revenue sur son activité liée à l’événement marquant de la noyade. Elle a précisé le cheminement qui l’avait amenée à mettre en œuvre de nouvelles conduites à tenir pour éviter que ce type d’événement se reproduise. Ainsi à chaque séance où elle constatait une mauvaise utilisation du matériel, elle alertait l’enseignant. Cet accès à un événement passé de l’activité de la MNS nous a permis de comprendre les raisons de son insistance à baliser l’utilisation de ce matériel par les enseignants tout au long des trois séances.

31Dans ce contexte, nous avons décrit la dynamique des savoirs et réalisé le traitement du cours d’expérience. Nous avons nommé ces unités : Unités du Cours d’Expérience (UCE). À d’autres moments, nous avons placé une focale sur l’activité discontinue en utilisant des éléments qui permettaient de saisir l’historicité des savoirs et d’en comprendre le cheminement. Nous avons nommé ces unités : Unités du Cours de Vie (UCV). Enfin, au cours des échanges avec le chercheur, l’acteur pouvait digresser sur divers aspects de son travail relatifs à la séquence d’enseignement. Nous avons rassemblé ces unités sous la dénomination : Éléments Réflexifs et Interprétatifs (ERI).

32Pour coder les différentes unités, renvoyant à des temporalités différentes, nous avons construit une grille qui nous a permis, tout au long du travail d’analyse des données, d’harmoniser leur traitement. Nous avons utilisé un code couleur pour discriminer les différentes unités d’analyse :

  • Le bleu pour les UCE : cela correspondait aux éléments de l’activité de l’acteur montrés, racontés, commentés dans la situation d’autoconfrontation. Voici un exemple de formulation au cours de l’entretien « PE : À ce moment-là, il me demande de me décaler sur l’autre atelier… ». L’UCE était formulée avec un verbe conjugué à la troisième personne du présent de l’indicatif ;

  • L’orange pour les UCV : dans le discours de l’acteur, elles renvoyaient aux éléments de l’activité montrés, racontés, commentés qui s’étaient produits en dehors des situations sur lesquelles s’opéraient les autoconfrontations. L’UCV était formulée le plus souvent à l’imparfait ou au passé composé (à titre d’exemple : « PE : Voilà, donc euh, j’ai envoyé le descriptif des ateliers, euh, deux, trois jours avant par mail… ») ;

  • Le jaune pour ERI : ce type d’unité concernait un propos général qui ne référait à aucune temporalité précise de l’activité. Il s’agissait de constructions au cours de l’entretien avec le chercheur, qui étaient souvent élaborées au moment de la verbalisation. L’ERI était formulé avec un verbe au présent à la troisième personne du singulier. À la suite d’une question du chercheur, la réponse de l’acteur pouvait être par exemple : « Je ne me suis pas posé la question. Maintenant en y réfléchissant, je pense que… ».

33Par cette approche, nous avons cherché à pister, de manière chronologique, des éléments qui nous permettaient d’élaborer et valider nos interprétations. Par exemple, pour la bénévole, nous sommes remontés dans la séquence d’enseignement pour comprendre comment elle envisageait de remédier aux problèmes rencontrés par les élèves dans les ateliers. Si notre idée était de déterminer quels savoirs pouvaient influer sur son activité individuelle et quels effets ces éléments pouvaient avoir sur l’activité collective, il nous restait à déterminer sur quelles unités d’analyse nous allions fonder nos interprétations.

34Pour chaque unité, nous avons ensuite systématiquement documenté quatre des six composantes de l’expérience choisie, à savoir : U, R, E et I. Dans notre travail, nous n’avons pas retenu les A qui correspondent à l’ensemble des attentes structurées de l’acteur, car l’identification de ces A ne nous a pas semblé nécessaire pour obtenir des résultats relatifs à notre questionnement.

35Enfin, les S ont été traités indirectement dans notre recherche, par le biais de l’analyse du renforcement et l’affaiblissement des savoirs. Voici, à titre d’exemple, un extrait de la reconstitution d’un signe du PE au cours de la deuxième séance (Tableau 2) :

Tableau 2 : Extrait de la reconstitution du signe pour le PE. 
Table 2 : Extract from the sign reconstruction for the primary school teacher

Tableau 2 : Extrait de la reconstitution du signe pour le PE.  Table 2 : Extract from the sign reconstruction for the primary school teacher
  • 3 Le terme de « distinction » emprunté à Varela (1989) et Maturana et Varela (1994) représente des di (...)

36Tout au long du traitement, la documentation des catégories E et I a fait l’objet d’une attention particulière. Tout d’abord, nous avons dégagé chez chaque acteur les préoccupations et les interprétants qui étaient récurrents, stables. Ensuite, au regard de ces régularités, nous avons déterminé comment les transformations des interprétants s’opéraient au fil des séances observées. Pour cela, nous avons utilisé une grammaire minimale de formulation des interprétants (Dieumegard, 2009). Par cette approche, l’étiquetage des savoirs a été réalisé sous forme de « distinctions »3. Les distinctions relient des « entités » à des propriétés à l’instant t. Les entités sont des [situations ou processus ou comportements ou sentiments ou perceptions, etc.]. Elles sont étiquetées entre crochets. Pour chaque entité, il y a un lien avec une « propriété » de la situation, du processus, du comportement, du sentiment, de la perception, etc.

37Dans l’extrait du Tableau 3 ci-dessus, le PE fait l’expérience d’une entité qui le conduit à considérer que la programmation des ateliers n’est pas une action simple pour lui. Voici un exemple de traitement :

Tableau 3 : Extrait du traitement du PE, séance du 30/01/20. 
Table 3 : Extract from the primary school teacher treatment, session of 30/01/20

Tableau 3 : Extrait du traitement du PE, séance du 30/01/20.  Table 3 : Extract from the primary school teacher treatment, session of 30/01/20

38L’activité collective des partenaires étudiée a ensuite été appréhendée à partir de l’articulation des cours d’expériences et des cours de vie des trois acteurs. Cependant, à ce stade de l’étude, il nous manquait un maillon pour relier les différentes unités d’activité entre elles, donner une cohérence à la multitude des données et suivre le cheminement de préoccupations et de savoirs des membres de la triade. La trame de l’enquête a constitué un outil conceptuel et méthodologique permettant à la fois de réorganiser les analyses des cours d’expérience à partir des cinq composantes de l’enquête et de rendre compte de ce « travail d’articulation » discontinu à l’échelle du collectif.

2.2.2. Articulation des catégories du PRCA à la trame de l’enquête

39Au cours des autoconfrontations, les trois acteurs sur lesquels se concentre notre étude rapportaient des événements qu’ils avaient vécus dans le continuum de leurs actions. Ils racontaient des phénomènes circonscrits liés à leur activité individuelle ou collective. Ces descriptions étaient parfois présentées de manière chronologique. D’autres fois, les acteurs évoquaient leurs expériences en faisant des allers-retours entre des situations vécues récemment ou d’autres plus anciennes. Cet aspect constituait un élément de complexité supplémentaire à gérer qui nous a conduits à chercher une solution pour pister la dynamique d’apparition et de disparition des préoccupations et des savoirs sans se perdre dans la multitude des données et des échelles temporelles.

  • 4 « Par histoire nous considérons “une unité narrative articulant dans les temps, des acteurs, des év (...)

40L’analyse des données nous a conduits à constater qu’au sein des préoccupations des acteurs, les préoccupations pour enquêter étaient particulièrement présentes (71 % des occurrences de notre corpus au regard de l’ensemble des occurrences des préoccupations). Sur la base de ces données, nous avons dégagé plusieurs histoires4 dans lesquelles les acteurs conduisaient des enquêtes.

41À travers chaque enquête traitée, nous avons décrit les comportements, dégagé les savoirs en suivant le cadre méthodologique du cours d’action. L’approche ethnographique a permis de mettre en relation ces éléments avec des traces qui correspondaient à l’activité des trois individus (documents produits ou consultés, fiches de préparation, planning d’organisation, schéma et plan de découpage spatial des bassins, etc.). L’intérêt de cette analyse détaillée, à l’aide des supports produits ou utilisés par les acteurs, était double. D’une part, elle nous permettait de saisir comment la triade s’organisait dans le cours de l’action et, d’autre part, nous pouvions, dans une certaine mesure, valider ou invalider certaines hypothèses interprétatives relatives à l’activité de chacun. En abordant les mécanismes sous-jacents à la construction de l’expérience, nous avons constaté que le processus d’enquête selon Dewey fournissait un cadre analytique pour analyser l’activité sur une durée longue qui permettait de documenter ce « travail d’articulation » d’activités individuelles de chacun conduisant à une enquête collective partagée.

42En replaçant les unités d’analyse dans la trame de l’enquête, nous avons progressivement pu reconstruire les détails de celle-ci, par exemple par le PE, et saisir le cheminement de sa pensée (voir Tableau 4 ci‑dessous).

Tableau 4 : Enquête menée par le PE au cours de l’histoire 1. 
Table 4 : Inquiry conducted by the primary school teacher during Story 1

Tableau 4 : Enquête menée par le PE au cours de l’histoire 1. Table 4 : Inquiry conducted by the primary school teacher during Story 1

43Voici, notamment, comment nous avons articulé l’activité individuelle des trois acteurs à un moment de l’histoire. Dans l’exemple ci-dessous, nous avons constaté, en analysant les cours d’expérience, qu’une indétermination était partagée par les trois acteurs.

  • 5 ε = émergence = Une distinction exprime un potentiel de généralité, une valeur de régularité pour l (...)
  • 6 IR = renforcement = Si une distinction exprime un potentiel de généralité, une valeur de régularité (...)

44Les distinctions de B (Graphique 1) soulignent que cette dernière est en difficulté pour faire progresser les élèves en moyenne profondeur. Les remédiations proposées par le PE ne fonctionnent pas et les consignes sont difficiles à donner (ε5 [difficultés de certains élèves] gagner la moyenne profondeur ; ε [propositions de remédiation du PE] ne fonctionnent pas ; ε [atelier cerceaux] consignes difficiles à donner). L’étude des distinctions des deux autres acteurs montre que le PE dans un premier temps (distinction du débriefing de la séance du 24 janvier : IR6 [« atelier immersion »] implique une aide à B), puis la MNS, dans un second temps (briefing du 30 janvier : ε [atelier immersion] compliqué pour B), découvrent la situation.

45À la suite de la perception de cette indétermination, une activité d’enquête collective se tisse à partir d’un partage de distinctions opérées par les uns et les autres (Graphique 1, ci-dessous). Ainsi le PE cherche des pistes pour résoudre le problème (IR [progression envisagée] implique une immersion progressive du corps en position verticale puis ensuite en position accroupie) et la MNS apporte des conseils au collectif (IR [observation du PE] je le conseille pour l’aider ; IR [relation MNS avec les bénévoles] donne des conseils pédagogiques, didactiques et sécuritaires).

Graphique 1 : Liens entre les distinctions des trois acteurs qui permettent la construction de l’activité sociale individuelle. 
Graph 1: Connections between the three actors’ distinctions that allow for the creation of an individual social activity

Graphique 1 : Liens entre les distinctions des trois acteurs qui permettent la construction de l’activité sociale individuelle. Graph 1: Connections between the three actors’ distinctions that allow for the creation of an individual social activity

46Les savoirs mobilisables par B, en lien avec sa préoccupation, se transforment et conduisent cette dernière à faire l’expérience d’émergences de distinctions. B finit par alerter le PE et, ultérieurement, la MNS (1 dans le graphique). Ces distinctions qui deviennent significatives pour le PE et la MNS (2 dans le graphique) transforment à divers degrés leurs propres savoirs. Le PE envisage de modifier le contenu de l’atelier « immersion » pour répondre au problème technique rencontré par les élèves. En parallèle, il projette également de mettre en place une différenciation des tâches. La MNS découvre la difficulté de B et se positionne en aidant auprès des deux autres partenaires, pour permettre à la bénévole et à l’enseignant de dépasser l’obstacle du moment.

47Au-delà de cet exemple, nous avons entrepris, pour chaque situation étudiée, le repérage des articulations entre les éléments du signe et des étapes génériques présentes dans la trame de l’enquête. C’est ainsi que nous avons établi des liens entre les préoccupations (E) des acteurs et « la perception des indéterminations » en vue d’analyser comment les acteurs identifiaient les indéterminations et les rendaient intelligibles dans l’optique future d’objectiver des solutions.

48Nous avons aussi établi des liens entre « l’élaboration des propositions » et l’unité d’activité (U) du sujet lorsqu’elle s’actualisait en termes d’interprétation. En articulant des unités et la manière dont l’acteur sélectionnait des moyens de répondre concrètement à l’indétermination, nous avons pu identifier et confirmer la validité de certains savoirs expériencés. Un travail de connexion des « representamens » et des diverses « perceptions des indéterminations » nous a aussi permis de repérer plus facilement les moments et les situations qui faisaient « choc » chez un ou plusieurs membres de la triade, et de comprendre les mécanismes sous-jacents à l’ouverture de l’enquête. Ces articulations ont permis de suivre le devenir des savoirs de chaque acteur sur des empans de quelques jours à plusieurs semaines en fonction des moments investigués.

49En réalisant des liens entre les enquêtes menées par chaque membre de la triade autour d’une indétermination partagée, nous avons sélectionné chez les acteurs des moments significatifs pour eux qui permettaient de saisir les transformations de leur expérience et de pister, de manière chronologique, des éléments qui permettaient d’objectiver au mieux comment se coordonnaient les acteurs.

3. Résultats : Le passage de l’enquête individuelle à l’enquête collective comme source d’apprentissages ou de transformations

3.1 Le partage d’indéterminations à la base d’une co‑construction de solutions au sein du collectif

50L’étude de l’histoire présentée dans la partie précédente est révélatrice de la manière dont l’ensemble des acteurs partage l’indétermination de B. Grâce à l’utilisation de la trame de l’enquête, nous avons pu montrer comment s’articulait un « travail supplémentaire » au sein du collectif qui dépassait l’activité individuelle du PE et de la MNS et qui constituait une source de transformation de leurs préoccupations et de leurs savoirs.

51Reprenons l’illustration de cette histoire qui a conduit les acteurs à démarrer leur enquête au cours des trois séances qui se sont déroulées du 24 janvier au 7 février 2020. Au cours de la première séance, B expériencie « l’apparition d’une indétermination ». L’examen des U (les élèves ne m’écoutent pas ; Faustin semble jouer) et des E (capter l’attention des élèves, rassurer mes nageurs) souligne un malaise. Le début de séance n’est pas agréable pour B. Elle bataille pour se faire entendre, pour amener les élèves à gagner la moyenne profondeur. Elle finit par « percevoir une indétermination », qui déclenche une enquête individuelle. Plusieurs élèves semblent en réelle difficulté pour répondre à ses attentes. L’examen de ses I confirme cette situation (ε [difficultés de certains élèves] gagner la moyenne profondeur ; ε [Faustin et Maël] expriment des difficultés pour réaliser une immersion). La bénévole est perturbée par l’absence de progrès des nageurs pour explorer la profondeur du grand bassin. Elle constate que les élèves, à la surface de l’eau, n’arrivent pas à s’immerger totalement. Malgré une absence d’appréhension, les nageurs semblent incapables de trouver la bonne posture pour passer dans des cerceaux à moyenne profondeur ou pour récupérer un objet déposé au fond de la piscine. Cette conduite typique est nouvelle au regard de l’expérience de la bénévole et de l’enseignant, qui accompagnent et gèrent habituellement des nageurs qui n’expriment pas ce type de blocages. Un questionnement s’immisce chez B en phase d’« élaboration de propositions ». B tâtonne, donne des consignes sans réelle efficacité.

52B finit par partager ses inquiétudes à l’enseignant. Elle insiste fortement pour obtenir des solutions au problème rencontré par quelques élèves de la classe (37 % des échanges aux débriefings). Elle interpelle la MNS pour obtenir de l’aide (87 % du temps de l’entretien du 30 janvier qui réunit les trois acteurs est consacré à cette question). Face à un PE qui doute (24 % des unités traitées), qui s’interroge et qui hésite (22,8 %), la bénévole apporte des éclairages sur les difficultés et les réussites des élèves, fait des propositions de remédiations et présente ses initiatives (10,2 %). Progressivement, ses doutes, son embarras et son incertitude entraînent une convergence des préoccupations chez le PE (E : trouver une solution au problème de l’immersion ; relativiser la difficulté des élèves) qui, à son tour, « perçoit une indétermination et déclenche une enquête » (IR [« atelier immersion »] implique une aide à B). Ce dernier « élabore des propositions » (ε [difficulté pour les immersions] relative à un problème technique ; IR [atelier immersion] suppose une remédiation progressive ; IR [atelier immersion] je propose des modifications de l’atelier).

53À la séance suivante, B applique des solutions proposées sur la fiche donnée par le PE, mais constate leur inefficacité (ε [propositions de remédiation du PE] ne fonctionnent pas). Dans sa quête de solutions, elle finit par en parler à la MNS qui déclenche à son tour une enquête (E : aider la bénévole, rassurer B). L’examen des I chez le PE (IR [« atelier immersion »] ne fonctionne pas), B et la MNS (ε [atelier immersion] compliqué pour B ; R [relation MNS avec les bénévoles] donne des conseils pédagogiques, didactiques et sécuritaires) (Graphique 1) révèle que l’indétermination est devenue collective au cours de cette deuxième séance.

54Au cours des séances suivantes, le PE et la MNS expériencient à leur tour plusieurs phases d’« élaboration de propositions ». Ils recherchent des pistes possibles et envisagent des modifications pour l’atelier tenu par B (IR [remédiation progressive] consiste à s’immerger à moyenne profondeur ; IR [atelier de l’arbre droit] pertinent pour favoriser l’immersion des élèves). Après d’autres échanges avec sa partenaire, B fait l’expérience d’une phase d’« expérimentation des propositions » et finit par mettre en œuvre les options avancées par la MNS (ε [propositions de la MNS] je les découvre ; R [propositions de MNS] m’intéressent ; R [propositions de MNS] pertinentes) en dépit de l’avis du PE.

55B mesure, en situation, une amélioration du comportement des élèves (R [propositions de la MNS] pertinentes pour aider les élèves), ce qui l’amène à « modifier sa disposition à agir ». Elle tente d’autres modifications au niveau des consignes et de l’aménagement matériel de son atelier. Elle informe l’enseignant du choix d’appliquer la proposition de la MNS et de ses prises d’initiative au cours du débriefing. L’analyse des E et des I montre qu’une tension latente et des divergences de points de vue sont perçues par la bénévole et le PE.

56L’enseignant perçoit des modifications des « dispositions à agir » de B, et souhaite garder le contrôle sur le dispositif d’enseignement (E : réguler les initiatives de B ; I : IR [relation aux bénévoles] je garde le contrôle). Il modifie à son tour ses dispositions à agir et propose à la séance suivante l’atelier des cordes tendues (ε [atelier des « cordes tendues »] pertinent pour aider les élèves en difficulté sur les immersions) alors que, de son côté, la MNS n’insiste pas pour mettre en œuvre ses propositions et finit par valoriser l’option du PE (ε [atelier des « cordes tendues »] constitue une aide ; IR [propositions d’atelier par le PE] je rassure B). Lors de la séance qui suit, l’ensemble des élèves réussit l’exercice à la grande surprise du collectif (ε [atelier des cordes tendues] réussite pour tous les élèves ; R [atelier des cordes tendues] les élèves se tractent bien avec leurs bras). Cependant, la mise en œuvre de cet atelier soulève une nouvelle indétermination qui clôture cette histoire. En effet, la proposition du PE qui semble avoir réglé le problème d’immersion des élèves demande un temps de réalisation plus important que pour les autres ateliers. Or, au cours des rotations entre les groupes, les temps d’attente générés par ce nouvel atelier ne sont pas bien vécus par les élèves de B et de la MNS. Le retour de B au débriefing soulève ce problème. Comment réguler les temps d’attente des autres groupes qui bouclent leur atelier plus rapidement ? Doit-on modifier le contenu des consignes ou rajouter d’autres éléments d’apprentissage pour éviter les flottements et les risques d’incidents ? La bénévole soulève de nouveau une indétermination et questionne ses partenaires. Le PE (ε [les deux ateliers] demandent des temps de réalisation différents ; ε [atelier « des cordes tendues »] demande plus de temps) et la MNS (IR [pendant ma séance] difficile de communiquer avec les enseignants ; IR [gestion du groupe] nécessaire de temporiser pour combler les temps d’attente) démarrent de leur côté une nouvelle enquête.

57Les différentes articulations des autres histoires construites nous ont permis d’appréhender comment les acteurs partageaient les différentes indéterminations et la manière dont ils coconstruisaient des solutions au sein du collectif. L’analyse des différentes données nous a conduits à constater le caractère itératif de l’activité d’enquête. Dans l’histoire que nous venons d’évoquer, B ne passe pas de l’étape de l’enquête relative à la perception de l’indétermination à la modification de sa disposition à agir de manière linéaire. Elle va vivre plusieurs allers/retours entre l’élaboration de propositions et la perception de l’indétermination avant d’expérimenter une nouvelle piste. C’est finalement après plusieurs échanges avec le PE et la MNS que B décide de tester l’exercice de l’arbre dans le bassin pour permettre à ses élèves de gagner la profondeur. Ce changement dans le choix de B va déclencher l’ouverture d’une nouvelle enquête chez le PE, le conduisant à revenir sur sa première option en proposant l’atelier des cordes tendues.

58Dans le cadre de notre étude, le problème ou la contrainte ou l’obstacle à dépasser faisaient très souvent sens pour la triade. Les préoccupations de la bénévole, du PE ou de la MNS se tissaient pour construire l’activité collective et s’accompagnaient de l’émergence de distinctions. Par exemple, dans l’histoire présentée, la difficulté à résoudre repérée par B est aussi significative pour le PE. Ce dernier réfléchit à des solutions pour dépasser le blocage technique rencontré par ses élèves. La MNS impliquée dans les apprentissages, qui se considère comme l’experte dans l’enseignement de la natation, ne peut pas ignorer la demande de B et de l’enseignant. La MNS adopte une posture d’aidante et profite ainsi de la situation pour négocier des changements dans l’organisation spatiale des bassins. Dans cet exemple, les partenaires s’approprient l’indétermination tout en enrichissant l’expérience vécue de chaque membre de la triade par de nouvelles distinctions.

59Si dans la plupart des histoires, il existait une certaine forme de compatibilité entre les préoccupations des acteurs pour construire l’activité collective autour d’une indétermination, nos analyses ont aussi révélé que cela n’était pas systématique. Ainsi, par moments, l’enjeu principal pour la MNS consistait à modifier l’organisation des bassins et l’objectif pour le PE visait à réguler B et à garder le contrôle sur le dispositif d’enseignement. Ainsi dans certaines histoires, centrées sur un acteur, les autres membres de la triade pouvaient perturber l’activité de ce dernier sans que l’indétermination fasse sens pour tous.

60Nous avons constaté, au fil de leur activité réflexive, que les savoirs des acteurs bifurquaient tout au long des enquêtes au gré des interactions. Ainsi, nous avons pu noter des transformations ou des stabilisations des référentiels au gré de la circulation des perturbations d’un acteur vers les autres. Par exemple dans une histoire, B a fait l’expérience de plusieurs émergences de distinctions face aux difficultés qu’elle rencontrait avec ses élèves. Les savoirs qu’elle a mis en œuvre ne permettaient pas aux enfants de régler un problème d’expiration lorsque leurs têtes étaient immergées. Son agacement et son impatience étaient perceptibles pendant le débriefing avec le PE et dans le cadre des échanges informels avec la MNS [ε [propositions de remédiation] ne fonctionnent pas]. Ces éléments n’étaient cependant pas significatifs pour la MNS et le PE qui répondaient en plaisantant au cours d’un débat : « il faut leur dire de respirer avec les pieds » (IR [problèmes des élèves] pas de solution systématique ; IR [pas de solution] arrêter B en plaisantant).

3.2. Le débriefing comme espace de partage collectif des différentes enquêtes individuelles en cours

61Les phases de briefing et de débriefing constituent des lieux et des moments d’interactions pendant lesquels de nombreuses transactions sont à l’œuvre. L’activité réflexive est importante et les distinctions qui émergent de ces rencontres rendent possible une coordination entre les acteurs. L’histoire 1 est révélatrice de la manière dont l’activité réflexive entre les trois membres transforme leur activité. Diverses distinctions sont activées pendant les débats. Pour rappel, la MNS puis le PE, face aux blocages rencontrés par B, cherchent en premier lieu à identifier ces derniers (IR [difficultés évoquées par un partenaire] je tente d’en saisir les raisons). Les deux acteurs tentent d’élaborer des propositions dans l’optique de les expérimenter ensuite (IR [recherche de solution] doit éviter de tout désorganiser ; ε [plongeon en canard] me semble plus naturel, plus logique ; IR [travail sur les immersions] j’ai une progression). Le PE avance qu’il faut permettre aux élèves de « casser le buste pour aller au fond de l’eau ».

62De son côté, la MNS propose des pistes après avoir écouté les débats entre le PE et la B. Son enquête la conduit à percevoir et mesurer les actions du PE pour tenter d’évaluer si ce dernier va valider ses propositions (IR [mes propositions] demande un temps d’analyse pour le PE ; IR [proposer une piste au PE] nécessaire de le convaincre). Elle cherche aussi à comparer les capacités d’adaptation et les connaissances des autres acteurs aux siennes (IR [modification du dispositif d’enseignement] je m’adapte rapidement ; IR [organisation matérielle des ateliers] je corrige le PE ; IR [changement d’organisation au dernier moment] difficile pour le PE). La MNS se présente aux autres membres de la triade comme une force de proposition qui se positionne dans un rapport immédiat aux apprentissages. L’analyse des préoccupations et des distinctions confirme que la MNS, coutumière des bassins, a déjà fait l’expérience à de multiples reprises des diverses suggestions de modification d’ateliers, de groupe d’élèves et d’utilisation du petit matériel (IR [organisation matérielle des ateliers] je peux modifier rapidement ; IR [prise en charge d’un groupe d’élèves] je peux changer de groupe sans difficulté). Ces distinctions la conduisent à ne pas s’économiser pour argumenter et à proposer des pistes de remédiation dans l’instant.

63Les résultats nous ont permis d’identifier la présence du processus d’enquête lorsque le PE perçoit une indétermination et qu’il se retrouve en difficulté pour se projeter sur les situations d’enseignement évoquées par la MNS. Ainsi, ce dernier cherche à gagner du temps en différant ses retours et en prenant du recul sur les nombreux changements proposés (IR [propositions d’utilisation de petits matériels par la MNS] j’ai du mal à mesurer leur pertinence rapidement). De plus, il souhaite disposer d’une latitude sur les décisions à venir en évaluant les effets des suggestions sur sa propre activité et sur l’organisation générale des bassins (IR [propositions de la MNS] ; IR [propositions de la MNS] je dois comprendre pour valider). Ce dernier cherche à ne pas reconfigurer la totalité du dispositif (IR [recherche de solution] doit éviter de tout désorganiser).

64Enfin, l’enquête menée par la bénévole la conduit à interpeller la MNS afin de comprendre les raisons des difficultés rencontrées par les élèves pendant la phase d’immersion. Après avoir vécu un affaiblissement d’une distinction au cours de la séance (ε [consigne « vider les poumons »] pas efficace pour aller en profondeur), elle fait l’expérience de nouvelles émergences (ε [proposition de la MNS] intéressante ; ε [plongeon en canard] me semble plus naturel, plus logique). Ces éléments l’engagent à expérimenter et à transformer ses dispositions à agir en réinvestissant une piste évoquée par la MNS et pourtant déclinée par l’enseignant (ε [solution de l’arbre droit] permet de remonter les jambes et de favoriser l’immersion ; ε [solution de l’arbre droit] utile pour faire progresser les élèves).

65En pistant les enquêtes engagées au sein du collectif et faisant du lien entre les distinctions opérées par les acteurs, nous avons estimé qu’une entente entre les deux actrices a favorisé certaines transformations. Le PE a fini par modifier une partie des contenus de la séance suivante. Ses choix lui ont permis de préserver une continuité pédagogique au niveau des apprentissages tout en maintenant l’engagement de ses partenaires (IR [conserver le dispositif d’origine] m’évite du travail de planification et d’organisation supplémentaire ; IR [Travail des immersions] je propose un nouveau ; IR [maintenir l’engagement des bénévoles] je réussis). La bénévole a obtenu des réponses à ses questions et a pu se projeter sur la suite de la séquence (IR [MNS] experte qui m’apporte des solutions aux problèmes rencontrés ; ε [pistes de la MNS] intéressantes). Enfin, la MNS a réussi à faire valider certaines de ses propositions et a fait « bouger les lignes » du PE au niveau de l’utilisation du matériel et des consignes de sécurité (IR [arriver à mes fins avec le PE] m’apporte une satisfaction ; IR [règle de surveillance] je propose des adaptations).

3.3. Les expérimentations et retours réflexifs de la bénévole et leurs effets sur le collectif

66L’analyse de l’activité de B a montré qu’elle fait l’expérience de toute une série de préoccupations et de savoirs qui dépassent les prescriptions du PE. Elle prend, par exemple, de multiples initiatives en s’occupant des autres bénévoles alors que l’analyse des signes ne révèle aucune demande formelle du PE [IR [relation à l’autre bénévole] éviter de le mettre en difficulté]. À d’autres moments, B fait le choix, après un temps de réflexion, de réaménager les ateliers pour favoriser la fluidité du passage des élèves [ε [répartition des groupes] je prends des initiatives].

67Si la bénévole affirme son autonomie, ses préoccupations et ses savoirs traduisent aussi son souci constant d’exprimer un besoin d’aide, auprès des deux autres acteurs, pour dépasser les obstacles rencontrés pendant la séance sur la mise en œuvre du matériel [ε [élèves en difficulté] je n’ai pas de solutions ; IR [élèves en difficulté] le PE n’a pas toujours de solutions ; ε [difficultés évoquées] m’interroge sur l’organisation des groupes]. La fiche de préparation, qui est le « cahier des charges » de la séance pour le PE, ne lui apporte pas toujours les éléments pour résoudre les imprévus qu’elle rencontre dans le continuum des séances. Les explications du PE sur certains aspects (passage des consignes, mise en œuvre et utilisation du matériel) restent succinctes, voire inintéressantes, pour B. Dans ces situations, les préoccupations et les savoirs de la bénévole expriment des besoins en termes d’aide et de propositions de remédiations [ε [propositions de remédiation du PE] ne fonctionnent pas ; IR [proposition de remédiation apportée par le PE] je demande un complément aux MNS].

68Du côté du PE, l’analyse de ses distinctions orientées vers B révèle la nécessité de présenter la séance et de donner les consignes rapidement aux bénévoles [IR [intervention des bénévoles] je dois être clair et concis ; IR [priorité au briefing] présenter les ateliers]. Pendant le débriefing, les distinctions reflètent une focalisation du PE sur le bilan des bénévoles. Ce dernier réfléchit à des solutions [ε [retour de B] m’amène à modifier l’ordre des ateliers ; IR [retours de B] m’aide pour ma progression]. Les distinctions du PE mettent aussi en évidence la relation d’autorité que cet acteur entretient avec ses partenaires [IR [intervention des bénévoles] nécessaire de les cadrer, IR [relation aux bénévoles] je garde le contrôle]. D’ailleurs, le PE considère que la marge de liberté pour les bénévoles est réduite : « … parce que ce que je donne moi c’est cadré hein tu vois ! Il y a ça, ça et ça. Les parents ont assez peu de liberté finalement… »

69Cependant, malgré les intentions du PE, l’analyse des savoirs de B révèle le fait que cette dernière ne répond pas toujours de manière favorable aux prescriptions du PE [ε [solution de l’arbre droit] utile pour faire progresser les élèves ; ε [travail sur la respiration] est efficace en insistant sur la notion]. Au cours de la dernière séance, malgré l’injonction de ne pas mettre en œuvre un atelier proposé par la MNS (extrait du briefing du 7 février 2020), la bénévole teste le dispositif. Elle ne cache d’ailleurs pas son choix :

« Voilà, je redis au PE que même si on avait parlé en début euh qu’on ne ferait pas l’exercice arbre droit comme avait dit la MNS. Euh… je l’avais quand même introduit un peu la notion euh… pour dire, ben : “J’ai essayé de leur dire l’arbre droit juste pour qu’ils, qu’ils remontent leurs jambes quoi.” »

70Nous avons identifié sur l’ensemble des unités traitées 16 signes (sur 112) où la bénévole ne répond pas de manière favorable aux injonctions malgré le cadrage imposé par le PE.

71Si les distinctions de B révèlent une forme d’autonomie assumée, les résultats soulignent aussi que B peut déclencher chez les autres membres de la triade des transformations de leurs savoirs. C’est notamment pendant les temps d’échanges que nous avons noté des modifications notables des interprétants. En pistant les savoirs mobilisés par les acteurs, nous avons remarqué que les temps d’échanges (briefings, débriefings) se présentaient comme des moments privilégiés pour mettre en place l’activité d’enquête et favoriser une intense activité réflexive. Pendant ces instants de rencontre, les émotions ou les actions qui étaient perçues par un ou des membres du groupe influaient fortement sur l’activité des acteurs. Par exemple, c’était l’agacement de B et le vif intérêt de la MNS pour proposer des pistes de remédiations qui amenaient le PE à élaborer, expérimenter une proposition puis à en mesurer les effets. Cela le conduit à modifier la planification de sa séquence en proposant un nouvel atelier. Ici, ce sont les temps de concertation, avant, pendant et après la séance, qui ont conduit le PE à créer une rupture dans ses routines et à faire l’expérience des savoirs déclencheurs d’une bifurcation de son activité. Au regard de cet aspect, nous avons identifié les moments où émergent, de manière significative, les distinctions. Le Graphique 2, ci-dessous, montre un faible écart d’apparition des émergences chez chaque acteur au cours des temps d’échanges (en moyenne deux émergences à la minute) et en dehors des temps d’échanges (une émergence toutes les deux minutes).

Graphique 2 : Nombre d’émergences de distinctions chez chaque acteur à la minute en fonction du contexte de recueil. 
Graph 2: Number of emergences of distinctions per actor per minute depending on the collection context

Graphique 2 : Nombre d’émergences de distinctions chez chaque acteur à la minute en fonction du contexte de recueil.  Graph 2: Number of emergences of distinctions per actor per minute depending on the collection context

72Les analyses nous ont permis de constater que près de trois quarts des émergences avaient lieu pendant ou juste après une phase d’échanges.

73Ainsi, c’est précisément au cours des briefings et des débriefings que B « influe » sur les interprétants de ses partenaires. L’observation des distinctions mises en évidence, par exemple dans l’histoire présentée, révèle que B n’est pas perçue par les autres membres de la triade comme une actrice subalterne peu compétente. Les données recueillies permettent d’appréhender de nombreuses émergences de distinctions chez elle, au sein de toutes les histoires. Ces distinctions vont systématiquement perturber l’activité réflexive du PE et de la MNS. Ses savoirs à propos des élèves, de leur conduite motrice, de leurs difficultés, et sa capacité à mettre en œuvre des ateliers sont des éléments suffisamment significatifs pour la MNS et le PE. Ils conduisent les deux professionnels à modifier leur activité et transformer leurs savoirs.

74Dans le cas étudié, c’est grâce à l’expertise de B que le PE et la MNS sont en mesure de rechercher une solution aux difficultés d’immersion. La bénévole a identifié un dysfonctionnement dans la posture des élèves. Elle sait que des élèves de ce niveau de natation doivent se comporter différemment. Elle n’est pas en mesure de trouver la piste de remédiation, mais un déjà-là expérientiel l’amène à pressentir que le problème rencontré est d’ordre technique. Dans une autre situation, B pressent que la solution de faire l’arbre droit peut favoriser l’immersion des élèves. Malgré l’injonction du PE, elle fait réaliser l’exercice et en constate l’efficacité pour faire évoluer le comportement des élèves. Cela n’est pas sans effet sur le PE qui reçoit l’information au débriefing. Ce dernier introduira un nouvel atelier à la prochaine séance à la suite de l’émergence : [ε [interrogation de B] m’amène à me questionner plus tard]. Ainsi, au cours des histoires, la bénévole se comporte comme un membre à part entière dans la triade. Son expertise est reconnue par les autres acteurs tout au long de l’activité collective. Elle va jusqu’à influencer de manière régulière le PE dans son action programmatique [IR [retours de B] important pour ma programmation] et pendant les interactions au cours des briefings et des débriefings [IR [retours de B] m’amènent à modifier l’ordre des ateliers].

4. Discussion : Intérêt de coupler la théorie de l’enquête au PRCA

4.1. La trame de l’enquête pour révéler le « travail d’articulation » collectif

75Le programme de recherche du cours d’action nous a permis d’analyser l’activité individuelle et collective d’une triade d’acteurs en suivant leurs préoccupations et leurs savoirs. En investiguant les travaux de Thievenaz (2012, 2021), nous avons constaté des liens intéressants entre le programme de PRCA et la théorie de Dewey (1938). Le rapprochement du PRCA et de la théorie de l’enquête a, certes, constitué un défi méthodologique, mais il nous a permis d’identifier les moments fugaces d’émergence ou de renforcement des savoirs. Cette tâche était d’autant plus difficile qu’il était impossible de pister directement les manifestations ostentatoires de ces savoirs. Dans les métiers de l’enseignement, les processus cognitifs permettant le déclenchement des enquêtes et l’acquisition de savoirs ne s’observent pas directement. Dans ce contexte, il est nécessaire d’identifier des indicateurs langagiers, comportementaux ou autres pour ensuite formuler des hypothèses relatives à l’activité implicite des acteurs. Le PRCA, à travers l’analyse en signe, nous a permis d’effectuer ce travail. En nous focalisant sur les déclarations d’étonnement, des modifications subtiles des préoccupations, nous avons pu détecter, par exemple, des R qui traduisaient de manière discrète des changements chez les acteurs. Les composantes du signe ont permis, entre autres, d’identifier des moments de doute, de confusion chez B lorsqu’elle a constaté le problème d’immersion rencontré par les élèves. En couplant ces éléments avec l’activité d’enquête, nous avons pu confirmer ou infirmer nos interprétations. Nous avons, par exemple, noté un changement infime de l’activité de B pour détecter les indices d’une situation d’enquête lorsqu’elle a constaté les difficultés d’un nageur et qu’elle lui a redemandé de réaliser plusieurs fois la même tâche. Nous avons ainsi déterminé précisément à quel moment l’actrice avait perçu l’indétermination et déclenché son enquête. L’analyse des échanges avec ses partenaires pour apporter des remédiations aux élèves nous a permis de saisir comment elle initiait le déclenchement d’un processus réflexif et d’autres enquêtes au sein du collectif pendant les phases de débriefing. En suivant ensuite les enquêtes individuelles du PE et de la MNS, nous avons compris leurs investigations et reconstitué plusieurs histoires dans le but d’accéder à l’activité collective de la triade.

76Par l’utilisation des différentes étapes génériques du schème de l’enquête, nous avons pu « par la suite » structurer/affiner qualitativement le traitement des données et renforcer la plausibilité de nos interprétations. Les différentes étapes de la trame de l’enquête offraient, en effet, l’avantage d’ordonnancer les données au travers des cinq étapes bien différenciées. Cela permettait dès lors de faire des rapprochements ou des écarts au niveau des préoccupations et des savoirs des trois acteurs. Nous pouvions ainsi identifier, de manière dynamique, s’il existait des concomitances au niveau des perceptions, des significations ou savoir si les acteurs partageaient une indétermination. Ce travail nous a permis d’accéder à l’activité collective de la triade. Nous avons pu, par exemple, identifier des préoccupations communes entre les trois acteurs et tisser des liens autour de la résolution du problème des immersions et du besoin d’exprimer leur expertise. C’est ainsi que nous avons découvert le véritable objet de la MNS, à savoir imposer au PE un changement d’organisation matériel des bassins. En suivant les différentes étapes de l’enquête, nous avons alterné les focales, passant par moments d’un grand angle pour analyser de manière globale les situations et, à d’autres instants, à un grain plus fin lors de l’analyse des composantes du signe. Cet aller-retour entre, d’une part, un étiquetage détaillé signe par signe des unités des cours d’expérience, des cours de vie et, d’autre part, l’enquête relative à la résolution des indéterminations nous a conduits à repérer le déclenchement des enquêtes et à établir des liens pour distinguer les objets qui étaient significatifs pour le collectif engagé. De surcroît, par ce ciblage réalisé à des moments particuliers, nous avons aussi pu faire l’économie d’un traitement systématique de toutes les données. La notion d’enquête nous a donc permis d’aborder, de manière dynamique, l’activité à différentes échelles temporelles en tissant des liens entre des unités élémentaires et des structures significatives. Elle a constitué une aide pour articuler les cours d’expérience et les cours de vie des acteurs autour de certaines indéterminations engageant le collectif. Nous rejoignons ainsi Thievenaz (2021) en considérant que la théorie de l’enquête constitue une voie féconde pour accéder à l’activité d’acteurs engagés dans des modalités de coopération différentes de celles rencontrées dans notre étude, dans lesquelles ces derniers sont confrontés à des indéterminations qui traversent toutes les relations, générant des tensions, des conflits ou des négociations.

77Si notre approche méthodologique était itérative, nos résultats ont aussi montré le caractère itératif de l’enquête. Au fil des histoires, nous avons fait le constat de plusieurs allers-retours entre l’élaboration de proposition et la perception des indéterminations, notamment chez B dans sa recherche de solutions. Ce caractère non linéaire de l’enquête était aussi noté chez les autres partenaires. Le PE, par exemple, au fil des échanges avec les membres du collectif, évaluait la situation des élèves en difficulté et revenait plusieurs fois au niveau de l’étape d’élaboration des propositions pour, in fine, expérimenter l’atelier des cordes tendues. Ces résultats nous ont conduits à rejoindre Thievenaz, qui précise :

« Les cinq étapes de l’enquête ne sont pas à envisager comme une suite linéaire d’opérations de pensée, mais plutôt comme des composantes ou des fonctions itératives de la démarche réflexive du sujet en situation. L’enjeu est alors de ne pas interpréter le schème de l’enquête au pied de la lettre, mais plutôt de considérer les étapes proposées comme des composantes de l’activité » (Thievenaz, 2017, p. 162).

78Ce résultat, soulignant l’aspect non linéaire de l’enquête, nous a amenés à confirmer le bénéfice de la théorie de l’enquête pour notre travail. Cette approche anthropologique des conduites humaines nous a semblé compatible avec le PRCA dans le sens où les deux approches défendaient une conception itérative de l’activité. Le PRCA s’est inscrit dans l’idée que les acteurs construisaient des savoirs et qu’ils alimentaient leur expérience dans le cours de leur activité à l’occasion de leur engagement dans l’action. La théorie de l’enquête a rappelé ces éléments, à savoir la présence « d’un processus itératif dans lequel des rétroactions sont opérées » (Ibid., p. 161), la vision d’une progression face à un environnement incertain, voire flou. Cette démarche, qui passait par des allers-retours entre les différentes étapes génériques, a permis aux acteurs engagés dans notre étude d’accéder à une compréhension partagée des situations.

4.2. La place des enquêtes pour accéder à une compréhension partagée des situations

79Si l’activité d’enquête est un processus vécu de manière individuelle par le sujet, Thievenaz précise que cette démarche « se réalise en présence, à l’aide ou en direction d’une ou plusieurs autres personnes, il s’agit d’une forme à part entière d’investigation dans laquelle les problèmes qui provoquent la pensée ont pour origine l’activité et/ou le vécu d’autrui » (Ibid., p. 158). Dans la première histoire de notre étude, c’est le problème initialement apporté par B qui conduit progressivement le PE à proposer un nouvel atelier. Ce sont les interactions sociales, l’activité réflexive entre les tiers, et non le fruit d’une expérience solitaire, qui ont engendré cette transformation.

80Cette activité réflexive adressée à autrui a été observée à de nombreuses reprises dans notre étude. Cet élément nous conduit à rejoindre les travaux de Schön (1983) qui distingue la « réflexion dans l’action » et « la réflexion sur l’action ». Pour Schön, la réflexion au cours de l’action vise d’autres finalités que d’engager un retour analytique sur des actions passées. L’expression souligne plutôt une action d’autorégulation dans le feu de l’action pour faire face aux interlocuteurs et à l’enchaînement des indéterminations. Dans les situations étudiées, nous avons observé comment les acteurs ont tenté d’augmenter leur efficacité à partir de situations vécues dans l’action en activant diverses enquêtes. Nous avons aussi remarqué que les postures réflexives, notamment pendant les phases de briefing et de débriefing, se combinaient avec des réflexions pendant l’action avec les élèves, pour engager les trois acteurs à diverses adaptations. C’est ainsi que le PE a pu maintenir l’organisation initiale des bassins et que la bénévole a finalement réussi à faire modifier le contenu de l’atelier immersion. En adoptant un point de vue énactif sur les situations, nous pouvons affirmer que les deux activités réflexives « dans et sur l’action » étaient présentes et qu’elles s’agençaient au fil des indéterminations.

81Ces éléments nous amènent, d’une part, à relativiser les propositions de diverses recherches qui exigent davantage de réflexivité à travers une prise de recul sur la pratique (Guilley et al., 2017). L’analyse de l’activité d’enquête tend à montrer que, face à une série d’indéterminations, l’individu réévalue continuellement, au cours et en dehors de l’action, ses préoccupations et ses savoirs pour, in fine, enrichir son expérience. D’autre part, si dans la littérature certains auteurs notent que les acteurs peinent à se réunir, à se concerter et à construire des approches partenariales (Lebon & Simonet, 2017), nos analyses tendent à modérer ces constats. En effet, si les acteurs, par le biais de l’enquête, ont bien vécu des oppositions, des tensions (pour gagner en confort de travail par exemple), nos résultats soulignent, au-delà de la complexité des mécanismes à l’œuvre, une certaine efficience du dispositif étudié. Même dans les phases d’opposition, les individus ont pu trouver le moyen de dépasser diverses indéterminations. Ces dépassements ont pu être concrétisés, car les acteurs ont, d’une certaine manière, « partagé » la même indétermination, à savoir considérer comme significative la difficulté d’immersion des élèves. C’est en tentant de co-construire des remédiations que le collectif s’est coordonné pour apporter des solutions à la bénévole et amener le PE à réévaluer sa programmation de séquence. En partageant par moments la même signification au fil de leur enquête individuelle, les trois acteurs ont pu saisir leurs difficultés puis vérifier pendant des échanges l’adéquation entre les propositions émises et les retours de chacun.

82Cet élément fait écho à des études ethnométhodologiques (Salembier & Pavard, 2004 ; Salembier & Zouinar, 2004) qui ont également montré que la coopération se construisait de façon continue dans le cours des interactions coopératives, et produisait une intelligibilité mutuelle et une compréhension partagée des situations. Nous retrouvons dans notre recherche empirique la présence de trois sortes de processus conjoints dans l’activité (Saury, 2008, p. 40) :

  • « La mise en visibilité de sa propre activité » pour attirer l’attention du collectif sur son activité en cours et lui offrir des ressources pour la compréhension de la situation. Plusieurs fois au cours de la première histoire, la bénévole va faire part de ses difficultés auprès du collectif. Ce processus sera aussi visible chez la MNS lorsqu’elle insistera pour faire valider par le PE ses propositions de modification d’atelier ;

  • « La sensibilité ou l’attention mutuelle à l’accomplissement en temps réel de l’activité des autres acteurs ». Les investigations menées au sein de la triade feront état de multiples questionnements, pour déterminer soit les difficultés rencontrées par les autres, soit des moyens de répondre aux demandes. Par exemple, cela va mener la MNS, à enquêter de manière furtive et récurrente (15 % de ses préoccupations sur les trois séances) auprès du PE pour tenter de déterminer si ce dernier valide ses remédiations. Au cours de ses investigations, cette dernière expériencie tout une série de distinctions en lien avec cette préoccupation (IR [proposer une piste au PE] j’observe ses réactions ; IR [mes propositions] demandent un temps d’analyse au PE ; IR [proposer une piste au PE] nécessaire de le convaincre) ;

  • « L’accès mutuel aux ressources artéfactuelles de la situation ». C’est en analysant la manière dont les acteurs ont utilisé/interprété les fiches de préparation ou réfléchi à l’organisation des ateliers que nous avons pu comprendre comment les acteurs produisaient une intelligibilité mutuelle au sein de la triade. Pour illustrer notre propos, nous avons noté des modifications progressives de la fiche de préparation distribuée par le PE. Au départ de la séquence, ce document reflétait la programmation des ateliers avec des temps définis sur des espaces choisis par le PE. Or, au fil des séances, nous avons constaté que des options avancées par la MNS (notamment sur la répartition des adultes sur les espaces des bassins) ou les propos de B (d’avancer par exemple dans la programmation l’atelier « plongeon ») permettaient aux trois acteurs de co-élaborer la fiche de préparation pour la séance à venir.

83Ce document de travail annoté par les trois acteurs constituait d’ailleurs un support sur lequel se portaient les débats au cours des briefings et des débriefings.

84Ainsi, notre étude a montré le caractère indéterminé et complexe des modes d’interaction pour que les trois acteurs coordonnent au mieux leur activité. Elle a révélé notamment que les modes d’interaction ne se réduisaient pas à des coordinations préétablies, mais se développaient à travers des enquêtes individuelles et collectives qui faisaient « l’objet de négociations, de remises en cause implicites, d’ajustements subtils et flexibles, etc., manifestant des régulations collectives dynamiques in situ » (Saury, 2008, p. 43). Ces processus conjoints et présents dans les enquêtes individuelles nous ont ainsi permis de modéliser des histoires et accéder à l’activité collective de la triade.

Conclusion

85En tissant des liens entre le PRCA et la théorie de l’enquête, nous avons pu analyser l’activité d’une triade d’acteurs et comprendre comment les acteurs construisaient leurs savoirs sur un temps long. La mise en œuvre d’une telle méthode nous a permis de mesurer l’intérêt d’agencer les multiples données en cinq étapes bien identifiées tout en nous permettant d’aborder de manière dynamique les interactions. Mais, au-delà d’une démarche organisée et progressive, cette approche s’est avérée pertinente pour mettre en évidence les processus d’investigation des savoirs et guider nos interprétations. Par l’exploration des moments qui faisaient « choc » dans l’expérience des acteurs, nous avons pu conduire nos propres enquêtes dans l’optique de comprendre les déterminants de l’action de plusieurs acteurs engagés à coopérer autour de l’espace partagé des bassins de natation. En modélisant le processus de l’enquête et en le combinant avec le PRCA, nous avons pu ainsi accéder à l’activité collective conçue comme l’articulation d’activités individuelles de plusieurs acteurs. Cela nous a permis de saisir comment le collectif produisait de l’intelligibilité mutuelle dans le cours de leurs actions tout en vérifiant les conditions de cette intelligibilité (Salembier & Zouinar, 2004).

86Dans une perspective technologique, les résultats de notre recherche nous conduisent à vérifier la fécondité de l’enrichissement méthodologique proposé au sein de dispositifs privilégiant le processus de l’enquête. En se rapprochant des travaux de certains chercheurs (Blocher & Lefeuvre, 2017 ; Broussal et al., 2018 ; Flandin, Leblanc, & Ria, 2017 ; Leblanc & Blanes Maestre, 2018), l’enjeu de ces formations consisterait à placer des acteurs observateurs en situation de mener des enquêtes à partir de l’analyse de perturbations, d’étonnements, et de situations qui font « choc » pour d’autres acteurs. La confrontation à une variété de supports de vidéoformation qui s’accompagnerait de phénomènes typiques tels que l’immersion, la résonance, l’expérience fictionnelle et mimétique (Flandin, Leblanc, & Muller, 2015) pourrait aussi constituer une base de travail pour des stagiaires engagés eux-mêmes face à des indéterminations marquantes au regard de leurs problématiques de terrain. Les personnes en formation placées en situation d’agir, c’est-à-dire de mener l’enquête pour percevoir et construire de manière significative des savoirs, pourraient dès lors enrichir leur propre expérience (Dieumegard, 2023 ; Dieumegard, Perrin, & Brissaud, 2022 ; Hauw, 2023). Lorsque l’observation est collective, les expériences interprétatives et mimétiques se doublent d’expériences langagières, réflexives et interprétatives partagées qui pourraient contribuer à la construction d’une intelligibilité mutuelle, élément clé de la coopération (Bouchot & Leblanc, 2019).

Haut de page

Bibliographie

Allenbach, M., Frangieh, B., Merini, C., & Thomazet, S. (2021). Le travail collectif en situation d’intermétiers. La nouvelle revue – Éducation et société inclusives, 92(6), 87‑104.

Amans-Passaga, C. (2013). Analyse didactique de situations de partenariats professeur/intervenant, en EPS à l’école primaire. Recherches en didactiques, 16(2), 43‑58.

Baluteau, F. (2017). L’école à l’épreuve du partenariat. Organisation en réseau et partenariat. Academia.

Bénézet, C., Leblanc, S., Navarrete, M., & Hossard, L. (2024). Représenter l’activité pour investiguer ses dimensions incarnée, spatio‑temporelle et collective. Activités, 21(1). https://journals.openedition.org/activites/9522

Blocher, J. N., & Lefeuvre, L. (2017). Le système hybride textes-images-sons : une exploration. Recherches en didactiques, 23(1), 99‑132.

Bonasio, R., & Veyrunes, P. (2014). Les « devoirs » : une pratique sociale à la croisée des espaces éducatifs ? Recherches en éducation, 19.

Bouchot, H., & Leblanc, S. (2019). Observer ses pairs lors de séances de simulation haute-fidélité : une activité de nature ludique portée par des en-jeux sérieux. Activités, 16(2). https://journals.openedition.org/activites/4425

Boudard, J. M., & Robin, J. F. (2012). Pratiques de régulation didactique en Éducation Physique et Sportive et place des savoirs techniques : illustration à travers une étude de cas. Staps, 95(1), 23‑41.

Broussal, D., Caire, J. M., Techene, S. ; Castel-Lacanal, E., & De Boissezon, X. (2018). S’étonner pour se professionnaliser : une expérience d’immersion sur le terrain en première année de formation d’ergothérapeutes. Éducation et socialisation. Les Cahiers du CERFEE, (49).

Buznic-Bourgeacq, P., & Terrisse, A. (2013). Le sujet en position d’enseignant : pratiques et discours de trois professeurs d’EPS débutants avec ou sans expérience personnelle dans l’activité enseignée. Revue française de pédagogie, 184, 15‑28.

Camporelli, F. (2022). Le partage des eaux. Les collaborations des maîtres-nageurs-sauveteurs (MNS) au cœur de l’enseignement de la natation à l’école primaire. Sciences sociales et sport, 19(1), 127‑152.

Dewey, J. (1938). Logique, la théorie de l’enquête. Paris : PUF.

Dieumegard, G. (2004). Possibles significatifs et construction d’assertions garanties en e-formation : contribution à l’étude de l’activité d’apprenants dans un dispositif institutionnel de formation. Thèse de doctorat en Sciences de l’Éducation, Université de Paris, CNAM.

Dieumegard, G. (2009). Connaissances et cours d’expérience vers une grammaire minimale de description dans les situations d’éducation et de formation. Revue d’anthropologie des connaissances, 3(2), 295‑315.

Dieumegard, G. (2023). L’expérience des apprenants Vers une anthropologie énactive des savoirs dans les situations d’éducation et de formation. Note de synthèse pour l’Habilitation à Diriger des Recherches. Université de Grenoble Alpes.

Dieumegard, G., Perrin, N., & Brissaud, F. (2022). L’étude de la réflexivité en débriefings dans le cadre du programme du cours d’action. Activités, 19(1). https://journals.openedition.org/activites/7258

Epstein, J. L., Sanders, M. G., Simon, B. S., Salinas, K. C., Jansorn, N. R., & Van Voorhis, F. L. (2002). School, family, and community partnerships: Your handbook for action. Thousand Oaks, CA: Corwin.

Evin, A., Sève, C., & Saury, J. (2013). Activité de l’enseignant et dynamique coopérative au sein de dyades d’élèves. Une étude de cas dans des tâches d’escalade en Éducation Physique. Recherches en éducation, (15).

Feyfant, A. (2015). Coéducation : quelle place pour les parents ? Dossier de veille de l’IFÉ, n° 98, janvier. Lyon : ENS de Lyon.

Flandin, S., Leblanc, S., & Muller, A. (2015). Vidéoformation « orientée-activité » : quelles utilisations pour quels effets sur les enseignants ? Raisons éducatives, 19, 179‑198.

Flandin, S., Leblanc, S., Ria, L. (2017) Principes de conception d’environnements numériques de formation et modélisations de l’activité au travail. In 4e colloque international de didactique professionnelle, Lille, France.

Garnier, P. (2015). Faire la classe à plusieurs : maîtres et partenariats à l’école élémentaire. Rennes : Presses Universitaires de Rennes.

Grison, B., & Riff, J. (2002). Validité écologique et situations d’étude privilégiées : de la psychologie expérimentale à l’anthropologie cognitive située. In Actes 4es Journées d’études ACT'ING, Objets théoriques, objets de conception, objets d’analyse et situations d’étude privilégiées, Domaine de Chalès, Sologne.

Guilley, E., Cecchini, A., Brüderlin, M., & Jendoubi, V. (2017). Des équipes pluridisciplinaires à l’école primaire : défis et apports de la collaboration interprofessionnelle. Revue suisse de pédagogie spécialisée, 4, 55‑62.

Guigue, M. (2001). Les enseignants, professionnels solitaires de la transmission du savoir ? Connexions, 75(1), 85‑96.

Hauw, D. (2023). Les blocages chez les sportifs de haut niveau. Comprendre et intervenir sur les couplages action-situation dysfonctionnels. Le Journal des psychologues, 405(4), 45‑47.

Kember, D. (1997). A Reconceptualisation of the research into university academics’ conceptions of teaching. Learning and instruction, 7(3), 255‑275.

Kember, D., & Kwan, K. P. (2000). Lecturers’ approaches to teaching and their relationship to conceptions of good teaching. Instructional Science, 28, 469‑490.

Larosa, W. (2023). La construction d’un partenariat situé en milieu scolaire : analyse de l’activité d’une triade d’intervenants pour l’enseignement du savoir-nager. Thèse de doctorat en Sciences de l’Éducation, Université de Montpellier.

Leblanc, S. (2014). Vidéo formation et transformations de l’activité professionnelle. Activités, 11(2). https://journals.openedition.org/activites/968

Leblanc, S. (2012). The cross-analysis of a videographic corpus as boundary object. Éducation & didactique, 6(3), 149‑156.

Leblanc, S., & Blanes Maestre, C. (2018). Immersion, réflexion, imagination et transformation via le visionnement de vidéos d’enseignants. In C. Gaudin, S. Moussay, S. Flandin, & S. Chalies (Eds.), Vidéoformation et développement de l’activité professionnelle enseignante (pp. 65-94). Paris : L’Harmattan.

Lebon, F., & Simonet, M. (2017). « Des petites heures par-ci par-là ». Quand la réforme des rythmes scolaires réorganise le temps des professionnels de l’éducation. Actes de la recherche en sciences sociales, 220(5), 4‑25.

Lémonie, Y. (2009). Étude de l’interaction d’enseignement-apprentissage : le cas de l’enseignement de la natation sportive en EPS. Thèse de doctorat en Sciences et techniques des activités physiques et sportives, Université Paris 12.

Lescouey, N. (2001). Les activités aquatiques à l’école : un cadre d’enseignement paradoxal. Analyse comparative des modèles théoriques et pratiques de l’enseignement de la natation véhiculés par les enseignants et les professionnels de la natation. Thèse de doctorat en Sciences de l’éducation, Université Paris 8.

Marx, L., & Reverdy, C. (2020). Travailler en partenariat à l’école. Dossier de veille de l’IFÉ, (134). Lyon : ENS de Lyon.

Maturana, H. R., & Varela, F. J. (1994). L’arbre de la connaissance. Ed. Addison-Wesley France.

Mérini, C., & Ponté, P. (2009). Le travail conjoint à l’école : exploration des modalités d’action. Les Sciences de l’éducation – Pour l’Ère nouvelle, 42(2), 43‑65.

Mérini, C., & Thomazet, S. (2016). Faciliter la coopération entre les différents acteurs de l’école inclusive. Les cahiers des PEP, 2, 25‑31.

Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. (2017). Circulaire relative à l’enseignement de la natation, n° 2017‑127 du 22-8-2017. Scérén-CNDP.

Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. (2013). Référentiel des compétences professionnelles des métiers du professorat et de l’éducation, arrêté du 1-7-2013 − J.O. du 18-7-2013. Scérén-CNDP.

Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. (1971). Circulaire relative à l’enseignement de la natation, n° 71.441 et 71.286 du 23-12-1971. Scérén-CNDP.

Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. (1992). Circulaire relative à l’enseignement de la natation, n° 92.196 du 3-7-1992. Scérén‑CNDP.

Ministère de l’Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports. (2017). Bulletin officiel n° 34 du 12 octobre 2017. Scérén‑CNDP.

Moussay, S., & Aknouche, S. (2018). Un espace de dialogue entre les enseignants et les parents autour des traces audio-vidéo de l’activité en classe. Canadian Journal of Éducation/Revue canadienne de l’éducation, 41(3), 834‑859.

Paggetti, M. (2020). L’« enquête à dominante corporelle » du psychomotricien : activité d’ajustement et apprentissage du métier. Thèse de doctorat en Sciences de l’éducation, Université de Caen.

Pelayo, P. (1999). Propositions pour un balisage des contenus de formation en natation en collège et lycée. Les Cahiers de l’INSEP, 28(1), 93‑110.

Perrin, N., & Dieumegard, G. (2012). Consensualités et normativité dans la construction de connaissances en formation. In Sociologie et didactique : vers une transgression des frontières. Haute École Pédagogique du Canton de Vaud, Lausanne.

Richet, C., & Soulé, B. (2008). Des maîtres nageurs à l’épreuve de la délégation de service public : rapports de force et de grandeur au travail. Staps, 82(4), 71‑84.

Salembier, P., & Pavard, B. (2004). Analyse et modélisation des activités coopératives situées. Évolutions d’un questionnement et apports à la conception. Activités, 1(1). https://journals.openedition.org/activites/1170

Salembier, P., & Zouinar, M. (2004). Intelligibilité mutuelle et contexte partagé. Inspirations conceptuelles et réductions technologiques. Activités, 1(2). https://journals.openedition.org/activites/1243

Saury, J. (2008). La coopération dans les situations d’intervention, de performance et d’apprentissage en contexte sportif. Contribution au développement d’un programme de recherche en ergonomie cognitive des situations sportives en STAPS. Note de synthèse pour l’Habilitation à Diriger des Recherches, Université de Nantes.

Schön, D. A. (1983). The Reflective Practitioner: How Professionals Think in Action. Basic Books.

Theureau, J. (2004). Le cours d’action : Méthode élémentaire. Toulouse : Octarès Éditions.

Theureau, J. (2006). Le cours d’action : Méthode développée. Toulouse : Octarès Éditions.

Theureau, J. (2015). Le cours d’action : L’enaction & l’expérience. Toulouse : Octarès Éditions.

Thievenaz, J. (2012). Construction de l’expérience et transformation silencieuse des habitudes d’orientation de l’action : le cas de l’activité dialogale du médecin du travail. Thèse de doctorat en Formation des adultes, CNAM.

Thievenaz, J. (2017). De l’étonnement à l’apprentissage : enquêter pour mieux comprendre. De Boeck Supérieur.

Thievenaz, J. (2019). Chapitre 1. John Dewey et la théorie de l’enquête. In Philippe Carré (Ed.), Psychologies pour la formation (pp. 19-33). Paris : Dunod.

Thievenaz, J. (2021). La théorie de l’enquête de John Dewey. Lectures, Les revues.

Toullec-Théry, M., & Nédélec-Trohel, I. (2010). École et inclusion. Prendre en compte les besoins spécifiques, une question d’organisation ?. Recherche et formation, 64(2), 123‑138.

Varela, F. J. (1989). Autonomie et connaissance : Essai sur le vivant. Paris : Seuil.

Visioli, J., & Ria, L. (2010). L’expertise des enseignants d’EPS. Quelle prise en compte du contexte et des émotions ? Science & Motricité, 71, 3‑19.

Haut de page

Notes

1 La notion de « situation d’étude privilégiée » (Grison & Riff, 2002) consiste à élaborer-choisir les situations d’étude : a) les plus pertinentes qui pré-orientent le couplage acteur-environnement du point de vue des phénomènes visés, b) les plus faciles d’accès à des matériaux empiriques tout en respectant du point de vue méthodologique les deux critères de « validité écologique » et de « primat de l’intrinsèque » relatifs à l’étude des cours d’action et c) les plus fécondes pour les différents acteurs impliqués (praticiens, chercheurs, informaticiens-techniciens, etc.) du point de vue épistémique et transformatif. En prédisposant le couplage acteur-environnement, on crée les conditions pour faire émerger des phénomènes de manière plus manifeste, pour mieux les observer, comprendre leur dynamique, et pour construire de nouvelles connaissances (Leblanc, 2012, p. 94).

2 Huit à vingt heures en formation initiale et un à deux jours en formation continue.

3 Le terme de « distinction » emprunté à Varela (1989) et Maturana et Varela (1994) représente des dispositions à agir solidaires de l’activité. Elles « sont fondamentalement basées sur des discontinuités qui apparaissent à un acteur dans une action donnée à un moment donné, et qui le conduisent à discriminer “ceci” et “pas ceci”. Cette discrétisation peut se limiter à l’émergence, dans l’expérience des acteurs, d’entités relativement fugaces, vagues, mal identifiées quant aux relations qu’elles impliquent, et étroitement inscrites dans l’action, ici et maintenant » (Dieumegard, Perrin, & Brissaud, 2022, p. 6).

4 « Par histoire nous considérons “une unité narrative articulant dans les temps, des acteurs, des événements et une problématique d’action distincte” (Dieumegard, 2004, p. 35) qu’un acteur considère comme significatifs au cours de la période de recueil des données sur notre question de recherche. Les histoires seront considérées comme des possibles significatifs pour l’acteur qui sont décrits par le chercheur » (Larosa, 2023) lors de la construction du cours d’expérience et du cours de vie de chaque intervenant.

5 ε = émergence = Une distinction exprime un potentiel de généralité, une valeur de régularité pour la suite de l’activité de l’acteur. Elle est évoquée pour traduire une expérience. Par exemple, la première expérience s’accompagne d’un sentiment de révélation, d’une surprise. L’émergence d’un nouveau type traduit une transformation de l’expérience de l’acteur.

6 IR = renforcement = Si une distinction exprime un potentiel de généralité, une valeur de régularité pour la suite de l’activité de l’acteur, elle n’est pas nouvelle dans le cours d’expérience de l’acteur. Elle renforce les savoirs qu’il a construits jusqu’à l’instant t sur cette distinction.

Haut de page

Table des illustrations

Titre Figure 1 : Les différentes étapes de la trame de l’enquête.  Figure 1: The different stages of inquiry
URL http://journals.openedition.org/activites/docannexe/image/9773/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 91k
Titre Figure 2 : Dispositif d’enregistrement audiovisuel in situ. Figure 2 : On-site audiovisual recording device
URL http://journals.openedition.org/activites/docannexe/image/9773/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 116k
Titre Photo 1 : Vue générale du bassin avec la caméra fixe.  Photo 1: General view of the pool with the fixed camera
URL http://journals.openedition.org/activites/docannexe/image/9773/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 282k
Titre Photos 2 et 3 : Vues avec la caméra mobile.  Photos 2 and 3: Views with the mobile camera
URL http://journals.openedition.org/activites/docannexe/image/9773/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 267k
Titre Photo 4 : Dispositif d’autoconfrontation [MNS].  Photo 4 : Self-confrontation system [MNS]
URL http://journals.openedition.org/activites/docannexe/image/9773/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 186k
Titre Tableau 1 : Extrait du protocole à trois volets, réalisé à la suite de l’intervention de la bénévole.  Table 1 : Extract from the three-part protocol drawn up following the volunteer’s intervention
URL http://journals.openedition.org/activites/docannexe/image/9773/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 176k
Titre Tableau 2 : Extrait de la reconstitution du signe pour le PE.  Table 2 : Extract from the sign reconstruction for the primary school teacher
URL http://journals.openedition.org/activites/docannexe/image/9773/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 252k
Titre Tableau 3 : Extrait du traitement du PE, séance du 30/01/20.  Table 3 : Extract from the primary school teacher treatment, session of 30/01/20
URL http://journals.openedition.org/activites/docannexe/image/9773/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 104k
Titre Tableau 4 : Enquête menée par le PE au cours de l’histoire 1. Table 4 : Inquiry conducted by the primary school teacher during Story 1
URL http://journals.openedition.org/activites/docannexe/image/9773/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 214k
Titre Graphique 1 : Liens entre les distinctions des trois acteurs qui permettent la construction de l’activité sociale individuelle. Graph 1: Connections between the three actors’ distinctions that allow for the creation of an individual social activity
URL http://journals.openedition.org/activites/docannexe/image/9773/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 334k
Titre Graphique 2 : Nombre d’émergences de distinctions chez chaque acteur à la minute en fonction du contexte de recueil.  Graph 2: Number of emergences of distinctions per actor per minute depending on the collection context
URL http://journals.openedition.org/activites/docannexe/image/9773/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 60k
Haut de page

Pour citer cet article

Référence électronique

William Larosa et Serge Leblanc, « La trame de l’enquête articulée avec le cours d’action pour étudier l’activité collective en contexte éducatif »Activités [En ligne], 21-2 | 2024, mis en ligne le 15 octobre 2024, consulté le 10 novembre 2024. URL : http://journals.openedition.org/activites/9773 ; DOI : https://doi.org/10.4000/12huf

Haut de page

Auteurs

William Larosa

Chercheur associé au LIRDEF (EA3749) Université de Montpellier : william.larosa07@gmail.com
Université de Montpellier, Faculté d’Éducation, 2, place Marcel Godechot, BP4152, 34092, Montpellier Cedex 5.

Serge Leblanc

Professeur émérite à l’université de Montpellier : serge.leblanc@umontpellier.fr.
Université de Montpellier, Faculté d’Éducation, 2, place Marcel Godechot, BP4152, 34092, Montpellier Cedex 5.

Articles du même auteur

Haut de page

Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

Haut de page
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search