- 1 Équipe de terrain et de post-fouille : Thierry Cornec, Manuelle Prié, Blandine Larmignat (mise en p (...)
1Une opération de diagnostic a été prescrite en amont de l’aménagement agricole de parcelles actuellement en friche sur les rives droite et gauche de la ravine Bernica, dans les Hauts de la commune de Saint-Paul (fig. 1). Elle a eu lieu du 17 février au 6 mars et a été effectuée par l’Inrap1.
Fig. 1 – Localisation cadastrale des emprises de prospection
DAO : T. Cornec (Inrap).
- 2 BNF GE SH18 PF218 DIV6 P1D : Carte particulière d’une partie de l’îsle de Bourbon depuis la pointe (...)
2Un chemin, le contour Manery, et trois parcs à bœufs sont conservés au nord de la limite de l’emprise (fig. 2). En raison d’un fort couvert végétal, les 14 ha du projet n’ont pu être explorés exhaustivement. La progression a été guidée par les anomalies découvertes sur les photographies aériennes des années 1950 à 1970 (fig. 3), sur la cartographie du secteur aux xviiie et xixe s.2, et par la documentation issue de travaux antérieurs (Hoarau et coll. 2013 ; Brial 2016 ; Lamarque 2014 ; De Raeve 2020).
Fig. 2 – Le chemin contour Manery
Au nord de l’emprise des diagnostics.
Cliché : CBO Territoria.
Fig. 3 – Localisation des traces anthropiques sur une photographie aérienne de 1950
DAO : T. Cornec (Inrap).
3Plusieurs chemins parcourent l’emprise. Souvent réduites à des layons ou à des alignements sporadiques de blocs, les 13 sections découvertes se chevauchent peu et ne dessinent pas un réseau organisé. Deux d’entre eux sont particulièrement bien conservés.
4Le premier (chemin 3), situé en rive droite, permet d’accéder au fond de la ravine, en amont du bassin Sandrine. Il est régulièrement entretenu (défrichage régulier et reprise des murets bordiers), et très lisible sur sa partie plane, sur le plateau, comme sur sa partie en pente, en pied de falaise où l’emmarchement est conservé (fig. 4). Ce chemin a été utilisé pour mener les troupeaux de bœufs et de cabris au bassin.
Fig. 4 – Chemin 3, emmarchements vus vers le nord
Cliché : T. Cornec (Inrap).
5Le second (chemin 9), pavé, est préservé par un épais couvert herbeux. La chaussée est parfaitement conservée, y compris ses bordures, sur une largeur de 3,25 m. Les dalles qui le constituent sont régulièrement disposées (fig. 5). Ce dernier est aussi le plus ancien découvert lors de cette opération, son tracé rectiligne étant celui du chemin dit de Bernica.
Fig. 5 – Chemin 9, sondage, pavage de la chaussée
Cliché : T. Cornec (Inrap).
6Une part de ces chemins conduit à des vestiges construits. Un premier groupe de deux bâtiments maçonnés se trouve à proximité d’une ravine : l’un pourrait être un moulin, et le second un bassin (fig. 6). Le bassin, quadrangulaire (5,70 m x 4,40 m) est intégralement conservé à l’exception des angles, dont les moellons ont été ôtés. L’appareil irrégulier des maçonneries, en blocs de basalte, est partiellement enduit à l’extérieur, et se poursuit sur les parements intérieurs de la cuve, aux angles arrondis. Le second bâtiment est lui, partiellement conservé. Son appareil est irrégulier, et plusieurs empreintes de poutre sont visibles sur les parements intérieurs et extérieurs, dont certaines sont traversantes. Quelques aménagements sont conservés au pied du mur nord, sous forme de murets faits de briques rectangulaires. L’extérieur des deux édifices gardent des traces d’aménagements (terrasses, accès). Quelques pièces de mobilier découvertes en surface permettent de proposer leur fonctionnement dans la deuxième moitié du xixe s.
Fig. 6 – Bassin et bâtiment 2
Cliché : T. Cornec (Inrap).
7Un second ensemble regroupe trois bâtiments rectangulaires, construits en pierres sèches, probablement les vestiges d’un habitat pérenne, à proximité du rempart droit de la ravine Bernica.
8Ce corpus de vestiges est complété par des aménagements agraires, terrasses, murs et murets dessinant un parcellaire (fig. 7), traces d’épierrement et sillons, ces derniers tracés au siècle dernier.
Fig. 7 – Exemple du muret de pierres sèches issus d’épierrement
Cliché : T. Cornec (Inrap).
9Les résultats de cette opération complètent les rares données disponibles sur l’organisation de ces terroirs aux xviiie et xixe s., aujourd’hui abandonnés ou livrés à la culture de la canne à sucre, le plus souvent perçue uniquement par l’étude des chemins et quelques opérations archéologiques. Ces témoignages reflètent une activité encore peu étudiée à La Réunion, tant par les historiens que par l’archéologie, que l’on pourrait qualifier d’agriculture vivrière des mi-pentes. Des fenêtres d’étude ont pu être ouvertes à l’occasion de diagnostics préventifs, à Saint-Paul (Martin 2015) et à Saint-Leu (Cornec 2019) et d’opérations programmées (Legros 2016a et 2016b). Chacune de ces études a permis la mise au jour de structures agraires organisées, liées ou non à un habitat.