1Les deux sondages opérés sur la parcelle ZH 52 (lieu-dit Terre Noire) au cours de l’été 2016 ont permis de renseigner la nature, le degré de conservation et la profondeur d’enfouissement des vestiges auparavant localisés par la prospection géophysique (Delhoofs 2015). Ils permettent de reconnaître une partie de l’organisation interne du village gallo-romain, et de préciser le schéma d’occupation du sol à l’époque antique. Ils apportent également des données supplémentaires sur la mise en place et les rythmes d’évolution de l’occupation de l’agglomération antique de Blot-l’Église.
2Le premier sondage a été implanté de manière à mettre au jour une partie de l’anomalie géométrique A observée sur la carte géophysique réalisée par Géocarta en 2014, de la caractériser et de connaître ses dimensions.
3Trois phases antiques distinctes ont pu être mises en évidence lors de la fouille du sondage 1.
4La première se caractérise par l’installation du mur 1018, d’axe nord/sud, traversant le sondage dans sa largeur (fig. 1). Le mur 1018 se superpose avec le contour ouest de l’anomalie A et dessine ainsi une construction de 20 × 15 m de côté au minimum (environ 300 m2). La deuxième révèle une activité artisanale de réduction du minerai de fer (Four 1012). La troisième correspond une phase d’abandon de la zone, par l’installation d’un remblai massif au cours du iie s. apr. J.-C.
Fig. 1 – Vue générale du four 1012, en direction du sud
Cliché : H. Delhoof, équipe de fouille (Éveha).
5Plusieurs hypothèses sont possibles concernant la fonction de ce vaste dépôt : un remblai volontaire de nivellement, une toiture effondrée (charpente et tuiles), voire la destruction des élévations de fours mitoyens. La construction du mur 1018 et du four 1012 est effective au cours des années 50-150.
6Il serait hasardeux de proposer une datation plus fine. Sur l’ensemble des US, la céramique est effectivement peu abondante. À la fin du iie s., l’ensemble des structures artisanales est abandonné (fig. 2).
Fig. 2 – Vue générale du sondage 1, en cours de décapage
Cliché : H. Delhoof, équipe de fouille (Éveha).
7Le matériel récolté lors du décapage, dans la terre végétale, présente des ensembles céramiques homogènes datés du iiie s. Ce lot de céramiques de la fin du Haut-Empire est très faible. Toutefois, il peut caractériser la présence d’une occupation à cette période, sans pouvoir la définir précisément (agricole, pastorale).
8Plusieurs fours installés en batteries ont ainsi pu prendre place à l’intérieur de cette construction. Ce type d’anomalie a été repéré à plusieurs endroits sur l’emprise des Terres Noires, par exemple en bordure immédiate de l’aire d’habitat du Pré Paradis, fouillée de 2012 à 2014. De plus, elles correspondent sensiblement aux zones présentant des pics de pollution sur les résultats des études de sols réalisées à Blot-l’Église par la Dreal. Nous sommes par conséquent sur une unité de production liée à la réduction du minerai de fer. Ce type d’infrastructures est disposé sur toute l’emprise des Terres Noires de Blot et semble correspondre à l’une des activités de l’occupation gallo-romaine.
9On voit ainsi que plusieurs pôles de métallurgie se mettent en place au sein même de l’agglomération romaine, selon des schémas d’installations analogues.
10Le sondage 2 a permis de mettre au jour les vestiges de la partie orientale d’un grand bâtiment de 18 × 12 m (216 m2), repéré également sur la prospection géophysique. Un second bâtiment de 240 m2 se dessine à l’est. Les murs mesurent plus d’1 m de large et sont profondément fondés (fig. 3). Des aménagements internes ont été testés (niveaux de sols, couches d’occupation, cloisons internes).
Fig. 3 – Vue générale de la zone de cuisson nord et du mur 2037
Cliché : H. Delhoof, équipe de fouille (Éveha).
11Les artefacts découverts à l’intérieur de la construction sont en relation avec un atelier de taille de pierres semi-précieuses (fluorite). Toute la chaîne opératoire est présente : préparation du minerai brut, puis débitage, mise en forme, polissage, « chanfreinage » et finitions. Certains objets, pour ainsi dire « finis » mais présentant des défauts, ont été retrouvés : ils correspondent à des ébauches en forme de cabochon (intaille ?), entièrement mis en forme et abandonné au moment du polissage, probablement suite à la présence d’inclusions. La totalité du petit mobilier a été isolée, de manière à proposer une carte de répartition qui permettra éventuellement de déterminer les différentes aires de travail.
12Les dépôts fouillés à l’intérieur de la pièce contiennent des charbons de bois, parfois en concentration importante, ainsi que des structures rubéfiées, indices de petites aires de cuisson. La présence d’une grosse masse métallique au fond de la fosse 2006, un possible culot de forge découvert en position primaire, invite à interpréter la fosse comme une structure liée à la métallurgie du fer. L’étude paléométallurgique des scories et du mobilier en relation avec la fosse sera conduite au cours de l’année 2017. Cette structure, fouillée à moitié cette année, fera l’objet d’une attention particulière lors d’une potentielle fouille programmée à venir.
13Un ensemble de quatre plaques foyers de plan quadrangulaire est aménagé sur la bordure extérieure de l’unité d’habitation B, en très bon état de conservation, sous 0,25 m de terre végétale. Elles sont interprétées comme les vestiges d’une aire de cuisson, identifiées comme de possibles structures pouvant être liées à la coupellation. Il s’agit de systèmes nus à utilisation courte ; aucune paroi en élévation n’est rubéfiée ni même indurée. Les limites sont parfois difficiles à déterminer du fait de la présence de bioturbations. Le tube de litharge découvert à l’intérieur de cet espace (fig. 4) trouve sa place dans ce contexte, puisqu’il peut être un indice de la maîtrise de la coupellation à Blot, donc d’un travail destiné à isoler l’argent (Schenk, Meisser 2013, p. 209). Les analyses isotopiques des objets en plomb des sondages réalisés à Blot, dont la litharge, sont en cours afin d’établir la signature chimique du plomb de Blot.
Fig. 4 – Fouille de la couche 2070, détail de SCO.2
Cliché : S. Foisset, H. Delhoofs (Éveha).
14La fonction artisanale de ces aménagements est donc perceptible, et leurs présences attestent d’une aire d’habitat à vocation artisanale, structurée dès le milieu du ier s. apr. J.‑C.
15Les US du sondage 2 contiennent un mobilier céramique intéressant. Des lots de céramique, de verreries, de statuettes et de monnaies ont été étudiés par différents spécialistes et permettent de proposer une datation pour la phase d’occupation la plus récente du bâtiment. Ce contexte montre un faciès relativement homogène daté de la première moitié du iie s. apr. J.-C, voire de la seconde moitié du ier s. pour certains lots. Quelques fragments de céramiques à parois fines du centre permettent de dater cet ensemble. La céramique commune confirme globalement cette datation avec des formes courantes en Basse-Auvergne au Haut-Empire. Le mobilier de ces structures présente par conséquent les mêmes datations que les vestiges du sondage 1, à savoir la première moitié du iie s. apr. J.‑C.