2L’emprise diagnostiquée se trouve sur le front de mer tout près du rivage, en rive droite de la rivière des Marsouins. Elle abrite les ruines du bâtiment voyageur appartenant à l’ancienne gare, bâtie entre 1879 et 1881. Aujourd’hui très dégradés, ces vestiges témoignent d’une gare qui fut pourtant le point de départ, aussi appelé « Km 0 », de la ligne de chemin de fer qui parcourait l’île par le littoral jusqu’à Saint-Pierre, de 1882 à 1962. L’ensemble comportait également un entrepôt de marchandises, un dortoir pour les mécaniciens, ainsi qu’une plaque tournante permettant de faire faire demi-tour aux locomotives, qui repartaient vers Saint-Pierre. Les voies ferrées étaient présentes au nombre de 4 : deux principales et deux secondaires (Boulogne 1992 et 2012).

3Au total, 19 sondages et fenêtres ont été ouverts durant l’opération de terrain, sur une superficie de 3,5 ha (fig. 1). Au niveau de la gare, l’ensemble de la plateforme ferroviaire résulte d’un aménagement anthropique, qui a nécessité l’apport de remblais conséquents. La préparation du terrain pour l’implantation d’une ligne ferroviaire, et à plus forte raison une gare, était très codifiée. En témoigne le Traité pratique de l’entretien et de l’exploitation des chemins de fer (Goschler 1878), qui aborde notamment la nature et la manière de mettre en place les remblais, ainsi que la pente à leur donner. À la gare de Saint-Benoît, les remblais sont essentiellement composés de galets de plage, recouverts d’une épaisse couche d’argile empêchant l’eau de remonter par capillarité ; matériaux parfaitement adaptés à ces travaux d’aménagement, comme le montrent les récentes découvertes sur Saint-Denis, qui ont mis en évidence une préparation du terrain similaire (Gerber, Baffert 2021).

4Cette plateforme était aménagée en surface par un pavage composé de galets coupés d’un côté ; leur face plane étant positionnée vers le haut. Ce sol pavé a été retrouvé dans quatre sondages, situés à l’arrière bâtiment voyageur et au nord-ouest de celui-ci, sous l’emplacement actuel d’un terrain de pétanque. Le pavage ne couvre pas toutes les zones de circulation de l’ancienne gare ; et plus près des bâtiments, ce sont des petits galets damés qui forment le sol des espaces de circulation (fig. 2).

5De part et d’autre des bâtiments (bâtiment voyageur et halle à marchandises) ont été retrouvées des traverses de rails métalliques, ainsi que plusieurs sections de voies encore en place (fig. 3). Une interruption dans le pavage, derrière le bâtiment des voyageurs, parfaitement alignée aux traverses retrouvées in situ dans le sondage voisin, d’une largeur sans équivoque, indique le passage de rails à cet endroit, aujourd’hui démantelés (fig. 4).

6Si le hangar qui accueillait autrefois les marchandises est connu par les sources historiques, il n’est pas conservé en élévation. Toutefois, ses fondations retrouvées dans les sondages 6, 7, 8 et 18 ont permis de le localiser (fig. 5). Deux états ont pu être mis en évidence. Apparaissant à une vingtaine de centimètres sous la surface, les maçonneries des fondations sont faites de galets grossièrement équarris, liés au mortier. Bien conservées, ces fondations ont permis d’identifier les différents murs de l’ancien édifice, qui devait mesurer 8 m de largeur et 22,70 m de longueur dans son état initial, pour atteindre une longueur totale de plus de 40 m avec son extension, mise en place en 1940. Ce local, annexé largement après l’édification de la halle de marchandises, pourrait bien correspondre à l’abri de transbordement des sucres arrivant par camion.

9Ce diagnostic apporte de nombreuses informations sur ce secteur très peu étudié jusqu’à présent. Il prouve l’intérêt de la récente discipline qu’est l’archéologie ferroviaire, en offrant son lot de données inédites, autant sur les travaux de mises en place de la plateforme accueillant les bâtiments de la gare (terrassement, mise en place de la canalisation du bras Banane), que sur les bâtiments en eux-mêmes (matériaux et méthodes de construction, états successifs). La collecte et le traitement des données a abouti à la restitution d’un plan de la gare du « Km 0 », dans la seconde moitié du xx^e s. (fig. 8).

10Les fondations retrouvées sous le terrain de foot sont également d’un intérêt notable, permettant de les associer aux restes d’un entrepôt de marine.