1Les opérations de prospection subaquatique du lit du Cher ont été poursuivies dans les gorges du Cher, pour la quatrième année consécutive, l’étude de cette zone ayant été demandée prioritairement par la CTRA. La jonction avec la zone avale déjà prospectée est à présent réalisée, depuis l’entrée au sud de la rivière dans le département de l’Allier jusqu’à Vaux, au nord. La prospection dans cette zone nord du Val de Cher a été reprise cette année.

Gorges du Cher

2Dans les gorges, le lit torrentiel de la rivière est toujours exempt de vestiges : hors les barrages, la rivière atteint partout le substratum. Sur les rives, l’inventaire a été réalisé.

3À Villebret, l’écroulement d’un mur du moulin de la Goutelle, relevé l’an dernier, a révélé des réemplois de tegulae de la période augusto-tibérienne. A été également relevé un mur massif de blocs, disposés à joints secs sur environ 300 m, construit à l’écart de la rivière, en rupture de pente, mais qui est difficile à interpréter et à dater.

4À Lignerolles, le moulin du petit Cougour, moderne à contemporain, montre un probable ouvrage antérieur, probablement médiéval, dont les vestiges sont restés dans le canal de fuite.

5À Lavault-Sainte-Anne, a été identifiée, grâce aux archives, une rare loge de flotteur pour la surveillance du flottage du bois à l’époque contemporaine. Le moulin du Pré de Menat a pu clairement être « rajeuni » et daté du milieu du xix^e s., grâce aux archives. Ont aussi été répertoriés et datés antequem, le moulin de Chauvière (xvii^e s.), auquel a pu être rattachée une très belle meule xvii^e-xviii^e s., le gué de Chauvière (au pied de l’éperon barré, où demeurent des ruines médiévales), l’ancien passage du bac et une loge de passeur (contemporains). Le moulin du Bourg aurait été exploité par les moines de Menat en 1550, mais les structures restantes ne peuvent pas être datées avant les xvii^e-xviii^e s. L’emplacement de la meule de ribe pour le broyage du chanvre est identifiable. La meule, déplacée, était encore visible dans le jardin du moulin en 2014, mais elle a été emportée lors d’un changement de propriétaire. Nous n’en conservons qu’une photographie. D’autres ouvrages contemporains sont encore présents dans le Cher, liés à la construction d’un pont de chemin de fer fin xix^e s. et à une centrale d’eau pour les locomotives. Une découverte plus curieuse sur cette commune est celle d’un boulet de granite de 1 m³ montrant une surface concave polie en son centre, et qui a pu servir à une activité de broyage ou de polissage. À ce stade, aucune datation n’est possible.

Montluçon

6Le barrage mobile qui maintient le niveau de l’eau dans le centre-ville de Montluçon a été ouvert pour permettre le lessivage des sédiments accumulés. Il ne l’avait pas été depuis 1963. Cela a permis de photographier les découvertes subaquatiques des douze dernières années, exceptionnellement hors d’eau, en particulier la voie antique et les structures du pont Saint-Pierre, du xiii^e s. à aujourd’hui. Quelques observations complémentaires ont pu compléter les données des années précédentes et, surtout, les illustrer.

Val de Cher

7Dans le Val de Cher, l’exploitation de sablières dans la seconde moitié du xx^e s. a provoqué une incision importante du lit, détruisant les vestiges archéologiques sur la majeure partie de la zone prospectée jusqu’au sud du pont de Reugny.

8À Reugny/Rouéron, ont été retrouvés les travaux de perrés d’un détournement du Cher, réalisé au xix^e s. pour le passage du canal de Berry. Les archives utilisées ont montré que la navigation sur la rivière a pu servir de relais pendant le quart de ce siècle de la durée de construction de ce canal. Plus au nord, ont été trouvés deux blocs taillés, en particulier un grand bloc technique de moulin de 700 kg en diorite rouge, matériau utilisé dans les constructions du Val de Cher, de l’Antiquité à la période carolingienne. Il pourrait s’agir d’un vestige du moulin d’Arnay, mentionné dans un texte de 1301 (le hameau est proche).

9Au nord du village de Reugny, deux bornes en grès local pourraient marquer un bornage fin xviii^e s. Des blocs de calcaire exogènes trouvés dans la rivière évoquent un basculement de cargaison lors du roulis d’un transport fluvial. Faute de preuves suffisantes pour la navigation dans cette partie du cours, on peut envisager la perte de cargaison d’une barge, utilisée pour la construction du pont contemporain de Reugny, situé 300 m en amont, et construit avec ce calcaire.

Un moulin ou un duit des ii^e av. J.‑C. au ii^e s. apr. J.‑C.

10La découverte majeure de la campagne 2017 s’est déroulée à l’embouchure du ruisseau de Malorges, sur la commune de Reugny. Un barrage de bois et de blocs a été relevé sur 31 m de long. Une longueur complémentaire paraît se prolonger sous les deux rives. Il est constitué de pieux de chêne qui composent son squelette, et de blocs de carrière et de gros boulets de rivière, répartis tant en amont qu’en aval de l’axe des pieux. Sa largeur d’origine était d’environ 5 m.

11Ce pourrait être un dispositif classique pour les barrages de moulin. Nous en avons relevé plusieurs du haut Moyen Âge, tant en amont (à Saint-Victor, dans le département de l’Allier) qu’en aval (à Bruère-Allichamps, dans le département du Cher). L’originalité du dispositif est que de gros arbres en bois blanc, probablement des saules, ont été plantés en alignement sur le barrage, constituant un ouvrage végétalisé inédit jusqu’à présent. Les datations ont été faites tant sur les pieux que sur le bois de ces arbres, montrant qu’ils ont été plantés volontairement en alignement sur le barrage, pour constituer un solide enracinement. Elles sont en effet de même période, centrées à un sigma entre le i^er s. av. J.‑C. et le i^er s. apr. J.‑C.

12Toutefois, la plantation d’arbres d’alignement, dès l’origine de la construction du barrage, est troublante. Il est difficile de comprendre un barrage de moulin conçu, dès le départ, avec des obstacles au débordement, les arbres provoquant logiquement des embâcles. Il semble que l’ouvrage ne soit pas submersible et qu’il soit prévu pour détourner complètement le cours de l’eau. Il pourrait s’agir de la protection d’un autre ouvrage à l’aval ; il pourrait aussi s’agir d’orienter le cours de la rivière. Ce dernier type d’usage est courant à des époques postérieures, notamment pour concentrer le débit de l’eau, au moyen de duits pour faciliter la navigation. Cette interprétation peut être compatible avec les datations à deux sigmas, pondérée par le début de croissance des arbres, entre le ii^e s. av. J.‑C. et le i^er s. apr. J.‑C. La question reste en suspens, la navigation du Cher étant officiellement possible en amont à partir du moulin d’Enchaume à Saint-Victor et à Vaux, mais n’est prouvée, pour l’instant, qu’à partir d’Urçay, en aval.