1La ferme de Clastre est un des tous derniers bâtiments encore couverts de genêts en Ardèche. Propriété de l’association Liger depuis 1980 et classée au titre des monuments historiques en 1984, celle-ci est, dans son état actuel, constituée des deux éléments juxtaposés qui articulent les fermes de cette région, avec un long bâtiment agricole présentant une étable au rez-de-chaussée et un fenil à l’étage, le tout couvert de genêts et un logis à deux niveaux, couvert de lauses de phonolite. Jusqu’au milieu du xixe s., la ferme était prolongée vers l’est par un petit bâtiment collé à l’église et qui servait de cure : sur le cadastre de 1840, la ferme, l’église et la cure ne forment qu’un seul ensemble orienté est-ouest. En 1856, l’église a été pour l’essentiel reconstruite avec une orientation désormais nord-sud et le petit bâtiment situé entre l’église et le bloc étable-fenil démoli et remplacé par un cheminement. Mais si, du point de vue de l’architecture vernaculaire, la ferme de Clastre est un bâtiment exceptionnel, elle n’est néanmoins pas une ferme classique. Comme l’indiquent encore aujourd’hui le toponyme Clastre, son lien organique passé avec l’église et l’ancienne cure, et un dossier documentaire non négligeable, la ferme de Clastre a été liée à un prieuré non conventuel fondé au xie s.
2Dans la perspective d’une restauration générale du bâtiment et d’un aménagement muséographique de celui-ci, a été engagée depuis 2014 l’étude du site. Celle-ci offre l’opportunité d’étudier, sur le temps très long de l’histoire et en croisant les méthodes d’approche, une unité agricole dont on peut soupçonner que l’évolution, malgré le statut monastique du lieu (très modeste), reflète l’évolution de l’habitat paysan depuis la fin du premier Moyen Âge.
3La première opération en 2014-2015 avait permis de réaliser une étude en archéologie du bâti de la partie étable/fenil, de commencer l’étude de la charpente, de réaliser deux sondages pour vérifier la présence de niveaux archéologiques à l’intérieur de l’étable et, enfin, d’effectuer une étude documentaire. La fouille menée en 2016 renouvelle très largement notre connaissance du bâtiment en complétant les données déjà acquises et en documentant archéologiquement les états médiévaux du site qui étaient simplement supposés.
4En premier lieu, celle-ci a montré que les vestiges archéologiques se concentrent pour l’essentiel dans le secteur de l’étable, soit en avant de la face extérieure sud de celle-ci (zone 1), soit en avant de la face extérieure nord (zone 4), soit, surtout à l’intérieur de celle-ci (zone 2). À ces espaces, il convier d’ajouter la fouille de la moitié est de la cave sise au nord (zone 3), seul espace à avoir pu faire l’objet d’une fouille à l’intérieur du logis actuel. Les autres zones étudiées, au sud et à l’ouest du logis (zones 5 et 6), ont montré soit l’absence de vestiges, soit de très importants remaniements récents du sous-sol.
5Dans les espaces ayant livré des vestiges archéologiques notables, des distinctions peuvent toutefois être clairement établies quant à l’importance, la nature et la chronologie de ceux-ci ; chaque zone apparaissant du point de vue des structures et de la stratigraphie très distincte. Dans les zones 3 et 4, les vestiges sont modestes et très récents : dans la cave a été mis en évidence la présence d’un dallage et d’une citerne jusque-là inconnus mais appartenant à des états récents du bâtiment (reconstruction des années 1860 ?). Au nord de l’étable, le mur M7 est une construction de pierres sèches venue contrebuter le mur nord de l’étable lorsque celui-ci s’est mis à verser, sans doute assez tardivement à la fin du xixe, voire au début du xxe s. Dans la zone 1, exception faite de possibles trous de poteau, les structures mise en évidence sont liées à des structures de passage : dallages, niveaux de circulation divers, cheminements. La plupart de ces structures appartiennent au xixe ou au xxe s. Toutefois, il existe aussi un certain nombre de structures qui semblent antérieures sans que l’on puisse être plus précis et qui ont, a minima, fonctionné avec l’état du xviiie s. de l’étable. Aucun niveau antérieur aux xviie-xviiie s. ne paraît conservé dans la zone 1. Deux ou trois trous de poteau pourraient être les structures les plus anciennes, mais en l’absence de tout élément de datation absolue on ne sait s’il faut les mettre en lien avec des travaux effectués à l’époque moderne (traces d’échafaudage ?) ou avec des états plus anciens en lien avec les fosses découvertes à l’intérieur de l’étable.
6Les résultats acquis à la suite de la fouille de la zone 2 s’avèrent très différents. En effet, celle-ci a livré divers indices d’occupation des xvie-xviiie s., mais aussi des traces d’occupations médiévales bien attestées par des datations radiocarbone et par le mobilier céramique. Certaines structures paraissent appartenir à des constructions qui ne présentaient pas la même orientation que le bâtiment actuel tout en s’inscrivant néanmoins dans les limites données par les murs périmétraux de celui-ci, comme en témoignent les divergences archéologiques manifestes entre l’intérieur de l’étable et l’extérieur de l’étable. Ces données archéologiques, même si elles restent à ce stade très ténues, confirment donc les résultats obtenus par l’étude des sources écrites menée en 2015 et accroissent considérablement la profondeur historique du bâtiment.
7L’étude de bâti complémentaire menée en parallèle a, elle, d’une part confirmé la chronologie relative et absolue qui était supposée pour le logis avec la construction d’un logis neuf dans les années 1860 pourvu d’une cheminée/four à pain à l’ouest puis l’extension de ce logis dans les années 1930 avec la démolition de l’ancienne cheminée, le percement de nouvelles ouvertures et la partition du logis en deux logements. Elle a, d’autre part, montré que les éléments les plus anciens du plancher de l’étable (xvie s.) sont les réemplois d’une charpente provenant d’un bâtiment de largeur identique à l’étable actuelle, sans que l’on puisse assurer que ce bâtiment ait bien été un de ceux qui ont précédé l’étable actuelle.
8À ce stade, nous ne souhaitons pas engager de nouvelle opération de terrain sur le site. Néanmoins, il conviendra à l’avenir d’être vigilant sur l’avancée du projet de restauration du bâtiment, qui nécessitera sans doute une opération archéologique d’accompagnement dans l’étable en partenariat avec les divers intervenants du projet.
Fig. 1 – Vue en 2014, vue vers l’ouest
Au premier plan, l’étable et sa couverture de genêt.
Cliché : L. Haond.
Fig. 2 – Plan général de la fouille (état final)
DAO : équipe de fouille.
Fig. 3 – Différence de couleur et de conservation des solives selon leur âge
Les plus sombres ont été datées du xvie s. par dendrochronologie.
Cliché : équipe de fouille.
